Enrico Macias vient de célébrer ses 80 ans à l’Olympia. Un destin hors normes où le magique côtoie le tragique.
Paris, le 23 janvier 2019. Enrico Macias rêve d’un concert pour rendre hommage à son beau-père, Cheikh Raymond. LP/Frédéric Dugit
Gaston se balade dans les rues de Constantine. Du haut de ses 6 ans, il avance d'un pas décidé. Il sait où il va, chez le menuisier. Il adore cet endroit, son odeur, ses petits trésors. Le gamin sait aussi ce qu'il vient chercher : de quoi faire une guitare à sa façon. Le patron l'a à la bonne. Il le laisse entrer, prendre quelques bouts de bois. Tiens, celui-ci fera l'affaire. Reste à trouver des clous et un élastique. Et voilà de quoi jouer. Gaston Ghrenassia ne s'imagine pas encore chanteur. Encore moins Enrico Macias. Ça, ce sera bien plus tard, quand il commencera à jouer avec les Gitans, « les frères Enrico », qui le surnommeront le petit Enrico pour l'accueillir dans leur clan, le visage noirci par le charbon, les cheveux ébouriffés pour leur ressembler.
« On entend ces influences-là dans sa musique, explique Kendji Girac, enfant de la communauté gitane. Enrico a le même jeu de guitare que mon père. Et chez moi, on a toujours écouté Enrico. Ses chansons nous faisaient pleurer. » Notamment « Adieu mon pays », que le jeune chanteur vient d'enregistrer avec son aîné pour l'album « Enrico Macias & Al Orchestra ». Merveille où l'artiste de 80 ans, qui vient de passer deux soirs cette semaine à l'Olympia, retrouve ses racines. Celles de Constantine, de l'Algérie où tout a commencé. Où une partie de sa vie de juif pied-noir est restée aussi.
L'enfant de la mélancolie
Assis au milieu de son bel appartement parisien qu'il loue non loin de l'Opéra, l'artiste en parle toujours le regard malicieux, les larmes jamais loin des yeux. Il y a les deux chez lui. Le bonheur d'être devenu un artiste populaire. Le malheur d'avoir vu sa vie ponctuée de drames. Une pointe de mélancolie derrière les sourires généreux. « Je tiens ça de ma mère, Suzanne. A l'âge de 17 ans, elle est rentrée chez elle, a retrouvé ses sœurs, ses neveux, tous massacrés. C'était le pogrom contre les juifs de Constantine en août 1934. Après ça, elle a eu immédiatement les cheveux blancs. Puis quand elle était enceinte de moi, elle a eu un grave accident de la route. Les médecins ont demandé mon père : On ne pourra peut-être pas sauver et la mère et l'enfant. Lequel des deux voulez-vous gardez ? Et il m'avait choisi. Heureusement, elle a survécu. Mais il y a toujours eu de la mélancolie dans ses yeux. »
L'ado musicien
Il y en a aussi dans ceux d'Enrico quand il raconte le petit Gaston qu'il était, à Constantine, profitant de l'absence de ses parents pour décrocher la mandoline au-dessus de leur lit. « J'en jouais en cachette, parfois avec mon grand-père paternel qui, lui, était à la flûte. Mon père n'en savait rien. Il était violoniste professionnel et en avait bavé pour y arriver. Il ne voulait pas que je vive la même chose. Quand ma grand-mère m'a ramené une guitare de Tunisie, il l'a cachée pour que je n'en joue pas ».
