-
17 0ctobre : 55 ans après Dénoncer la falsification de l’histoire
Pierre Vidal-Naquet : «on peut donner l’agrégation à un âne, il n’en reste pas moins un âne»... Ceux qui cherchent à falsifier l'Histoire sont des ânes !!!
Ils répondent aux ânes bâtés
17 octobre : 55 ans après
Dénoncer la falsification de l’histoire
Un collectif, sous la houlette de deux centres issus de milieux «algérianistes» et «Algérie française», le Centre de documentation des Français d’Algérie (Perpignan) et le Centre de documentation sur l’histoire de l’Algérie (Aix-en-Provence), publie un texte mettant en cause la Fédération de France du FLN, à qui il est imputé d’avoir organisé une manifestation interdite, avec les effets sanglants que l’on connaît. «Le FLN aurait, selon toute vraisemblance, délibérément choisi la stratégie de la provocation dans un contexte de logique de lutte d’influence au sein du FLN et de guerre révolutionnaire.»
On passera sur la mise en avant injustifiée de la lutte FLN-MNA pour faire accréditer la thèse de «la fuite en avant» du FLN. C’est un anachronisme puisque, en 1961, la guerre fratricide est presque à son terme, avec un leadership de fait du FLN dans l’émigration.
La raison serait donc une réaction désespérée des structures du FLN en France face à la répression policière : «La préfecture de police amplifie la collaboration entre ses services et forme une unité de policiers auxiliaires (FPA), de recrutement arabo-kabyle, qui met les organisations politiques et militaires du FLN en difficulté.»Le couvre-feu est instauré le 5 octobre, alors que «la série d’agressions du printemps et de l’été 1961 a mis la police parisienne à cran (22 policiers ont été tués depuis le début de l’année) : la violence de la répression de la nuit du 17 octobre 1961 et la commission de certains excès l’attestent».
«Excès» ? Etonnant terme pour dédouaner les auteurs d’assassinats. Les signataires restent sur leur vision justificatrice de la hargne policière, estimant que le FLN «connaissait l’état d’exaspération des forces de l’ordre». En contrepoint de son objectif révisionniste, le collectif reconnaît ainsi que certains policiers ont bien agi de manière inconsidérée, avec un souci de revanche et la bénédiction des autorités de tutelle.
Walid Mebarek
Henri Pouillot. Militant des droits de l’homme
«Le colonialisme n’a toujours pas été reconnu comme un crime contre l’humanité»
Accuser la Fédération de France d’avoir mené au carnage les Algériens le 17 Octobre 1961, cela correspond-il à une réalité ?Une telle accusation est grotesque. Certes, la Fédération de France du FLN a lancé cette manifestation contre l’avis du GPRA, mais les causes du massacre remontent à la volonté gouvernementale (Michel Debré, Roger Frey, Maurice Papon… avec la caution au moins implicite de de Gaulle) d’accentuer sur le territoire métropolitain la volonté de lutter par tous les moyens, y compris les plus extrêmes (les mêmes que sur le territoire algérien), contre les Algériens soutenant massivement la lutte de libération. D’ailleurs, l’ampleur de cette manifestation a démontré au pouvoir politique de l’époque l’adhésion profonde des Algériens vivant en France pour une Algérie indépendante.
Que visent les auteurs de cette assertion révisionniste ?
Il y a une volonté politique qui persiste en France d’une nostalgie du système colonial, ce système qui avait institutionnalisé une société sur une base raciste avec des citoyens à part entière et des sous-citoyens. Aujourd’hui, le débat sur une «identité nationale gauloise» (?), appuyé sur l’islamophobie, tente de jeter un trouble entre Français, selon leur origine, pour mieux cacher les responsabilités économiques, sociales de la politique menée. L’expression couramment utilisée «Français issus de l’immigration» ne vise pas Manuel Valls ou Nicolas Sarkozy, mais ceux (et celles) ayant un nom, un prénom, une couleur de peau laissant supposer des origines d’indigène, justifiant ainsi une discrimination systématique.
