• « Le colonialisme est un crime au profit   du capitalisme français »

    « Le colonialisme est un crime au profit

     du capitalisme français »

     

    « Le colonialisme est un crime au profit   du capitalisme français »

    Les propos tenus par E. Macron à la télévision algérienne sur le colonialisme en tant que « crime contre l’humanité » ont suscité un débat virulent, des condamnations à droite et des précisions juridiques ou des silences à gauche.

    Nous rejetons les conceptions de la droite et de l’extrême-droite nostalgiques du colonialisme au point de le considérer comme un « échange de cultures », niant l’asservissement des sociétés colonisées considérant l’histoire française comme un « roman national » contraire à toute science historique, voulant obliger les enseignants à évoquer un pseudo-aspect « positif » de la colonisation…

    De très nombreux actes du colonialisme français, parfaitement documentés, répondent à la définition de l’article 212-1 du Code pénal sur les crimes contre l’humanité. Cependant, la caractérisation juridique du colonialisme est secondaire, il s’agit d’abord de reconnaître son caractère criminel et d’en comprendre les conséquences.

    Le colonialisme c’est l’asservissement et la destructuration des sociétés colonisées, ce sont des politiques de dépossession (destructions innombrables, spoliation des terres, l'imposition de monocultures…) et des massacres innombrables. Le colonialisme a bénéficié au capitalisme français économiquement, mais également socialement en accordant des privilèges aux colons, même quand ils étaient pauvres. Il a ainsi augmenté ses marges de manœuvre pour lâcher du lest aux travailleurs du continent grâce aux surprofits enregistrés.

    C’est pourquoi E. Macron ne peut pas porter une véritable critique contre le colonialisme comme le prouve son « pardon » pour ses paroles lors de son meeting de Toulon. Approfondir la question aurait signifié s’attaquer aux racines même d’un système capitaliste français dont il est un pur produit et un champion.

    « Il faudrait d’abord étudier, écrivait Aimé Césaire en 1955, comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à la dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral ».

    Nous ne voulons pas oublier les guerres que les gouvernements français ont menées, de 1945 à 1962, contre les peuples qui voulaient leur indépendance.

    Le mouvement ouvrier, le mouvement social et écologique, la gauche politique doivent se confronter à la réalité du colonialisme français, à ses conséquences sur la société en termes de racisme structurel, à ses survivances sur le territoire de l’Etat français et à l’international (particulièrement en Afrique). La question n’est pas accessoire elle est au cœur de toute politique d’émancipation.

    Ensemble ! considère le colonialisme comme un crime au profit du capitalisme français et soutient l’Appel pour la reconnaissance des crimes coloniaux commis par la France.  (Cliquez ici pour signer la pétition).


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    Dans cet article toute la classe politique

     en prend pour son grade 

    L’intolérable révisionnisme

     sur le colonialisme

    Pierre Stambul, professeur de mathématiques à Marseille

    Vice-président de l'Union Juive Française pour la Paix

    Un juif français pour la paix et contre le sionisme

     

    Il aura suffi qu’un présidentiable amateur de paillettes réalise qu’il y a des voix à prendre dans les banlieues et énonce une évidence : « la colonisation a été un crime contre l’humanité » pour que le ban et l’arrière-ban des nostalgiques du « temps des colonies » lui tombe dessus. Macron était tellement peu convaincu par ses propres propos qu’il s’est cru obligé de singer De Gaulle avec un vibrant « je vous ai compris » adressé aux anciens de l’Algérie Française.

    Qu’as-tu appris à l’école ?

    Cette belle chanson de Tom Paxton (1963) traduite par Graeme Allwright parle de l’école américaine. Et la nôtre ?
    J’ai appris que la France allait de Dunkerque à Tamanrasset. Qu’il y avait 15 départements avec préfectures et sous-préfectures en Algérie et deux territoires sahariens. Que certaines villes avaient de jolis noms sentant bon la province : Philippeville, Orléansville, Bougie, La Calle.

    J’ai appris que le dey d’Alger avait vraiment été méchant en 1827 en frappant du « manche de son chasse-mouche » le consul de France et que c’est un peu à l’insu de notre plein gré qu’il avait fallu réparer l’outrage.

    J’ai dû me fader les noms de grands généraux :

     

    Le père Bugeaud (comme dit la chanson avec sa casquette) a été le « pacificateur » de l’Algérie. Heureusement, Wikipédia nous en dit aujourd’hui un peu plus : Les troupes furent divisées en colonnes mobiles ; elles pourchassèrent les résistants algériens par une incessante offensive et, pour les affamer, firent le vide devant eux, incendiant les villages, raflant les troupeaux. C’est la politique de la terre brûlée. Il disait « Le but n’est pas de courir après les Arabes, ce qui est fort inutile ; il est d’empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer, […] de jouir de leurs champs […] Allez tous les ans leur brûler leurs récoltes […], ou bien exterminez-les jusqu’au dernier. » Critiqué pour ses « enfumades », il eut une réponse qui pourrait être aujourd’hui celle de Trump quand il fait l’apologie de la torture : « Et moi, je considère que le respect des règles humanitaires fera que la guerre en Afrique risque de se prolonger indéfiniment ». Si vous avez des interrogations sur le joli terme d’enfumade, Wikipédia a la réponse : Des milliers d’Algériens (y compris des femmes et des enfants) sont enfumés ou emmurés dans les grottes d’Algérie. En effet, les populations civiles se réfugiaient souvent dans des grottes pour échapper aux combats.

    Si Bugeaud sent un peu le moisi dans certains milieux, le Maréchal Lyautey est toujours célébré comme étant le « pacificateur du Maroc » et on peut acheter sur Internet des médailles à l’effigie de ce grand philanthrope. Ce gradé fera ses premières armes en « rassurant et en remettant au travail les paysans du nord du Madagascar » (sans rire). On a appris sur Lyautey des phrases énigmatiques : « il parvient à pacifier la zone frontière, il réprime un soulèvement … La révolte continue et on a bien du mal à la contenir ».

    Lyautey avait fait ses premières armes auprès d’un autre grand général dont on nous a célébré les exploits : Joseph Galliéni. Devenu gouverneur général de Madagascar, il travailla à la grandeur de la France : « À la méthode diplomatique de son prédécesseur, le général M. Laroche, il préfère la méthode forte pour endiguer la montée de la résistance anti-coloniale. Il instaure le travail forcé des indigènes … Au total, la répression qu’il mène contre la résistance malgache à la colonisation aurait fait de 100 000 à 700 000 morts pour une population de 3 millions. »

    Il y a un hôtel Galliéni à Marseille et une station de métro à Bagnolet. Pas d’avenue Philippe Pétain : célébrer le fascisme est devenu politiquement incorrect mais célébrer les génocides coloniaux ne pose pas de problème.

    De l’esclavage à la colonisation.

    Dans l’histoire, les prédateurs ont souvent été des pillards.

    La découverte et la conquête de l’Amérique marquent un tournant. Les peuples autochtones vont subir une violence extrême. 90% de ces « indigènes » disparaîtront, victimes de massacres, de maladies venues d’Europe et du travail forcé. La « controverse de Valladolid » (1550-1551) reste d’une incroyable actualité. Le théologien Juan Gines de Sepulveda justifie la colonisation et l’évangélisation forcée par la « cruauté des civilisations précolombiennes ». On croirait entendre Sarkozy sur les « Africains qui ne sont pas entrés dans l’histoire » (Dakar, 2007).
    Entre 7 et 8 millions d’Amérindiens mourront au travail pendant les 4 siècles d’exploitation de la mine de Potosi à près de 5 000 m d’altitude. Les conquistadors s’acharneront aussi à effacer toute trace de la culture autochtone en construisant leurs églises et cathédrales sur les temples originels. Un « sociocide » s’ajoutera au génocide : les sociétés autochtones seront éradiquées au nom de la vraie foi et de la « modernité ».

    Si certains Espagnols « avancés » comme Bartolomé de las Casas pensaient que les Indiens avaient une âme, il y avait unanimité pour considérer que les Noirs n’en avaient pas.

    L’esclavage a non seulement été une horreur pour celles et ceux qui l’ont subi mais il a durablement déstructuré les sociétés africaines. On évalue à 14 millions le nombre d’esclaves enlevés et déportés en Amérique. La traite est à l’origine de la prospérité des pays européens maritimes et des grands ports atlantiques. L’accumulation des richesses issues de la traite est à l’origine du développement du capitalisme

    Le « grand ministre » Colbert tant vanté dans nos manuels scolaires est l’auteur du « Code Noir » qui promulgue la loi sur les relations entre les esclaves et leurs maîtres. Abrogé par la Révolution Française, l’esclavage sera rétabli par Napoléon. Il ne sera aboli qu’en 1848 en France et en 1888 à Cuba ou au Brésil.

    Aux États-Unis, même s’il a existé un important mouvement abolitionniste (voir l’étonnante histoire de John Brown) avant la guerre de Sécession, ce n’est absolument pas « par humanisme » que le Nord a fait la guerre au Sud. Cette guerre a levé tout frein à l’expansion du capitalisme « yankee » naissant. Celui-ci a rapidement montré sa férocité là où il a conquis des nouveaux territoires (Ouest des États-Unis, Cuba, Philippines).

    Après la fin théorique de l’esclavage (1865), les Noirs, privés de terre et de moyens d’existence, vont vivre un siècle de discriminations et de lynchages. Les lynchages étaient annoncés dans la presse à l’avance et aucune autorité ne voulait ou ne pouvait s’y opposer.

    Le colonialisme ne marque en rien une rupture par rapport à l’esclavage. C’est sa continuation par d’autres moyens. En s’emparant de l’essentiel des richesses et en déstructurant totalement l’économie locale, les colonisateurs n’ont plus besoin du travail forcé, les indigènes cherchent du travail pour survivre. Au Congo, pour construire la ligne de chemin de fer entre Pointe-Noire et Brazzaville (1921-1934), 127 000 ouvriers furent recrutés et 17 000 y laissèrent la vie.

    Le colonialisme, c’est génial pour le capitalisme : on connaît l’histoire du coton cultivé dès le XVIIIe siècle en Inde, transformé dans les usines de Manchester et réexporté en Inde.

    Les colonies constituent aussi un immense réservoir pour les armées des États colonisateurs : zouaves, tirailleurs, spahis, goumiers … ces jolis noms masquent mal l’enrôlement plus ou moins forcé des indigènes dans l’armée de la république.

    À Marseille, on célèbre le général de Montsabert qui libère la ville en août 1944. On masque soigneusement le fait que seule la hiérarchie de cette armée était blanche. Ces tirailleurs ont été bien mal récompensés. 300 d’entre eux qui réclamaient leur solde ont été exécutés à Thiaroye (Sénégal) en 1944.

    La conquête coloniale a été meurtrière partout : Algérie, Madagascar, Maroc… La guerre du Rif a fait des milliers de morts. Le 14 juillet 1926, la France du Cartel des Gauches a rassemblé sous l’Arc de Triomphe les principaux acteurs de cette victoire de la « civilisation » : Aristide Briand, Édouard Herriot, Philippe Pétain, Primo de Rivera (qui fondera les Phalanges espagnoles).

    Quand la « décolonisation » commence, immédiatement après la défaite du nazisme, les crimes contre l’humanité vont s’accumuler : le bombardement d’Haiphong décidé par l’amiral d’Argenlieu (6 000 morts en 1946) déclenche la première guerre du Viêt-Nam.

    Dans l’île de Madagascar, quand des paysans se révoltent en 1947, la « pacification » se met en marche sous les ordres du gouvernement « socialiste » de Paul Ramadier : il y aura officiellement 89 000 morts. Bien avant les militaires fascistes argentins, l’armée française jettera des suspects d’avions pour « terroriser » la population.

    La France n’est pas la seule dans le massacre de masse des colonisés : les troupes britanniques ont massacré 12 000 Palestiniens pendant la révolte de 1936-39 et un nombre équivalent de Kikuyus au Kenya pendant l’insurrection Mau-Mau (1952-56). L’Allemagne a été privée de colonies après 1918. Mais c’est l’Allemagne impériale qui a perpétré le premier génocide du XXe siècle : l’extermination des Héréros et des Namas dans le Sud-Ouest Africain (Namibie, 1904-7).

    La gauche et le colonialisme

    Les « Lumières » ont-elles été contre l’esclavage et pour l’égalité de tou-te-s indépendamment de leur origine et de la couleur de leur peau ?

    Oui et non. Il y a eu un mouvement d’idée qui a mené à l’abrogation de l’esclavage. Celui-ci est vivement condamné par Diderot et d’Alembert dans « l’Encyclopédie », par Voltaire dans « Candide » et dès 1788, est créée une « société des amis des Noirs ». Mais le siècle des Lumières est aussi celui de la classification « scientifique » des races. Et même Diderot ou Voltaire (homme d’affaire peu regardant sur l’origine de son argent) ne sont pas exempts de préjugés racistes.

    Les partis bourgeois dits « de gauche » seront bien sûr colonialistes. Ils ne verront aucune contradiction entre leur anticléricalisme et l’utilisation de l’Église pour aller évangéliser les colonisés et en faire des auxiliaires à l’entreprise coloniale.

    Le socialisme est né comme expression des classes ouvrières européennes. Il a tardé à comprendre la question coloniale quand il ne l’a pas totalement ignorée. Louise Michel est une fantastique exception : pendant les 7 ans de sa déportation en Nouvelle Calédonie (Kanaky), elle a un rapport d’échange mutuel avec les Kanaks et elle prend leur défense au moment de l’insurrection de 1878 (la tête de Ataï qui dirigea l’insurrection fut achetée et conservée dans le formol. C’est beau, la civilisation). C’est elle qui témoignera de la sauvagerie de la répression alors que les autres déportés pactisent avec l’armée.

    La « gauche », toutes tendances confondues, a largement propagé l’idée que les peuples européens apportaient civilisation et modernité à des peuples arriérés, en tout cas pas mûrs pour le socialisme.

    Dès qu’apparaît l’aile réformiste du socialisme, celle qui s’est ralliée à l’Union Sacrée en 1914, on va retrouver des « socialistes » à l’avant-garde du colonialisme.
    C’est le Front Populaire qui dissout en janvier 1937 l’Étoile Nord Africaine, le parti de Messali Hadj, en application du « décret Régnier » qui réprimait les manifestations contre la souveraineté française en Algérie.

    Après 1945, on retrouvera la SFIO puis le PS actifs dans toutes les entreprises coloniales ou néo-coloniales. Il y a l’Algérie bien sûr. Guy Mollet avait en interne un langage de « marxiste orthodoxe ». Il gagne les élections de 1956 sur la promesse de la paix en Algérie. Très rapidement, il obtient les pleins pouvoirs et lance les paras dans une guerre totale. La torture, les disparitions, les viols, les « corvées de bois », les camps seront organisés et gérés par des « socialistes » : Max Lejeune, Robert Lacoste. Malgré cet acharnement barbare, l’Algérie obtiendra l’indépendance.
    Les socialistes aideront aussi une entreprise néocoloniale : la conquête de la Palestine par les sionistes. Leur aide a été déterminante dans l’acquisition par Israël de la force nucléaire.

    Quand Mitterrand arrive au pouvoir en 1981, les magouilles meurtrières de Foccart qui envoie systématiquement l’armée française au secours des pires dictateurs africains semblent discréditées. Jean-Pierre Cot devient ministre délégué chargé de la Coopération et du Développement avec l’idée d’impulser de nouvelles pratiques. En désaccord avec le système de la Françafrique qui se poursuit, il démissionne. Son successeur, Christian Nucci sera compromis dans le premier grand scandale de la Mitterrandie : l’affaire du Carrefour du développement.

    Le soutien aux multinationales et aux dictateurs africains sera désormais plein et entier sous la droite comme sous la « gauche ». Pour le crime le plus effroyable, le soutien militaire jusqu’au bout aux génocidaires du Rwanda, les responsabilités sont partagées entre Mitterrand, Balladur et Juppé.

    Il serait diffamatoire de mettre sur le même plan l’attitude des communistes face au colonialisme. Ils se sont battus contre la guerre du Rif et contre la guerre d’Indochine. Beaucoup de dirigeants anticolonialistes (comme Ho-Chi-Minh) ont été formés par ce parti. Sur l’Algérie, il y a un couac terrible. Le 8 mai 1945, quand l’armée française commence un massacre qui fera des milliers de morts à Sétif et Guelma, l’Humanité appelle à « châtier impitoyablement et rapidement les organisateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l’émeute ». Mais beaucoup d’anticolonialistes ou plus tard de porteurs de valise sont issus des rangs communistes. On célèbre la mémoire de Fernand Iveton, communiste français d’Algérie rallié au FLN et guillotiné en février 1957 (le garde des sceaux était alors Mitterrand). Des militants comme Henri Alleg ou William Sportisse qui ont connu la prison ou la torture n’ont jamais « chargé » le parti communiste. Pour eux et pour beaucoup, le PCF est le parti des mort-e-s du métro Charonne. Pourtant, en tant que parti, le PCF a voté les pleins pouvoirs à l’armée en 1956 et en est resté au seul mot d’ordre « paix en Algérie ». Il aura été bien timide sur la question de l’indépendance.

    Algérie : la parole n’a jamais été dite

    On attend en vain une reconnaissance par les plus hautes autorités françaises de ce que le colonialisme a fait en Algérie sur le mode d’un Willy Brandt s’agenouillant à Auschwitz.

    Rétablissons les faits : non, la France n’a pas apporté la « modernité » en Algérie. Sauf si on considère que les colons en liesse le 13 mai 1958 à Alger (jour du coup d’État) arrachant les voiles des femmes musulmanes, c’est un acte de modernité.

    La France a pris les meilleures terres, elle a fait « suer le burnous ». Elle a divisé officiellement la population en fonction des origines et de la religion. Les juifs sont devenus français (décret Crémieux, 1870) mais pas les musulmans, le colonialisme a toujours divisé et fragmenté les sociétés dominées. Les musulmans (que la loi nommait « indigènes ») n’avaient qu’un seul droit, travailler pour leurs maîtres. Leur droit à la citoyenneté n’a jamais existé.

    Au début de l’insurrection en 1954, 90% des musulman-e-s étaient analphabètes. Après 130 ans de présence française !!

    La défaite du nazisme avec lequel beaucoup de colons avaient collaboré n’a signifié en rien un changement des rapports coloniaux. Le massacre qui a commencé le jour de la capitulation du IIIe Reich à Sétif a fait entre 3 000 et 30 000 mort-e-s.

    La guerre (1954-1962) a connu le sobriquet « d’événements ». Elle a fait périr 7 à 8% de la population de l’époque.

    Faut-il détailler ce qu’a fait notre chère armée ? La construction d’un mur miné et électrifié de 320 km sur la frontière, les massacres de villages comme à Beni Oudjehane (mai 1956), le détournement d’un avion pour enlever la direction du FLN. En 1959, Michel Rocard écrit un livre sur les camps de regroupement (il faudrait parler de camps de concentration) où l’armée française faisait mourir à petit feu la population civile démunie de tout.

    Tout a été utilisé dans cette guerre : la torture, les exécutions sommaires, le viol (que subiront des résistantes comme Louisette Ighilariz), la censure, la répression contre les Français solidaires. Cette guerre a engendré un fascisme bien français (celui de l’OAS) qui a été à deux doigts de prendre le pouvoir.

    Il aura fallu le courage et la fierté du peuple algérien, la détermination d’une petite poignée de Français (le général de la Bollardière qui démissionne de l’armée, les 121 intellectuels, le réseau Jeanson, les journalistes qui osent enquêter et parler) pour en finir avec ce crime. Il aura fallu que, malgré le silence étatique, des militants comme Jean-Luc Einaudi s’acharnent à enquêter pour faire la lumière sur les dizaines d’Algérien-ne-s de Paris jetés dans la Seine par la police de Papon le 17 octobre 1961.
    Il aura surtout fallu d’énormes pertes dans un contingent qui a fini par refuser de mourir pour les colons. Cela explique l’émergence d’un puissant mouvement populaire (500 000 personnes aux obsèques des victimes de Charonne) qui a pu imposer la fin de la boucherie.

    L’intolérable révisionnisme   sur le colonialisme

    La vérité a été enfouie avec l’amnistie et ce non-dit a permis l’essor du Front National qui regroupait à ses débuts pleins d’anciens de l’OAS. Les Salan, Jouhaud, Massu, Aussaresses sont morts dans leur lit. On ne sait pas comment est mort sous la torture Maurice Audin et ce qu’on a fait de son corps. Il aura fallu des films comme « Avoir 20 ans dans les Aurès » (1972) ou « La bataille d’Alger » (tourné en 1966, interdit en France jusqu’à 1971) pour que la vérité crue commence à sortir.

    La colonisation n’a jamais cessé

    En 1978, François Béranger chante dans « Mamadou m’a dit » : « les colons sont partis. Ils ont mis à leur place une nouvelle élite de noirs bien blanchis … Que l’Afrique se démerde. Que les paysans crèvent. Les colons sont partis avec, dans leurs bagages quelques bateaux d’esclaves pour pas perdre la main …

    La décolonisation est un leurre. Presque partout, le colonisateur a installé ses hommes pour garantir les profits et le pillage. Entre 1955 et 1962, la France a mené une guerre totale contre les indépendantistes de l’UPC. Les estimations vont de 20 000 à 120 000 mort-e-s. La France a installé son homme (Ahidjo) au pouvoir et Jacques Foccart a obtenu en 1971 l’exécution du dirigeant de l’insurrection Ernest Ouandié.

    L’Afrique a été livrée aux multinationales. L’armée française est intervenue pour maintenir au pouvoir les pires dictateurs, ceux qui garantissent les profits miniers ou l’exportation à bas prix des matières premières. Elle a utilisé des mercenaires comme Bob Denard aux Comores. Elle n’est pas étrangère à l’assassinat de Thomas Sankara. Multinationales et armée française ont une responsabilité directe dans des massacres de masse comme ceux perpétrés au Congo-Brazzaville par Sassou Nguesso ...

    Dans les DOM-TOM, tout a été fait pour maintenir une dépendance totale vis-à-vis de la métropole. En Martinique, les Békés ont survécu à la Révolution (contrairement à la Guadeloupe où ils ont été guillotinés). Deux siècles plus tard, leurs descendants possèdent toujours l’essentiel de la production et de la distribution.
    Quand la France a testé sa bombe atomique, ça s’est fait chez les colonisés (Sahara, Polynésie).

    La colonisation est théoriquement devenue politiquement incorrecte. Mais il ne fait pas de doute que le soutien inconditionnel apporté par l’Occident à Israël vient du fait que, là-bas, la reconquête coloniale est en marche.

    En Europe vit aujourd’hui une importante population post-coloniale. Environ 10% de la population française. Une population prolétarisée que nos capitalistes sont allés chercher pendant les Trente Glorieuses. Pour eux, la colonisation ne s’est jamais arrêtée, même si la plupart ont acquis la nationalité française. La discrimination est la règle, au travail ou au logement avec la constitution d’énormes ghettos urbains. La stigmatisation contre eux continue comme au bon vieux temps des colonies. Toujours la même accusation d’être arriérés, de ne pas avoir accepté les « valeurs » de notre société. Contre eux, les contrôles au faciès et les violences policières sont la règle.

    Allez, courage, Macron ! Après une intuition comme celle que tu as eue, tu as encore du chemin à faire pour aller au fond d’une dénonciation plus que jamais nécessaire.

    Pierre Stambul

    SOURCE : http://www.ujfp.org/spip.php?article4179 

     

     


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  • «Dominique Bussereau devrait relire ses manuels d’histoire, conclut Pascal Blanchard. Car vouloir mélanger la colonisation et l’intégration de Nice et de la Savoie au territoire français, c’est vouloir faire perdre sa spécificité à l’histoire coloniale, avec les crimes qui l’ont émaillée.» 

    La Savoie a-t-elle été colonisée ? Et au fait, c'est quoi

    la colonisation ?

    La Savoie a-t-elle été colonisée ? Et au fait, c'est quoi  la colonisation ?

    Dominique Bussereau devant le siège des Républicains, en septembre 2015. Photo Albert Facelly pour Libération

    En plein débat déclenché par Emmanuel Macron autour des «crimes contre l’humanité» commis durant la période coloniale, un député LR tente de relativiser et de comparer l’annexion de Nice et de la Savoie au processus colonial.

    Voilà dix jours déjà que le débat fait rage autour d’Emmanuel Macron depuis qu’il a qualifié la colonisation de «crime contre l’humanité» (il s’est depuis ravisé et parle désormais de «crime contre l’humain») le 14 février. La sortie a généré moult indignations. Jusqu'aux plus originales. Interrogé par nos confrères de France Info, le député LR Dominique Bussereau a mis en doute l'affirmation de Macron en se livrant à un curieux parallèle : «Qu’est-ce que ça veut dire, la colonisation ? La Savoie est arrivée dans l’ensemble français après la Réunion [...]. Idem pour le comté de Nice. Peut-on considérer que la Savoie et le comté de Nice ont été victimes d’une forme de colonisation ?»

    On ne saurait mettre sur le même plan la colonisation de l'Algérie et la cession à la France de la Savoie... mais les deux épisodes peuvent-ils malgré tout être regroupés sous le même terme de «colonisation». Et sinon, pourquoi? Pour répondre à ce questionnement, Libération s’est tourné vers trois historiens spécialistes de la colonisation : Nicolas Bancel, professeur à l’université de Lausanne ; Pascal Blanchard, chercheur au CNRS ; et Romain Bertrand, directeur de recherche rattaché au Ceri (Sciences-Po). Verdict : tous trois jugent absurde la comparaison entre la colonisation et les territoires de Nice et de la Savoie.

    Quand Nice, la Savoie et la Corse ont-elle été définitivement intégrées au territoire français ?

    Ces trois territoires ont été définitivement incorporés à l’Etat français relativement tard, à des époques où la France, quel que soit le régime politique en vigueur, était aussi engagée dans la colonisation.

    La Corse a été confiée en 1768 par Gênes à la France pour pacification, prêt qui s’est transformé en don quand la cité-Etat s’est révélée incapable de rembourser ses dettes au roi de France. Le comté de Nice et la Savoie ont été cédés à la France en 1860, en échange de l’aide apportée par Napoléon III à la Sardaigne dans sa guerre contre l’Autriche-Hongrie. Entre les deux, à partir de 1830, les forces françaises entreprenaient la conquête de l’Algérie.

    «Qu’est ce que ça veut dire, la colonisation ?»

    Dominique Bussereau pose les termes d’une question intéressante. On a tous plus ou moins une idée de ce que peut recouvrir la colonisation dans le discours public : une soumission, par des puissances la plupart du temps européennes, de régimes lointains, souvent au détriment des populations locales. Mais existe-t-il une définition consensuelle de la colonisation ?

    Unanimes, les chercheurs que nous avons sollicité distinguent nettement la colonisation et les transferts de territoires intra-européens, tels que le comté de Nice ou la Savoie, monnaie courante pendant tout le Moyen-Âge et jusqu’à la stabilisation des frontières aux XIXe et XXe siècles.

    Pascal Blanchard et Romain Bancel évoquent tous deux une définition historiographique qui fait consensus : la colonisation, comme processus d’expansion territoriale accomplie par les puissances européennes, par la force et hors du continent. Cet accaparement de terres, précise Pascal Blanchard, donne lieu à «l’imposition de législations différenciées selon des critères ethno-raciaux».

    Romain Bertrand rappelle, lui, qu’un concept de «colonisation de l’intérieur» a aussi émergé dans les années 1950, notamment chez certains historiens britanniques :

    «Il s’agit d’un phénomène d’unification par l’Etat concomitant à celui de l’expansion extérieure des frontières. En Grande-Bretagne, l’une des manifestations de ce phénomène concerne l’intégration des populations d’Irlande et d’Ecosse, qui constituaient notamment une part importante des forces coloniales britanniques en Inde. La colonisation de l’Inde a donc été accomplie en partie par des Irlandais et des Ecossais dont le rattachement à la couronne britannique était pour le moins conflictuel. En France, on pourrait faire un parallèle avec les Corses, qui étaient par exemple plus présents, proportionnellement, que les métropolitains dans les douanes de l’AOF (Afrique-Occidentale française, NDLR).» 

    «Peut-on considérer que la Savoie et le comté de Nice ont été victimes

     d’une forme de colonisation ?» 