Mais les chats ne font pas des chiens. Alors, Gaston Ghrenassia sera musicien. Il le sait. Surtout que son futur beau-père le pousse. Raymond Leyris, surnommé Cheikh Raymond ou Tonton Raymond, figure mythique du malouf, musique arabo-andalouse née aux bords de la Méditerranée. « J'ai rejoint son orchestre quand j'étais adolescent. Raymond disait à mon père : Laisse jouer le petit. » Le jeune guitariste finira par devenir chanteur. Mais il est d'abord pion dans un collège, puis instituteur. « J'apprenais le français à des petits musulmans. Je ne devais pas leur parler en arabe. »
Paris, le 8 juin 2003. Très engagé, le chanteur était monté sur scène lors d’un concert en soutien aux victimes d’un tremblement de terre en Algérie. LP/Philippe Lenglin
C'était la fin des années 1950, le temps des colonies. Jusqu'à ce que l'Algérie se soulève. La guerre et ses excès, ses dommages collatéraux. Le 22 juin 1961, Cheikh Raymond, star de la communauté juive de Constantine, est abattu d'une balle dans la nuque. « On le soupçonnait de faire partie de l'OAS, d'être parti en Israël alors que c'était un artiste de gauche. Il y avait un complot qui se tramait : quelques jours avant sa mort, il était en France avec mon père. Je les ai appelés en leur disant : Vous ne bougez pas. Raymond m'a dit : Je préfère mourir en Algérie que vivre en France. Et il est rentré. Je me souviendrai toujours de mon grand-père hurlant : ils ont tué Raymond, ils ont tué Raymond. »
La famille Ghrenassia se sent menacée, pense même être la prochaine sur la liste. « On avait trouvé des tracts dans la rue condamnant à mort tous les musiciens de Raymond dont moi. On s'est sauvés. »
Le jeune homme exilé
Adieu son pays. L'artiste et ses proches, dont sa future femme, Suzy, la fille du défunt Raymond, dont Gaston est amoureux depuis l'adolescence, traversent la Méditerranée qu'ils laissent derrière eux, comme une plaie béante toujours à vif. « C'est une blessure inguérissable, confirme son ami Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre qui partage avec lui des racines pieds noirs d'Algérie. Quand on se voit, je sens son immense nostalgie de cette époque. Il incarne le déchirement qu'ont pu connaître nos familles respectives. »
Enrico Macias n'est jamais retourné en Algérie. Malgré ses messages de paix, de fraternité entre les communautés. « Il en a envie, mais il est aussi vexé qu'on refuse de l'accueillir, commente son copain l'acteur Gérard Darmon. Il ne veut pas quémander non plus. » Reste les souvenirs. « On parle toujours de l'Algérie, souligne sa fille Jocya. J'ai été nourrie par les histoires de mes parents, les odeurs, les images de Constantine, leur école. J'ai l'impression de connaître la ville alors que je n'y suis jamais allée, d'avoir déjà rencontré leur professeur. Mes parents parlaient même arabe entre eux quand ils ne voulaient pas qu'on comprenne. Ça reste un grand chagrin pour lui. »
Paris, le 12 mars 1980. Enrico Macias à l’Olympia en compagnie de son épouse Suzy, ses parents et sa fille Jocya. Agip/Leemage
Une fois en France, dans les réunions de famille, on met souvent un disque de Raymond sur la platine. « Je me souviens que tout le monde pleurait en les écoutant, raconte Jean-Claude Ghrenassia, fils et désormais musicien et producteur de son père. A la maison, on ne parlait pas de ce drame, mais c'était sous-jacent. Il a fallu attendre vingt-cinq ans pour que mon père joue l'œuvre de mon grand-père en France. »
Le mari absent
Heureusement, il y a la musique qui soigne les peines. En 1965, le frère d'Enrico, Jean-Claude, trouve la mort dans un accident. « Tout s'est écroulé pour moi alors que je commençais à réussir en France, se souvient Enrico. J'ai voulu reprendre les concerts rapidement. Le premier que j'ai donné, c'était à Biarritz. C'est là où j'avais vu mon frère pour la dernière fois. »
En 2008, c'est sa femme Suzy qui disparaît après avoir combattu des problèmes cardiaques toute sa vie. « C'était son pilier, se souvient sa fille Jocya. Elle était sa complice, sa conseillère, donnait son avis sur les chansons. » « Et c'était elle qui tenait la maison, ajoute son fils Jean-Claude. Quand on était petits, mon père était souvent absent, et quand il voulait jouer le Père Fouettard sur les devoirs, ça ne durait pas longtemps. Il perdait patience, me disait d'approfondir ma leçon… puis revenait dans ma chambre me jouer à la guitare mes chansons préférées. » Mais Suzy était là pour remettre de l'ordre dans tout ça.