En ces temps où les propos les plus ignobles sont proférés non seulement sur les sites de la faschosphère mais aussi dans les médias grand public et des ouvrages à grand tirage (Zemmour, de Villiers...), faut-il craindre une falsification de l’histoire ?
La falsification de l’histoire est en cours, entretenue depuis longtemps : le colonialisme n’a toujours pas été reconnu comme un crime contre l’humanité. Des rappels récents le démontrent : l’évolution qui a abouti à la loi du 23 février 2005 ; les débats lancés par Nicolas Sarkozy sur l’identité nationale, relayés récemment à la suite des attentats vers une déchéance de la nationalité française ; la non-reconnaissance par la France de la lourde responsabilité d’avoir usé de tous les moyens en Algérie pour tenter d’y conserver sa domination.
C’est au prix de crimes d’Etat que la France a tenté d’écraser ce mouvement de Libération nationale : (8 Mai 1945, 17 Octobre 1961, Charonne 8 février 1962), de crimes de guerre (utilisation du gaz VX et Sarin - entre 600 et 800 villages rasés au napalm -, des essais nucléaires au Sahara dont les conséquences sont encore sensibles aujourd’hui), des crimes contre l’humanité (institutionnalisation de la torture, du viol, des camps d’internement, des exécutions sommaires…).
Il serait plus que temps que la France reconnaisse sa responsabilité et condamne ces crimes commis en son nom, comme cela fut fait par Jacques Chirac pour la Shoah, une impérieuse nécessité pour qu’elle puisse de nouveau revendiquer être le pays des droits de l’homme.
Walid Mebarek
Gilles Manceron. Historien
«Une manœuvre d’arrière-garde à traiter par le silence et le mépris»
55 ans après, les responsables de deux lieux de propagande bien connus des anciens de l’OAS et des nostalgiques de la colonisation ont tenté de rediffuser, sans honte, les mensonges proférés à l’époque par le préfet de police Maurice Papon, assassin des Algériens, et condamné par la suite par la justice française pour complicité de crime contre l’humanité pendant la Seconde Guerre mondiale.
Leur manœuvre a consisté dans la publication sur internet, sur l’un de ces sites de la «faschosphère» qui déversent le racisme et la haine, d’un texte présenté comme celui de «dix-neuf historiens et universitaires français». On y trouve le nom d’un propagandiste d’extrême droite, Bernard Lugan, qui s’était longtemps consacré à la défense de l’apartheid en Afrique du Sud et continue à vanter les mérites de la colonisation, et un universitaire que les partisans de Maurice Papon ont voulu utiliser, sans succès, pour minimiser sa répression et répondre aux travaux rigoureux de Jean-Luc Einaudi. Il y a aussi le général Maurice Faivre, qui a tenté de nier les travaux de l’historienne Raphaëlle Branche sur la torture pratiquée par l’armée française en Algérie. Les autres sont des militants d’extrême droite, dont certains sont inconnus dans le monde universitaire français.
Ce texte mérite le silence et le mépris. Il n’a même pas obtenu d’être publié par les grands médias de la droite française qui font l’éloge de la colonisation, ni d’être signé par des universitaires auteurs d’ouvrages sérieux, mais qui ont tendance à en minimiser les crimes. Le 17 octobre 1961, la Fédération de France du FLN a dû répondre à une répression raciste déclenchée, dès la reprise des négociations d’Evian, par les adversaires de l’indépendance de l’Algérie, dont le Premier ministre de l’époque, Michel Debré. Elle a réussi une mobilisation pacifique qui, comme les manifestations des 9 au 11 décembre 1960 en Algérie, a montré que le peuple algérien entrait en scène. Le président de la République française a reconnu en 2012 que «le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression». Les (vrais) historiens, en France, en Algérie et ailleurs travaillent et publient.