    La «colonisation de l’intérieur» évoquée à l’instant peut-elle correspondre à la «forme de colonisation» qu’évoque Dominique Bussereau vis-à-vis de Nice et de la Savoie ? Eh bien, pas vraiment.

    D’abord, parce que les habitants de ces deux territoires étaient infiniment mieux intégrés à la France, avant même l’annexion proprement dite, que les populations colonisées. En 1860, la Savoie et le comté de Nice, situés à la frontière française, «ont déjà été parties prenantes du royaume de France, notamment lors du règne de Charlemagne», rappelle Pascal Blanchard. Du coup, au moment de l’annexion, «90% des Savoyards parlaient déjà français, la Savoie était économiquement et culturellement intégrée à l’espace français», abonde Nicolas Bancel.

    Ensuite, parce que si l’on peut dresser un parallèle entre le concept de «colonisation de l’intérieur» avec l’histoire corse (voir ci-dessus), les modalités de transfert des territoires savoyard et niçois ont été beaucoup plus apaisées. Nice et la Savoie ont en effet été intégrées à la France après la signature d’un traité avec le royaume de Sardaigne et après la tenue de référendum dans les deux cas, même si le corps électoral était restreint du fait du suffrage universel masculin instauré en 1848 (135 000 électeurs pour la Savoie, 31 000 pour le comté de Nice).

    Enfin, parce que la colonisation dont parle Macron, celle qui a mené aux «crimes contre l’humanité» qu’il évoquait avant de se raviser un peu, ne correspond en rien au rattachement de Nice et de la Savoie. Pour Romain Bertrand, les comparer confine à l’«indécence» tant les violences qui ont accompagné la colonisation sont sans commune mesure.

    «A ma connaissance, il n’y a eu aucun massacre de grande ampleur au moment de l’intégration de ces deux territoires à la France, en 1860, rappelle-t-il. Alors que la colonisation de l’Algérie a fait des dizaines de milliers de morts, voire des centaines de milliers si l’on prend en compte l’ensemble de la période de conquête et d’occupation (de 1830 à 1962). De la même manière, les massacres de Madagascar, reconnus par Jacques Chirac en 2005, ont fait de 30 à 40 000 morts en 1947.»

    Entre outre, les statuts accordés aux populations concernées diffèrent. Les Niçois et Savoyards ont automatiquement obtenu la citoyenneté française avec les droits qu’elle supposait à l’époque. Les populations des colonies ont été victimes des «législations différenciées selon des critères ethno-raciaux» évoquées par Pascal Blanchard. Elles ont été soumises au code de l’indigénat qui, par exemple, ne reprend pas le principe, présent dans le code civil, de l’individualisation des peines. «Dans les colonies, on pouvait déporter un village entier pour un crime commis par un seul de ses membres», rappelle Romain Bertrand.

    Bref, «Dominique Bussereau devrait relire ses manuels d’histoire, conclut Pascal Blanchard. Car vouloir mélanger la colonisation et l’intégration de Nice et de la Savoie au territoire français, c’est vouloir faire perdre sa spécificité à l’histoire coloniale, avec les crimes qui l’ont émaillée.»

    Valentin Graff

    SOURCE : http://www.liberation.fr/france/2017/02/25/la-savoie-a-t-elle-ete-colonisee-et-au-fait-c-est-quoi-la-colonisation_1550844?xtor=rss-450

     

     

     

     


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  • Colonialisme et guerre d’Algérie : Repentance ! Non ! supprimez ce mot à connotation religieuse employé par la droite extrême, par l’extrême droite et toute la clique appelée la fachosphère.

    Colonialisme et guerre d’Algérie : Repentance ? Non ! supprimez ce mot à connotation religieuse employé par la droite extrême, par l’extrême droite et toute la clique appelée la fachosphère. Reconnaissance et condamnation officielle ! Oui ! mais même la gauche au pouvoir rechigne à le faire vraiment.

    Pour  la grande guerre de 14-18 on écrivait déjà  « On croit mourir pour la Patrie, on meurt pour des industriels. » C’était déjà une guerre coloniale de grande ampleur…

    En ces années anniversaires, les médias racontent « comment » a eu lieu la Première Guerre mondiale (dix millions de morts), mais jamais pourquoi. «Morts pour la patrie», proclament tous nos monuments officiels. Mensonge ! 14-18, c’était déjà une guerre du fric. Non seulement chez les «méchants» (Allemagne, Autriche), mais aussi chez les «gentils" (France, Angleterre, Belgique…), le véritable enjeu était : quelle puissance dominera le monde et contrôlera ses richesses ?

    Concernant le colonialisme et la guerre d’Algérie, depuis quelques années, nous assistons à des manifestations de semblant de reconnaissance de la part de nos gouvernants ?? Sont-elles sincères ou stratégiques ??

    Ce qu’il faut comprendre ce sont les raisons qui ont motivé ces crimes, au nom de quelle idéologie avons-nous perpétré ces massacres, ces injustices, ces horreurs ??

    Les hommes quel qu’ils soient ont toujours eu besoin, quelle que soit leur nation, de s’approprier les richesses d’autrui. Nous avons connu les invasions, les croisades, les guerres en Europe et même aujourd’hui au Moyen Orient et en Afrique !!

    Toutes ces actions, agissements, n’ont eu pour but que l’accroissement des richesses pour une caste dominante dirigeante, mais pas le peuple qui souvent dans ces moments là est victime, souffre des conditions qui lui sont imposées (famines destructions, travail forcé, blessures et morts). Que nous soyons envahisseurs ou envahis ce sont toujours les innocents, les femmes et les enfants qui sont victimes, mais pas les profiteurs.

    Si des excuses doivent être présentées, alors que ceux qui en ont profité le fassent mais pas au nom d’un peuple qui n’en est pour rien !!

    Les grandes invasions à l’époque féodale perpétrées au nom d’une religion, les expéditions à la découverte des continents n’ont été orchestrées que pour piller les richesses du sol et du sous-sol, l’esclavage et l’exploitation du peuple des pays occupés.

    Il faut une sacrée dose d’hypocrisie pour engager tout un peuple à s’excuser d’avoir colonisé un pays quand ce n’est qu’une minorité qui a exploité en profitant des sous-sols (or, pierres précieuses, pétrole, gaz, uranium etc.), sans parler de la main-d’œuvre utilisée en esclavage.

    Que ces colonialistes s’excusent serait une bonne chose mais je suis certain qui si l’occasion leur était donnée ils recommenceraient, la duplicité ne les gêne absolument pas. La Lybie, l’Irak et tous les autres pays du Moyen Orient ainsi que l’Afrique en font les frais.

    Ces manifestations de semblant de reconnaissances ne sont que des salamalecs visant à donner une autre image d’un système capitaliste dont sa seule raison d’être c’est l’exploitation des peuples.

    Quand un Président de la Vème république se déplace dans l’un de ces pays, c’est en représentant de commerce qu’il y va. Ce VRP, tout frais payés, plaide les bienfaits des patrons français espérant décrocher quelques marchés ou quelques crédits qui financeront l’enrichissement personnel de certains politiciens malhonnêtes ou couvrira les frais des campagnes électorales !! .

    Alors dans ces conditions, c‘est le principe même du colonialisme du capitalisme qu’il faut condamner c’est faire le procès des décideurs, mais parler de repentance d’un peuple à l’égard d’un autre quand les décisions sont prises par une minorité d’exploiteurs c’est un abus de pouvoir, c’est une tromperie, c’est une lâcheté, c’est un abus de confiance.

    On ne se repent pas on reconnait

     et on condamne

    En particulier pendant la Guerre de Libération de l’Algérie, la France a une terrible responsabilité qu’elle n’a toujours pas reconnue, ni donc condamnée :
    -  Ce sont des crimes d’état  : du 8 Mai 1945 à Sétif / Guelma / Khératta les massacres qui ont fait plus de 40.000 victimes, du 17 octobre 1961 au Pont Saint Michel à Paris où plusieurs centaines d’Algériens ont été massacrés, noyés dans la Seine, assassinés par la police, du 8 février 1962 au Métro Charonne à Paris où 9 militants pacifiques ont été assassinés par le Police
    -  Ce sont des crimes de le Guerre  : avec l’utilisation des gaz VX et Sarin  avec l’utilisation du napalm (600 à 800 villages ont été rasés : des Oradour-sur-Glane algériens !!!)
    -  Ce sont des crimes contre l’humanité : le colonialisme, l’institutionnalisation de la torture, les viols, les exécutions sommaires (corvées de bois, "crevettes Bigeard"…), les essais nucléaires du Sahara, les camps d’internements (pudiquement appelés camps de regroupements qui ont fait des centaines de milliers de morts)….

    En reconnaissant et en condamnant d’une façon officielle : la parole de la France dans ce domaine aurait un autre poids en ayant des gestes symboliques nécessaires de reconnaissance et de condamnation de ces crimes commis au nom de notre pays.


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  • Emmanuel Macron clarifie ses propos

     sur la colonisation

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    Emmanuel Macron clarifie ses propos  sur la colonisation *** La Colonisation, une histoire de France qu’on ne peut plus dissimuler *** M. Xavier Driencourt représente la France en Algérie

    http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/propos-sur-la-guerre-d-algerie-en-aucun-cas-ca-n-est-comparable-a-la-shoah-clarifie-macron-917615.html#

    Emmanuel Macron clarifie ses propos  sur la colonisation *** La Colonisation, une histoire de France qu’on ne peut plus dissimuler *** M. Xavier Driencourt représente la France en Algérie

    La Colonisation, une histoire de France qu’on ne peut plus dissimuler

    En visite en Algérie dans le cadre de sa campagne présidentielle, le candidat du parti « En Marche ! », Emmanuel Macron, a tenté de corriger ses propos "choquants" sur la colonisation, tenus en novembre 2016 dans "Le Point"

    Emmanuel Macron clarifie ses propos  sur la colonisation *** La Colonisation, une histoire de France qu’on ne peut plus dissimuler *** M. Xavier Driencourt représente la France en Algérie

     En visite en Algérie dans le cadre de sa campagne présidentielle, le candidat du parti « En Marche ! », Emmanuel Macron, a tenté de corriger ses propos tenus en novembre 2016 dans Le Point, et qui avaient choqué à l’époque : «Oui, en Algérie, il y a eu la torture, mais aussi l’émergence d’un État...Il y a eu des éléments de civilisation et des éléments de barbarie.» 
    Cette fois-ci, il a assuré : « J’ai toujours condamné la colonisation comme un acte de barbarie.» Et d’ajouter : «La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie», a affirmé Emmanuel Macron dans un entretien avec la chaîne de télévision algérienne "Echourouk News". 

    * Une polémique favorisée par la division

     de l'opinion française 


    La vigueur de la polémique actuelle tient, certes, au contexte de la campagne électorale et au télescopage, mais également car cette question constitue toujours un sujet particulièrement clivant dans l’opinion et un sujet toujours à vif dans la mémoire nationale française. 55 ans après les Accords d’Evian, la question de la guerre d’Algérie continue d’être un sujet hautement inflammable tant dans l’opinion que dans le débat public français. La sortie d’Emmanuel Macron est donc tout sauf anodine et anecdotique.

    Dans ce contexte très chargé, l’Ifop ( cabinet spécialisé dans les sondages d'opinion et les études stratégiques) a mené un sondage pour le site d’information algérien "TSA" suite aux déclarations d’Emmanuel Macron, révélant une opinion publique littéralement coupée en deux. 51% des Français se disent d’accord à l’opinion selon laquelle "la colonisation est un crime contre l’humanité" contre 49% qui sont d’un avis contraire. La même opposition tranchée se dessine à propos de savoir si "le gouvernement français devrait présenter des excuses officielles pour les meurtres et les exactions commis durant la colonisation" : 52% sont d’accord, 48% opposés. 

    En octobre 2016, un autre sondage Ifop pour TSA indiquait que 52% des Français étaient favorables à des excuses officielles de la France auprès de l’Algérie, contre 48% qui y étaient opposé. L’analyse détaillée des résultats montre que cette division en deux blocs de poids identiques s’opère selon trois grandes lignes de fracture qui sont politique, générationnelle et identitaire.


    * Un débat récurrent 


    Un débat sur la colonisation "très actuel" et "récurrent", estime, Benjamin Stora, historien, spécialiste du Maghreb contemporain. 
    « Michel Rocard avait déjà publié un document en 1959-1960 sur les camps de regroupement puisque 2,5 millions de paysans algériens avaient été déplacés. Ce déplacement de population avait soulevé cette notion juridique de crime contre l’humanité. C’est un vieux débat qui resurgit sans cesse. Pour les anciens colonisés, la mémoire de la colonisation est très vive. Malheureusement, dans ces débats qui ont lieu en France, on demande très peu l’avis des anciens colonisés...Donc ce débat n’est jamais clos. » 
    Benjamin Stora ajoute également que « C’est très difficile de parler en face de ce passé, dans la mesure où il n’y a pas eu de procès, il y a eu des amnisties, il y a eu beaucoup de silences et de déni sur cette question mais à chaque fois, il y a des désirs de connaissance et de reconnaissance, notamment chez la jeune génération, ces questions sont sans cesse débattues, mais elles ne trouvent pas de traduction dans l’espace mémoriel public. Dans l’Histoire de France, il n’y a pas que de la gloire, il y a aussi des zones d’ombre, des tâches sombres de cette Histoire qu’il faut savoir examiner. Les historiens ont levé certaines obscurités. C’est aux politiques de prendre le relais. »



    * La mémoire au cœur du débat historique 


    Il est courant de dire que les Français ne gardent de leur passé colonial que des souvenirs flous. Malgré le travail de recherche mené depuis de nombreuses décennies, malgré la pression d’associations diverses et variées, il est vrai que le passé impérial n’a pas de véritable place au panthéon national. Pourtant, la mémoire nationale est depuis quelque temps régulièrement sollicitée sur ces questions, de façon d’ailleurs parfois contradictoire. L’année 2005 en France a été marquée par une polémique sans précédent provoquée par l’adoption de la loi du 23 février qui, entre autres choses, portait sur la « reconnaissance de la Nation et la contribution nationale en faveur des Français rapatriés » – les députés de la majorité entendent favoriser, dans l’article 4, une vision valorisante de la colonisation et promouvoir l’enseignement, dans les programmes scolaires d’histoire. 
    En parallèle à la réémergence des problématiques et des mémoires coloniales dans le débat public, une idée s’est couramment répandue dans les médias : afin d’en finir une bonne fois avec l’injustice et la discrimination à l’œuvre aujourd’hui comme hier, il conviendrait de lever un véritable « tabou colonial » qui pèserait sur la société française. Pour ce faire, il s’agirait notamment de s’atteler à l’écriture d’une « authentique » histoire de la colonisation française et de diffuser ces connaissances à tous les écoliers, les collégiens et les lycéens de l’Hexagone. De façon plus ou moins explicite, un soupçon pèse donc sur les générations d’historiens qui, dans les quarante dernières années, ont pris en charge le passé des sociétés longuement dominées par l’Europe. 
    Pour Catherine Coquery-Vidrovitch, historienne française, spécialiste de l'Afrique et professeure émérite de l'université Paris Diderot : « La polémique scientifique en arrive à un point culminant, ce qui interpelle aujourd’hui mais, en définitive, s’annonce plutôt positif et prometteur pour l’avenir ; car si nous savons bien travailler, en historiens, ce tournant est sans doute irréversible ; assurément des travaux nombreux sont en passe de s’engager pour tenter de clarifier le problème actuellement posé de façon encore confuse ; mais le combat scientifique sera rude, car il demeure ces temps-ci tributaire de la bataille politique. »

    AA

    SOURCE : http://www.trt.net.tr/francais/europe/2017/02/24/la-colonisation-une-histoire-de-france-qu-on-ne-peut-plus-dissimuler-679386

    Emmanuel Macron clarifie ses propos  sur la colonisation *** La Colonisation, une histoire de France qu’on ne peut plus dissimuler *** M. Xavier Driencourt représente la France en Algérie

    Pendant ce temps...

    Emmanuel Macron clarifie ses propos  sur la colonisation *** La Colonisation, une histoire de France qu’on ne peut plus dissimuler *** M. Xavier Driencourt représente la France en Algérie

    Pendant ce temps M. Xavier Driencourt vient d’être nommé pour la deuxième fois Ambassadeur de France en Algérie. Rappelez-vous c’est bien Xavier Driencourt qui a eu cette idée osée d’inviter un bataillon algérien au défilé du 14 juillet 2012, pour marquer les 50 ans de la fin de la guerre d’Algérie. Des élus du Front national ont à l’époque réclamé son rappel à Paris. Face à la polémique, les militaires algériens seront finalement au défilé en 2014. 

    Emmanuel Macron clarifie ses propos  sur la colonisation *** La Colonisation, une histoire de France qu’on ne peut plus dissimuler *** M. Xavier Driencourt représente la France en Algérie

     

     


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  • Moi, petit-fils de pieds-noirs…

    Moi, petit-fils de pieds-noirs…

    Hugo Melchior est docteur en histoire à l'Université de Rennes

    Descendant d’une famille de Français d’Algérie, l’universitaire Hugo Melchior, qui rejetait le passé colonial de ses grands-parents, plaide pour une mémoire commune et non militante de cette histoire contrastée.

    Moi, petit-fils de pieds-noirs, encore adolescent, j’avais pris l’habitude devant mes grands-parents, du fait de mes convictions, d’adopter une posture anticolonialiste intransigeante, au risque de défendre une conception essentiellement binaire et manichéenne de l’histoire de l’Algérie française et coloniale.

    Moi, petit-fils de pieds-noirs, en dépit de l’amour infini que je leur portais, je fus longtemps incapable de faire preuve d’empathie à l’égard de mes grands-parents maternels dès qu’ils évoquaient, pleins d’amertume et de mélancolie, la roue de l’histoire qui avait fini par tourner en faveur des peuples colonisés. D’origine espagnole, tous deux fils et fille de classe ouvrière devenus instituteurs, ils étaient nés et avaient grandi en Oranie.

    Moi, petit-fils de pieds-noirs, je n’avais pour seule réponse à opposer à leur « nostalgérie » que cette phrase inutilement blessante : « Les Algériens ont eu raison de vous foutre dehors » ; allant jusqu’à leur dire que je regrettais de n’avoir pas eu 20 ans en 1958 pour aider les « fellagas » honnis, c’est-à-dire les nationalistes algériens, à recouvrer ce qu’ils considéraient comme leur souveraineté perdue, comme le firent des dizaines de militants français ayant pris fait et cause pour l’indépendance de l’Algérie (intellectuels, trotskistes, anarchistes…).

    Un scandale permanent

    Moi, petit-fils de pieds-noirs, je n’avais en tête que la barbarie innommable, la multitude des crimes qui avaient accompagné le geste des prétendus civilisateurs dans le cadre de la conquête territoriale et de la « pacification » de l’Algérie à partir de 1830.

    L’Algérie coloniale avait été, à mes yeux, un scandale permanent pour les Algériens musulmans pendant plus de cent trente ans, et rien de plus : dissociation monstrueuse sur le plan juridique entre nationalité et citoyenneté pour les Algériens musulmans qui furent assimilés de facto à partir de 1865 à des « sujets français », droit pénal d’exception pour les musulmans avec le fameux « code de l’indigénat », expropriation systématique des terres au profit des grands propriétaires européens et a contrario paupérisation extrême des campagnes algériennes, pourtant censées être des territoires de la République française….

    Moi, petit-fils de pieds-noirs, en devenant un « trans-mémoire », j’avançais sur le champ de bataille des mémoires algériennes en brandissant le drapeau déployé de l’Algérie indépendante. Il fallait choisir son camp, paraît-il, et devenir par-là même un militant d’une mémoire exclusive. J’avais choisi la mienne, celle des Algériens musulmans, des colonisés, de celles et ceux qui avaient voulu, les armes à la main, conjurer la fatalité coloniale.

    Puis, moi, petit-fils de pieds-noirs, j’ai grandi et j’ai voulu en finir avec ces postures stériles qui ne me permettaient pas de saisir correctement les éléments constitutifs non seulement de la mémoire blessée de mes grands-parents, mais de celles et ceux qui, comme eux, avaient, la mort dans l’âme, dû quitter, en cette année 1962, l’Algérie, c’est-à-dire leur patrie au sens étymologique du terme (la terre de leurs pères et de leurs morts), pour rejoindre une métropole dont ils n’avaient jamais foulé le sol pour la grande majorité d’entre eux.

    Peuple mosaïque

    Puis, moi, petit-fils de pieds-noirs, j’ai compris que mon rejet des colonialismes d’hier et d’aujourd’hui, ma dénonciation du caractère essentiellement inégalitaire et discriminatoire de l’Algérie à l’heure française ne devaient pas me conduire à rejeter le passé de mes grands-parents, ni celui de celles et de ceux qui avaient formé, en Algérie coloniale, ce peuple mosaïque, autrement dit cette société minoritaire bigarrée aux multiples contrastes (sociaux, culturels, religieux, politiques) qu’on ne pourrait assimiler raisonnablement à une simple « caste d’exploiteurs ».

    Puis, moi, petit-fils de pieds-noirs, j’ai compris que je pouvais, tout en demeurant principalement anticolonialiste, être fier d’être le fruit de l’arbre de cette histoire, que je pouvais, tout en me sentant solidaire du peuple algérien qui a payé le prix du sang pour se libérer du joug colonial, ressentir de la tristesse devant l’impossible deuil de mes grands-parents pour leur vie là-bas, n’exiger d’eux ni excuses ni contritions.

    Moi, petit-fils de pied-noirs, j’ai donc décidé de rendre les armes pour ne plus avoir à participer à cette guerre sans fin des mémoires algériennes, à cette mise en concurrence des souffrances bien réelles de chacun.

    Moi, petits-fils de pieds-noirs, j’ai décidé, avec d’autres, comme l’historien Benjamin Stora, de devenir, humblement, un militant du « compromis mémoriel », autrement dit de défendre la construction d’une mémoire commune, d’abord cimentée par le récit méthodique et rigoureux des historiens : une mémoire non militante, qui n’occulterait ni les massacres de Sétif du 8 mai 1945 par l’armée française, ni la Nuit noire du 17 octobre 1961 à Paris, ni le massacre des Français d’Algérie de la rue d’Isly, celui oublié des Européens du 5 juillet 1962 à Oran, ou encore les massacres de harkis…

    Et cela avec l’espoir qu’à terme, les murs des mémoires revanchardes et haineuses, qui séparent encore les différents groupes sociaux ayant fait cette histoire algérienne, se fissurent enfin… jusqu’à tomber !


    SOURCE : http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/02/22/moi-petit-fils-de-pieds-noirs_5083352_3232.html#3Wh3pG1IX1zFDA0F.99

     

    Moi, petit-fils de pieds-noirs…

     

    Commentaire de Jacques CROS

    J'ai lu dans le journal Le Monde votre article concernant l'Algérie.
    J'ai été moi-même appelé du contingent et j'ai participé à la guerre qui s'est déroulé là-bas de mars 1960 à avril 1962. J'ai précisément débarqué à Oran le 3 mars 1960. Je n'ai pas pu embarquer en avril 1962 alors que j'étais libérable, la ville était à feu et à sang, l'accès au port d'Oran n'était pas possible. Nous avons dû pour ce faire aller à Mers el Kébir. Le 19 mars 1962 jour du cessez-le-feu, je me trouvais à Géryville. L'armée, des harkis du commando George de Saïda, a tiré sur la foule qui manifestait sa satisfaction de la fin de la guerre et de la perspective de fin du colonialisme qui se dégageait. Il y a eu une dizaine de morts.
    Je joins le récit de mes souvenirs. Il est rédigé dans un registre picaresque, ce qui explique le titre que je lui ai donné. Mon sentiment est que dans l'analyse de ce qui s'est passé on évacue le sort des appelés du contingent. Il faut dire que la FNACA n'est pas libérée de l'emprise de la social-démocratie. Aussi n'a-t-elle jamais clairement identifié la nature de la guerre d'Algérie.
    Je veux bien reconnaître que l'Algérie était aussi la patrie des Pieds-Noirs mais leur vision des choses était entachée du racisme consubstantiel au colonialisme. Ils pouvaient être des petites gens et même engagés à gauche. Oran par exemple a eu un maire communiste à la Libération. Mais quand il s'est agi d'en finir avec le concept d'Algérie française il y avait très peu de présents. A preuve le contingent d'activistes de l'OAS qu'a fourni la ville et sa région.
    Je suis d'accord pour une mémoire apaisée mais à condition qu'elle ne fasse pas l'impasse sur ce qu'a été le colonialisme, la guerre menée pour tenter de le perpétuer, l'option de terre brûlée qu'a menée l'OAS et qui constitue le facteur essentiel qui a empêché les Pieds-Noirs de rester "chez eux".

     


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  • La colonisation : un crime contre l’humanité ? Polémiques et contorsions *** Par Olivier Le Cour Grandmaison

    Olivier Le Cour Grandmaison est un universitaire français né le 19 septembre 1960 à Paris. Historien spécialiste des questions de citoyenneté sous la Révolution française et des questions qui ont trait à l'histoire coloniale, il enseigne les sciences politiques à l'université d'Evry-Val d'Essonne ainsi qu'au Collège international de philosophie. 

     

    La colonisation: un crime contre l’humanité ? Polémiques et contorsions

    «A l’extrême droite et à droite, l’heure est au grand roman national et à la réhabilitation obscène du passé colonial ; les crimes commis à l’époque étant soit niés, soit euphémisés. (...) Quant aux dirigeants des gauches, leurs rappels à l’ordre masquent mal un embarras certain. En cette matière, leurs audaces fondent comme neige au soleil. Ils en appellent à la prudence pour mieux se dérober sur le fond et ne rien dire qui puisse froisser leur électorat et porter atteinte à leur image», par Olivier Le Grandmaison, universitaire.*

     

    La colonisation: un crime contre l’humanité ? Polémiques et contorsions *** Par Olivier Le Cour Grandmaison

    Après avoir bombé le torse et élevé la voix à Alger en déclarant que la colonisation avait été un crime contre l’humanité, Emmanuel Macron, de retour en France, se tortille et s’entortille pour dire qu’il n’a pas dit ce qu’il a dit tout en affirmant qu’il a bien tenu les propos qui lui sont reprochés. Remarquable exercice de contorsionniste. Quelle souplesse ! Pour l’heure, c’est « En Marche »… arrière que ce candidat à l’élection présidentielle poursuit sa campagne sur la sécurité en prônant « la tolérance zéro » pour les délinquants et pour la police, ajoute-t-il pour faire bonne mesure sans avancer la moindre proposition concrète relative aux prérogatives des forces de l’ordre. Ne demandez pas le programme, il n’existe toujours pas. Contre toute vérité, il accrédite ainsi l’opinion commune selon laquelle la justice serait laxiste. Sordide démagogie. Elle n’a rien à envier à celle débitée avec constance par Marine Le Pen et François Fillon, qu’il prétend combattre, lesquels se sont précipités sur les propos algériens du candidat et sur le « régalien », comme on dit aujourd’hui, pour tenter de faire oublier leurs turpitudes familialo-financières, leurs mensonges éhontés et l’usage clanique qu’ils font des deniers publics français et européens.

    N’oublions pas Benoit Hamon qui, sur l’histoire coloniale de la France, multiplie les approximations et confond crime contre l’humanité et crime de génocide. En ces matières, sa petite fronde est d’une faiblesse et d’une imprécision insignes. De son côté, le candidat de la "France insoumise" tance Emmanuel Macron en lui reprochant de dire des « bêtises. » Soit. Mais que propose-t-il pour les corriger ? Mystère. D’habitude si prolixe, Jean-Luc Mélenchon a, sur ce sujet, le verbe court et vague. Etrange.

    Singulier front commun quand bien même les ressorts qui le rendent possible ne sauraient être confondus. A l’extrême droite et à droite, l’heure est au grand roman national et à la réhabilitation obscène du passé colonial ; les crimes commis à l’époque étant soit niés, soit euphémisés. Leurs représentants respectifs sont les ventriloques sinistres d’un vieux discours impérial-républicain, forgé sous la Troisième République, et destiné à satisfaire les nostalgiques de l’Algérie française.