Le patriarche
Pas toujours facile de vivre avec un artiste souvent ailleurs. « Mon père aimait et aime toujours s'amuser et n'a jamais été fidèle, ose Jocya. Mais comme il le dit lui-même : il est toujours rentré à la maison. Et ma mère a vraiment été la femme de sa vie. » Beaucoup pensaient qu'il ne se remettrait pas de sa disparition. « Le jour de sa mort, il y a quelque chose qui s'est éteint chez lui, glisse Elyot, son petit-fils de 24 ans. Il va tous les jours allumer une bougie dans la chambre de ma grand-mère. » « J'ai eu envie de tout laisser tomber quand elle est partie, confirme Enrico. Et puis je me suis dit que pendant cinquante ans, nous avions connu les hôpitaux, les opérations à cœur ouvert, les piqûres et qu'elle était mieux là où elle est. »
Enrico Macias partage la passion du football avec son petit-fils Elyot. LP/Jean-Baptiste Quentin
Une fois encore, la vie est plus forte que tout chez Enrico qui reprend la guitare, les concerts, les disques. « Mon père est un éternel optimiste », souligne son fils. « La mélancolie, il la chasse par un rire, s'enthousiasme Jocya. Dans ces cas-là, il est très drôle, très généreux, aime partager. Pendant des années, il a quand même accepté d'accueillir en vacances dans le Sud mes deux fils et leurs petites sœurs que mon ex-mari a eues avec une autre femme après notre divorce. Avec nous, c'est le patriarche qui ne flanche pas. Ses coups de blues, il les garde pour ses potes. »
Le chef de bande
Mais c'est aussi la franche rigolade avec ses amis à la Boule Rouge, leur QG, restaurant tunisien situé pas loin de chez lui. « Enrico, je le connais depuis quarante-deux ans, raconte le patron, Raymond Haddad. Il est venu un jour, puis le lendemain, le surlendemain. Il a fini par me faire un chèque en blanc en me disant : Comme je vais beaucoup venir, vous le remplirez à la fin du mois. » Pas une semaine ou presque sans qu'il débarque avec sa bande.
« Quand j'étais petit, la moindre de ses apparitions à la télé rendait tellement heureuse ma mère que je pensais qu'Enrico était mon oncle, se souvient le comédien Ary Abittan. Il m'a offert sa première partie en 2006 parce que mon père, chauffeur de taxi, lui a parlé de moi en le conduisant. Je n'oublierai jamais ça. Ce que j'aime quand je le vois, c'est le faire rire. Il a 5 ans quand il se marre. »
Paris, le 19 février 2019. Enrico Macias avec ses amis de longue date, Bernard Cazeneuve et Gérard Darmon. Bestimage/Cédric Perrin
« Il a beaucoup d'autodérision. J'adore le mettre en boîte », ajoute l'acteur Robert Castel. « C'est un grand frère, Gaston, avoue Gérard Darmon. J'ai toujours envie de le protéger. Il a besoin d'être rassuré. On vient de tourner une série ensemble, « Family Business », pour Netflix. Et sur le plateau, comme il a fait peu de cinéma, il cherchait mon regard. Je pense que je suis l'un des seuls à lui dire de se redresser, de ne pas baisser les bras quand je le sens un peu flancher. »
Le Capitaine
Mais Enrico ne lâche rien, même embourbé dans une affaire de gros souset un montage financier douteux où une banque qui lui a prêté 35 millions d'euros pour construire sa villa à Saint-Tropez a fait faillite et hypothéqué sa maison. Le chanteur a perdu en première instance et espère gagner en appel. « Il veut la garder sa villa, c'est son seul bien », soupirent ses proches. Le chanteur ne veut pas trop en parler et préfère penser à la musique : celle de ses petits-enfants Symon et Elyot, chanteur et musicien, qui ont installé leur studio dans son appartement et l'appellent le Capitaine ; la sienne, qu'il défend toujours sur scène ; et celle de son mentor, sur laquelle il revient toujours. Il rêve d'un concert, salle Pleyel, avec un orchestre symphonique pour célébrer le répertoire de Cheikh Raymond dans quelques mois. Et avec lui le gamin de Constantine.