L’opinion française commence à comprendre les réalités de la colonisation que la propagande française a dissimulées. En 2016, à Lille, Lyon, Rennes, Grenoble, Paris et dans toute la banlieue parisienne, les rassemblements et les hommages aux manifestants algériens de 1961 ont été plus nombreux et plus importants que jamais. Là est l’essentiel. Il n’est pas dans l’ultime tentative dérisoire de ce texte sans aucune valeur scientifique, qui voudrait essayer de faire parler de lui.
Fabrice Riceputi. Auteur de La bataille d’Einaudi
«Les chercheurs ont anéanti définitivement la version officielle»
Ce texte, publié sur un site de la droite dure, n’est qu’un grossier digest pseudo historique de l’argumentaire qui était celui du préfet Maurice Papon et du ministre de l’Intérieur, Roger Frey, en octobre 1961.Il s’agissait de nier l’ampleur du massacre et d’attribuer la responsabilité des violences, tout de même difficilement niables de la police, aux victimes. Tel est toujours le but poursuivi par les auteurs de ce pitoyable texte. Mais nous ne sommes plus en 1961, ni même en 1988, lorsque Papon pouvait encore soutenir ses mensonges sans trop de crainte d’être contredit.
N’en déplaise à ces messieurs, depuis lors, non sans les fortes résistances que l’on sait, la vérité a fait son chemin. Jean-Luc Einaudi, puis Jim House et Neil Mac Master, et d’autres ont anéanti définitivement la version officielle, consultant notamment presque toutes les archives, finalement ouvertes aux chercheurs. Leurs conclusions font l’objet d’un fort consensus aujourd’hui : l’histoire d’Octobre 1961 est faite, les faits, pour l’essentiel, sont établis. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de concéder à ces gens une discussion point par point.
Ce serait leur faire trop d’honneur. Le pensum de ce «collectif» serait seulement risible, ou pathétique, s’il ne consistait pas, comme toutes les tentatives de type négationniste, à assassiner une seconde fois les victimes. Ainsi nos disciples de Papon assassinent-ils une seconde fois Fatima Bedar, en prétendant que J.-P. Brunet aurait «démontré» qu’elle s’est suicidée. Brunet n’a rien démontré du tout : il répète les archives de la police - laquelle a évidemment archivé sa version mensongère sur l’assassinat de cette jeune fille de 15 ans et non son crime. C’est ce que Brunet a toujours fait et qui constitue son étrange méthode «historique». Je me permets ici de rappeler un propos public de Pierre Vidal-Naquet : «on peut donner l’agrégation à un âne, il n’en reste pas moins un âne».
Pourquoi ce combat d’arrière-garde ? C’est sans aucun doute à mettre en rapport avec la tentative actuelle de l’extrême droite et la droite dure françaises de la réhabilitation de la colonisation elle-même, en dénonçant toute reconnaissance de ses crimes comme une «repentance». Une entreprise dont les acteurs sont des politiciens, des médias et quelques bateleurs trop bien connus qui se posent en briseurs de «tabous».
Dans les années 2000, certains avaient déjà tenté de nier ou de minimiser l’usage systématique de la torture et des exécutions sommaires par l’armée française, en remettant en cause tout à la fois le témoignage des victimes et le travail extrêmement sérieux de chercheuses comme Raphaëlle Branche. Les mêmes, qui poursuivent la guerre d’Algérie par d’autres moyens, comme Robert Ménard à Béziers, pensent avoir à présent enfin une fenêtre de tir sur le 17 Octobre 1961 dans le cadre de cette offensive idéologique sur l’histoire comme un «roman national» intégralement édifiant. On les avait vu hurler à la démoralisation de la nation et de sa police en 2012 lors de la reconnaissance, pourtant bien timide par Hollande, de la «sanglante répression». Ils croient sans doute encore défendre l’honneur de la France. Je pense, quant à moi, qu’ils lui portent gravement atteinte.
Walid Mebarek
« Aux nostalgiques de l'Algérie Française, aux anciens de l'OAS, et aux extrémistes de tous poils ......Un prof sur le front »
-
Commentaires