    Quant aux dirigeants des gauches précitées, leurs rappels à l’ordre masquent mal un embarras certain. En cette matière, leurs audaces fondent comme neige au soleil. Ils en appellent à la prudence pour mieux se dérober sur le fond et ne rien dire qui puisse froisser leur électorat et porter atteinte à leur image. Tous deux sont d’accord sur un point : faire en sorte que la question de la reconnaissance des crimes coloniaux commis par la France disparaisse au plus vite de l’agenda des élections présidentielles au profit des "vrais sujets", comme ils l’affirment en chœur. C’est-à-dire ceux qu’ils désignent comme tels sans jamais consulter les associations très diverses, les militants, les citoyens et leurs propres troupes qui estiment, à une écrasante majorité, que ce geste politique est désormais nécessaire (1). Frondeur et insoumis mais point trop. Ils reconduisent ainsi les formes les plus convenues du débat public en décidant, à la place de celles et ceux qu’ils disent représenter, des thèmes qui méritent d’être défendus. Oh les beaux jours du caporalisme et de l’électoralisme.

    A tous, rappelons quelques faits. « La torture, et avec elle bien d’autres procédés de répression, des exécutions sommaires aux déplacements massifs de population, ont été couramment employés pendant la guerre [d’Algérie] qui s’est achevée en 1962 ; le fait n’est nié par aucun esprit sérieux (2) », affirmait Pierre Vidal-Naquet. Depuis, de nombreux témoignages et les travaux des historien-ne-s ont confirmé les méthodes utilisées par l’armée et la police françaises dans le cadre des pouvoirs spéciaux votés, le 12 mars 1956 à la demande du très socialiste Guy Mollet, par l’Assemblée nationale, députés communistes compris. Autant de procédés qui ne sont pas nouveaux en fait. Lors de la conquête de l’Algérie dans les années 1840, ils furent massivement employés par les troupes du général Bugeaud.

    Enfumades, refoulement des "indigènes", ravage des cultures, des villages et des villes ; tels étaient les moyens de l’époque. Lisons un contemporain. « J’ai souvent entendu […] des hommes que je respecte, mais que je n’approuve pas, trouver mauvais qu’on brûlât les moissons, qu’on vidât les silos et enfin qu’on s’emparât des hommes sans armes, des femmes et des enfants. Ce sont là, suivant moi, des nécessités fâcheuses, mais auxquelles tout peuple qui voudra faire la guerre aux Arabes sera obligé de se soumettre. (…) On ne détruira la puissance d’Abd el-Kader qu’en rendant la position des tribus qui adhèrent à lui tellement insupportable qu’elles l’abandonnent. » Et le même d’ajouter cette précision délicate : « je crois de la plus haute importance de ne laisser subsister ou s’élever aucune ville dans les domaines d’Abd el-Kader » et de « détruire tout ce qui ressemble à une agrégation permanente de population. » (Souligné par nous). Lumineux ! L’auteur de ces lignes, et le défenseur de ce qui doit être qualifié de guerre totale, n’est autre que le célèbre Alexis de Tocqueville dans son Travail sur l’Algérie, rédigé en 1841.

    Ailleurs, et plus tard, en Indochine, au Maghreb, en Afrique occidentale et équatoriale, à Madagascar, en Nouvelle-Calédonie et en Syrie, la conquête, la "pacification" et la colonisation ont donné lieu à de nombreuses hécatombes. Aux violences souvent extrêmes de ces guerres ont succédé les violences également terribles de l’exploitation coloniale, lesquelles sont trop souvent oubliées. S’y ajoute, en effet, le travail forcé imposé aux populations civiles pour la construction des infrastructures - routes et chemins de fer, notamment – ; celles-là mêmes que les idéologues et les ignorants d’aujourd’hui exhibent pour mieux faire croire aux "bienfaits" de la "présence  française." "Bienfaits", les 17000 "indigènes" morts à la tâche au cours de la construction des 140 premiers kilomètres de la voie ferroviaire destinée à relier Brazzaville, la capitale du Congo français, à Pointe-Noire sur la côte atlantique ? "Bienfaits" encore, le taux de mortalité de 57% sur ce chantier révélé par le ministre des Colonies, André Maginot, en 1928 devant une commission ad hoc de la Chambre des députés ? "Bienfaits" toujours, le million de colonisés tués et massacrés lors des nombreux conflits coloniaux engagés par la France entre le 8 mai 1945 et le 19 mars 1962 (3) ?

    Plusieurs de ces actes peuvent être qualifiés de crimes contre l’humanité conformément à l’article 212-1 du Code pénal qui vise les « atteintes volontaires à la vie », « la déportation ou le transfert forcé de population », « la torture », « la disparition forcée », « la persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste », commis en « exécution d’un plan concerté. » Le crime contre l’humanité est distinct du crime de génocide – cf. art. 211-1 – contrairement à ce qu’affirment des esprits qui se croient forts et éclairés alors qu’ils ne sont qu’ignorants ; leurs mises en gardes convenues sur le risque de banalisation et/ou d’amalgame en témoignent.

    Que certains s’opposent à la première qualification pour des motifs troubles, fragiles sur le plan factuel et juridique, soit. Espérons du moins que, conformément au vœu voté à l’unanimité par le conseil municipal de Paris le 14 avril 2015 en faveur de la reconnaissance des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata comme crime d’Etat, ils souscriront à cette dernière formulation. C’est le sens de l’Appel pour la reconnaissance des crimes coloniaux commis par la France, d’ores et déjà signé par de nombreux responsables politiques, associatifs et des personnalités françaises, algériennes, maliennes, sénégalaises et rwandaises, notamment. Mesdames et messieurs les candidats à la présidence de la République, vos signatures sont attendues.

    MERCI DE SIGNER CETTE PETITION

    La colonisation : un crime contre l’humanité ? Polémiques et contorsions *** Par Olivier Le Cour Grandmaison

    http://www.mesopinions.com/petition/politique/reconnaissance-crimes-coloniaux-commis-france/27715 

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    La colonisation: un crime contre l’humanité ? Polémiques et contorsions *** Par Olivier Le Cour Grandmaison

    O. Le Cour Grandmaison, universitaire. Dernier ouvrage paru : L’Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies, Fayard, 2014.

      

    (1). Selon un sondage IFOP, publié le 19 février 2017, 70% de ceux qui se reconnaissent dans le Front de Gauche et 63 % de ceux qui sont proches du Parti Socialiste sont favorables à la reconnaissance des crimes coloniaux.

    (2). P. Vidal-Naquet, La Torture dans la République, Paris, Les Editions de Minuit, 1972, p. 11.

    (3). Chiffre bien supérieur au nombre total des victimes françaises – 600 000 – tombées au cours de la Seconde guerre mondiale.

     


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  • Communiqué de l'Association Nationale des Pieds Noirs Progressifs et leurs Amis "Un crime contre l'humanité... Au-delà des mots, la réalité des crimes coloniaux"

    Communiqué de l’ANPNPA 

    Un crime contre lʼhumanité ...
    Au-delà des mots, la réalité des crimes coloniaux.

    Au-delà des mots, oui, lʼétat français est comptable des crimes et des horreurs commis pendant les 132 ans que durèrent la conquête et la colonisation de lʼAlgérie. Oui, la colonisation est la mise en servitude dʼun peuple, la destruction de ses repères sociaux, culturels, économiques, et leur remplacement, imposé par la force, par un système de valeurs étranger à « lʼindigène » où rien ou si peu ne lui est laissé. Oui, la colonisation de lʼAlgérie sʼest tout au long accompagnée de massacres organisés pour soumettre le peuple, de misère et de famines nouvelles et dévastatrices – avec une population diminuée dʼun tiers de 1830 à 1871 -, dʼacculturation et dʼasservissement. Et si lʼétat français est comptable de cette réalité, force est de dire quʼil bénéficia dʼun large consensus national, « métropolitain », qui ne se démentit quʼau dernier temps de la guerre dʼindépendance.

    Les cris dʼorfraie de la droite et de ses extrêmes, de Fillon aux Cioti et Le Pen, sont logiques et attendus, qui alimentent leur fond de commerce politique, calculs sordides mêlant louange du passé colonial, racisme, haine et rejet de lʼautre. Attendues aussi sont les réactions outrées de certaines associations de Harkis et de pieds-noirs dʼextrême droite, qui ne sont que les immédiats relais de leurs mentors politiques. Et pourtant, que ces réactions sont inappropriées, absurdes : les harkis ont été doublement victimes, dʼabord comme sujets indigènes puis comme supplétifs forcés de ce que on leur fit faire puis subir ; les pieds-noirs ont été autant bénéficiaires que victimes du système colonial. Ce nʼest pas à eux mais à lʼétat français de rendre compte des crimes de la colonisation !

    LʼANPNPA réitère son appel à la reconnaissance par le plus haut de lʼEtat français des crimes et des horreurs qui furent alors commis : reconnaître officiellement la réalité du colonialisme, sans repentance ou demande de pardon aux hommes ou à un Dieu !

    Au-delà des mots, que le candidat Macron dépasse ses propos contradictoires sur la colonisation, dʼœuvre civilisatrice à crime contre lʼhumanité, et nous rejoigne dans lʼappel international lancé par Le Cour Grandmaison pour la reconnaissance des crimes coloniaux commis par la France !

     

    LIEN POUR SIGNER LA PETITION

     

    Communiqué de l'Association Nationale des Pieds Noirs Progressifs et leurs Amis "Un crime contre l'humanité... Au-delà des mots, la réalité des crimes coloniaux"

    http://www.mesopinions.com/petition... 

     

     

     

     


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  • Henri Pouillot avait raison quand il titré dans son dernier édito :  «Emmanuel Macron et la colonisation : Quel flou !!! » La preuve :

    Aujourd'hui c'est la françafrique...

    Henri Pouillot avait raison quand il a titré dans son dernier édito : «Emmanuel Macron et la colonisation : Quel flou !!! » La preuve : 

    La France n’en a pas fini de se rouler dans la honte et le déni au sujet de ses crimes pendant l’ère coloniale. Pour preuve, la récente polémique autour d’Emmanuel Macron qui s’était distingué avec une première déclaration en faveur de la colonisation qui aurait selon lui apporté la civilisation ; puis pendant son déplacement en Algérie, il a fait un volte-face en déclarant que « la colonisation a été un crime contre l’humanité » puis nouveau volte-face car certains avaient applaudi : « Super on va voter Macron ! » Mais preuve de son courage politique, il a de nouveau changé d’avis en s’excusant auprès de ceux qui auraient été blessés et qui « aimaient l’Algérie mais détestaient les Algériens eux-mêmes… vous savez ceux qu’ils appelaient les indigènes » Mais Macron s’est excusé maladroitement en citant la phrase historique du général de Gaulle « Je vous ai compris »… Alors là, nous sommes obligés de constater qu’Emmanuel Macron du haut de ses 39 ans est inconscient ou n’a pas suffisamment appris l’histoire du colonialisme en général et de la guerre d’Algérie en particulier, car s’excuser auprès des nostalgériques extrémistes, dont leurs « héros » sont les putschistes du 21 avril 1961, ou pire les criminels et terroristes de l’OAS… Ils voulaient garder « L’Algérie française »… Ils ont donc créé l’OAS pour la garder par tous les moyens… et on en connait les terrifiants moyens !!! Ils ont traité le général de Gaulle « du plus grand traître de l’Histoire  » justement parce qu’ils avaient cru à sa fameuse phrase « Je vous ai compris » qui sont devenues depuis des paroles de trahison... pour eux...

    Henri Pouillot avait raison quand il titré dans son dernier édito :  «Emmanuel Macron et la colonisation : Quel flou !!! » La preuve :

    Henri Pouillot avait raison quand il a titré dans son dernier édito :  «Emmanuel Macron et la colonisation : Quel flou !!! » La preuve :

    Je viens de l’apprendre, et maintenant Emmanuel, malgré vos excuses les nostalgériques extrémistes portent plainte contre vous (lien ci-dessous) alors j’attends avec curiosité et empressement  la décision de la Justice :

    http://www.algerie-francaise.org/cgi-bin/ultra/UltraBoard.pl?Action=ShowPost&Board=ddb&Post=2996&Idle=0&Sort=0&Order=Descend&Page=0&Session= 

     

    Henri Pouillot avait raison quand il a titré dans son dernier édito :  «Emmanuel Macron et la colonisation : Quel flou !!! » La preuve :

    "Emmanuel il ne fallait surtout pas vous excuser pour ces gens-là, ils votent tous pour la Marine nationale, regardez-les ils se croient peut-être sur les terribles barricades d'Alger"...


    Meeting de Macron à Toulon  : des manifestants... par Var-matin

     

    Nous avons compris pourquoi ces gens-là haïssent

    de Gaulle

    Henri Pouillot avait raison quand il titré dans son dernier édito :  «Emmanuel Macron et la colonisation : Quel flou !!! » La preuve :

     


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  • On ne vous a pas tout dit sur Le Pen (père)

    Quand Le Pen incitait les Algériens

     à s’installer en France par millions

    Quand Jean-Marie Le Pen était favorable à l'arrivée massive de musulmans algériens en France...

    Intervention du député Jean-Marie Le Pen pour soutenir le maintien de l’Algérie française, le 28 janvier 1958 , à l'Assemblée Nationale.

    Jean-Marie Le Pen, 2e séance du 29 janvier 1958, Assemblée Nationale, dans JO - Débats parlementaires - Assemblée Nationale (1958), p.310-311, paru 1958, Journal Officiel.

    Extrait :

    « Ce qu’il faut dire aux Algériens, ce n’est pas qu’ils ont besoin de la France, mais que la France a besoin d’eux. C’est qu’ils ne sont pas un fardeau ou que, s’ils le sont pour l’instant, ils seront au contraire la partie dynamique et le sang jeune d’une nation française dans laquelle nous les aurons intégrés. J’affirme que dans la religion musulmane rien ne s’oppose au point de vue moral à faire du croyant ou du pratiquant musulman un citoyen français complet. Bien au contraire, sur l’essentiel, ses préceptes sont les mêmes que ceux de la religion chrétienne, fondement de la civilisation occidentale. D’autre part, je ne crois pas qu’il existe plus de race algérienne que de race française [...]. Je conclus : offrons aux musulmans d’Algérie l’entrée et l’intégration dans une France dynamique. Au lieu de leur dire comme nous le faisons maintenant : « Vous nous coûtez très cher, vous êtes un fardeau », disons leur : « Nous avons besoin de vous. Vous êtes la jeunesse de la Nation » [...] Comment un pays qui a déploré longtemps de n’avoir pas assez de jeunes pourrait-il dévaluer le fait d’en avoir cinq ou six millions ? »

    Aujourd’hui, la famille Le Pen n’a pas de mots assez durs pour dénoncer les immigrationnistes (*), alors que Jean-Marie Le Pen était le plus fervent défenseur de l’immigration venant du Maghreb, comme son discours de 1958 le prouve.

    Aujourd’hui, la famille Le Pen n’a pas de mots assez durs pour dénoncer la menace que représenterait l’Islam, alors que Jean-Marie Le Pen était le plus fervent défenseur de la religion musulmane, comme son discours de 1958 le prouve.

    Certes la France de 58 n’est pas la France d’aujourd’hui, mais que penser de ces déclarations des dirigeants du FN, capables de dire tout et son contraire ? Cette entreprise de spectacle politique qu’est le FN n’a décidément rien à envier aux autres partis (de spectacle politique)

    (*) Le Monde 22/09/2012 : « " Pour Jean-Marie Le Pen, islam et immigration sont liés : "l’islamisme est le fils ainé de l’immigrationnisme ", a-t-il ainsi affirmé. »

    Et puis Le Pen Père ça été aussi cela :

    On ne vous a pas tout dit sur Le Pen (père)

    La guerre d'Algérie ou le spectre de la torture 

    Réélu député en 1958, Jean-Marie Le Pen devient rapporteur du budget de la Guerre à l’Assemblée nationale. Un poste stratégique alors que la guerre d’Algérie continue. Le jeune élu en profite pour marquer son indépendance vis-à-vis du gaullisme et défend l’Algérie française. Geste fort, il quitte, au cours de son mandat, les bancs de l’Hémicycle pour se porter volontaire en Algérie. Ayant été officier de renseignement, il a avoué, le 9 novembre 1962 dans la revue Combat, "avoir torturé parce qu'il fallait le faire". Au lendemain de cette déclaration fracassante, il est revenu sur ses propos, évoquant des "méthodes de contraintes" plutôt que de tortures. Malgré cela, Jean-Marie Le Pen est décoré de la Croix de la valeur militaire. Dans les années 80-90, plusieurs personnalités –Michel Rocard, Pierre Vidal-Naquet ou le général Aussaresses– l’accuseront d’avoir pratiqué la torture en Algérie. Dans un livre, Torturés par Le Pen (2000), l’historien Hamid Bousselham émet des accusations particulièrement détaillées et précises. 

    Reuters 

    On ne vous a pas tout dit sur Le Pen (père)

    Le "détail" qui gêne 

    Le 13 septembre 1987, Jean-Marie Le Pen se retrouve autour d’un scandale sans précédent. Lors du Grand Jury RTL-Le Monde, il lance à propos de l’utilisation par les nazis de chambres à gaz: "Je n'ai pas étudié spécialement la question mais je crois que c'est un point de détail de l'histoire de la Deuxième Guerre mondiale." Quelques jours plus tard, il explique, à l’Assemblée nationale, qu’il voulait dire que les chambres à gaz n’étaient pas le seul lieu où des gens ont perdu la vie en 39-45. Le tollé est tel –comme le prouve cette affiche dans une manifestation des associations antiracisme– qu’il finit par exprimer ses regrets à l'occasion du cinquantième anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz. Pourtant, il reparle de ce "détail" lors d’un déplacement en Bavière en 1997, lors d’une interview au magazine Bretons en 2008, et lors d’une séance du Parlement européen en 2009. 

    Reuters 

     

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  •  Admettons le crime contre l'humanité
     
     
    du colonialisme

    Un « crime contre l’humanité », la colonisation ? Evidemment, dans le sacrifice des esclaves razziés par la France républicaine pour construire un chemin de fer, dans l’idéologue de la domination, dans la chosification des indigènes. Puisque l’affaire Macron nous y oblige, regard sur le passé.

    Photo émise en 1931 de la locomotive «Mikado» du chemin de fer Congo–Ocean /  AFP

    Photo émise en 1931 de la locomotive «Mikado» du chemin de fer Congo–Ocean / AFP

    Les politiques qui fustigent Emmanuel Macron en pensant capter le pays devraient entendre un poète disparu, qui parlait il y a 67 ans de notre colonialisme ; ses mots font pièce à leur ignorance. Martiniquais, Aimé Césaire était de France, de langue, peut-être de rêves, certainement de blessures, absolument d’intelligence. Il n’avait pas les délicatesses hypocrites de notre âge. On ne faisait pas encore commerce d’une identité blessée, pour faire croire à la France qu’on l’insulte quand on lui dit son passé. Césaire avait vécu ce dont il parlait.

    En 1950, Césaire publie un Discours sur le colonialisme, qui, cinq ans après la fin du nazisme, arrache aux civilisés leur masque de bienséance, et révèle leur figure de sang:

    « Et alors un beau jour, la bourgeoisie est réveillée par un formidable choc en retour : les gestapos s’affairent, les prisons s’emplissent, les tortionnaires inventent, raffinent, discutent autour des chevalets. On s’étonne, on s’indigne. On dit : « Comme c’est curieux ! Mais, Bah ! C’est le nazisme, ça passera ! » Et on attend, et on espère ; et on se tait à soi-même la vérité, que c’est une barbarie, mais la barbarie suprême, celle qui couronne, celle qui résume la quotidienneté des barbaries ; que c’est du nazisme, oui, mais qu’avant d’en être la victime, on en a été le complice ; que ce nazisme-là, on l’a supporté avant de le subir, on l’a absous, on a fermé l’oeil là-dessus, on l’a légitimé, parce que, jusque-là, il ne s’était appliqué qu’à des peuples non européens ; que ce nazisme là, on l’a cultivé, on en est responsable, et qu’il est sourd, qu’il perce, qu’il goutte, avant de l’engloutir dans ses eaux rougies de toutes les fissures de la civilisation occidentale et chrétienne. Oui, il vaudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d’Hitler et de l’hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXème siècle qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, qu’Hitler l’habite, qu’Hitler est son démon, que s’il le vitupère, c’est par manque de logique, et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est que l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique.»

    On imagine l’effet de ces phrases, sur nos bourgeois d’aujourd’hui, qui frémissent devant la «repentance», et qui profanent pour se rassurer. Ils pensent enterrer nos vieilles horreurs sous le Mal absolu, et lancent le mot «Auschwitz» comme un exorcisme, quand ils vitupèrent Macron pour une phrase prononcée en Algérie, sur le «crime contre l’humanité» qu’a été la colonisation. Ils affirment que sans chambre à gaz, le crime ne serait pas contre l’Homme ? Il ne serait, alors, de crime contre l’humanité que génocidaire ? La destruction des juifs d’Europe est une abomination que l’on exploite trop volontiers, avec ruse ou naïveté, méchanceté parfois, pour empêcher l’histoire.

    Un crime contre l’humanité avant le terme 

    Laissons Macron, qui se défend bien tout seul, dans l’équilibre qu’il veut expliquer entre la barbarie du colonialisme, et ce qu’il amena de civilisation, «par effraction», dans les territoires conquis. Ceci est une autre histoire. Il n’est pas sûr qu’une campagne présidentielle soit le lieu adéquat de la pédagogie. Mais on nous y emmène. Restons avec Césaire, plutôt, et ce qu’il répondait, par avance, aux effarés contemporains.

    Il citait aussi, Césaire, cette phrase de Hitler: « Nous aspirons, non pas à l'égalité, mais à la domination. Le pays de race étrangère devra redevenir un pays de serfs, de journaliers agricoles ou de travailleurs industriels. Il ne s'agit pas de supprimer les inégalités parmi les hommes, mais de les amplifier et d'en faire une loi. »

    La phrase aurait pu s’appliquer à toute l’histoire des colonisations. Prendre une terre et en extraire le suc, et en exploiter ses hommes, en faire nos choses, nos outils, nos soldats, nos coolies, nos porteurs, nos bâtisseurs de ponts, les instruments de notre gloire. Entrée en Afrique noire, au XIXe siècle en prétendant abolir l’esclavage, la France le rétablit prestement et subtilement, en mettant en place le travail forcé. Il s’agissait d’offrir, au colonisateur, qu’il s’agisse de l’administration ou des entrepreneurs venus exploiter les terres conquises les moyens de son développement.

    Ses formes étaient variées. L’indigène pouvait être réquisitionné, tout simplement, aux fins d’intérêt général. Dans la revue «Civilisations», en 1993, l’historien Babacar Fall décrivait le procédé:

    «L'administration s'est appuyée sur les chefs indigènes pour procéder à la réquisition des travailleurs pour la coupe, le transport et la pose des poteaux télégraphiques. Les réquisitionnés ont servi également à des corvées de halage des chalants et de déchargement des navires des commerçants européens ou libano-syriens. Avec l'ouverture des chantiers ferroviaires, la même procédure a permis d'apporter une solution à la question de la main-d'oeuvre. Jusqu'en 1919, le recours à la réquisition de la main-d'oeuvre reste de rigueur. La majorité des travailleurs recrutés est mobilisée par voie de force.»

    «Les théoriciens de la colonisation est des peuples indolents, imprévoyants»

    Babacar Fall

    L’indigène pouvait aussi être soumis à un impôt physique, l’amenant à travailler pour régler sa dette à l’Etat. On appelait «prestation» cette renaissance de la «corvée» de l’ancien régime. On lui imposait aussi ce qu’il devrait cultiver, s’il était paysan. Babacar Fall, encore:

    «Les théoriciens de la colonisation estimaient que les indigènes étaient à peine arrachés de la barbarie, qu'ils constituaient des peuples indolents, imprévoyants. Leur économie agricole très primitive les prédisposait à ces attitudes. Aussi, la métropole devait, en vue de faire progresser rapidement l'agriculture de ces régions, employer la pression administrative pour imposer certaines cultures industrielles dites obligatoires qui avaient, selon elle, une vertu éducative».

    L’indigène corvéable à volonté, était aussi soumis à un entrelac de punitions, de contraintes, de pratiques restrictives, de châtiments sans appel. Le code de l’Indigénat, inauguré en Algérie, listait en 1880 les infractions suivantes, applicables aux seuls autochtones: «Réunion sans autorisation, départ du territoire de la commune sans permis de voyage, acte irrespectueux, propos offensant vis-à-vis d’un agent de l’autorité même en dehors de ses fonctions»

    Ce fut un crime contre l’humanité, avant même que le terme soit inventé. Apparu en droit après la deuxième guerre mondiale, cernant initialement le génocide juif, son acception a été étendue. Aux termes de l’article 212-1 du code pénal français, sont notamment constitutifs du crime contre l’humanité «la réduction en esclavage», «la persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable» ou «les actes de ségrégation commis dans le cadre d'un régime institutionnalisé d'oppression systématique et de domination d'un groupe racial sur tout autre groupe racial». On a ici, exactement, ce qui encerclait les indigènes des colonies françaises.

    L'Algérie: lieu de l'extrême illusion des colonialistes

    La France, par ruse ou surmoi, atténuait sa violence en soignant le décor; elle entendait civiliser en brimant. Elle installait -en Algérie- des copies de France dans des villages d’européens, laïques et républicains. Elle choisissait -partout- parmi les serfs, les plus prometteurs, dont on ferait des contremaîtres, et plus encore, des maîtres, et pour certains, nos égaux: ceux -là, privilégiés du talent, justifieraient le sort des relégués. C’était un artefact.

    Césaire le savait. Il était, nègre des colonies caraïbes, témoin de la fin d’une époque, quand le colonialisme avait épuisé toutes ses ruses et allait chuter. Césaire était l’ami de Senghor, lui sorti du Sénégal pour être initié à notre grammaire; Senghor qui avait été le protégé de Blaise Diagne, député et ministre au temps de Clemenceau et Poincaré, le premier noir africain ainsi élevé; Diagne qui avait organisé le grand massacre de ses compatriotes, en 14-18, mobilisant les africains dans les tranchées d’une terre grasse qui ne leur était rien. Diagne espérait que le sang des tirailleurs leur garantirait la liberté. C’était duperie. On le savait.

    Quatre ans après le livre de Césaire, le colonialisme tomberait en Algérie dans les meurtres et les bombes du FLN, contrés par la torture et le baroud des paras. Cela ne pouvait que mal se terminer, et singulièrement en ce lieu: c'est en Algérie que l’illusion des colonialistes français s’était exprimée jusqu’à sa perfection. Poser une France, peuplée de braves gens qui seraient des dupes, sur la domination, le rapt, le mépris et l’inégalité. Que le peuple pied-noir, se croyant chez lui, étant chez lui, s’était retrouvé soudain en danger, tué dans les attentats, poussé à l’extrémisme, conforté dans sa colère -et puis finalement lâché, expulsé, inconsolé, c’était la conséquence logique et la faute absolue de l’Etat français, tous régimes confondus, jusqu’à ce que De Gaulle impose la simple vérité. L’Algérie avait été volée à elle-même, et ses plus chers enfants, malgré eux, étaient des receleurs.

    Dire cela n’est insulter personne; ni les footballeurs algérois d’El Biar, qui battaient le grand Reims dans un match de coupe en 1958, alors même que leur stade était endeuillé d’un attentat; ni l’instituteur Louis Germain, qui donnerait au jeune Albert Camus, le meilleur de la France; ni Cheikh Raymond Leyris, virtuose juif de musique arabe, dont l’assassinat par le FLN marquerait la fin du judaïsme algérien, balayé avec son protecteur français d’un pays dont il était depuis toujours. On sait tout cela. De cette injustice, le colonialisme fut la cause. Comme il fut la cause des villages razziés et détruits au temps de la conquête, de l’humiliation indigène, des massacres de Sétif, en 1945, le jour de la victoire contre le nazisme!

    Dirait-on que l’hitlérisme devrait être pardonné pour la Volkswagen, ou Mussolini pour les Marais Pontins assainis?

    Il est plaisant de voir ceux qui défendent le colonialisme aller chercher ses victimes et ses dupes -pied-noirs et harkis- pour le défendre. Plaisant aussi de voir décliner par des niais contemporains un argument qu’on n’oserait employer pour d’autres régimes. Dirait-on que l’hitlérisme devrait être pardonné pour la Volkswagen, ou Mussolini pour les Marais Pontins assainis? Mais Florian Philippot, perroquet de la République frontiste, défend le colonialisme au nom du bitume et du tableau noir, et a proclamé sur twitter, là où il débat, et puis à la télévision, où il s’ébat, ceci, en français expédié:

    «Crimes contre l'humanité M.Macron les routes, les hôpitaux, la langue française, la culture française? Stop à cette repentance permanente!»