BIO EXPRESS
11 décembre 1938. Naissance de Gaston Ghrenassia à Constantine, en Algérie, fils de Sylvain Ghrenassia, violoniste, et Suzanne Zaouch.
1956. Il devient instituteur et joue de la guitare dans l'orchestre de Cheikh Raymond.
1961. Sa famille fuit l'Algérie et s'installe à Argenteuil.
1962. Il adopte le nom d'Enrico Macias et devient le symbole de l'exil des Pieds-noirs avec la chanson « Adieu mon pays ». Il épouse Suzy Leyris. Le couple aura deux enfants.
1965. Son frère Jean-Claude décède dans un accident de voiture.
1980. Le secrétaire général des Nations unies lui décerne le prix de Chanteur pour la paix.
2006. Commandeur de l'ordre des Arts et des Lettres
2008. Il perd 20 millions d'euros dans la crise financière islandaise. Décès de Suzy.
Invité de l'émission C à vous ce vendredi 22 mars, Enrico Macias s'est confié sur la crise actuelle en Algérie et son possible retour dans ce pays où il est interdit de territoire depuis 1961.
Il est et restera l'un des chanteurs les plus connus en France ! Aujourd'hui, alors qu'il vient de célébrer ses 80 printemps, Enrico Macias ne semble toujours pas prêt à prendre sa retraite. Une décision qui fait le plus grand bonheur de ses nombreux fans et qui semble même lui octroyer une seconde jeunesse. Invité de l'émission C à vous sur France 5 ce vendredi soir, le chanteur est venu pour parler de son dernier projet fou : un rôle dans une série Netflix.
Mais avant d'aborder la promotion de l'interprète du titre Les filles de mon pays, le journaliste Antoine Genton semblait bien décidé à connaître le ressenti de son célèbre invité sur la crise politique qui fait actuellement rage en Algérie et qui s'oppose au cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika. En effet, si on ne le présente plus aujourd'hui, nombreux sont ceux qui oublient le fait qu'Enrico Macias est né et a grandi dans ce pays d'Afrique du Nord.
Il est interdit de territoire depuis 1961
« Ça me donne de l'espoir que tout va changer » affirme alors le chanteur face aux journalistes de l'émission. Et même s’il admet être très « frustré » de ne pas pouvoir se rendre en Algérie (il a été interdit de territoire en 1961 après avoir affiché son soutien à Israël), Enrico Macias se dit « prêt à prendre tous les risques » pour y retourner. Une preuve de son attachement à ce pays qu'il n'a jamais oublié et pour lequel il voue encore une admiration sans équivoque.
Persuadé de l'amour des Algériens à son égard, le chanteur aux dizaines de millions d'albums vendus ne paraît toutefois pas convaincu de son retour sur la terre de ses ancêtres. En effet, même si les manifestations actuelles semblent promettre un changement dans la politique actuelle et son possible retour, l'homme précise que son « cas personnel n'a rien à voir avec ce mouvement ». Des révélations émouvantes de la part de ce chanteur au grand cœur touché par de nombreux malheurs ces dernières années.
Mais Enrico Macias n'a jamais démenti cela :
Enrico Macias et la guerre d’Algérie :
Quand Gaston chassait du Fellaga...
Enrico Macias est un homme redoutable. Militant sioniste déclaré, il a toujours entretenu des rapports ambigus avec l’Algérie, dont il a largement contribué à imposer cette image de pays de la douceur de vivre et de la kémia, une image qui a nourri tant de nostalgie chez les pieds-noirs.
Ses tirades sur le pays du soleil et de la haine, de la joie de vivre et de la passion, ce pays perdu dont on ne se console jamais, ont arraché des larmes à de nombreuses générations de pieds-noirs. Mais Gaston Ghenaïssia – le vrai nom de Macias – n’a jamais abordé le volet le plus sombre de son histoire algérienne. Il n’a jamais dit comment il a lui-même contribué à mettre le feu à ce pays bien aimé.