    A lui aussi, Césaire avait répondu.

    «On me parle de progrès, de "réalisations", de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d’eux-mêmes.

    Moi, je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, des cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées.

    On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemin de fer.

    Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à l’heure où j’écris, sont en train de creuser à la main le port d’Abidjan. Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la danse, à la sagesse.

    Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme.»

    Campement des travailleurs Saras et de leurs familles (1930) Via Wikimédia. 

    Congo-Océan

    Césaire citait ces ceux mots, Congo-Océan. Ils ne disent pas grand-chose à nos contemporains. Ils ont été pourtant une honte française, et la preuve du crime. En juillet 1914, quand s’approche la Grande Guerre, la France veut relier le coeur de son Afrique, Brazzaville a, à la côte Atlantique, Pointe-Noire. Il y a quelques 500 kilomètres de chemin de fer à construire, pour ce qui sera l’armature de l’Afrique Equatoriale française. Les travaux démarrent en 1921. Ils seront la mort de 17000 africains. Les travaux ont été partiellement confiés à la Société de construction des Batignolles. Ils butent sur le massif du Mayombe, une montagne humide, spongieuse, infernale bientôt. Les travaux de terrassement se font à la main, à la pioche, jusqu’à l’épuisement des ouvriers. Le gouverneur général Antonetti pousse les feux. L’administration coloniale doit fournir l’entreprise en main d’oeuvre. Elle recrute, par force, autour du chantier, puis bientôt sur un périmètre plus large: les hommes savent que l’on meurt pour le chemin de fer. On finira par razzier des travailleurs à des centaines de kilomètres du Congo, en Oubangui-Chari, au Tchad et au Cameroun. Les ouvriers meurent sur le trajet vers le chantier. Ils meurent en travaillant. Ils meurent dans les camps où on les loge…
     

    Il faut accepter le sacrifice de 6 à 8000 hommes, disait Monsieur Antonetti, ou renoncer au chemin de fer!

    En 1928, le journaliste vedette de l’époque, Albert Londres, explore l’Afrique française pour «le Petit parisien». De cette série d’article, il tirera un livre, Terre d’Ebène, publié en 1929 et sous-titré, «La traite des noirs ». Les pages qu’il consacre au chantier du Congo-Océan sont hallucinantes:

    «J'ai vu construire des chemins de fer; on rencontrait du matériel sur les chantiers. Ici, que du nègre! Le Nègre remplaçait la machine, le camion, la grue; pourquoi pas l'explosif aussi?...

    Pour porter les barils de ciment de 103 kg, "les batignolles" n'avaient pour tout matériel qu'un bâton et la tête de deux Nègres! Epuisés, maltraités, loin de toute surveillance européenne, blessés, amaigris, désolés, les Nègres mouraient en masse (…) C’était la grande fonte des Nègres…! Les huit mille hommes promis aux Batignolles ne furent bientôt plus que cinq mille, puis quatre mille puis deux mille. Puis dix-sept cent! Il fallut remplacer les morts, recruter derechef. À ce moment, que se passa-t-il?

    Ceci: dès qu’un Blanc se mettait en route, un même cri se répandait: "La machine!". Tous les nègres savaient que le Blanc venait chercher des hommes pour le chemin de fer; ils fuyaient. "Vous-mêmes, disaient-ils à nos missionnaires, vous nous avez appris qu’il ne fallait pas se suicider. Or, aller à la machine, c’est courir à la mort". Ils gagnaient les bois, les bords du Tchad, le Congo belge, l’Angola (…) Nous nous mettions à la poursuite des fugitifs. Nos tirailleurs les attrapaient au vol, au lasso, comme ils pouvaient! On en arriva aux représailles. Des villages entiers furent punis. (…) Il faut accepter le sacrifice de 6 à 8000 hommes, disait Monsieur Antonetti, ou renoncer au chemin de fer!"

    Le sacrifice fut plus considérable. A ce jour, ce pendant il ne dépasse pas dix-sept mille. Et il ne nous reste plus que trois cent km de voie ferrée à construire!»

    Quelques mois plus tôt, l’écrivain André Gide, un des maîtres à penser de l’époque, défenseur de la liberté de conscience et d’un individualisme d’esthète, est entré en indignation. Le journal socialiste «Le Populaire», puis la NRF, ont publié son Voyage au Congo, un récit faussement poétique, en réalité d’une âpreté à vif, sur l’Afrique française qu’il vient de parcourir, entre mai 1926 et juillet 1927. Lui aussi a rencontré le drame du Congo-Océan.

    «Le chemin de fer Brazzaville-Océan est un effroyable consommateur de vies humaines. Voici Fort-Archambault tenu d’envoyer de nouveau mille Saras. Cette circonscription, est particulièrement mise à contribution pour la main-d’œuvre indigène. Les premiers contingents envoyés par elle ont eu beaucoup à souffrir, tant durant le trajet, à cause du mauvais aménagement des bateaux qui les transportaient, que sur les chantiers mêmes, où les difficultés de logement et surtout de ravitaillement ne semblent pas avoir été préalablement étudiées de manière satisfaisante. La mortalité a dépassé les prévisions les plus pessimistes. À combien de décès nouveaux la colonie devra-t-elle son bien-être futur?»

    Toute cette histoire est arrivée

    De retour en France, Gide a alerté. Londres a embrayé. «L’esclavage, en Afrique, n’est aboli que dans les déclarations ministérielles d’Europe», lance-t-il. On débat. On sait, dans la République, ce qui se passe en notre nom. Les lobbies coloniaux se déchainent contre Londres et Gide. On oubliera? En 1930, la société des Nations, cette préfiguration de l’ONU, a débattu du travail forcé. La France a été interrogée. Elle est, dans sa gloire coloniale, une accusée?

    Il faut une guerre mondiale encore, où la liberté française est repliée dans les colonies, à Brazzaville justement, puis à Alger, il faut les engagements de De Gaulle, il faut la Libération, pour qu’un peu de dignité édulcore le colonialisme. En 1946, une loi de la République, votée à l’unanimité, abolit le travail forcé. Ce n’est qu’alors que la France n’est plus esclavagiste. Un député a porté cette loi. Il se nomme Félix Houphouet Boigny. Il vient de Côte d’Ivoire; il est de cette élite dont la France pense qu’elle garantira son éternité africaine, instituteur formé ensuite à une médecine au rabais, dans des études incomplètes -celles auxquelles peuvent prétendre les indigènes. Il est plus fort que ce plafond de verre, entré en politique, élu. «Houphouet» crée ensuite un parti politique, le Rassemblement démocratique africain, et devient un personnage de la République, puis celui qui conduit la Côte d’Ivoire à l’Indépendance, sans couper le lien avec l’ancienne métropole, dans ce qui deviendra la « Françafrique ». Une autre histoire, toujours marquée par le colonialisme, mais autrement? Le sujet est ailleurs; il faut un élu venu d’Afrique pour que la splendide France, en 1946, cesse d’être criminelle contre l’humanité, sans le savoir, ce qui ne change rien.

    Toute cette histoire est arrivée. Nul aujourd’hui n’en est responsable. La seule faute, chez ceux qui nous dirigent ou prétendent nous diriger, serait de l’enterrer dans des démagogies de circonstances; de prétendre que l’on blesse les français, d’hier ou d’aujourd’hui, quand on met des mots sur l’histoire. Il est absurde qu’un Fillon, qui sait par son ascendance vendéenne ce que les persécutions signifient, ne le comprenne pas; il est idiot que par réflexe, par fétichisme, par paresse, on continue un discours cadenassé, quand il serait si simple de nous rendre fiers, nous français, d’être les descendants de Gide, de Césaire ou d’Albert Londres.

    SOURCE : http://www.slate.fr/story/137717/crime-humanite-colonialisme

     


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  • les pieds tanqués

    les pieds tanqués

    Message reçu :

    Madame, Monsieur,

    Nous vous informons qu'une pièce de théâtre prochainement jouée à l'Auditorium de Chalon-sur-Saône pourrait vous intéresser.


    Cette pièce s'intitule "Les pieds tanqués", de la compagnie Artscénicum Théâtre.
    Quatre personnages (
    un rapatrié d’Algérie, un Français de l’immigration algérienne, un Provençal "de souche" et un Parisien fraîchement arrivé en Provence) abordent  autour d’un terrain de pétanque le sujet de la guerre d'Algérie. Mêlant humour et émotion, cette pièce se veut comme une mémoire à cet évenement, tout en portant une réflexion pacifique et constructive sur ce thème.

    Entre art et histoire, la compagnie Artscénium Théâtre invente des récits qui n’oublient pas le contexte mais éclairent notre époque. 

    Nous avons donc tout naturellement pensé à vous.

     

    « Si certains y découvrent, avec des dialogues truculents, la mémoire de cette période, ceux qui l’ont connue la retrouve avec beaucoup d’émotions. »

     

    Le spectacle se déroulera Vendredi 31 mars à 20h. Les tarifs vont de 5 à 10€ (à partir de 10 personnes, le prix est de 6€50)

     

    « Les Pieds Tanqués ». Quand les mémoires s’entrechoquent...

     

    « Les Pieds Tanqués ». Quand les mémoires s’entrechoquent... 

    Une partie de pétanque, son langage, ses bons mots, et 4 personnages avec une déchirure secrète, un lien avec la guerre d’Algérie. Ils s’opposent, se liguent, livrent leur vérité, mais chacun a à cœur de finir le jeu sur ce terrain qui les unit au-delà de tout.

    Une pièce en 13 points où les mémoires s’entrechoquent, une comédie dramatique sur l’identité et le vivre ensemble.
     


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  • La France a-t-elle commis en Algérie  des crimes contre l’humanité ?

    La France a-t-elle commis en Algérie  des crimes contre l’humanité ?

    La France a-t-elle commis en Algérie

     des crimes contre l’humanité ?

    Par Jean-Philippe Ould Aoudia

     

    La France a-t-elle commis en Algérie  des crimes contre l’humanité ?

    Pour prévenir toute analogie avec l’Algérie et pour empêcher que les actes commis par l’armée française soient ainsi qualifiés, la chambre criminelle de la Cour de cassation a établi le 20 décembre 1985 une subtile distinction : les faits criminels doivent être qualifiés différemment selon la nature du régime au nom duquel ils ont été commis :  « Constituent des crimes imprescriptibles contre l’humanité les actes inhumains et les persécutions qui, au nom d’un État pratiquant une politique d’hégémonie idéologique ont été commis… (n° de pourvoi 85-95166).

    Par exemple : les représailles appliquées collectivement par l’armée française aux populations civiles en mai 1945  à Sétif et dans sa région, ou en août 1955 à Philippeville et dans les villages à l'entour ne sont pas différentes de celles commises par les soldats de la division Das Reich à Oradour ou ailleurs. Ces crimes correspondent à la définition des crimes contre l’humanité donnée par le tribunal de Nuremberg du 8 août 1945.

    Mais, et c’est là qu’interviennent les juges suprêmes français, dans la mesure où les soldats allemands agissaient au nom d’un « état pratiquant une politique d’hégémonie idéologique » ils commettaient des crimes contre l’humanité. Alors que l’armée française agissait au nom d’un état démocratique afin de rétablir l’ordre républicain. Et ces images de paysans abattus sans sommation par des gendarmes au sortir de leur tente en 1945, ou de files de cadavres alignées dans le stade de Philippeville en 1955 ne sont pas celles qui démontrent la commission de crimes contre l’humanité par la France, du moins tels que circonscrits par la Cour de cassation et la jurisprudence.

    Qu'en est-il des crimes commis par l’OAS entre 1961 et 1962 ? Les archives  de cette organisation montrent que son but était de mettre en place un système totalitaire. Les instructions données par leur chef, le général Raoul Salan, relèvent de la volonté non pas de rétablir l’ordre mais au contraire de créer « …un véritable climat de terreur… ». Les membres de cette organisation n’agissaient pas non plus pour faire respecter le fonctionnement normal d’une démocratie : « Le problème de l’Algérie est tout simple », dira un de ses partisans à FR3 en avril 1991. « Ils sont douze millions et nous sommes un million. Que chacun en tue douze et il n’y aura plus de problème d’Algérie ». Une sorte de « solution finale » pour obtenir le maintien de la colonisation en Algérie.

    L’inhumanité des crimes commis par l’OAS a été partagée par le sénateur américain Robert Humphrey qui condamnait sans appel dans une déclaration au sénat le 8 mai 1962 : « les actions bestiales et l’incroyable inhumanité (de l’OAS) ». Ainsi que par U Thant, secrétaire général provisoire des Nations Unies qui déclarait le 6 juin 1962 que personnellement il ne pouvait pas « trouver de mots pour condamner les crimes bestiaux et inhumains commis par l’OAS en Algérie ».

    Aujourd’hui, un obstacle idéologique empêche la société française de voir la France telle qu’elle a été : démocratique dans ses frontières mais hégémonique et raciste dans ses colonies. Décréter que certains crimes particulièrement indignes, commis par tel ou tel pays, ne sont pas définis de la même manière au seul motif que leurs auteurs appartiennent à une démocratie est un sophisme inacceptable, même s’il remonte à l’Antiquité où la république d’Athènes était déjà impérialiste et hégémonique. C’est une habile parade juridico politique qui n’enlève rien à la nature inhumaine de certains crimes commis par les pays au fonctionnement démocratique.

    Cette irrecevabilité intellectuelle française ne fait pas l’unanimité et la déportée résistante Germaine Tillion, admise au Panthéon le 27 mai 2015 écrit : « Qu’il existe des « races » féroces ou des « races » perverses m’a toujours paru absurde, même en 1945 – quand je dis « races », j’entends des cultures voisines- mais il est vrai que certaines sociétés admettent certaines férocités et, entre 1939 et 1945, j’ai cédé comme beaucoup à la tentation de formuler des différences, des mises à part : « ils » ont fait ceci, « nous » ne le ferions pas…

    Aujourd’hui, je n’en pense plus un mot, et je suis convaincue au contraire qu’il n’existe pas un peuple qui soit à l’abri du désastre moral collectif. » (Ravenbrück, Seuil, 1988, p. 104).

                                                                 Jean-Philippe Ould Aoudia

     

    Auteur de :

    La France a-t-elle commis en Algérie  des crimes contre l’humanité ?

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    -L’assassinat de Château-Royal. Alger 15 mars 1962

    La France a-t-elle commis en Algérie  des crimes contre l’humanité ?

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    -Un élu dans la guerre d’Algérie. Droiture et forfaiture

    La France a-t-elle commis en Algérie  des crimes contre l’humanité ?

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    -La bataille de Marignane

    La France a-t-elle commis en Algérie  des crimes contre l’humanité ?

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Deux fers au feu. De Gaulle et l’Algérie


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  • Nous, melons, bamboulas, ritals, espingouins, portos, niakoués, polaks, youpins, romanos, métèques…

    Nous, melons, bamboulas, ritals, espingouins, portos, niakoués, polaks, youpins, romanos, métèques…

    Nous sommes les filles et les fils de ce que Louis-Ferdinand Céline désignait comme « ce grand ramassis de miteux, de chassieux, puceux, transis, qui ont échoué ici poursuivis par la faim, la peste, les tumeurs et le froid, venus vaincus des quatre coins du monde ».

    Nos parent-e-s et nos grands-parent-e-s ont figuré sur l’affiche rouge un jour de 1944 ou ont été jetés dans la Seine un jour de 1961. Nous sommes les enfants de celles et ceux que les Papon ont arrêté-e-s, déporté-e-s, raflé-e-s, ratonné-e-s, interné-e-s aux Milles, à Argelès ou à Drancy. 

    Ici, un jour, nos grands-parent-e-s et nos parent-e-s ont choisi de construire leur avenir et le nôtre. Il n’y a nulle usine, nul chantier ou atelier qui ne soit empreint de leur sueur et de leur sang. Il n’y a nul combat social ou politique auquel elles et ils n’ont été mêlé-e-s. Mais l’avenir auquel elles et ils pensaient n’avait rien à voir avec l’apartheid urbain, la chasse au faciès et à l’enfant.

    Ce dont elles et ils rêvaient, c’était de liberté, d’égalité et de fraternité. 

    Ce dont nous avons besoin, nous qui avons un nom à coucher dehors avec un billet de logement, nous habitant-e-s de ce pays, nous, melons, bamboulas, ritals, espingouins, portos, niakoués, polaks, youpins, romanos, métèques et autres racailles, c’est d’un grand ministère de la citoyenneté et de l’égalité. 

    Nous avons besoin, de mesures concrètes et précises pour combattre les assignations identitaires, les discriminations, les ségrégations, les rejets. Nous n’avons besoin, en revanche, ni de mots creux sur la République, ni de commisération, ni bien sûr d’évacuation musclée, de contrôle au faciès, de violences policières.

    Nous voulons l’égalité et la justice, ici et maintenant, tout de suite, pour toutes et tous.

    Didier Epsztajn et Patrick Silberstein


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  • Colonisation : un camp de concentration

    filmé en 1959

    Je dédie cette vidéo à tous ceux qui regrettent leur (si belle et généreuse Algérie française ? vous savez comme l'a si bien dit l'un de vos chefs de bande "L'Algérie, c'est notre paradis"), c'était en réalité pour tous les colonisés l'Empire du pire en pire où il n’y avait ni Liberté, ni Egalité, ni Fraternité. Dans votre Algérie il y a bien eu des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre, des crimes d’état. En voici un exemple parmi tant d’autres… Durant la guerre de Libération, l’armée française crée des camps de regroupement, souvent assimilés à de véritables camps de concentration. Elle chasse la population – surtout rurale – de ses habitations et la concentre dans ces camps afin de créer des « zones interdites » et de priver le FLN de l’appui de la population. On estime à deux millions le nombre d’Algériens ayant vécu dans ces camps durant la guerre d’Algérie. Michel Rocard, alors administrateur sortant de l’ENA qui effectuait son service militaire en Algérie dans les bureaux de l’Armée française, est l’auteur, sous un pseudonyme, du Rapport sur les camps de regroupement en Algérie. Il les qualifia lui-même de « camps de concentration ».

    Ci-dessus : camp de regroupement près d’Aumale


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  • Jean-Charles Jauffret (historien) : "La présidentielle en France relance la polémique des guerres mémorielles"

     

    Jean-Charles Jauffret (historien) : "La présidentielle en France relance la polémique des guerres mémorielles"

    Jean-Charles Jauffret.

    Historien, Jean-Charles Jauffret est professeur à Sciences Po à Aix-en-Provence. Il y dirige le département d'histoire et les recherches en histoire militaire comparée. Il est aussi spécialiste de la guerre coloniale. "La guerre d'Algérie Les combattants français et leur mémoire" est le dernier ouvrage publié en 2016 par l'auteur.

    Le Matindz : Il y a une mise en scène, voire parfois une surenchère mémorielle des deux côtés de la Méditerranée. Pensez-vous que derrière ces postures, il y ait une volonté d’éloigner la réconciliation possible ? 

    Jean-Charles Jauffret : On ne peut plus parler de mise en scène concernant les pouvoirs publics après la chaude alerte, le crescendo de 2005 et la fameuse "loi scélérate" sur les "bienfaits de la colonisation". Depuis 2007, les deux Etats font tout pour faire taire les dissensions. Je pense à cette magnifique cérémonie, passée inaperçue en France, du 11 novembre 2015 à Constantine où, en présence des autorités algériennes et des ambassadeurs de France et d’Allemagne, le Monument aux Morts des deux guerres mondiales, restauré par les deux Etats, a été (ré)inauguré. Haut de 21 m, copie de l’arc de Trajan à Timgad, il porte les noms de 800 "morts pour la France", juifs, musulmans et français. C’est par ce type de travaux pratiques que doit passer la réconciliation. Ce qui ne veut pas dire que les opinions publiques suivent, loin de là, et les présidentielles en France relancent la polémique des guerres mémorielles.

     

    Pensez-vous que la France a tout fait pour s’amender sur son passé colonial en Algérie ? 

    Pas encore, évidemment si on a en mémoire l’énormité, par exemple, du discours de Dakar de Nicolas Sarkozy au début de son mandat en 2007, mais, répétons-le, on est sur la bonne voie. A l’inverse d’une autre puissance coloniale, les Pays-Bas, qui attendirent janvier 2017 pour enfin lancer des recherches scientifiques sur les crimes de guerre commis en Indonésie entre 1945 et 1949, la France connaît depuis longtemps le temps des historiens. Comme je le soulignais en compagnie de mon collègue et ami Gilbert Meynier dans la revue Esprit en 2004. A l’inverse d’une idée reçue, après les deux guerres mondiales, bien avant le conflit indochinois, la guerre d’Algérie est la guerre la mieux étudiée en France ; il ne se passe pas de semaine sans la publication d’un nouveau livre d’historien ou de témoin, y compris sur les sujets les plus délicates comme le 17 octobre 1961 à Paris. Là encore, le temps des historiens n’est pas le temps médiatique. Mais l’opinion tourne le dos à son passé colonial qui est une boîte de Pandore et on est donc encore loin d’un examen de conscience.

    L’Assemblée nationale française a mis un terme au fameux qualificatif "événements" d’Algérie, quelle est la prochaine étape pour aller de l’avant ? A quelle solution croyez-vous pour que l’Algérie et la France puissent arriver à en finir avec leur passé ? 

    Nicolas Sarkozy, en visite en Algérie en 2007, a enfin souligné les travers de la colonisation et les injustices subies. On commence à reconnaître les préjudices endurés par le peuple algérien du fait de la colonisation, mais il faut aller encore plus loin. Reçu en grande pompe à Alger en décembre 2012, François Hollande (accompagné de Benjamin Stora) a dit, devant les parlementaires, que la colonisation était un "système injuste et brutal". Il a reconnu sévices et tortures. Le président français est allé jusqu’à s’arrêter devant la plaque de Maurice Audin près du tunnel des facultés. Reste à donner vie, un jour, à ce projet avorté de traité d’amitié franco-algérien qui aiderait à faire taire cette lancinante querelle de mémoires antagonistes.

    Finalement la France peut-elle supporter la vérité sur ses guerres coloniales ? 

    Il convient de distinguer le travail des historiens, qui finissent de curer la plaie de l’histoire coloniale, et l’indifférence de l’opinion qui, hormis quelques porteurs de mémoire vindicatifs et autres "Indigènes de la République", ne s’intéressent pas au passé colonial. Les études dites post-coloniales ne concernent que quelques initiés et universitaires étrangers dont américains. L’histoire coloniale n’a pas encore intégré ce que l’on appelle "le roman national".

    En fait, il s’agit d’un héritage. Les Français étaient flattés, au temps de la colonisation, des conquêtes quand elles étaient peu coûteuses en hommes. En petits épargnants égoïstes d’une France de fils uniques, ils ont apprécié de tirer le chèque colonial en troupes, en vivres et en matières premières lors des deux guerres mondiales. Mais contrairement à une idée reçue, il n’y a jamais eu d’idéologie coloniale structurée, la colonisation et son acculturation tiennent du bricolage, de l’improvisation, au détriment des colonisés. L’exotisme des expositions coloniales, dont la première à Marseille en 1906, cachait en fait une indifférence pour un empire où les investissements étaient rares, sauf l’Algérie et l’Indochine. Cette attitude tant soi peu paternaliste explique la rapidité, relative pour l’Indochine, avec laquelle, Algérie exceptée car composée de départements français, l’empire a finalement été liquidé.

    En 2000, les politiques, aussi bien de droite que de gauche, m’ont fait comprendre, notamment en me coupant tout moyen, qu’il était inutile de continuer la série que j’ai dirigée au château de Vincennes (archives militaires) de "La Guerre d’Algérie par les documents".

    Etes-vous en tant que chercheur, historien et écrivain confronté à la censure sur le dossier Algérie ? Si oui laquelle ? 

    Une très longue histoire personnelle. En 2000, les politiques, aussi bien de droite que de gauche, m’ont fait comprendre, notamment en me coupant tout moyen, qu’il était inutile de continuer la série que j’ai dirigée au château de Vincennes (archives militaires) de "La Guerre d’Algérie par les documents". Ce tome trois, intitulé "L’irréparable" concernait la seule année 1955 et donc toutes les déviances en marge de la loi républicaine et surtout, outre les massacres du 20 août 1955 à Philippeville et El-Halia, la sanglante répression qui a suivi jusqu’à la mi-septembre dans le Nord-Constantinois. Le prétexte était l’ouverture graduelle des archives depuis 1992. En fait, par la suite la recherche entreprise par d’autres chercheurs a repris ses droits pour cette terrible année 1955, acte III de la guerre d’Algérie après le 8 mai 1945 et le 1er novembre 1954. Cette année est à présent bien connue. Pour mes autres recherches sur la torture et les combattants français je n’ai subi aucune censure ; les rares dossiers soumis à dérogation, car relevant des services de renseignements impliquant des personnes encore vivantes, m’ont tous été ouverts.

    Y a-t-il des dossiers ou affaires qui demeurent tabous des deux côtés ? Lesquels ? 

    Outre la question des harkis, celle des retombées des 17 expériences nucléaires dans le Sahara et les sites des "armes spéciales" dont chimiques, la pierre d’achoppement concerne, entre les deux pays, la lancinante question des disparus des deux côtés.

    Avez-vous sollicité les Archives nationales algériennes (ANA) ? 

    Non, mes recherches ne les concernent point, mais mes étudiants de thèse oui. Je suis par ailleurs ravi que les ANA se dégagent du strict contrôle-barrage de l’exécutif algérien au plus haut sommet de l’Etat.

    Est-ce que les archives d’Aix-en-Provence sont accessibles aux chercheurs ? 

    Largement ouvertes. Je note la présence de jeunes chercheurs algériens. Le fonds du département de Constantine, le plus riche, offre des sériées complètes y compris pour la prolifique série M ("affaires générales").

    Vous avez consacré de nombreux ouvrages à l’histoire militaire française ? Y a-t-il un sujet sur lequel vous souhaitez désormais travailler ? 

    Mes récents voyages (2012, 2015, 2016) m’ont permis de rencontrer des moudjahidine et des moudjahidate, dans l’optique de mieux connaître l’Autre, afin de fortifier mes recherches consacrées depuis 23 ans aux combattants français de la guerre d’Algérie. Je continue d’interroger des témoins de tous bords et de recueillir de précieux fonds privés. Le chantier est immense et il faut se presser vu l’âge des survivants.

    En France, des recherches actuelles exhumeront bientôt en totalité l’effroyable guerre des grottes et l’emploi de gaz comme l’arsine à base d’arsenic.

    Toute une génération d’historiens nés pendant la guerre ou a consacré de nombreux ouvrages à l’Algérie. Y a-t-il toujours le même engouement auprès des nouvelles générations d’historiens ? Et portent-ils un autre regard sur le sujet ? 

    La génération de jeunes chercheurs se passionne en France pour la guerre d’Algérie (c’est comme cela que nous appelons la guerre d’indépendance). Ils apportent beaucoup, je pense aux travaux sur les viols de Raphaëlle Branche, sur les camps de regroupement de Fabien Sacriste ou de Tramor Quémeneur sur les désertions et l’insoumission. Il n’y a pas de différence d’approche avec l’ancienne génération (pas celle de la guerre d’Algérie proprement dite, celle qui suit et publie des années 1980 à 2000 dont je fais partie), car il n’y a pas d’histoire officielle de la guerre d’Algérie en France. A l’inverse de l’Algérie qui connaît encore ce fléau en dépit de très nettes recherches ouvertes vers des chercheurs non conformistes comme mon vieil ami Daho Djerbal, Ouanassa Siari Tengour ou Fouad Soufi et le groupe du CRASC d’Oran et ses antennes dans diverses universités. En France, des recherches actuelles exhumeront bientôt en totalité l’effroyable guerre des grottes et l’emploi de gaz comme l’arsine à base d’arsenic.

    J’abonde dans le sens d'Emmanuel Macron, évidemment.

    On est en période de présidentielle en France. Que pense l’historien que vous êtes de ces deux déclarations de candidats ? "La France n'est pas coupable d'avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d'Afrique" (dixit François Fillon) et Emmanuel Macron qui vient de déclarer : "La colonisation fait partie de l'histoire française, c'est un crime contre l'humanité, une vraie barbarie. Ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l'égard de celles et ceux vers lesquels nous avons commis ces gestes".

    Hélas, trois fois hélas ! Les deux candidats se sont adressés à leur électorat respectif, et je regrette vivement les paroles de François Fillon. En jeu un potentiel de voix représentant un fond de "nostalgériques" estimé à environ deux millions d’électeurs (1ère, 2e et 3e générations de pieds-noirs et descendants, y compris de harkis) que les membres du parti LR (Les Républicains) veulent arracher au Front national. La guerre d’Algérie refait donc surface. En remontent les relents nauséabonds de mémoires blessées qui s’ostracisent l’une l’autre. La réflexion de François Fillon montre à quel point les politiques continuent d’ignorer le travail des historiens. En revanche, j’abonde dans le sens d'Emmanuel Macron, évidemment. Toutefois, il aurait dû attendre un autre moment. Depuis le 15 février au soir après que tous les journaux télévisés, plus les réseaux sociaux, aient répandu la nouvelle, l’ire des associations d’anciens combattants, de harkis et de Français d’Algérie (et descendants) ne connaît plus de bornes. Ce qui fait le jeu du Front national. C’est là la vraie menace.

    Entretien réalisé par Hamid Arab

    SOURCE : http://www.lematindz.net/news/23375-jean-charles-jauffret-historien-la-presidentielle-en-france-relance-la-polemique-des-guerres-memorielles.html

    Jean-Charles Jauffret (historien) : "La présidentielle en France relance la polémique des guerres mémorielles"

    Jean-Charles Jauffret (historien) : « Je pense à cette magnifique cérémonie, passée inaperçue en France, du 11 novembre 2015 à Constantine où, en présence des autorités algériennes et des ambassadeurs de France et d’Allemagne, le Monument aux Morts des deux guerres mondiales, restauré par les deux Etats, a été (ré)inauguré. Haut de 21 m, copie de l’arc de Trajan à Timgad, il porte les noms de 800 "morts pour la France", juifs, musulmans et français ». 

    Jean-Charles Jauffret (historien) : "La présidentielle en France relance la polémique des guerres mémorielles"

    Perché sur le rocher de Sidi M'Cid, dominant la plaine du Hamma de plus de 200 mètres, se dresse la Monument aux Morts de la Grande Guerre.

    Cet arc de triomphe est inspiré de celui de Trajan qui se situe dans les ruines de Timgad. Il est surmonté d'une statue de la Victoire réalisée par Ebstein. Cette statue reproduit une statuette romaine en bronze, nommée "La Victoire de Constantine, trouvée par des militaires lors de fouilles dans la cour de la Casbah. Cette statuette est actuellement visible au musée Cirta.

    Jean-Charles Jauffret (historien) : "La présidentielle en France relance la polémique des guerres mémorielles"

    Ce monument est l'oeuvre du cabinet d'architecture Marcel Dumoulin et Maurice de La Chapelle qui avait ses bureaux 92 rue Georges Clémenceau.
    La première pierre du Monument aux Morts a été posée le 18 novembre 1918, Constantine étant la première ville de France à voter la construction d'un monument en hommage aux victimes de la guerre 14-18. Les travaux s'étalent sur 12 ans, et le Monument est inauguré le 7 mai 1930, en présence de Gaston Doumergue, Président de la République, Paul Doumer, Président du Sénat, Ferdinand Buisson, Président de la Chambre des Députés, de Ministres et de M. Morinaud, Maire de Constantine.

    Les pierres utilisées pour la construction viennent en grande partie de la carrière Lentini.

     

     

     

     


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  • L’historienne Sylvie Thénault rappelle que toutes les victimes ont droit à la reconnaissance et en ont besoin pour tourner la page.  

    Colonisation : L’historienne Sylvie Thénault rappelle que toutes les victimes ont droit à la reconnaissance.

    Dans un entretien donné au journal Le Monde, l’historienne Sylvie Thénault, spécialiste de la guerre d’Algérie, répond de façon nuancée à la question de savoir si la colonisation est un « crime contre l’humanité ». Distinguant le point de vue juridique et le point de vue moral, elle déclare que « la définition juridique du crime contre l’humanité ne peut s’appliquer à la colonisation ». 

    Peut-on dire, comme Emmanuel Macron, que la colonisation est un « crime contre l’humanité » ?

    Sylvie Thénault est directrice de recherche au CNRS et historienne. Ses travaux portent sur la colonisation de l’Algérie et sur la guerre d’indépendance algérienne. Elle s’est particulièrement intéressée à la répression et au droit dans le contexte colonial.

    De passage en Algérie, Emmanuel Macron a affirmé, le 15 février, que la colonisation était un « crime », un « crime contre l’humanité ». Selon vous, peut-on appliquer ce concept juridique au cas de l’Algérie française ?

    Sylvie Thénault : Je pense qu’il faut distinguer le « crime contre l’humanité » au sens juridique et au sens moral. Juridiquement, non, la voie est bouchée, car la définition du « crime contre l’humanité » est telle qu’elle ne peut pas s’appliquer à la colonisation, mais il faut avoir conscience que toute définition juridique est le résultat d’une construction par des juristes et d’une évolution par la jurisprudence. C’est ainsi en toute connaissance de cause que les juristes et magistrats français ont ciselé dans les années 1990 une définition du « crime contre l’humanité » qui écarte la torture, les exécutions sommaires et les massacres commis par l’armée française dans les années 1954-1962, pendant la guerre d’indépendance algérienne. Il y a eu amnistie pour cette période, et, juridiquement, cette amnistie est inattaquable.

    L’approche juridique n’épuise donc pas la question et il faut se la poser au plan moral. Se référer au « crime contre l’humanité », le plus grave des crimes, a une puissante signification – la meilleure preuve en est l’écho donné aux déclarations d’Emmanuel Macron. C’est en effet affirmer avec la plus grande force une condamnation de la colonisation. De ce point de vue, il n’y a pas de « vérité » à défendre. Les historiens peuvent évidemment contribuer au débat par leurs savoirs et leurs travaux, mais, ensuite, chacun est libre de se prononcer en conscience. C’est une question d’opinion.

    Pourquoi, selon vous, Emmanuel Macron s’avance-t-il sur ce terrain ?

    En tant qu’historienne, je me garderai bien d’analyser une éventuelle stratégie d’Emmanuel Macron, même si le contexte suggère que ses déclarations visent à chercher des voix dans un électorat qui serait sensible à une condamnation de la colonisation – et on peut penser qu’il en existe un. En dehors même d’éventuelles revendications algériennes, il existe une très forte sensibilité anticolonialiste dans certains courants de la gauche française, en particulier dans les milieux très fortement mobilisés dans la lutte contre le racisme et les discriminations. On est cependant ici dans des courants situés très clairement à gauche, qui ne correspondent pas au positionnement politique d’Emmanuel Macron.

    S’agissant d’éventuelles revendications algériennes, la situation est complexe. En Algérie, le pouvoir, qui souffre d’un déficit de légitimité démocratique, a largement utilisé la dénonciation de la colonisation pour se légitimer et susciter l’adhésion des Algériens. On est donc dans un contexte d’usage politique du passé au profit du pouvoir. La question se pose alors de savoir ce qu’il en est dans la société, et, là, la réponse est double.

    Colonisation : L’historienne Sylvie Thénault rappelle que toutes les victimes ont droit à la reconnaissance.

    Le candidat à l’élection présidentielle Emmanuel Macron

     le 14 février à Alger. AFP

    D’une part, la société algérienne a été très profondément marquée par la colonisation, avec une dépossession foncière massive, source d’une très profonde paupérisation, et des discriminations de toutes natures frappant ceux qu’on appelait les « indigènes » ou les « musulmans » – on refusait officiellement de dire « Algériens », car on niait alors toute identité collective propre à constituer une nation. Et il ne faut pas oublier toutes les violences commises pendant la guerre d’indépendance.

    D’autre part, cependant, aujourd’hui, l’immense majorité de la population algérienne n’a pas connu la période coloniale et il se manifeste parfois une certaine lassitude à l’évocation de cette période, tant elle a été utilisée par le pouvoir. C’est ainsi qu’en 2012, au moment du cinquantenaire de l’indépendance, on a entendu, en Algérie, s’exprimer des demandes de bilan sur ce qui a été fait depuis 1962. La dénonciation de la colonisation n’est pas fonction d’une nationalité ni d’une éventuelle origine. C’est une question de positionnement politique.

    En France, il est évident que les militants antiracistes sont en partie eux-mêmes issus de l’immigration, algérienne ou autre, mais encore une fois, leurs prises de position relèvent de choix politiques. Au fond, la question posée est de savoir s’il existe un vote « communautaire » qui serait algérien, maghrébin, musulman. Rien n’est moins sûr.

    De tels propos vous paraissent-ils cohérents avec les déclarations du candidat d’En marche ! en novembre 2016, lorsqu’il disait qu’en Algérie, « il y a eu la torture, mais aussi l’émergence d’un Etat, de richesses, de classes moyennes, c’est la réalité de la colonisation. Il y a eu des éléments de civilisation et des éléments de barbarie » ?

    A mon sens, il est aberrant de raisonner en ces termes. Trouvez-vous pertinent de dresser un tableau à double entrée pour lister, d’un côté, les violences, les discriminations, la paupérisation massive des Algériens pendant la période coloniale, et, de l’autre, les infrastructures administratives et économiques créées ? On ne peut pas, à mon sens, mettre les deux en balance pour savoir si le « négatif » ou le « positif » l’emporte. Personnellement, je trouve cela indécent.

    Historiquement, c’est un raisonnement biaisé : la colonisation forme un tout inséparable. Elle est l’appropriation illégitime, par la force, d’un territoire et de ses habitants. Cette appropriation a signifié, à la fois, la violence et les souffrances de ceux qui la subissaient et la mise en place d’infrastructures administratives et économiques. A leur sujet, en outre, il ne faut pas exagérer la mise en valeur de l’Algérie : tous les gouvernements qui, après 1945, ont cherché à combattre le succès du nationalisme, ont fait le constat du sous-développement économique et social de l’Algérie. Ils ont alors conçu des plans de développement mais le seul à avoir eu un impact réel a été très tardif : le plan de Constantine, lancé en 1958, quatre ans avant l’indépendance

    François Hollande, en décembre 2012, avait reconnu les « souffrances » infligées à l’Algérie, sans présenter d’excuses. Emmanuel Macron estime toutefois nécessaire de poser un tel geste. La France devrait-elle faire preuve d’un tel repentir ? Par ailleurs, si la colonisation relève du crime contre l’humanité, est-ce que cela sous-entend des réparations autres que morales ?

    Il ne s’agit pas de repentir, cessons d’employer cette terminologie à connotation religieuse. Le plus grave à mon sens est que les Algériens ayant souffert de la colonisation et des crimes commis pendant la guerre d’indépendance n’ont jamais rien eu pour panser leurs plaies. C’est à eux qu’il faut penser. Il faudrait ici se référer au droit international et aux précédents historiques pour imaginer une reconnaissance ou un dédommagement. A tout le moins, il faudrait un très fort discours, qui aurait une portée équivalente à celui de Jacques Chirac reconnaissant la responsabilité de l’Etat français dans la déportation des juifs de France, en 1995.

    J’ajouterais qu’il faut aussi cesser d’opposer les violences des nationalistes algériens envers les Français d’Algérie ou les harkis à un tel geste. Toutes les victimes ont droit à la reconnaissance et en ont besoin pour tourner la page.

    Sylvie Thénault est notamment l’auteure de Violence ordinaire dans l’Algérie coloniale (Odile Jacob, 2012). Elle a aussi codirigé l’ouvrage Histoire de l’Algérie à la période coloniale, 1830-1962 (La Découverte, 2012).

    Marc-Olivier Bherer 


    SOURCE : http://www.lemonde.fr/politique/article/2017/02/16/peut-on-dire-comme-emmanuel-macron-que-la-colonisation-est-un-crime-contre-l-humanite_5080715_823448.html 

     

     


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  • Le point de vue de Benjamin Stora

    sur la colonisation

     

    Le point de vue de Benjamin Stora  sur la colonisation

    Une phrase de Emmanuel Macron sur la colonisation, prononcée à la télévision algérienne, a provoqué de vives réactions, notamment à droite, et comme d’habitude à l’extrême-droite, qui n’a jamais abandonné son combat pour la défense de l’Empire colonial.

    «La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes.» La phrase de Emmanuel Macron, prononcée à la télévision algérienne, a provoqué de vives réactions, notamment à droite, et comme d’habitude à l’extrême-droite, qui n’a jamais abandonné son combat pour la défense de l’Algérie française. Des réactions à gauche également.  La ministre écologiste Emmanuelle Cosse a réagi en niant le terme de « crime contre l’humanité » à propos de la colonisation. Les réactions des dirigeants socialistes sur la caractérisation précise de la période coloniale se font encore attendre…

    Pourtant, la qualification de crime de guerre, de crime contre l’humanité, a affleuré sans arrêt dans les débats sur la colonisation depuis longtemps. Pendant la guerre d’Algérie, déjà, une série d’arguments ont été avancés par des avocats, principalement ceux du Front de libération nationale (FLN), mais aussi par l’historien Pierre Vidal-Naquet, qui a écrit La torture dans la République. Le grand rapport en1959 de Michel Rocard sur « les camps de regroupement en Algérie », qui venait de rompre avec la SFIO et fondé avec d’autres militants le PSU, a fait scandale. Il y expliquait que plus de deux millions et demi de paysans algériens avaient été déplacés de force par l’armée. Lui-même, Michel Rocard, parlait de crime contre l’humanité, parce que certains de ces paysans sont morts de faim. En 2000, Germaine Tillion, Vidal-Naquet, Laurent Scwartz, Henri Alleg et d’autres ont publié dans l’Humanité un appel qui demandait à Lionel Jospin, alors Premier ministre, de reconnaître les crimes de la guerre d’Algérie - même si leur texte ne portait pas sur l’ensemble de la colonisation.

    Dans les travaux des historiens consacrés à la conquête de l’Algérie, où des crimes ont été commis, il est raconté des massacres, des atrocités, que n’importe quel historien sérieux connaît. Des livres comme ceux de Charles-André Julien, Charles-Robert Ageron, de François Maspero ou de Marc Ferro ont été publiés depuis longtemps, mais ils n’ont pas visiblement touché la sphère politique.

    Les réactions de la droite et de l’extrême droite ont été très virulentes, parlant par exemple de «crachats inacceptables sur la tombe des Français […] et des harkis morts pour la France». Pourtant, ce sont des réactions convenues. Quand l’histoire française est évoquée par ces hommes politiques, on parle des Lumières, de l’aspect glorieux de grands personnages de la nation, de la République égalitaire. Mais ils ne disent jamais les zones d’ombre de l’histoire française, en s’abritant derrière le refus de l’idée de « repentance ».

    En 2005, la loi obligeant les enseignants à évoquer l’aspect «positif» de la colonisation a provoqué un tollé- son article 4 a été retiré-. Lorsque ces hommes politiques, et les pamphlétaires ou idéologues qui leur sont proches, évoquent ces sujets ils ne prennent jamais la peine de demander leur point de vue à ceux qui l’ont vécu. Dans les pays anciennement colonisés, la condamnation de la colonisation reste forte, très développée par les historiens tunisiens, marocains, africains, indochinois… Pas un seul historien de ces pays ne dira que la colonisation avait été positive.

    Pour la droite et l’extrême droite, l’histoire de France doit être prise comme un bloc. Mais à vouloir prendre l’histoire comme un bloc, on finirait par dire qu’il ne s’est rien passé sous Vichy, ou sous la Révolution française. C’est une lecture à géométrie variable, où l’on évoque le massacre des Vendéens sans crainte de tomber dans la fameuse, et honnie, « repentance ». On ne s’intéresse qu’à une fraction, qui a souffert de la fin de cette histoire, les harkis et les rapatriés. Il faudrait pourtant  demander leur point de vue à tous les anciens colonisés, qui ont vécu dans des sociétés coloniales pendant longtemps. Il faut prendre en compte l‘ensemble aspects : si « la France a apporté les droits de l’Homme, elle a oublié de les lire », comme l’a également déclaré Emmanuel Macron. Cette contradiction entre les principes d’égalité affichés et leur non-application est d’ailleurs à la base des nationalismes anti-coloniaux. Et il semble, décidément, toujours pas possible d’admettre cela soixante ans après…

    Or, pour un jeune d’aujourd’hui, de 25 ou de 35 ans, il existe une évidence dans la reconnaissance des actes criminels qui ont été commis, dans le rapport à l’esclavage, au régime de Vichy, à la Shoah. Ce sont des séquences historiques désormais admises. Pour la guerre d’Algérie et la colonisation, on n’en est pas là. Il y a encore un décalage entre la jeunesse et une partie de la classe politique. Les propos de Emmanuel Macron, soulèvent de l’embarras à gauche, de la protestation à droite, et de la virulence à l’extrême-droite.

    Benjamin STORA

    SOURCE :  https://blogs.mediapart.fr/benjamin-stora/blog/170217/sur-la-colonisation 

     

    Le point de vue de Benjamin Stora  sur la colonisation

     

    Emmanuel Macron sur la colonisation : «Les historiens ont apporté la preuve de massacres », juge Benjamin Stora

    Le point de vue de Benjamin Stora  sur la colonisation

    Benjamin Stora est historien et spécialiste de l’Algérie.

    MAXPPP/THOMAS PADILLA

    propos recueillis par Jannick Alimi

    Polémique. Après les propos d'Emmanuel Macron sur la colonisation qu'il a qualifiée de «crime contre l'humanité», l'historien Benjamin Stora réagit. Il donne raison au candidat. 

    Historien, spécialiste de l'Algérie, Benjamin Stora préside le conseil d'orientation de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration. Il est l'auteur d'« Histoire dessinée de la guerre d'Algérie » (Seuil). Benjamin Stora estime que la colonisation est bien un « crime contre l'humanité ».

    La colonisation est-t-elle un crime contre l'humanité ? 

    BENJAMIN STORA. La définition juridique est très large : elle englobe aussi bien la Shoah que l'esclavage ou la colonisation. Cela fait très longtemps que les historiens ont apporté la preuve de massacres, de crimes, de tortures durant la longue période de la colonisation. En 1959, Michel Rocard publiait un rapport concluant à des déplacements de 2 millions de paysans en Algérie. Mais la France a construit un système juridique qui fait qu'aucune plainte ne peut aboutir et que cette période ne peut être jugée.

    C'est-à-dire ? 

    Il est indispensable, pour qu'un crime contre l'humanité soit reconnu, qu'un Etat ou un particulier dépose plainte. C'est ce qu'avait tenté de faire Rocard en attaquant en 1986 Jean-Marie Le Pen pour torture pendant la guerre d'Algérie. Mais, en raison des lois d'amnistie votées dans les années 1960, aucune plainte ne peut aboutir. Seules des poursuites devant des tribunaux internationaux pourraient débloquer le processus. C'est un problème d'autant plus insoluble qu'en France, dès que l'on prononce les mots « crimes contre l'humanité », le débat se clôt ou se politise. Il est quasiment interdit d'évoquer tout acte de violence commis par la France pendant la colonisation. On oppose immédiatement l'apport des « Lumières », l'oeuvre civilisatrice de la France... Or, en matière de colonisation, la France a bâti un faux modèle républicain : elle a proclamé le principe d'égalité mais ne l'a que rarement mis en pratique.

    N'est-ce pas erroné de mettre sur le même registre la Shoah ou tout génocide et la colonisation, dont les buts n'étaient pas l'extermination ? 

    Les « crimes contre l'humanité » incluent aussi bien des génocides comme la Shoah ou celui des Arméniens que des massacres de masse comme ceux qui ont été perpétrés en Afrique ou en Algérie.

    Emmanuel Macron a eu raison ? 

    Tout d'abord, Emmanuel Macron a pris soin de rappeler la face civilisatrice, par effraction, de la colonisation. Ce n'est pas la première fois qu'un homme politique tient des propos analogues -- sans aller jusqu'à la qualification de crime contre l'humanité. En 2007, Nicolas Sarkozy avait condamné fortement la colonisation ainsi que François Hollande. Du coup, cela tend à politiser le débat et à en faire une affaire franco-française.

    Quel impact peut avoir la reconnaissance de la colonisation comme « crime contre l'humanité » aujourd'hui ? 

    Comment expliquer à ces catégories de la population qui descendent de l'histoire de la colonisation que, soixante ans après, on ne peut toujours pas tenir en France des propos critiques contre ce système ? La colonisation est devenue un marqueur identitaire comme l'esclavage pour les Noirs. C'est une question historique aux conséquences politiques très vivaces.

     Le Parisien

    SOURCE : http://www.leparisien.fr/politique/macron-sur-la-colonisation-les-historiens-ont-apporte-la-preuve-de-massacres-juge-stora-17-02-2017-6687714.php

     

     

     


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  • Emmanuel Macron et la colonisation : Quel flou !!!

    par Henri POUILLOT

    Le 23 novembre 2016, dans un entretien au magazine "Le Point" il évoquait les effets positifs de la colonisation de l’Algérie : "Alors oui… en Algérie il y a eu la torture mais aussi l’émergence d’un État, de richesses, de classes moyennes, c’est la réalité de la colonisation. Il y a eu des éléments de civilisation et des éléments de barbarie."


    Dans cette nouvelle interview qu’il donne le 15 février 2017, à la chaîne privée Echorouk News , il semblerait revenir sur cette position annoncée 3 mois plus tôt. Mais sur le fond il suffit de relire cette "nouvelle" déclaration pour constater que, en fait, il garde la même position : "La colonisation fait partie de l’histoire française, c’est un crime contre l’humanité, une vraie barbarie. Ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux vers lesquels nous avons commis ces gestes", reconnait-il à l’égard des personnes qui auraient pu lire "ses propos comme niant la barbarie". "En même temps, il ne faut pas balayer tout ce passé" tempère t-il cependant, citant la formule "La France a installé les droits de l’Homme en Algérie, mais elle a oublié de les lire".

    Certes il utilise l’expression de "crime contre l’humanité" pour qualifier la colonisation et sur ce point, on ne peut que partager cet avis, mais il insiste en déclarant : "En même temps, il ne faut pas balayer tout ce passé".

    Autrement dit, selon lui : certes la colonisation a été à l’origine de barbaries constituant un crime contre l’humanité, mais, "nécessaire", pour apporter l’émergence d’un Etat (il oublie cependant de dire que l’indépendance de cet état n’a pu être obtenu que suite à la lutte du peuple Algérien), les richesses, une classe moyenne, des éléments de civilisation…

    Et dans ces déclarations, il n’a pas inclus les crimes d’état, crimes de guerre commis en particulier entre mai 1945 et mars 1962 dont la France porte la lourde responsabilité.

    Cependant, cette "avancée" dans les mots, pondérée par les réserves d’aspects quand même positifs de la colonisation, soulève déjà une réaction d’une partie de la droite la plus extrême, toujours nostalgique de l’Algérie Française, de l’OAS.

    P.S. : Certains sont allés plus loin qu’Emmanuel Macron. François Fillon, candidat à la candidature de la droite à la présidentielle de 2017, avait affirmé en novembre dernier, au sujet de la colonisation, que la France n’était "pas coupable d’avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Nord".


    Macron sur la Colonisation : "le courage de... par LePoint


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  • Henri Pouillot l’a dit et même écrit avant

     Emmanuel Macron

    «La colonisation est un crime contre l’humanité»

    Henri Pouillot l’a dit et même écrit avant  Emmanuel Macron : «La colonisation est un crime contre l’humanité»

     

    La droite, l’extrême droite et il faut ajouter ce qu’on appelle la fachosphère sont vent debout, criant au scandale contre les propos qu’a déclarés Emmanuel Macron, à Alger « La colonisation est un crime contre l’humanité » avant lui Henri Pouillot, ancien appelé de la guerre d’Algérie, qui a été témoin de la torture à la villa Susini (terme exact : Sésini) à Alger avait envoyé une lettre ouverte à François Hollande (et je suis solidaire avec Henri Pouillot) dont voici un passage essentiel : « En particulier pendant la Guerre de Libération de l’Algérie, la France a une terrible responsabilité qu’elle n’a toujours pas reconnue, ni donc condamnée :
      Ce
    sont des crimes d’état  : du 8 Mai 1945 à Sétif / Guelma / Khératta les massacres qui ont fait plus de 40.000 victimes, du 17 octobre 1961 au Pont Saint-Michel à Paris où plusieurs centaines d’Algériens ont été massacrés, noyés dans la Seine, assassinés par la police, du 8 février 1962 au Métro Charonne à Paris où 9 militants pacifiques ont été assassinés par le Police
     
    Ce sont des crimes de guerre  : avec l’utilisation des gaz VX et Sarin (voir les témoignages publiés sur mon site : le premier et le second ), avec l’utilisation du napalm (600 à 800 villages ont été rasés : des Oradour-sur-Glane algériens !!!)
     
    Ce sont des crimes contre l’humanité : le colonialisme, l’institutionnalisation de la torture, les viols, les exécutions sommaires (corvées de bois, "crevettes Bigeard"…), les essais nucléaires du Sahara, les camps d’internements (pudiquement appelés camps de regroupements qui ont fait des centaines de milliers de morts)… Alors Monsieur le Président, avant de donner des leçons de droits de l’homme comme vous venez de le faire, la parole de la France dans ce domaine aurait un autre poids si vous aviez fait les gestes symboliques nécessaires de reconnaissance et de condamnation de ces crimes commis au nom de notre pays. Dans quelques mois, ce sera le 60ème anniversaire de la Bataille d’Alger où l’Armée Française a généralisé les exactions, ne serait-il pas plus que temps que la France, par votre intervention intervienne dans ce sens ? » 

    La Villa SUSINI (SESINJ), un lieu symbolique, d’un lourd passé 

    Henri Pouillot l’a dit et même écrit avant  Emmanuel Macron : « La colonisation est un crime contre l’humanité »

    « C’est dans cette Villa, à Alger, que je me suis retrouvé à effectuer la fin de mon service militaire, pendant la Guerre d’Algérie, de juin 1961 à mars 1962.
    Ce lieu fut utilisé, pendant les 8 années de cette guerre, sans interruption, comme centre de torture. »

    Henri Pouillot 

    Henri Pouillot l’a dit et même écrit avant  Emmanuel Macron : « La colonisation est un crime contre l’humanité »

     

    Emmanuel Macron : "La colonisation

     est un crime contre l'humanité"

    Henri Pouillot l’a dit et même écrit avant  Emmanuel Macron : «La colonisation est un crime contre l’humanité»

    C'est ce qui s'appelle une fantasmagorique correction.  En déplacement en Algérie, Emmanuel Macron a accordé un entretien à la chaîne privée Echorouk News où il revient sur une interview publiée dans Le Point en novembre 2016, où il évoquait des "éléments de civilisation" apportés par la colonisation française.  

    Trois mois après, le candidat à l'élection présidentielle regrette des propos "sortis de leur contexte". "Il est impossible de faire la glorification de la colonisation", estime l'ancien ministre de l'Économie, qui explique l'avoir "toujours" considérée comme un "acte de barbarie".

    "La colonisation fait partie de l'histoire française, c'est un crime contre l'humanité, une vraie barbarie. Ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l'égard de celles et ceux vers lesquels nous avons commis ces gestes", reconnait-il à l'égard des personnes qui auraient pu lire "ses propos comme niant la barbarie". "En même temps, il ne faut pas balayer tout ce passé" tempère t-il cependant, citant la formule "La France a installé les droits de l'Homme en Algérie, mais elle a oublié de les lire".



     

    MACRON VEUT ÉVITER LA "CULTURE

    DE LA CULPABILISATION"


     

    Rappelant la situation des "pieds noirs", le fondateur d'En Marche poursuit : "Il y a eu des crimes terribles mais je ne veux pas qu'on tombe tout en reconnaissant ce crime sur la culture de la culpabilisation sur laquelle on ne construit rien". "Il y a des femmes et des hommes qui ont voulu faire une autre histoire. Ils ont échoué, mais il y en a eu".

    Lors de sa visite en Algérie, Emmanuel Macron a envoyé mardi des messages de "réconciliation" lors de sa visite en Algérie, où il a aussi rendu hommage à l'acteur Roger Hanin, enterré à Alger.