Il a, en fait, réussi à maintenir un voile pudique sur son militantisme de cette époque, un militantisme qui l’a mis dans la même tranchée que Maurice Papon ! Enrico Macias évoque régulièrement sa volonté de revoir son «pays natal», et comment il en est empêché. Sa visite devait se faire en 2007, en compagnie de Nicolas Sarkozy. Auparavant, il avait affirmé que le président Abdelaziz Bouteflika lui-même l’avait invité, mais que des méchants, héritiers de la tendance obscurantiste du FLN, s’étaient opposés à son retour.
Qu’en est-il au juste ? A Alger, on affirme officiellement qu’Enrico Macias peut se rendre en Algérie quand il veut, mais qu’il est hors de question d’en faire un évènement politique. Certains fonctionnaires montrent un certain embarras devant le tapage médiatique provoqué par Enrico Macias lui-même. «Il n’a pas envie de revenir, il ne viendra pas, et il le sait parfaitement», a déclaré, sûr de lui, un ancien haut responsable.
«Et ce n’est pas seulement à cause de son soutien public à Israël», ajoute-t-il, estimant que le thème Algérie ne constitue pour Enrico qu’un «fond de commerce». Pour cet homme, qui avoue avoir apprécié la musique de Enrico dans sa jeunesse, Enrico Macias ne reviendra pas en Algérie parce qu’il y a commis des crimes pendant la guerre de libération.
Selon lui, Enrico faisait partie d’une milice locale, les «unités territoriales», composées de partisans de l’Algérie française, qui formaient des milices de supplétifs de l’armée coloniale. L’unité à laquelle appartenait Enrico Macias a commis de nombreuses exactions, et a participé à des ratonnades, affirme cet ancien haut fonctionnaire. A cette époque, Enrico Macias est un jeune artiste prometteur, qui joue dans la troupe du «Cheikh Raymond», le plus célèbre artiste juif de Constantine.
Raymond Leyris est alors au faîte de sa gloire : notable de la communauté juive, ami des «arabes» de la ville, il est riche et célèbre. Sa musique est si appréciée qu’une jeune recrue FLN, en pleine guerre d’Algérie, rejoint le maquis ALN en wilaya II avec des disques de «Cheikh Raymond », nous raconte un ancien moudjahid qui a passé toute la guerre dans le Nord Constantinois ! Raymond Leyris n’avait pas d’enfants.
Il en a adopté deux, dont Enrico Macias. Celui-ci est donc à la fois l’enfant adoptif, le disciple et l’héritier de Cheik Raymond. A-t-il été l’héritier en tout ? Seul Macias pourra le dire. En tous les cas, les réseaux FLN avaient alors une conviction. Pour eux, Raymond Leyris avait été contacté par les services spéciaux israéliens.
Il organisait des collectes, montait des réseaux, et travaillait en sous-main avec les services spéciaux israéliens, qui avaient alors un objectif : organiser le transfert massif des juifs des pays arabes vers Israël. En Algérie, leur première cible était Constantine, avec ses 25.000 à 30.000 juifs : il y avait presque autant de juifs à Constantine que dans les grandes villes israéliennes. En mai 2005, le journal israélien Maariv citait un ancien officier du Mossad chargé de piloter l’opération.
Cet officier affirme avoir recruté deux agents, Avraham Barzilaï et Shlomo Havilio, qui arrivent dans la région de Constantine début 1956, sous la couverture de modestes enseignants. Quatre mois plus tard, une grenade explose dans un café fréquenté par les Juifs de Constantine, rue de France. S’ensuit une opération de vendetta organisée par les cellules mises en place par le Mossad, selon l’officier en question. Les ratonnades font de nombreux morts.