    Pourquoi Emmanuel Macron est-il allé

     se recueillir sur la tombe de Roger Hanin

    en Algérie ?

    Henri Pouillot l’a dit et même écrit avant  Emmanuel Macron : «La colonisation est un crime contre l’humanité»

    Un geste « symbolique ». C’est ainsi qu’Emmanuel Macron a qualifié l’hommage qu’il a rendu mardi à Alger à l’acteur Roger Hanin, inhumé au cimetière israélite Saint-Eugène. En visite en début de semaine en Algérie, le leader d’En marche ! a créé la surprise en allant déposer une couronne de fleurs sur la tombe du comédien français, décédé en février 2015.

    « C’est une grande figure du cinéma et de l’audiovisuel français qui a décidé de venir ici se faire enterrer avec son père et de faire le chemin dans l’autre sens », a déclaré l’ancien ministre de l’Economie. Mais, derrière ce vibrant hommage, se cache en réalité une véritable stratégie de communication politique de l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron.

    Henri Pouillot l’a dit et même écrit avant  Emmanuel Macron : «La colonisation est un crime contre l’humanité»

    Emmanuel Macron dépose une gerbe avec le fils de Roger Hanin

    « La revendication d’une filiation à Mitterrand »

    Devenu très populaire par son rôle de l’inspecteur Navarro, Roger Hanin était un intime du président socialiste François Mitterrand, dont il avait épousé la belle-sœur Christine Gouze-Renal. Et, ce n’est un secret pour personne, Emmanuel Macron a souvent cité François Mitterrand comme référence dans ses discours.

    Henri Pouillot l’a dit et même écrit avant  Emmanuel Macron : «La colonisation est un crime contre l’humanité»

     

     « En déposant une gerbe sur la stèle de Roger Hanin, Macron s’inscrit dans une revendication forte d’une certaine filiation à Mitterrand », reconnaît Alexandre Eyries, enseignant-chercheur à l’université de Bourgogne-Franche-Comté, spécialisé en communication politique. « Macron est jeune et brillant. Il n’a pas de scrupules à faire ce que d’autres ont également essayé de faire, sans succès… C’est-à-dire récupérer l’héritage de Mitterrand, l’image d’une gauche unie », ajoute le politologue.

    La différence entre les autres et Emmanuel Macron, c’est « que lui est assez malin pour cultiver le story-telling. Il sait raconter des histoires pertinentes. Lui, le banquier d’affaires, s’inscrit ainsi dans l’héritage d’une gauche rassemblée, occultant tout le travail réalisé par  François Hollande », qui lui aussi s’était rendu à Alger en 2012, juste avant d’être élu président de la République.

    Un intérêt « électoraliste »

    D’une manière générale, cette visite en Algérie et l’hommage rendu à un pied-noir ne sont pas « anodins ». « L’intérêt électoraliste est évident », note l'universitaire. Le Maghreb est « très important dans la politique intérieure et extérieure de la France », a également déclaré sur RTL Pierre Vermeren, professeur d’histoire du Maghreb contemporain à l’université Paris-I.

    Outre les 20 000 Français recensés au consulat de France à Alger, on compte en France plus d’1,5 million de binationaux franco-algériens. Sans compter la communauté pied-noir et les millions de Français qui sont liés, de près ou de loin, à l’histoire de l’Algérie, anciennement colonie française.


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  • Gorron (Mayenne)

    Guerre d'Algérie

      André s'est battu pour la France

     il n'a pas sa carte de combattant

    De février à août 1963, André Le Dauphin défendait les Harkis. (Vous défendiez les Harkis ? De quelle façon ? L'armée française était consignée dans les casernes, on lui a assez reproché lors de la tragédie du 5 juillet 1962 à Oran)  Malgré ça, il n'a jamais obtenu de carte du combattant. Il pousse un coup de gueule, le jeudi 26 janvier 2017.


    André Le Dauphin à gauche, en 1963, et aujourd'hui, en bas, à 74 ans. En bas, à droite, la médaille de reconnaissance qu'il a obtenue, n'ouvrant droit à aucun privilège. - André Le Dauphin, de Gorron (Mayenne), à gauche, en 1963, et aujourd'hui, en bas, à 74 ans, le jeudi 26 janvier 2017. En bas, à droite, la médaille de reconnaissance qu'il a obtenue, n'ouvrant droit à aucun privilège.

    Ils sont 60 000 aujourd’hui, à avoir combattu pour la France en Algérie, et à ne pas avoir de carte du combattant. Un comble pour André le Dauphin, habitant Gorron (Mayenne), près de Laval.

    Les mêmes souffrances

    Président de l’association des Anciens combattants de Gorron Hercé, (quelle association, merci de préciser) il est l’un des seuls, avec deux autres à Gorron, à ne pas l’avoir, sur 55 anciens combattants en tout. « De 1954 jusqu’aux accords d’Evian, pas de problème. Mais ensuite, bien peu ont obtenu la reconnaissance de la nation », se désole-t-il. Ceci malgré le fait qu’ils aient vécu les mêmes conditions de combats, les mêmes tensions, les mêmes souffrances.

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    Pas admettre la guerre

    « La France ne veut pas admettre qu’après les accords d’Évian, c’était toujours la guerre. Mais… ça l’était ! Je me rappelle, pendant six mois, alors que je n’avais que 19 ans ».

    Que de nuits André le Dauphin a-t-il passé à monter la garde pour se protéger et protéger les copains… Que de nuit a-t-il passé « à croire qu’un chacal dans le désert qui cherchait de la nourriture, ou qu’un simple bruit dans la nuit, pouvait être un ennemi ! ». Ceci sans parler des échanges de tirs et des camarades qui se sont fait tuer…

    Aussi, André Le Dauphin ne comprend pas pourquoi la France tarde autant en la matière. En 2008, mais encore fin 2016, avec des amis de la Fédération, André Le Dauphin a interpellé, Jean-Marc Todeschini, ministre, dans une lettre.

    Le ministre a promis

    « Il a promis qu’il ferait voter une loi ». Pour le moment, rien ne bouge. Il estime pourtant qu’il faut se dépêcher. « Nombre d’entre nous sont âgés et décèdent actuellement. Ce qu’il est encore possible de faire aujourd’hui ne le sera plus dans quelques années », martèle-t-il, frustré.

    Retraite militaire

    La carte du combattant, si obtenue, est avant tout une reconnaissance de la nation, mais elle donne aussi droit à une petite retraite militaire, ainsi qu’à quelques avantages fiscaux, passés 74 ans.

    André Le Dauphin à gauche, en 1963, et aujourd'hui, en bas, à 74 ans. En bas, à droite, la médaille de reconnaissance qu'il a obtenue, n'ouvrant droit à aucun privilège. -  

    André Le Dauphin, devant la Saharienne, en 1963

    SOURCE : http://www.lepublicateurlibre.fr/2017/02/13/algerie-andre-s-est-battu-pour-la-france-il-n-a-pas-sa-carte-de-combattant/

     

    Carte du combattant :  Ne pas réécrire l’Histoire de la guerre d'Algérie

    Carte du combattant :

     Ne pas réécrire l’Histoire

    Il y a manifestement sur cette question une volonté sous-jacente de réécrire l’histoire. En effet, une proposition de loi au Sénat  prévoyait  que la carte pourrait être attribuée à ceux qui ont été présents en Algérie au moins quatre mois entre le 1er juillet 1962 et le 1er juillet 1964, avec certains critères d’attribution qui se fondent sur la notion de « participation à des opérations en zone d’insécurité comportant un risque d’ordre militaire ». Or il faut également prendre en compte le contexte « historico-politique » et les conditions dans lesquelles se sont déroulées, ou non, des opérations militaires comportant « un risque d’ordre militaire ».
    Dans le cas de l’Algérie, le cessez-le-feu entre l’armée française et les troupes du FNL, qui deviendra l’ALN, l’Armée de libération nationale, est intervenu le 19 mars 1962. Le  Sénat a voté une proposition de loi visant à reconnaître officiellement cette date.
    Après cette date, conformément aux accords d’Évian, il ne pouvait y avoir, et il n’y eut pas, d’engagement de nos troupes contre celles de l’ALN. En outre, nous commencions à rapatrier nos troupes, en priorité celles qui comprenaient une majorité d’appelés du contingent.
    Bien que la situation d’insécurité fût avérée, il n’y eut pas d’opérations militaires après le 19 mars 1962, donc, par définition, pas de « risque d’ordre militaire » proprement dit.

    En revanche, de nombreuses représailles furent commises par la population civile algérienne, comme le massacre des harkis et de leurs familles, ou les exactions contre les Européens à Oran le 5 juillet 1962, qui firent plus de 500 victimes. C’est d’ailleurs à cet évènement que la proposition de loi fait explicitement référence dans l’exposé des motifs, avec l’intention, consciente ou non, de reprendre les arguments de ceux qui ont reproché à nos troupes leur non-intervention pour y mettre fin.

    Et puis n'occultons pas l'OAS

      

    Le 23 mars 1962, ces appelés ont été assassinés par l'OAS, ne les oublions pas *** AVIS DE RECHERCHE

    Qui a commencé à tuer après le 19 mars 1962 ? Que les nostalgiques de l'OAS, du colonialisme sachent " qu'il ne pourra jamais avoir de mémoire apaisée avec ces extrémistes ! "

    *** 

     Le 23 mars 1962

     

     

    ces appelés ont été assassinés

     

     

    par l'OAS, ne les oublions pas

     

     

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    C’est pourquoi nous rendons un hommage à :

     

    Roger Oudin

     

    Robert Nogrette

     

    Jean Grasset

     

    Philippe François

     

    Daniel Doutre

     

    Messaoud Secuh

     

    Saïd Belmiloud

     

    appelés de l'Armée française

     

     tous 2e classe

     

    lâchement assassinés par l'OAS

     

    le 23 mars 1962, à dix heures

     

    place Desaix à Alger

     

    Après les 24 morts civils musulmans du 20 mars 1962

     

    Après les 18 gendarmes assassinés le 22 mars 1962

     

    Ce furent les premières victimes de l'OAS

     

     d'après le 19 mars 1962

     

    Ne les oublions pas

    Rappelons les pertes de l’armée française imputables à l’OAS, à Oran du 19 mars au 1er juillet 1962 : plus de 90 officiers et une cinquantaine d’hommes. Notamment le 14 juin 1962 l’assassinat du général Philippe Ginestet, commandant le corps d’armée d’Oran, et du médecin-colonel Mabille venus s’incliner à la morgue devant la dépouille mortelle du lieutenant-colonel Mariot, chef de corps du 5ème R.I. assassiné la veille ; et également le lieutenant-colonel Pierre Rançon puis son successeur le commandant Maurin ; le chef de bataillon Bardy qui commandait les groupes mobiles de sécurité, enlevé et dont le cadavre fut retrouvé le 27 mars 1962 dans un terrain vague ; le commandant de Gendarmerie André Boulle, le lieutenant Ferrer et le sous-lieutenant Moutardier. 

     

    **********************************************************

     

    Les accords du 18 mars 1962 à Evian décryptés

    par l'historienne Sylvie Thénault

    "Après le 19 mars 1962, l'OAS s'est lancée

    dans une explosion de violences sans limite"

    Les accords du 18 mars 1962 à Evian décryptés par l'historienne Sylvie Thénault "Après le 19 mars 1962, l'OAS s'est lancée dans une explosion de violences sans limite"


    Les accords d'Evian du 18 mars 1962 par lemondefr

     
     


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  • "La Guerre d’Algérie *** Les combattants

    français et leur mémoire"

     de Jean-Charles Jauffret

    "La Guerre d’Algérie *** Les combattants  français et leur mémoire"   de Jean-Charles Jauffret

     

    Jean-Charles Jauffret, "La Guerre d’Algérie Les combattants français et leur mémoire", préface de Jean-François Sirinelli, Paris, Odile Jacob, est une formidable synthèse d'un millier de témoignages sur la guerre d'indépendance algérienne.

    Spécialiste de l’histoire militaire française et des guerres en Afghanistan et en Algérie, l'historien Jean-Charles Jauffret a soutenu une brillante thèse de doctorat d'État en 1987 sur l’armée sous la IIIe République. Professeur émérite de l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence où il a dirigé le département d'histoire et les recherches en histoire militaire comparée, il est auteur de nombreux ouvrages d'histoire. Notons que de toutes ses recherches en histoire c'est bien l'Algérie qui est au centre de ses intérêts scientifiques. Pays qu’il connaît bien puisqu'il s'y est rendu à de nombreuses occasions dont la dernière en date est sa remarquable communication présentée au colloque d'Akfadou sur les assises de la Soummam, les 25 et 26 août 2016.

    "La Guerre d’Algérie, les combattants français et leur mémoire", est sa dernière publication parue en janvier 2016, elle est rehaussée d'une remarquable préface de Jean-François Sirinelli, professeur des universités à l’institut d’études politiques de Paris et directeur du Centre d’histoire de sciences politiques.

     

    Le livre compte près de 300 pages et comprend neuf chapitres traitant respectivement des rites de passage des soldats; la grande transhumance des soldats engagés et dont les effectifs n'ont cessé d'augmenter et l'on apprend que la guerre d'Algérie avait nécessité l'engagement de plus d'un million de soldats; la découverte des départements français d'Algérie; les grands faits sanglants de la guerre; les diverses expériences vécues; les horreurs commises au nom de la contre-guérilla, comme l'usage de la gégène, "les corvées de bois", les viols; la vie des soldats dans l'isolement; les gus (terme désignant par son ambiguïté la guerre d'Algérie ou troupe non identifiée), et enfin les séquelles de cette guerre sur ces soldats dont les graves blessures, physiques, psychiques et morales sont encore ouvertes. L'ensemble de ces lancinantes questions a fait l'objet de développements détaillés et précis. Et les relations humaines complexes entre soldats, Pieds noirs et Musulmans (fellagas, harkis et simples citoyens) sont bien caractérisées.

    Résultat d’une longue, patiente et minutieuse enquête portant sur un millier de témoignages recueillis sur une période de plus de vingts ans auprès de soldats français tous corps confondus : appelés, réservistes, professionnels engagés dans une guerre sans nom… l’ouvrage de Jean-Charles Jauffret est novateur en ce qu'il a su éviter d’être un simple enregistreur du contentieux mémoriel qui pèse encore aujourd'hui sur le passé commun entre la France et l'Algérie. À travers ces nombreux et précieux témoignages recoupés avec des archives militaires, des fonds privés, des souvenirs publiés, des films… l'auteur ne s'est pas contenté de dresser un simple inventaire, il les a finement analysés pour lever le voile sur ce que les perceptions des acteurs voilent.

    Ce sont donc ces traumatismes profonds que l'historien analyse et qui lui ont permis de passer en revue certains faits sanglants de la guerre d'indépendance, à commencer par le massacre de près de 12 000 Algériens en août 1955 dans le Nord-Constantinois, l'embuscade de Palestro tendue par Ali Khodja en mai 1956 exterminant une unité de soldats français, en passant par les opérations du plan Challe de février 1959 à avril 1961 pour asphyxier l'ALN de l'intérieur en empêchant les maquis d’être approvisionnés en armes depuis le Maroc et la Tunisie, opérations ayant fait plus de 20 000 moudjahids tués, la bataille d'Alger de janvier à octobre 1957 qui coûté la vie à Larbi Ben M'hidi et à plusieurs milliers d'Algérois et où la torture fut largement pratiquée par l'armée coloniale jusqu'aux luttes entre wilayas et les irradiés des 17 essais nucléaires au Sahara, de février 1960 à février 1966.

    Le lecteur apprendra que l'accident nucléaire survenu le 1er mai 1962 à In Mguel, dans le Hoggar avait fait 2000 civils et militaires irradiés. Par ailleurs, l'on retiendra que 2 392 camps de regroupement furent ouverts depuis le début de la guerre jusqu'au au printemps 1961 et où vivaient deux millions d’Algériens dans de très mauvaises conditions, dénoncées dans un excellent "Rapport sur les camps de regroupement» de Michel Rocard, republié en 2003, aux éditions Mille et une nuits. Rapport remis le 17 février 1959 à Paul Delouvrier, délégué général du gouvernement en Algérie.

    C’est dire combien l'ouvrage de Jean-Charles Jauffret est digne d’intérêt à plus d'un titre. D'abord l'auteur livre au lecteur une foule d’informations et de réflexions fraîches sur cette guerre de reconquête coloniale : 1954-1962. La richesse et la qualité des informations et expériences de terrain livrées sont édifiantes. Son analyse, ensuite, de l'ensemble des événements traités et qui ont jalonné les huit années de guerre, est empreinte d'équilibre et d'honnêteté intellectuelle qui lui ont permis d'éviter l'approche manichéenne, alors que le sujet est passionnel et s'y prête fort bien. Enfin, l'auteur a su parfaitement décrire fidèlement un véritable pan d’histoire de la guerre d'indépendance qui, décidément, n’a pas encore livré tous ses secrets. L'ouvrage est d'autant plus captivant qu'il ambitionne de contribuer à panser les plaies et d'œuvrer à la réconciliation des deux rives de la Méditerranée.

    La lecture de ce livre est indispensable pour comprendre les profonds traumatismes liés à la guerre d'Algérie de part et d'autre de la Méditerranée 55 ans après l'indépendance. L'on ne peut dès lors que souhaiter que ce bel ouvrage puisse être largement diffusé et connu, tant en France qu’en Algérie.

    Tahar Khalfoune

    SOURCE : http://www.lematindz.net/news/23350-la-guerre-dalgerie-les-combattants-francais-et-leur-memoire-de-jean-charles-jauffret.html

    "La Guerre d’Algérie *** Les combattants  français et leur mémoire"   de Jean-Charles Jauffret

    La Guerre d’Algérie. Les combattants français

    et leur mémoire

    Compte-rendu de la rédaction / Histoire contemporaine

    JAUFFRET Jean-Charles, La Guerre d’Algérie. Les combattants français et leur mémoire, Odile Jacob, Paris, 2016, 298 pages.

    Durant huit longues années, la guerre d’Algérie mobilisa près de deux millions de soldats français, appelés, réservistes, professionnels. Ces hommes constituent la dernière grande génération du feu. Cette expérience leur laissa une mémoire généralement douloureuse. C’est ce traumatisme que Jean-Charles Jauffret analyse grâce à un millier de témoignages directs recueillis au cours des vingt dernières années, témoignages recoupés avec les archives militaires, des fonds privés, des souvenirs publiés, des films.

    L’ouvrage suit les hommes depuis leur incorporation jusqu’à leur libération. Toutes les phases préalables sont présentées, le conseil de révision, les sursis, les charivaris, les classes, les entraînements spécialisés. Des oppositions ponctuelles au départ sont enregistrées, notamment en 1955 et 1956 ; certains appelés se disent « déportés en Algérie ». Puis vient le départ en bateau, souvent dans des cales surchauffées. La découverte de l’Algérie, littorale et intérieure, le choc dû au dépaysement et à la beauté de la nature, aux senteurs inconnues, inspirent de belles pages. Les relations humaines avec les pieds noirs et les musulmans sont bien caractérisées. Les combats, comme l’embuscade de Palestro ou la bataille d’Alger, les péripéties politiques, telles le 13 mai 1958 et la semaine des barricades, font l’objet de développements précis. L’auteur accorde une attention toute particulière au vécu des hommes, à l’expérience militaire associant archaïsme et modernité, au baptême du feu, aux méthodes de l’adversaire, aux relations avec les civils et au rôle des instituteurs mobilisés.

    Dans un chapitre intitulé « La pacification fait rage », il étudie les violences commises par les deux camps, tortures infligées par l’ALN ou par l’armée française, viols, en remarquant que la barbarie des uns n’excuse pas celle des autres (p. 142). Il n’oublie pas le cas des soldats insoumis ou objecteurs de conscience. Il décrit aussi l’isolement des hommes dans des cantonnements plus ou moins précaires : « le poste tient à la fois du bidonville, du retranchement et du camp scout » (p. 171). Il évoque la sociabilité masculine, l’argot en usage, le climat psychologique, même le sentiment religieux et la sexualité. Le retour s’effectue sans fanfare ; la réadaptation à la vie civile se révèle souvent difficile et certains ne parviennent pas à surmonter le traumatisme infligé par une guerre sans nom.

    Le livre de Jean-Charles Jauffret se signale par la richesse des informations qu’il offre. C’est plus qu’une simple relation de la vie quotidienne stricto sensu car il comporte nombre de réflexions de fond sur les implications et le sens d’une telle guerre dans le contexte culturel de l’époque. Il faut aussi louer l’équilibre et l’honnêteté de l’étude qui ne cède jamais au manichéisme. La conclusion, en forme d’égo-histoire, apporte une délicate note d’émotion. Une réussite.

    SOURCE : https://www.aphg.fr/La-Guerre-d-Algerie-Les-combattants-francais-et-leur-memoire


     


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  • Les journalistes hués aujourd'hui quand ils étaient censurés hier... Qu’en sera-t-il demain de la liberté d’expression ? Quant on est même capable de s’en prendre à la Justice !!! Toute vérité n’est pas bonne à dire, dit le dicton, ceux qui ont connu la sale guerre coloniale d’Algérie se rappellent de la censure de la Presse…

    Les journalistes sifflés aujourd'hui quand il étaient censurés hier...

     

    Lors d'un meeting de François Fillon le jeudi 9 février dernier, au Palais des Congrès du Futuroscope, les journalistes ont été hués par les militants en colère. L'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a notamment commencé son discours en faisant huer la presse.

    François Fillon a de nouveau attaqué la profession durant son discours. Sans nommer directement le Canard enchaîné, à l’origine des révélations sur son épouse et lui, ou Mediapart, contrairement à sa conférence de presse de lundi, le candidat de la droite a simplement parlé des "médias" et de "la presse" devant une foule remontée.


    Meeting de François Fillon : les journalistes... par ITELE

     

    Retour de 55 ans en arrière

    La guerre d’Algérie et la censure

    Silence, on massacre, on ratisse, on torture, on viole, on napalme. De 1955 à 1962, l’Etat français a déployé un vaste appareil répressif pour tenter de bâillonner ceux qui nommaient la sale guerre coloniale qui se menait en Algérie. Raison d’Etat oblige, il fallait dissimuler à l’opinion publique le vrai visage de la « pacification ». La censure fut alors gravée dans le marbre de la loi sur l’état d’urgence, adoptée le 3 avril 1955. Ce texte donnait aux autorités toute latitude de « prendre toutes les mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toutes nature, ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales ». C’est au titre de cette loi que furent censurés des journaux comme L’Humanité, Le Canard enchaîné, Témoignage Chrétien, France Observateur, ou encore Libération (celui d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie).

    Au printemps 1956, le gouvernement de Guy Mollet, investi des « pouvoirs spéciaux », a étendu ce pouvoir de censure à « l’ensemble des moyens d’expression ». Toutes les œuvres de l’esprit furent frappées de censure. Des livres, d’abord. Les Editions de Minuit, fondées dans la Résistance, dirigées par Jérôme Lindon, payèrent cher leur engagement aux côtés du peuple algérien. La Question reste le plus célèbre de ces témoignages frappés d’interdit. Arrêté le 12 juin 1957, Henri Alleg, directeur du quotidien anticolonialiste Alger Républicain, interdit depuis septembre 1955, entend tout dire, s’il survit, de ce qui se passe dans cet immeuble investi par la 10e D.P., à El Biar, où fut «suicidé» l’avocat Ali Boumendjel. Son témoignage franchit les murs du camp de Lodi et de la prison de Barberousse, sur de discrets feuillets. Son avocat, Me Léo Matarasso, le transmet à l’Humanité. L’édition du 30 juillet 1957, qui reprend ce récit glaçant, est saisie. Au printemps 1958, Jérôme Lindon accepte de le publier.

    Le livre, préfacé par Sartre, est aussitôt interdit. Mais la censure provoque l’inverse de l’effet escompté. Deux semaines plus tard, depuis Genève, l’éditeur Nils Andersson prend le relais. La Question passe la frontière dans des valises et circule, en France, sous le manteau. Au total, 150000 exemplaires clandestins du livre seront diffusés, contribuant de manière décisive à lever le voile sur la torture. Des films, aussi, sont interdits. Comme Rendez-vous des Quais (1955), une œuvre du cinéaste communiste Paul Carpita qui prend fait et cause pour les manifestations contre la guerre d’Indochine et témoigne de la grande grève des dockers de Marseille en 1950. Verdict : entreprise de démoralisation des troupes engagées en Algérie. Censuré. Même après 1962, la prohibition des films jugés subversifs perdura. Réalisé sur la base de témoignages d’appelés, Avoir vingt ans dans les Aurès, de René Vautier, fut récompensé l’année de sa sortie, en 1972, du Prix de la critique à Cannes. Dans une ambiance de censure et de scandale. Quant au film de Gillo Pontecorvo, La Bataille d’Alger (1966), il est resté invisible sur les écrans français… jusqu’en 2005. Le Théâtre n’échappa pas à cette répression. C’est bien au titre de la loi de 1955 que fut interdite la création en France de la pièce de Kateb Yacine, Le Cadavre encerclé, par le metteur en scène Jean-Marie Serreau. La pièce dut alors s’exiler, pour être donnée, les 25 et 26 novembre 1958, au Théâtre Molière de Bruxelles.

    A l’Humanité, il y avait en quelque sorte un censeur à demeure. Un fonctionnaire de la préfecture de police de Paris était chargé, au marbre ou au pied de la rotative, de contrôler ce qui était, ou non attentatoire à « la sûreté de l’état », en fait, ce qui était, ou non, publiable. Lorsqu’un éditorial, un reportage ou un dossier déplaisait aux autorités, l’édition était saisie. L’équipe devait alors revenir au journal dans la nuit pour sortir une édition spéciale, ou masquer les articles incriminés par des blancs. Mais la panoplie des censeurs ne se limitait pas aux saisies. Pour tenter de faire taire les voix dissonantes, l’Etat usa aussi du harcèlement judiciaire et des amendes. A la fin de la guerre d’Algérie, René Andrieu, rédacteur en chef de L’Humanité, dressait ce bilan : 313 procès et 53 milliards de francs (anciens) d’amende avaient frappé l’ensemble de la presse communiste.
    Les articles censurés témoignent, pour la plupart, des atrocités commises en Algérie, des crimes de guerre, de la torture qui se pratiquait jusque dans les « caves qui chantent »… au cœur même de Paris.

     


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  • Malakoff : ils n’en ont pas fini avec le temps « maudit » des colonies

    Malakoff : ils n’en ont pas fini avec le temps « maudit » des colonies

    L’association ACCA (Agir contre le colonialisme aujourd’hui) fêtait samedi 11 février 2017 ses 30 ans, lors d’une journée spéciale à la maison de la vie associative. Jean Clavel (à gauche), coprésident et ex-1er adjoint  à la ville et Saïd (à droite), en sont des membres historiques. (LP/A.L.)

    Leurs combats sont anciens mais restent, à leurs yeux, toujours d’actualité. Cette semaine, l’association ACCA (Agir contre le colonialisme aujourd’hui) a fêté ses 30 années d’existence par une exposition et une journée de projections et de débats, ce samedi 11 février 2017, à la maison de la vie associative de Malakoff. À l’époque, ses membres fondateurs, militants anticolonialistes, étaient aussi et surtout des « soldats du refus » : des combattants qui avaient, pour beaucoup, refusé de porter les armes lors de certaines guerres d’indépendance, notamment en Algérie.

    La plupart seront arrêtés, emprisonnés, et même torturés, comme Henri Alleg, le journaliste et écrivain fondateur de l’ACCA. Auteur du livre-témoignage « Le Refus », Alban Liechti, son président actuel, subira également la prison durant près de quatre ans. Léo Figuères, condamné pour ses prises de position contre la guerre d’Indochine, est lui entré dans la clandestinité, avant de devenir maire  de Malakoff, durant plus de trente ans (1965-1996).

    « A Malakoff, le maire et ses deux premiers adjoints sont tous

    des condamnés » 

    Son premier adjoint historique, Jean Clavel, a lui aussi écopé de deux ans de réclusion après la guerre d’Algérie. Il est aujourd’hui le co-président de l’ACCA : « Je me rappelle d’une soirée où Léo Figuères présidait une assemblée dans les années 1960, se souvient-il. Et il disait : à Malakoff, le maire et ses deux premiers adjoints sont tous des condamnés (rires). »

    Quelques années plus tard, l’idée de créer une association a germé. Surtout quand, au début des années 1980, une loi visa à indemniser les « victimes du colonialisme. » « Mais elle ne prévoyait pas d’aider les combattants qui avaient été emprisonnés pour leurs positions anticolonialistes », rappelle Jean Clavel. C’est aussi pour « mettre en avant leur expérience, témoigner et dénoncer » que l’ACCA est née. Elle compte aujourd’hui un peu moins d’un millier d’adhérents.