L’historien Gilbert Meynier, qui l’évoque dans une de ses études, et parle de «pogrom», est contraint à une longue mise au point. (http:// etudescoloniales.canalblog.com/archives/ 2007/03/14/4319574.html). Quel est le rôle exact de Raymond Leyris ? Difficile à dire. Mais l’homme surfe déjà sur une vague de célébrité et de respectabilité. Artiste adulé, il a atteint une renommée qui va au-delà des communautés. Il est le notable juif par excellence.
Il garde le contact avec les arabes qui veulent préserver la communauté juive ; il reste l’interlocuteur des autorités coloniales au sein de la communauté juive ; il poursuit une activité clandestine avec le Mossad. Mais peu à peu, les réseaux FLN acquièrent la certitude que Cheikh Raymond n’est plus un artiste aussi innocent. Il est partie prenante dans l’action de réseaux que le FLN n’arrive pas encore à identifier. Des témoins avaient vu des armes transportées à partir de chez lui, en pleine nuit.
Au FLN, la prudence reste de mise. Des consignes strictes sont données pour tenter de conserver de bonnes relations avec la communauté juive. Des contacts réguliers sont établis. Début 1961, le FLN envoie de nouveau un émissaire auprès des notables de cette communauté. L’émissaire envoie un message à Raymond Leyris, et prend rendez-vous. L’organisation fonctionne alors selon un cloisonnement très strict. L’émissaire du FLN est tué alors qu’il gagnait le lieu du rendezvous.
Ce fait, troublant, intervient après d’autres évènements suspects. L’organisation du FLN en tire une conclusion : seul Raymond Leyris pouvait avoir organisé la fuite pour permettre aux autorités coloniales d’éliminer le responsable du FLN. Les anciens moudjahidine de la Wilaya II, qui étaient opérationnels à ce moment là, sont toutefois formels : aucune instance du FLN n’a prononcé un verdict clair contre Raymond Leyris.
Aucun responsable n’a, formellement, ordonné une exécution. Mais le doute planait, et dans le Constantine de l’époque, ce n’est qu’une question de temps. Le 22 juin 1961, neuf mois avant le cessez- le-feu, Raymond Leyris croise Amar Benachour, dit M’Djaker, membre d’une cellule locale de fidayine, qui l’abat en plein marché, devant des dizaines de témoins. La personnalité de Amar Benachour, l’homme qui a abattu Raymond Leyris, posera aussi problème.
Il s’agit en effet d’un personnage qui répond peu au profil traditionnel du moudjahid. Benachour est plutôt un marginal, plus branché sur le «milieu» que sur les réseaux nationalistes. Ce qui a d’ailleurs jeté une ombre sur l’affaire : Benachour a vécu jusqu’au début du nouveau siècle, mais l’opération qu’il a menée a toujours été entourée de suspicion, certains n’hésitant pas à parler de provocation ou de manipulation.
Plusieurs moudjahidine qui étaient dans la région au moment des faits continuent d’ailleurs à soutenir l’idée d’une manipulation. La mort de Raymond Leyris accélère le départ massif des juifs de Constantine, un exode largement engagé auparavant par les catégories les plus aisées. Mais la mort de Raymond Leyris sonne également le début d’une opération de vengeance meurtrière, à laquelle Enrico Macias participe, selon des moudjahidine de la Wilaya II.
Il est impossible d’établir exactement le bilan exact des expéditions punitives. En 1956, après l’attentat de la rue de Constantine, Gilbert Meynier n’écarte pas le chiffre de cent trente morts. En mai 1961, la même folie furieuse se déchaîne mais, curieusement, affirme un constantinois qui a vécu les évènements, les Juifs de Constantine étaient plus préoccupés par l’idée de départ que par la vengeance.
A l’exception d’Enrico, qui garde un silence pudique sur cet période, se contenant d’évoquer la mémoire de Raymond Leyris, un homme innocent doublé d’un artiste qui aimait la vie, mais qui a été assassiné par le FLN, selon lui. Selon cette image, très médiatique, Enrico lui-même n’était qu’un jeune homme amoureux de la vie et des filles, un modeste instituteur de campagne, devenu un immense artiste grâce à son talent.
A Chelghoum Laïd, où il a enseigné, son nom est connu mais il est presque impossible de trouver des gens qui l’ont côtoyé. A Constantine, par contre, un spécialiste de la musique affirme que de nombreux «ouled el bled» lui rendent visite régulièrement en France. Par ailleurs, le discours de Enrico Macias a longtemps bénéficié d’une cacophonie chez les responsables algériens, qui n’ont jamais adopté une position claire sur le personnage.
En fait, côté algérien, plusieurs points de vue se côtoyaient : ceux qui faisaient l’éloge de l’artiste, ceux qui prônaient la réconciliation, ceux qui dénonçaient son soutien à Israël, et ceux qui étaient d’abord soucieux d’établir les faits historiques. Un ancien haut fonctionnaire affirme toutefois que Enrico n’avait aucune chance de revenir en Algérie. Les anciens pieds- noirs étaient classés en plusieurs catégories, explique ce fonctionnaire.
Enrico Macias fait partie d’une sorte de liste rouge officieuse, qui comporte les noms de militaires, colons et ultras ayant commis des exactions. Ceux-là ne peuvent pas entrer en Algérie, dit-il. Autre détail troublant dans l’histoire d’Enrico : quand il sévissait au sein des «unités territoriales», il collaborait avec un personnage célèbre, Maurice Papon ! Celui-ci a en effet exercé comme préfet à Constantine, où il a contribué à organiser de redoutables escadrons de la mort.
Milices, unités paramilitaires, escadrons de la mort, tout ce monde collaborait joyeusement quand il s’agissait de réprimer. Des témoins sont encore vivants. Autre curiosité dans l’histoire de Enrico Macias en Algérie : les Ghenaïssia, sa famille, sont des Algériens pure souche, installés en Algérie depuis plusieurs siècles, affirme un historien. Ils se sont francisés à la faveur du décret Crémieux, qui offrait la citoyenneté française aux Juifs d’Algérie, en 1871.
A partir de là, les Juifs se sont rapprochés de l’administration coloniale, accédant à l’école et à la citoyenneté. Mais une frange des Ghenaïssia a gardé son ancienne filiation, prenant le chemin inverse de celui de Enrico Macias. Ainsi, Pierre Ghenaïssia, né à Cherchell, a rejoint les maquis du FLN en mai 1956 dans la région du Dhahra, entre Ténès et Cherchell. Il est mort au maquis un an plus tard dans la région de Chréa, près de Blida, comme combattant de l’ALN. A l’indépendance de l’Algérie, une rue de Ténès, sur la côte ouest, a été baptisée à son nom. Quelques années plus tard, elle a été rebaptisée rue de Palestine!
Je ne rencontrerai pas le chanteur Enrico Macias s’il figure parmi la délégation qui accompagnera le chef de l’Etat français, Nicolas Sarkozy, lors de sa visite en Algérie prévue pour le mois prochain.
C’est la déclaration faite par le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, aux représentants de la presse locale et nationale, lors d’une rencontre tenue, jeudi dernier, à l’hôtel Mouahidine, en marge de son déplacement à Oran dans le cadre de la campagne électorale.
R. Amine/S.A.
Au mois de février 2019
Manifestation à Casablanca contre
un concert du chanteur Enrico Macias
Cliquez sur ce lien pour voir et entendre 1 mn Enrico Macias à Casablanca :
Quelques centaines de manifestants pro-palestiniens se sont rassemblés jeudi à Casablanca pour protester contre un concert du chanteur français Enrico Macias, accusé de soutenir la politique d'Israël, a constaté un correspondant de l'AFP sur place. "Il est le fer de lance de l'avancée sioniste dans le monde. Il est engagé dans le projet sioniste et il soutient ouvertement l'armée israélienne", a déclaré à l'AFP Saadia El Ouallous, membre de la Coalition nationale pour la Palestine.Ces dernières semaines, cette association avait, avec d'autres, appelé à boycotter le concert de Casablanca en présentant le chanteur de variétés comme un "défenseur inconditionnel de l'occupation de la Palestine". Le concert organisé dans un cinéma de Casablanca a pu se tenir normalement malgré les manifestants qui scandaient des slogans comme "Dégage Macias", "Jérusalem aux Palestiniens" ou "Dehors les sionistes". Du fait de ses positions, Enrico Macias qui se revendique comme "juif berbère arabe" n'a jamais pu, à 80 ans, retourner en Algérie, son pays natal qu'il avait quitté avec sa famille en 1962, pendant l'exode pied-noir. De son vrai nom Gaston Ghenaïssia, Enrico Macias, né en 11 décembre 1938 à Constantine, est devenu célèbre à la fin des années 60, en pleine vague "yéyé", avec des tubes comme "Enfants de tous pays", "Porompompero", "Les Filles de mon pays" ou encore "Poï Poï Poï".