    A l’origine, l’association s’appelait d’ailleurs « Association des combattants de la cause anticoloniale. » Une appellation qui pouvait parfois rebuter les plus jeunes, et qui a donc poussé l’ACCA à garder son sigle, tout en changeant de nom. Devant les panneaux de l’exposition présentée à Malakoff, et relatant les trente années de combat de ces militants, Jean Clavel pointe du doigt un autocollant réclamant « Plus aucun soldat français hors de France ! » Sujet d’actualité. « Actuellement, la France a des bases militaires dans une douzaine de pays d’Afrique, mais on en parle très peu, explique-t-il. On aimerait que le sujet soit abordé lors de l’élection présidentielle. »

     leparisien.fr

    Malakoffcolonialismesoldats du refusAccaGuerre d'Algérie

    Malakoff : ils n’en ont pas fini avec le temps « maudit » des colonies

    Ou, la Françafrique, ce colonialisme d’aujourd’hui

    Malakoff : ils n’en ont pas fini avec le temps « maudit » des colonies

    C’est le 11 janvier 2013 que débute l’Opération Serval pour éradiquer le terrorisme dans ce pays. Cela devait durer 3 mois. 4 ans plus tard l’Opération Barkhane qui s’est substituée à l’Opération Serval n’a toujours pas obtenu le but annoncé. Il y a quelques semaines encore un militaire français (originaire des Yvelines) était tué : son véhicule a sauté sur une mine. Cela fait une vingtaine de soldats français qui sont morts au Mali depuis le début de l’intervention, 4 en 2016. Une française, responsable d’ONG, à été enlevée à Noël, à Gao, et l’on est toujours sans nouvelles.

    Cette opération démontre bien, malheureusement, que ce ne sont pas les armes qui éradiqueront le terrorisme. Mais la politique de pillage des richesses locales, créant la misère et cette politique de Françafrique, ne peuvent qu’alimenter des foyers de recrutement de djihadistes. Et, comme le Mali est le 3ème pays producteur d’or du monde, que le nord du Sahel (une partie du Mali) est la région du monde qui recèle 80% des ressources de minerai d’uranium du monde, que des ressources de pétrole existent (connues depuis plusieurs années, mais non exploitées pour ne pas faire baisser le prix du baril), que des réserves de gaz ont été découvertes récemment, il est bien évident que le Mali n’est pas prêt de pouvoir disposer de sa réelle souveraineté.

     

    Nos troupes tentent de jouer les gendarmes

    sur le continent africain.

    Il faut bien assurer la continuité de la Françafrique, cette domination militaro-économique qui, au prix de la corruption de dirigeants locaux, maintenant le peuple dans une terrible misère, permet, avec le contrôle du Franc-CFA d’imposer un pillage "légal" des richesses locales au détriment des populations de ces pays.
    Plus de 4. 000 soldats français sont déployés dans le Sahel. L’opération Serval, devenue Barkhane à l’été 2014, est la plus vaste intervention de l’armée, hors engagement au sein d’une coalition, depuis la guerre d’Algérie…sont donc présents des soldats au Mali, au Niger et au Tchad, pour Barkhane, en Centrafrique, avec Sangaris, et, de façon beaucoup plus discrète, en Libye".

    Tout est fait pour  justifier la politique d’exception (état d’urgence perpétuel), pseudo-sécuritaire, imposé en Métropole et pour "justifier" une lutte antiterroriste, alors que rien n’est fait pour en tarir les sources.

    A quand une réelle politique de partenariat permettant aux peuples africains de sortir enfin de cette misère imposée, qui permettrait d’éviter que de nombreux migrants tentent de fuir leur pays (au risque de leur vie par des traversées catastrophiques en Méditerranée), alors qu’ils préfèreraient rester près de leurs proches au lieu d’être des esclaves "modernes" en France.

     


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  • Une vieille connaissance de notre blog renvoyée en correctionnelle mais ici la maire d'Aix-en-Provence nous intéresse pour de nombreuses autres raisons. 

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    La maire d'Aix-en-Provence renvoyée

    en correctionnelle

    Orange avec AFP, publié le samedi 11 février 2017 à 18h52

    La maire Les Républicains (LR) d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), Maryse Joissains-Masini, a été renvoyée cette semaine devant le tribunal correctionnel pour détournement de fonds publics et prise illégale d'intérêts.


    Détournement de fonds : une élue Les... par 6MEDIAS


    Par contre tous les articles ci-dessous ont été mis en ligne sur notre Blog, ils proviennent de la Ligue des Droits de l’Homme de Toulon ou de l’ANPNPA (Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes et leurs Amis) et nous nous contenterons de vous les rappeler, cliquez sur chacun des liens suivants : 

     

    http://www.dandelotmije.com/article-nous-avons-re-u-hier-sur-notre-blog-un-incroyable-diaporama-en-provenance-de-mme-joissains-mair-113875762.html 

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     • Aix-en-Provence, Perpignan, Le Touvet : des hommages anti-républicains inacceptables

     

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    • Maryse Joissains inaugure une stèle en l’honneur des “martyrs de l’Algérie française”

     

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    • Le Touvet, Aix-en-Provence : Non à de nouveaux éloges de l’OAS

    • Aix-en-Provence : subventions sélectives

    • exposition Camus à Aix-en-Provence : est-il encore temps ?

    • Albert Camus otage à Aix-en-Provence

    • exposition Albert Camus à Aix : qui est le pilote ?

    • “affaire Camus” : un mauvais coup ...

    • expo Camus à Aix-en-Provence : changement de direction

     

    • Maryse Joissains “défend les valeurs de Marine Le Pen”

    • pour la maire d’Aix-en-Provence, l’Algérie est toujours française

     

    • Maryse Joissains : “les valeurs qu’a Marine Le Pen, je les ai toujours défendues”

    • annulation de l’exposition Albert Camus à Aix-en-Provence

    • les propos indignes de Maryse Joissains

    • négationnisme électoral à Aix-en-Provence

     

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    • Aix-en-Provence subventionne l’Algérie française

    • une seule plaque vous manque... à Aix en Provence ?

     

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    • merci maman !

     

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    • Maryse Joissains-Masini, député-maire d’Aix-en-Provence et apologiste de l’OAS

     


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  • Comme quoi les pieds-noirs

    n'étaient pas tous pour l'OAS !!!

    Ceux-là ont même été menacés

    de mort par l'organisation

    terroriste et criminelle

    Gabriel Mifsud (vidéo à la fin) explique aux élèves sa position d'instituteur Français d'Algérie, engagé dans une solidarité sociale auprès des Algérien.nes pendant la guerre d'Algérie.

    Gabriel et Gabrielle MIFSUD

    Gabriel Mifsud (vidéo à la fin) explique aux élèves sa position d'instituteur Français d'Algérie, engagé dans une solidarité sociale auprès des Algérien.nes pendant la guerre d'Algérie.

     

     

    Gabriel Mifsud (vidéo à la fin) explique aux élèves sa position d'instituteur Français d'Algérie, engagé dans une solidarité sociale auprès des Algérien.nes pendant la guerre d'Algérie.

    Elèves de l’école de Souk Ahras - archive privée

    Gabriel Mifsud, né en 1926 en Algérie, est instituteur. En 1951, il est nommé à Souk Ahras près de la frontière tunisienne, où va être déplacée une importante population algérienne pendant la guerre. Il s'engage dans une solidarité active auprès de ces familles qui vivent dans des conditions d'extrême précarité. Évacué par l'armée en 1962, il revient aussitôt après l'indépendance pour travailler à la reconstruction du système éducatif local et devient maire adjoint de Souk Ahras jusqu'en 1971. 

    Gabriel Mifsud (vidéo à la fin) explique aux élèves sa position d'instituteur Français d'Algérie, engagé dans une solidarité sociale auprès des Algérien.nes pendant la guerre d'Algérie.

    Gabriel Mifsud (vidéo à la fin) explique aux élèves sa position d'instituteur Français d'Algérie, engagé dans une solidarité sociale auprès des Algérien.nes pendant la guerre d'Algérie.

    Les petits élèves de Gabriel Mifsud vivaient dans des gourbis

    Gabriel Mifsud (vidéo à la fin) explique aux élèves sa position d'instituteur Français d'Algérie, engagé dans une solidarité sociale auprès des Algérien.nes pendant la guerre d'Algérie.

      L'école de Souk Aras

    Gabriel Mifsud est né en 1926 à Annaba dans une famille pied-noire d’origine maltaise qui lui transmet les valeurs du catholicisme social. Il apprend l’arabe au lycée et se perfectionne dans la langue lors de son premier poste dans le Sud de l’Algérie. Durant toute sa jeunesse, il est scout et participe à de nombreux camps inter-religieux où il lie des amitiés avec de jeunes musulmans. A 19 ans et alors chef d’un camp scout, il participe aux célébrations du 8 mai 1945 à Guelma. Il est témoin de la répression et des violences, mais aussi des gestes de sauvegarde et de solidarité entre les colons et leurs employés algériens et inversement.

    Au début de la guerre, il est instituteur à Souk Ahras, ville de 20 000 habitants à 60 km de la frontière tunisienne. Du fait de cette proximité et de l’établissement de la ligne Morice, une forte population est déplacée et se réfugie aux abords de Souk Ahras. Tout comme sa femme, il est alors instituteur dans une école pour Français.es musulman.es et beaucoup de ses élèves vivent dans les bidonvilles à l’extérieur de la ville.

    Il crée alors, avec des prêtres, l’Entr’Aide Fraternelle, dans une optique inter-culturelle, qui se démarque du Secours Catholique. L'association distribue des vivres. Cette solidarité envers les Algérien.nes est mal acceptée par de nombreux Français.es d’Algérie et les Mifsud se retrouvent au ban de la communauté et renforcent ainsi leurs liens avec la population algérienne.
    Tout au long de la guerre, Gabriel Mifsud envoie des rapports à la commission aux droits de l’homme en Algérie créée par De Gaulle et dirigée par Robert de la Vignette afin d’alerter le gouvernement sur l’usage de la torture.

    En mars 1962, les Mifsud sont menacés de mort par l’OAS, et évacués en France par l'armée. Ils arrivent donc à Nice puis partent pour la Normandie où l’inspecteur d’académie leur refuse un poste du fait de leurs engagements. Il faut l’intervention de Robert de la Vignette pour que les Mifsud puissent travailler.
    Dès le 21 juillet 1962, toute la famille rentre en Algérie pour aider à la reconstruction du pays. Les habitant.es demandent à Gabriel Mifsud d’être maire-adjoint de Souk Ahras et de préparer la rentrée scolaire de septembre 1962. Afin d’accueillir tous les enfants, Gabriel demande à l’armée une caserne pour la transformer en école. Ce principe va être généralisé sous Boumediene.

    En 1964, Gabriel est nommé directeur de l’école d’application d’Annaba où il forme les futurs instituteurs. Il y travaille jusqu’en 1971 où l’Etat décide d’algérianiser l’enseignement primaire. Il refuse alors le régime spécial qui lui est proposé et qui lui permettrait d’enseigner en français. Le couple quitte l'Algérie pour Lyon et retrouve ses enfants qui y font leurs études. Il devient instituteur à la Croix-Rousse. Il prend sa retraite en 1981, fait du soutien scolaire et s’engage dans la CIMADE.

    Gabriel Mifsud et les élèves de première ES, lycée La Martinière Duchère, Lyon

     

    SOURCE : http://grandensemble-media.fr/temoins/gabriel-mifsud/ 


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  • "Charonne" après le "17 Octobre 1961", fut le dernier massacre d’État avant la signature des accords d'Évian, le 19 mars 1962, accords qui mettaient fin aux combats et traçaient, pour l'Algérie, le chemin de l'indépendance.
    Depuis l'insurrection du 1er Novembre 1954, violences, haines, tortures, assassinats, attentats... jalonnent 8 années de conflit.
    Ce film est un hommage à toutes celles et ceux qui étaient à Charonne, les victimes, les blessés, dont certains garderont des séquelles lourdes et définitives, à tous les démocrates qui se sont levés pour défendre les libertés.
    Pour comprendre "Charonne", nous devions inscrire cette tragédie dans l'Histoire: l'histoire de la guerre d'Algérie, de la colonisation, plus largement l'histoire du colonialisme.
     

     

    Les souvenirs de Delphine Renard

     sur "France info" 

     L'histoire du jour

     Delphine Renard, la petite fille victime de l'OAS

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    Le 7 février 1962, en pleine guerre d'Algérie, une bombe explose chez André Malraux. Une petite fille de quatre ans, Delphine Renard, est grièvement blessée. Elle devient, malgré elle, le symbole des victimes du terrorisme. Aujourd'hui, dans un livre - "Tu choisiras la vie" (Grasset) - elle raconte l'évènement qui a changé sa vie.

    Delphine Renard est au milieu de ses jouets, dans sa chambre, à Boulogne Billancourt. Elle est allongée, par terre, plongée dans une livre. Soudain, une énorme explosion retentit. La pièce vole en éclats. La petite fille pousse un hurlement. Elle s'en souvient comme si c'était hier : "j'ai les yeux fermés, collés par le sang, mon côté droit n'est plus qu'une bouillie". Les secours se précipitent. Les reporters, aussi. Paris Match publie la photo de l'enfant. Le magazine écrit : "ce visage mutilé accuse l'OAS".

    L'OAS, c'est l'organisation de l'armée secrète, qui commet des attentats pour empêcher l'indépendance de l'Algérie. Quand les Français voient cette photo, quand ils découvrent l'histoire de Delphine Renard, ils sont bouleversés.

     

    Deux drames, en deux jours

     

    Si la bombe a explosé chez elle, c'est simplement parce que Delphine Renard habite le même immeuble qu'André Malraux. C'est lui, le ministre du général de Gaulle, qui était visé. Au moment de l'attentat, Malraux n'était pas chez lui.

    Le lendemain, une manifestation a lieu à Paris. Le préfet de police, Maurice Papon, l'a interdite. Mais des milliers de personnes descendent malgré tout dans la rue. Elles protestent contre les attentats. La police charge les manifestants. Il y a des bousculades. Neuf personnes sont tuées au métro Charonne.

    Deux drames, en deux jours. Après des mois de violence, après la répression du 17 octobre 1961, la guerre a atteint un niveau insupportable. D'ailleurs, les Français ne la supportent plus. Le conflit s'arrête quelques semaines plus tard. Les accords d'Evian sont signés le 18 mars 1962.

     

    À 55 ans, elle trouve la force d'écrire sur l'événement

     

    Pendant ce temps-là, Delphine Renard va d'hôpital en d'hôpital. Dans l'attentat, elle a perdu un œil. Elle subit des opérations en série. Elle grandit. Elle se construit, dans l'ombre de cette histoire. Parfois, dans la rue, des passants la reconnaissent : "Êtes-vous la petite Delphine Renard ?". Elle n'aime pas beaucoup ça.

    Elle suit des études brillantes. Elle devient critique d'art, puis psychanalyste. A 29 ans, elle perd son deuxième œil. Encore une conséquence, tardive, de l'attentat. Aujourd'hui, Delphine Renard a 55 ans. Elle a trouvé la force d'écrire sur l'événement qui a bouleversé sa vie.

    Le 7 février 1962, en pleine guerre d'Algérie, une bombe explose chez André Malraux. Une petite fille de quatre ans, Delphine Renard, est grièvement blessée. Elle devient, malgré elle, le symbole des victimes du terrorisme. Aujourd'hui, dans un livre - "Tu choisiras la vie" (Grasset) - elle raconte l'évènement qui a changé sa vie.

    Delphine Renard est au milieu de ses jouets, dans sa chambre, à Boulogne Billancourt. Elle est allongée, par terre, plongée dans une livre. Soudain, une énorme explosion retentit. La pièce vole en éclats. La petite fille pousse un hurlement. Elle s'en souvient comme si c'était hier : "j'ai les yeux fermés, collés par le sang, mon côté droit n'est plus qu'une bouillie". Les secours se précipitent. Les reporters, aussi. Paris Match publie la photo de l'enfant. Le magazine écrit : "ce visage mutilé accuse l'OAS".

    L'OAS, c'est l'organisation de l'armée secrète, qui commet des attentats pour empêcher l'indépendance de l'Algérie. Quand les Français voient cette photo, quand ils découvrent l'histoire de Delphine Renard, ils sont bouleversés.

     
    Delphine Renard, une petite fille victime de l'OAS par franceinfo

     

     

     

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    Son livre commence ainsi «  Je veux dédier ce livre aux neuf personnes qui ont trouvé la mort au métro Charonne, le 8 février 1962, tuées par une police aux ordres du sinistre préfet Papon. Ces manifestants sont tombés pour avoir exprimé leur volonté de paix en Algérie et pour avoir osé élever leurs voix contre la barbarie de l’OAS : c’était au lendemain d’un attentat visant le ministre André Malraux et qui m’a seule atteinte. Ayant eu la chance de survivre, j’ai le sentiment de respirer aussi en leurs noms. Cinquante après, leur souvenir me porte à dénoncer comme eux, cette guerre sans fin et à m’associer à toutes les familles qui, comme la mienne, en ont été à jamais meurtries. Je rends également ici hommage à tous ceux qui, un jour, ont rencontré sur leur route la folie du terrorisme aveugle » Delphine Renard.


     

     

     


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  • « On est chez nous » ! c’est le cri de racistes, de xénophobes, d’islamophobes entendu dans un grand meeting qui vient d’avoir lieu à Lyon, je ne citerai pas le nom de la vedette qui a attiré cette meute beuglante, elle n’en vaut pas la peine… Par contre je veux vous faire prendre connaissance d’une tribune parue dans un grand quotidien français rédigée par de nombreuses personnalités qui rappellent que « la France est aussi celle des enfants d’immigrés » car la France est multiculturelle et elle le restera, que cela plaise ou non !!!

    Nous, qui sommes des enfants héritiers de l'immigration, demandons : combien de fois faudra-t-il le crier ? Combien de fois faudra-t-il le répéter ? Nous sommes Français ! Nous ne pouvons plus supporter que certains nous attaquent, nous réduisent, nous humilient, nous montrent du doigt...

    Comment accepter que dans cette République laïque certains refusent de comprendre que la religion est un choix, non une naissance ou une couleur de peau, que la religion est affaire privée et non publique... Il serait temps que certains cessent de donner des leçons, de semer la confusion entre "civilisation" et "politique", "culture" et "citoyenneté", passant outre le sens des mots de notre langue française, comme la complexité de l'histoire, et la différence entre les idées et les peuples, autant d'approximations que l'on dirait là pour masquer l'indicible notion de "race"...

    La civilisation française n'appartient pas plus à ceux qui hurlent « on est chez nous » qu'à nous tous ! Nous, les enfants de l'immigration, Français parmi les Français, nous refusons d'être toujours et encore pris à partie, utilisés, caricaturés pour agiter les peurs et les haines. Hier, il y avait les Espagnols, les Portugais, les Italiens, les juifs. Aujourd'hui, on agite chaque jour la peur du musulman.

    Malgré nos différences, malgré notre multitude et notre diversité, montrons-leur que nous sommes unis ! Montrons-leur que nous sommes comme les autres ! Nous sommes des citoyens français !

    Nous n'avons pas l'intention d'envahir ou d'écraser, nous sommes là, comme nous sommes. On est chez nous AUSSI et AUTANT ! Nous ne sommes pas des victimes, malgré la discrimination à l'embauche, malgré les arrestations au faciès, malgré la violence des propos sans cesse répétés… Nous ne sommes pas des victimes, nous ne sommes pas des revanchards. Et si une minorité de Français nous montre du doigt comme des étrangers, nous savons qu'une grande partie des Français nous considère depuis longtemps comme des leurs. Nous devons lutter pour prendre notre place. Nos places dans la République, nos places au coeur de l'Assemblée nationale, des partis politiques. Car ces trois mots "Liberté, Egalité, Fraternité" doivent avoir le même sens pour tous les Français !

    Ne nous laissons pas réduire à des voiles, à des accents ou à des croyances ! Ils nous rejettent, ne nous mettons pas à l'écart ! Ce harcèlement moral à l'égard des "musulmans", des "racailles", des "voyous" que nous sommes, attaque le système nerveux. Il faut le vivre pour le comprendre ! Il pénètre dans tous les pores de la peau, il vous donne des envies de "vous ne m'aimez pas, et bien je ne vous aime pas non plus. !", des envies de siffler l'hymne national, des envies de paranoïa et d'amertume, des envies de retour au bled... Non !

    Ne leur laissons pas ce plaisir.

    Nos parents ont fait la route, ils sont venus du monde entier et ils se sont posés là. Nous, on est d'ici et on y reste ! Nous n'oublierons pas d'où nous venons, nous n'avons pas besoin de renier notre histoire pour entrer dans l'histoire de France. Nous sommes français ! Le drapeau français est à nous ! L'hymne national est à nous ! La laïcité est à nous ! Rassemblons-nous partout en France, quelles que soient nos origines, tous ensemble et pareillement français ! Brandissons le bleu, le blanc et le rouge au-dessus de nos couleurs et montrons-leur nos cartes d'électeurs !

     


      Alors, pour conclure voici une belle histoire

    Meriem Derkaoui : première femme maghrébine à être

    élue maire d’Aubervilliers, en banlieue parisienne

     82000 habitants plus qu'à Béziers 76000 habitants mais là on ne baptise pas une rue au nom d'un putschiste

    en supprimant le nom de 19 Mars 1962

     

    Cette originaire de Saïda (Algérie) est la première femme maghrébine élue maire d'Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis (93).

    C’était le  22 janvier 2016. Il est 9 h 30. C’est l’heure de notre rendez-vous. « La maire est un peu en retard, elle ne devrait pas tarder », prévient la collaboratrice de Meriem Derkaoui, fraîchement et confortablement élue par sa majorité municipale la veille à la tête d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Elle est la première femme à diriger cette ville de banlieue parisienne de 82000 habitants, la première personne d’origine maghrébine aussi…

    Le bureau de celle qui fut première adjointe chargée de l’enseignement et de la jeunesse se trouve au premier étage. Sur la porte, le nom de Pascal Beaudet, l’ancien maire, n’a pas encore été retiré. Le 4 janvier dernier, il a annoncé à la surprise générale qu’il quittait la mairie. Officiellement pour des « raisons de santé », mais le bruit court qu’il serait parti pour des raisons plus politiques. Contesté au sein même de sa majorité et fatigué par les querelles, il aurait préféré jeter l’éponge.

    La nouvelle maire d’Aubervilliers 

    « Je m’y attendais un peu », admet Meriem Derkaoui, qui a fini par apparaître toute de noir vêtue, les traits tirés, avec une quinzaine de minutes de retard. « Je me suis couchée à 1 h 30 », s’excuse-t-elle sans trop donner de détails, mais on imagine bien les nombreux coups de fil de félicitations qu’elle a dû recevoir la veille, de ses amis français, mais aussi d’une partie de sa famille qui vit toujours en Algérie.

    « Je savais que le maire avait des problèmes de santé, mais une majorité n’est jamais facile à gérer, poursuit-elle. Même si on est de la même famille politique, on a tous des parcours différents. C’est pour cela que j’ai tenu à m’entretenir en tête à tête avec chacun des élus, car l’objectif est de réussir ensemble », dit-elle presque mécaniquement. C’est son premier jour en tant que maire, mais Meriem Derkaoui semble bien préparée pour sa nouvelle fonction.

    Elle n’est pas dupe. Elle sait que certains l’attendent au tournant, même dans son propre camp. « C’est normal, on ne peut pas plaire à tout le monde, lâche-t-elle. J’espère que l’intérêt général prendra le dessus. » Le fait d’être une femme risque aussi de provoquer des réactions inappropriées : « Malgré les lois sur la parité, le milieu de la politique reste encore très masculin », dénonce-t-elle calmement. Quant à ses origines : « Il suffit d’aller faire un tour à l’Assemblée nationale pour comprendre qu’il y a encore bien du chemin à parcourir. »

    L’exil en France après la victoire du FIS

    Meriem Derkaoui, qui ne fait pas vraiment ses 60 ans, a elle parcouru son bout de chemin. Elle ne vient pas de nulle part : elle est née le 25 septembre 1955 à Saïda, une ville de l’Ouest algérien. Parlant aussi bien le français que l’arabe, elle a suivi toutes ses études dans la langue d’Aimé Césaire, aussi bien au lycée qu’à la fac d’Oran, où elle a obtenu une maîtrise de droit public.

    Son parcours de militante commence quand elle intègre le Comité de volontariat universitaire (CVU), relais de la révolution agraire dans les campagnes si chères au président Boumédiène. En 1978, alors qu’elle poursuit un troisième cycle de droit à l’université d’Alger, elle milite à l’Union nationale de la jeunesse algérienne (UNJA), avant d’en devenir, l’année suivante, l’une des responsables. Ses études terminées, elle décroche un poste important au sein de la sécurité sociale algérienne.

    Elle avoue n’être « pas malheureuse » en Algérie, mais la victoire du Front islamique du salut (FIS) le 12 juin 1990 change la donne pour elle et pour ses deux enfants. « Je n’ai pas quitté mon pays que pour cette raison, tempère-t-elle. Il y avait aussi une forte répression des militants politiques. Je sentais que ça allait être de plus en plus difficile. Je voulais intervenir dans la vie des gens, les aider, mais, pour le faire, la démocratie est nécessaire. »

    Une seconde nationalité qui lui donne le droit de voyager où elle veut.

    Et d’abord en Palestine

    Après un passage de quelques mois chez son frère, à Paris, c’est à Saint-Denis qu’elle trouve son bonheur. Dix ans dans la ville des rois, où elle se sent bien avec ces gens « venus des quatre coins du monde » et où son « militantisme sert encore à quelque chose ». Elle posera définitivement ses valises dans la ville voisine, Aubervilliers, en 1999.

    Un an avant, tandis que la France métissée de Zidane gagnait la Coupe du monde, elle embrassait les couleurs tricolores en devenant française. « Je suis allée m’inscrire tout de suite sur les listes électorales », dit-elle, les yeux encore pétillants. Une seconde nationalité qui lui donne le droit de voyager où elle veut. Et d’abord en Palestine. « J’ai toujours voulu m’y rendre, mais ce n’était pas possible avec un passeport algérien. » Un premier voyage en Cisjordanie occupée en 1999, puis l’année d’après à Gaza, la conforte dans la nécessité de se mobiliser «contre cette injustice».

    « Ce qui se passe là-bas, dans une indifférence quasi générale, me révolte, dit-elle. Il faut aller sur place pour se rendre compte de ce que vit le peuple palestinien au quotidien. » Depuis, elle y retourne chaque année, comme elle retourne en Algérie. « Je suis très attachée à mon pays et je le serai toujours, mais ça ne m’empêche pas de me sentir française. » Des mots qui résonnent d’autant plus fort à une époque où certains tentent de remettre en question le statut de binational.

    Vive la France multiculturelle !!! Vive la France des couleurs !!!

    Aubervilliers l'exact contraire

    de Béziers

    Cinquante-cinq ans après, Aubervilliers

     a toujours Charonne au cœur

    Un hommage est rendu chaque année à Suzanne Martorell assassinée au métro Charonne il y a exactement cinquante-cinq ans demain 8 février 2017. Cet hommage se déroule devant l’immeuble dans lequel elle habitait, cité Robespierre. Après le dépôt d’une gerbe de fleurs rouge et l’écoute de Lény Escudéro consacré à Charonne.

    Aubervilliers : hommage à la militante

    Suzanne Martorell

    Vive la France multiculturelle !!! Vive la France des couleurs !!!

     

    Vive la France multiculturelle !!! Vive la France des couleurs !!!

    Au cours d'un hommage précédent

    Suzanne Martorell a perdu la vie le 8 février 1962, avec huit autres militants majoritairement communistes, à la suite d’une charge de police au métro Charonne à Paris.  Suzanne Martorell avait trouvé la mort au cours d’une manifestation réclamant la paix en Algérie et dénonçant les crimes de l’Organisation armée secrète (OAS).

     

    Vive la France multiculturelle !!! Vive la France des couleurs !!!

      

    Aubervilliers, inauguration
     
     
    du "Passage Henri Alleg"

     

    Cette inauguration fut réalisée le 11 juin 2016, le lendemain aurait été le 59ème anniversaire de son arrestation chez son ami Maurice Audin


    Hommage de Charles Silvestre

    La ville d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) a mis à l’honneur Henri Alleg le journaliste auteur de La Question , militant communiste et anticolonialiste. Samedi 11 juin était inauguré en plein cœur de la cité un passage baptisé à son nom dans le cadre de la requalification urbaine du centre-ville. Nous reproduisons ci-après les propos de Charles Silvestre, ancien rédacteur en chef de l’Humanité et vice-président des Amis de l’Humanité.

    Devant une foule assemblée, en ce jour de marché, Meriem Derkaoui, maire  d’Aubervilliers, Mahmoud Messali le consul d’Algérie en Seine-Saint-Denis, Charles Silvestre, ancien rédacteur en chef de l’Humanité, vice-président des Amis de l’Humanité et Elisabeth Guigou, députée PS de la circonscription ont pris la parole durant l’hommage à ce militant du rapprochement entre les peuples, de la justice et de la dignité humaine.On est en juin 1957. La guerre d’Algérie bat son plein d’horreurs. A Alger, à la fin d’une longue séance de supplices, Alleg est ramené dans sa cellule. A ses tortionnaires, le torturé dit calmement : « vous pouvez revenir, je vous attends, vous ne me faites pas peur ». La torture, il connaît. Journaliste à Alger Républicain, il a découvert cette banalité du mal, selon l’expression d’Hannah Arendt, pratiqué dans des commissariats ou des gendarmeries sur de pauvres gens refusant d’avouer leurs larcins ou supposés larcins.

    De ce même-pas-peur, comme on dit aujourd’hui chez les gosses, un homme en fera, un an plus tard, un texte admirable. Jean-Paul Sartre écrit, parlant des parachutistes aux mains desquels se trouvait le directeur d’Alger républicain : « au milieu de ces petits caïds, fiers de leur jeunesse, de leur force, de leur nombre, Alleg est le seul dur, le seul qui soit vraiment fort ». Le philosophe ajoute : « Nous nous fascinions sur le gouffre de l’inhumain, mais il suffit d’un homme dur et têtu, obstiné à faire son métier d’homme, pour nous arracher au vertige »

    Ce texte, paru dans l’Express, deviendra la postface d’une édition suisse de La Question. Le récit d’Henri Alleg, portant ce titre devenu célèbre, sorti clandestinement de la prison Barberousse, est publié le 12 février 1958, aux éditions de Minuit de Jérome Lindon. Avant d’être interdit, il s’arrache chez ceux qui ont souvent vingt ans, parfois en partance pour l’Algérie, dont j’étais. Dans ce parcours épique, il est édité également à Lausanne par un suédois, Nils Andersson, qui lui adjoint le texte de Sartre, aujourd’hui hélas introuvable, et poursuit ainsi son œuvre sous le manteau rappelant la métaphore de la révolution chez Marx : « Bien creusé, vieille taupe ».

    Lire aujourd’hui "La Question" de Henri Alleg n’a pas perdu de sa force

    Voila un moment dont l’Histoire humaine peut s’honorer : une grande conscience militante a rencontré une grande conscience intellectuelle. Rien de grand ne s’est fait, dans ce pays, sans cette rencontre de consciences venues de mondes différents et que l’on croit parfois encore opposés. C’est le J’accuse de Zola, dans l’Aurore du 13 janvier 1898, défendant l’innocence du capitaine Dreyfus contre un faux antisémite de la haute armée. C’est Jaurès, le clairvoyant, assassiné le 31 juillet 1914 pour avoir voulu écarter le monstre de la guerre 1914-1918.

    Le texte de Sartre est intitulé : « Une victoire ». Une victoire d’autant plus éclatante que la guerre d’Algérie, dernière guerre coloniale, est sans doute la plus sale, si l’on peut établir une échelle. Elle a fait de jeunes officiers courageux de la France libre, en 1945, des bourreaux exaspérés, dix ans plus tard, face à une nouvelle Résistance, celle du colonisé. Qu’elle fut un amoncellement de cruautés sans nom, Alleg en avait une telle conscience que La Question débute par ces mots : « Dans cette immense prison surpeuplée, dont chaque cellule abrite une souffrance, parler de soi est comme une indécence ».

    De ces mérites, Alleg, lui-même, n’aurait pas aimé en faire un titre de gloire personnelle. S’il y a un titre à attribuer à ce courage, à cette fermeté de caractère, à cette conviction inébranlable, il ne peut être que partagé. A commencer par ses proches, militants du parti communiste algérien, martyrisés : Maurice Audin torturé à mort le 21 juin 1957, et dont le secret entretenu sur sa disparition par les chefs d’Etat successifs, encore aujourd’hui, est comme une plaie béante pour la république selon les mots de Pierre Vidal-Naquet. Fernand Iveton, guillotiné de façon infâme pour un militant, dont l’acte de révolte n’a fait aucune victime, est comme rendu à son humanité par le livre bouleversant de Joseph Andras, « de nos frères blessés », édité chez Actes-Sud, et couronné d’un prix Goncourt qu’il a refusé.

    Je m’en voudrais si ces drames et ces héroïsmes faisaient oublier la nature profonde d’Alleg. Henri était un grand cœur, un cœur aux battements universels. Juif par ses parents russo-polonais, anglais comme enfant de Londres, Français par choix, algérien par engagement, mieux qu’un binational, c’était un tri-national ! Il était à lui tout seul un véritable melting-pot. Il incarnait une Algérie idéale, multiethnique, pluriculturelle, politiquement plurielle. D’autres combattants de l’indépendance algérienne, tels Larbi Ben M’Hidi, fondateur du FLN, pendu comme un bandit, se rapprochaient de cette vision. L’entêtement criminel de la guerre, qui a ultra-militarisée le combat, a privé l’Algérie de ces hommes d’ouverture et fait obstacle à une aspiration civile et unitaire qu’on veut espérer, cependant, toujours vivante.

    Henri avait aussi l’œil rieur. Je ne crois pas avoir connu homme se délectant à ce point à raconter des histoires à n’en plus finir et puisées à toutes les sources. La plus belle, à mes yeux, figure dans le livre de sa vie « Mémoire algérienne ». A Barberousse, un prisonnier musulman souhaite le rencontrer. Cet homme, un vieux fellah, lui dit : pourquoi défendez-vous l’indépendance dont vous êtes, vous Français, déjà pourvus ? Parce que chaque peuple, lui répond Alleg, y a droit. Je sais que vous n’êtes pas croyant, poursuit son interlocuteur, mais lorsque nous irons tous les deux au paradis d’Allah, pour ce que vous avez fait, c’est vous qui y entrerez le premier. Ce qui était encore une façon de me convaincre, s’amusait Alleg, je serais bien obligé, alors, d’y croire.

    Honoré à une fête de l’Humanité, il y avait retrouvé Roger Hanin, le beau-frère de François Mitterrand, l’implacable ministre de l’intérieur et garde des sceaux de la guerre d’Algérie. Mais il n’avait pas oublié, pour autant, ce jeune communiste des années 40, à Alger, nommé Hanin, et viré de son lycée parce que juif. Et, le découvrant là, à La Courneuve, le temps passé des affrontements, venu à sa rencontre, en famille, chaleureux, ce fut un éclat de rire.

    Qu’une ville populaire comme Aubervilliers donne ce nom à un passage, en plein centre, on s’en réjouira : quel meilleur qualificatif peut-on donner à Henri Alleg que celui de passeur ? Passeur d’histoire, au singulier et au pluriel. Passeur de témoin, de génération en génération. Les élèves du lycée Le Corbusier, en 2007, l’ont acclamé, débout. Oui, debout, ce mot qui revient dans l’actualité de leur monde. Mais, surtout, passeur d’une conviction qu’aucune force au pouvoir ne peut dompter. Ni à son époque, ni aujourd’hui.

    Lors de l'intervention de Meriem DERKAOUI

    maire d'Aubervillers

    L’image de souvenir de cette inauguration

    Présence d'Elizabeth GUIGOU, députée, ancienne ministre
    Mr le Consul d’Algérie

     

     


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  • Témoignage d'Hubert Rouaud ancien appelé de la guerre d'Algérie, membre de l'Association 4acg

     

    Témoignage d'Hubert Rouaud

    ancien appelé

    de la guerre d'Algérie

    PSU et guerre d'Algérie, témoignage d'Hubert Rouaud from Institut Tribune Socialiste on Vimeo.

     


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    « Qu’est-ce que tu veux que je lui dise au psychologue ? Qu’est-ce qu’il va faire pour moi ? Tu crois peut-être qu’il va pouvoir me rendre toutes ces années gâchées, bousillées par cette putain de guerre ? Tu crois que lui raconter ce que je ne vous ai jamais raconté m’empêchera de chialer quand je vois, à la télé, des mômes rentrer d’Afghanistan ou du Mali où ils vont faire des guerres sans savoir pourquoi ? Quand je vois les petits Ricains qui se prennent pour des grands G. I. et qui ne voient pas la mort en face devant leur écran d’ordinateur comme moi je ne la voyais pas devant ma radio ? Si tu veux vraiment que je raconte à quelqu’un ce qui m’est arrivé à moi, trouve-moi autre chose qu’un psychologue… »

    C’est ainsi que commence le témoignage de Michel Francout « Le silence du radio » 

     

    Le silence du radio

    Le silence du radio : le témoignage de Michel Francout

    Michel Francout avec son épouse et sa fille Béatrice

     Michel Francout a séjourné en Algérie, dans la région de Constantine, de décembre 1958 à novembre 1960. Son récit sur la guerre d'Algérie a été composé par Annick Madec, spécialiste de la sociologie narrative, de l'Université de Brest. C'est à la demande de sa fille Béatrice que cette sociologue a accepté de rencontrer Michel, afin de recueillir le témoignage dont il voulait faire part.

     

    N’avait-on pas constaté, au moment de l’armistice, que les gens revenaient

    muets du champ de bataille — non pas plus riches, mais plus pauvres en expérience communicable ?

    Walter Benjamin, « Le conteur », Oeuvres III, Gallimard/Folio, 200016

    Qu’est-ce  que  tu  veux  que  je  lui  dise  au  psychologue ? Qu’est-ce qu’il va faire pour moi ?

    Tu crois peut-être qu’il va pouvoir me rendre toutes ces années gâchées, bousillées par cette putain de guerre ? Tu crois que lui raconter ce que je ne vous ai jamais raconté m’empêchera de chialer quand je vois, à la télé, des mômes rentrer d’Afghanistan ou du Mali où ils vont faire des guerres sans savoir pourquoi ? Quand je vois les petits Ricains qui se prennent pour des grands G. I. et qui ne voient pas la mort en face devant leur écran d’ordinateur comme moi je ne la voyais pas devant ma radio ? Si tu veux vraiment que je raconte à quelqu’un ce qui m’est arrivé à moi, trouve-moi autre chose qu’un psychologue. Un historien qui pourra mettre ça dans ses archives et le raconter après à d’autres, à des jeunes pour qu’ils comprennent qu’il ne faut pas marcher quand on t’envoie à la guerre. Je sais que les jeunes d’aujourd’hui, ils savent bien plus de choses qu’on en savait nous, à vingt ans, ils ne se laisseraient pas faire comme nous on l’a fait. Nous, on était des moutons, sages comme des agneaux. Avec la télé, Internet, et tout ça, les jeunes, maintenant, ils sauraient se défendre. Moi, depuis que je suis à la retraite et toujours devant la télé, ça me revient tout le temps. Et c’est pas vrai que c’était le bon temps.

     

    Rendez-vous pris par sa fille, une femme de cinquante ans, commerçante, militante associative,  préoccupée par l’état de santé de ce père auquel elle s’est opposée durant toute sa jeunesse.

    À défaut d’historien disponible, elle s’est tournée vers la sociologie afin qu’une discipline universitaire recueille le récit d’un « ancien » d’Algérie et fasse part de ses expériences à des étudiant(e.s). L’épouse m’accueille et me dit discrètement : il n’est pas encore descendu sieste. Et ajoute très vite : Un homme pas facile qui l’use avec ses discours racistes et violents. Elle a beau lui dire : « Mais c’est loin, c’est fini depuis longtemps tout ça. » Non, rien n’y fait. Il rabâche tout le temps la même chose. Mais il a des excuses dont il ne me soufflera sans doute pas mot : on connaît les hommes, ils ne disent pas ces choses-là, et pourtant, ça compte ; quand il est parti là-bas, il était déjà malheureux, il avait perdu sa mère. Et puis, on a fait beaucoup de travaux dans cette maison avec notre fils qui a eu un accident. Ils se disputaient souvent tous les deux, ils n’ont pas eu le temps de s’expliquer ni de finir les travaux. Notre fils est mort. Et depuis, ce n’est vraiment pas facile.

    Il arrive, elle nous sert un café, parle à nouveau des travaux faits avec le fils. Il l’interrompt brutalement : elle n’est pas là pour entendre parler de ça. L’épouse s’éclipse. Il reprend aussitôt, et lance les larmes aux yeux : on est là pour parler de napalm. De napalm et de barbelés électrifiés. Je comprends qu’il vient de livrer en trois mots le secret qui a empoisonné l’existence de sa famille, d’après sa fille, toutes ces années. Il parlera ensuite quasiment sans s’interrompre durant deux heures. Perturbée par son récit, je trouve le moyen d’effacer ce monologue au moment de partir. Consciente que ce qui a été raconté ce jour-là ne pourra jamais être repris de la même manière un autre jour, il me restait à imaginer ce qu’il a pu penser après mon départ.

     

    Mais qu’est-ce qu’elle a pu comprendre à ce que je lui ai raconté la petite sociologue qui pourrait être ma fille ? Comment elles pourraient comprendre ces bonnes femmes ce qu’un bonhomme comme moi a dans la tête ? Comment elles pourraient comprendre alors que moi-même je ne peux pas comprendre que je me mette à chialer comme un môme devant cette nana et son magnétophone? Je ne sais pas ce qu’elle a compris du napalm. C’est pas ce que je pensais lui dire au départ, c’est sorti tout seul, dès qu’elle a mis son engin en route, c’est parti. Faut dire que ça fait quelque temps que j’ai ça sur l’estomac. Même si je lui ai dit et répété que non, je n’ai jamais fait de cauchemars à cause de l’Algérie. Je sais bien, ils disent tous ça les appelés qui racontent leur guerre. Mais moi, non, pas de cauchemars. Enfin, je ne crois pas. Mais ça me rend dingue que les jeunes, mes enfants, leurs enfants aussi sans doute, nous prennent pour des assassins. Qu’ils ne comprennent pas qu’on n’avait pas le choix, qu’à vingt ans, en 1958, quand on bossait déjà depuis cinq ans, on ne savait rien. On était cons, il faut le dire, dociles comme des agneaux. Le père s’était tapé 45, cinq ans prisonnier. Son père avait fait 14/18. C’était notre tour et quand faut y aller, faut y aller. Mon vieux pas plus que mon frangin savaient qu’en 58, c’était dix gars qui tombaient par jour. Mais il y a des choses qui ne sont pas dures à comprendre pourtant. Moi, bien sûr, que j’étais fier d’avoir tellement bien réussi les tests d’aptitude qu’on me mette radio. Évidemment  quand tu t’es fait virer de ton apprentissage de cuisinier parce que tu ne supportais pas que le patron te colle des calottes, quand tu fais le manœuvre pour pas grand-chose depuis des années, radio, c’est autre chose. Tu apprends le langage, la technique. Et puis quand tu n’as pas eu trop l’occasion de voyager, ben, l’Algérie, tu ne connais pas et tu te dis que tu vas voir du pays. Tu es comme les autres couillons. De ces mecs qui ont d’abord appris le maniement des armes avec du carton et de la pacification. Ça, c’étaient les discours des officiers. Les sous-officiers, les sergents qui avaient fait l’Indochine, eux, ils n’hésitaient pas. Ils n’ont pas attendu 1999 et la reconnaissance officielle de l’Assemblée nationale pour dire que c’était la guerre. On n’était pas là pour s’amuser. Mais qu’est-ce qu’on comprenait nous ? Pas grand-chose, et on a quand même rigolé, des fois. On s’est aussi emmerdé. Et on a sifflé les filles. C’est bien à cause de ça que je me suis retrouvé sur ce fameux piton où on se faisait larguer de la viande datée de 1938, des barils de 200 litres de vin qu’il fallait boire dans les trois jours avant que la chaleur le rende imbuvable. Muté parce que je n’avais pas donné le nom d’un copain qui avait sifflé la poule d’un trois-galons, sa secrétaire, qui se baladait à poil ou presque dans le campement. Au lieu de sanctionner les appelés, des mecs de vingt ans, ce connard ne pouvait pas dire à sa nana de s’habiller, non ? En tous les cas, il a fait dégager un radio à deux mois de la quille et moi, je me suis retrouvé radio en pleine montagne de mars à septembre. Plus de drapeaux, moins de corvées, moins de discipline parce que plus de danger et moins nombreux : quarante dont la moitié de bougnoules. Mais du pro Français. Un poste qui avait été pris d’assaut en février, 31 morts dont un officier et un soldat, le reste, c’étaient des bougnoules. La Légion était à 200 mètres au-dessus de nous. Il y avait des appelés jaloux qui disaient que les radios étaient des planqués, qu’ils couraient moins de risques. Sauf que moi, j’étais tout seul comme radio là-haut, donc 24/24 et 7/7, en dormant toujours d’un œil et d’une oreille. Branché sur ma radio sans arrêt. Dans un coin comme ça, la radio, c’est le point de mire. Quand le mec dans son zinc me contactait : « demande de position de mechtas », c’était un ordre, fallait l’exécuter. Fallait répondre, transmettre les coordonnées données par l’officier ou lire la carte. Après, est-ce que j’avais vraiment conscience qu’il allait larguer des bombes de 500 kg de napalm ? Est-ce que je peux vraiment dire maintenant ce que je pensais quand j’avais vingt ans ? Je ne crois pas. À vingt ans, on est inconscient. Et puis, ça ne se passait pas sous mes yeux. Je ne voyais rien. Est-ce que je savais ce que ça faisait le napalm ? Je ne crois pas. Mais je savais à quoi allait servir ma génératrice, 220 volts en continu, que je devais prêter aux deux anciens d’Indochine qui avaient un fellaga à dérouiller. Ou une femme, je savais aussi que les femmes, il n’y en a pas eu beaucoup, mais il y en a eu, des jeunes, ils les violaient avant de les passer à la gégène. Je ne savais pas tout mais je sais qu’un jour, il y a une qui a parlé. Et j’avais compris que pour torturer, il faut être sadique, il faut aimer ça. Les deux anciens d’Indochine, ils aimaient ça. Et c’est vrai ce que je lui ai répondu à la sociologue qui m’a demandé directement si moi, j’avais quelque chose à me reprocher, je lui ai dit :

    « Non, personnellement, non, je n’ai rien à me reprocher. » Mais c’est tout aussi vrai, ce que je lui ai dit après, et merde, je crois bien que là encore, je n’ai pas pu m’empêcher de pleurnicher en lui disant : « Il n’aurait pas fallu demander à des appelés de faire ce qu’on leur a demandé de faire. » Parce que la torture, bon, on peut dire que j’ai passé du matériel, je n’aimais pas ça mais c’était la guerre, et c’étaient pas non plus des tendres qu’on dérouillait. Même si les femmes quand même, moi, je n’aurais pas pu. Les hommes non plus d’ailleurs. Même pas les animaux. Mais le napalm, c’est autre chose, ça crame tout, les femmes, les enfants, les champs, tout. Et c’est moi qui disais où la bombe devait tomber. Sur qui elle allait tomber. Sur quoi. J’ai compris après, en voyant des films, des documentaires. Avec le Vietnam après, j’ai vu, j’ai compris. J’étais radio, je transmettais des positions. Je n’ai jamais su si la petite Djamila avec qui je parlais des fois quand je suis arrivé là-bas, dans ma première caserne, et qui avait disparu avec ses parents sans qu’on sache pourquoi ils étaient partis ni où ils étaient partis, s’est retrouvée sous un bombardement. J’y pense souvent et je ne saurai jamais ce qu’elle est devenue. Une gamine de paysans, un peu comme moi. On parlait en tout bien tout honneur, elle était gentille. Peut-être que, quand même, j’étais moins naïf que ce que j’ai raconté à la sociologue. Peut-être que c’était à cause de la disparition de Djamila que j’avais fait une demande pour être engagé dans les SAS au lieu de quitter l’Algérie à la fin de mon service. Les SAS, c’étaient quand même des missions d’assistance aux populations rurales, la promotion pacifique de la France. Et il n’y en avait pas beaucoup de radios de 22 ans prêts à rester en Algérie fin 60. L’armée ne voulait pas me lâcher, elle m’a envoyé les poulets voir ce que je devenais de retour en France parce que je ne m’étais pas présenté à la gendarmerie pour répondre de mon engagement. Mon frangin n’était pas d’accord, il voulait que je rebosse avec lui et notre vieux dans le bâtiment. Et moi, je voulais plus être emmerdé, recevoir d’ordres. J’ai dit merde au frangin, à l’armée, à la fille qui voulait me passer la corde au cou. Personne ne parlait de la guerre mais on plaisait bien aux filles quand on revenait bronzés comme les bougnoules et pleins aux as. J’ai flambé en deux mois tout ce que mon père avait gardé pour moi du temps où j’avais travaillé avec lui. Une java de deux mois avec mon pactole. La java parce que j’étais furieux. Voyage du retour, fin novembre 60, je me fais engueuler par un flic parce que j’avais gardé ma tenue militaire sans autorisation. Engueulé par un contrôleur parce que je n’étais pas dans le bon train, j’avais fait un crochet pour aller voir un copain à Lyon. Ma fille dit que je suis toujours en colère, c’est  peut-être vrai que je suis resté en colère depuis ce temps-là. La java pour faire passer ma visite aux parents d’un copain, fils unique, qui avait pris deux cartouches dans le buffet lors d’un accrochage. Je m’étais promis de ramener ses affaires à ses parents, je l’ai fait, mais je savais qu’il faudrait aussi que j’aille après à l’enterrement d’un autre copain qui s’est pendu quelques semaines après notre retour en France. Alors quand on m’a proposé du boulot à Trappes, j’ai dit non. Déjà rebosser dans le bâtiment, c’était pas ce que je voulais, je regretterai toujours d’avoir lâché la cuisine. Et là-bas, c’était presque l’Algérie en 61. Je voulais un peu la provoquer, la sociologue, quand je lui ai dit qu’il aurait fallu que je travaille avec un cheptel de bougnoules. Mais ils m’emmerdent ces intellos qui ne l’ont pas faite, eux, cette guerre. Facile après de dire, l’agneau docile avait besoin de voir les travailleurs algériens comme des animaux pour se disculper d’avoir participé à bombarder des villages peuplés par les familles de ces ouvriers. Facile. Trop facile. De toutes façons, moi, à partir de ce moment-là, j’ai foutu le camp en Bretagne où il n’y avait pas un Arabe à l’horizon et j’ai dit : « Silence radio. » L’Algérie, c’est fini, motus et bouche cousue. Pour s’en sortir dans la vie, faut pas être faible. Faut savoir se taire et savoir se faire obéir. Au moins par sa femme, ses enfants, et si possible ses ouvriers. J’ai rencontré ma femme en 1965, elle était serveuse dans le restaurant où j’allais tous les midis. Je ne lui ai jamais raconté tout ce que j’ai raconté aujourd’hui à la sociologue. Jamais. Jamais rien dit. À personne. Pas même aux gars de la FNACA, on n’était pas du même coin et donc on n’a pas été envoyés dans les mêmes coins. Et puis il faut savoir que si on était 400000 en Algérie, on n’était que 100000 dans des secteurs où on se faisait taper sur le museau. Là-bas non plus on ne se parlait pas, entre appelés, jamais on parlait de ce qui se passait, de ce qu’on faisait, de ce qu’on nous faisait faire. On ne parlait pas de la guerre. Dès qu’on pouvait, on picolait, on déconnait. On avait 20 ans. Ailleurs, je ne sais pas comment c’est, mais ici, dans les repas d’anciens combattants on ne parle jamais de l’Algérie. Non, le seul avec qui j’ai reparlé de l’Algérie, c’est mon patron. Et ça, je ne sais pas ce qu’elle en a pensé la sociologue quand je lui ai raconté ce drôle de concours de circonstances. Je lui ai dit que j’avais retrouvé autour d’un verre de rouge un jour sur le port un ancien de la légion, deux galons là-bas, trois à son retour, qui m’a reconnu. C’est lui qui m’a abordé en me demandant où j’étais début 59. C’est lui qui m’a rappelé que je lui avais servi de radio quand le sien s’était fait allumer en allant bêtement chasser le pigeon autour de leur poste. J’avais fait l’intérim et pas n’importe quelle semaine encore. Opération « rouleau compresseur » : nettoyage de mechtas à la grenade dans des secteurs fermés aux barbelés électrifiés. Il y avait une ligne téléphonique qui marchait un jour sur trois et il n’avait plus de radio. Donc sa messagerie passait par moi. J’étais chef de chantier, je faisais des bonnes journées. Et il faut bien le dire : l’Algérie ne m’empêchait pas de dormir. Je ne faisais pas de cauchemars. Mais quand j’ai retrouvé ce galonné et qu’il m’a dit qu’il allait être mon patron, ça m’a fait quelque chose. J’y pensais plus aux barbelés mais là, avec lui devant moi, lui qui aimait bien boire son petit coup et qui me disait qu’avoir fait ensemble le rouleau compresseur crée des liens, je me suis dit que l’Algérie, c’était pas fini. Vingt-cinq ans après. On était en 1983/1984. Mais non, on en a parlé ce jour-là mais c’est jamais revenu. Et pourtant il est resté mon patron, on se voyait tous les jours ou presque. Peut-être que j’avais dit à ma femme que mon patron était un ancien d’Algérie mais ma femme, de toute façon, elle n’a jamais rien su du rouleau compresseur. Donc ça s’est arrêté là. C’est bien possible que la sociologue, qui n’est pas psychologue, j’ai bien compris, pas plus que ma fille, mais elles sont toutes pareilles, ait pensé que ce n’est pas vrai, et que bien sûr, ça ne s’est pas arrêté là. Je l’ai bien vu à la façon dont elle m’a regardé qu’elle se disait que ce n’était pas une mince affaire que d’avoir à nouveau ce gradé comme chef. C’est sûr que pour oublier, c’était pas facile avec ce galonné sous les yeux. Mais bon, il a bien fallu qu’on travaille avec tout le monde et on en a eu aussi des bougnoules avec nous sur les chantiers, bon, on a fait avec, sans problème. Je les ai traités comme les autres. Je lui ai dit, à la sociologue, j’ai été honnête que je ne me rappelle pas de tout, précisément. Pourtant, il y a des copains que j’aimerais revoir maintenant mais je ne sais pas où les trouver. Pourtant, j’avais gardé une valise entière de cartes, de photos, de lettres, d’adresses et tout ça, mais mon oncle a tout brûlé quand il a vidé la maison de mon père après sa mort. Quand j’ai su ça, là aussi, j’étais dans une colère noire. Peut-être qu’il y a des gars de mon âge qui regrettent de ne pas l’avoir faite l’Algérie, c’est vrai que sur le moment, on en a bavé, on a eu la trouille, mais je ne suis pas sûr qu’on était vraiment malheureux. Je ne crois pas. On était inconscients. On tenait à notre peau, on savait bien que ceux qui s’opposaient à cette guerre étaient envoyés en expédition, avec un simple poignard, sans arme à feu, avec des chances quasi nulles de s’en sortir. C’est des années plus tard qu’on comprend et qu’on se demande ce qu’on est allé faire là-bas. Qu’on comprend qu’on n’avait pas à fourrer notre nez là-bas. Qu’on se demande ce qu’on a vraiment fait là-bas. Que je me demande ce que j’ai fait.

    Publication de « La sociologie narrative : un artisanat civil »  de  Annick Madec  

    Paru dans « Sociologie et sociétés » • vol. XLVIII.2

    Laboratoire d’études et de recherche en sociologie. (LABERS)

    Université Bretagne Occidentale


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