Jean-François Gavoury, président de l’ANPROMEVO nous apprend le décès de Daniel Videlier, ancien combattant de la guerre d’Algérie, à l’âge de 79 ans ; il nous précise « Les parapluies sont en berne à Cherbourg (cf. https://www.youtube.com/watch?v=enXzfoABRtQ)... et les drapeaux ailleurs ».
Sur mon blog j’ai mis en ligne de nombreux articles concernant Daniel Videlier et Jean-François Gavoury souligne le talent d'écriture de Daniel Videlier, c’est ainsi qu’en 2014 Daniel Videlier avait écrit ce poème :
SOUVENIRS, SOUVENIRS
Deux mil quatorze, année de quatre anniversaires :
Des Allemands, d’abord, farouches adversaires,
Ensuite les nazis et un débarquement,
Pour sauver une France au bord du reniement.
Puis la fin des combats dans cet Extrême-Orient
Dont on parle si peu, vu son éloignement.
Enfin, la « Der des Der » comme nous l’espérons !
Celle qui nous concerne et n’avait pas de nom ;
« Evénements » d’abord et puis « Maintien de l’ordre »
Puis « Pacification » mais toujours la discorde
Cette guerre qui dure et qui ne finit pas
Porte des souvenirs qui sonnent comme un glas,
Laissant sur le terrain trente mille soldats
Dans cette guerre atroce aux horribles combats !
Je me souviens très bien l’Ecole d’Officiers
Où l’on nous apprenait à tuer sans pitié,
Et moi, j’avais vingt ans, je ne comprenais rien
Et je m’exécutais en faisant mieux que bien.
Je sors sous-lieutenant, choisis mon régiment
J’opte pour l’Allemagne où nous sommes présents :
C’est vous dire l’envie de l’Algérie française
Et de donner ma vie pour défendre une thèse !
Je passe à Tübingen et comme aide de camp
Auprès d’un général direct et compétent
Dix mois à dialoguer avec des étudiants
Et à perfectionner ainsi mon allemand !
Avril soixante et un : retour en Algérie
Dans ce si beau, si grand et si rude pays.
La guerre va cesser restent les attentats ;
F.L.N, O.A.S, pieds-noirs et fellaghas.
Je suis sur le « barrage » face à la Tunisie
Et des « harcèlements » entrecoupent nos nuits
Seul avec mon radio qui, près de moi, mourra
Et vingt-deux autres gars, braves petits soldats.
Attente et déception durent quatorze mois
Pendant lesquels la vie nous file entre les doigts.
Notre cessez-le-feu, si cher à notre cœur
Passa inaperçu dans notre sous-secteur !
Et c’est le lendemain par message radio
Que j’apprends la nouvelle et transmets illico
En juin soixante deux je rentre donc en France
Ne croyant plus en rien, ni foi, ni espérance
Il me faut bien six mois pour retrouver l’espoir
D’un monde un peu moins triste et qui se laisse voir.
Le travail me reprend et la chance un beau jour
Me fera rencontrer Les Parapluies d’Cherbourg !...
Vous avez tous vécu, chacun à sa façon
Un épisode ou deux de la dure leçon
Que la vie militaire et la guerre mêlées
Nous ont fait vivre hélas ! sans l’avoir désiré.
Unis pour aborder cette année dans l’action
Afin que nos souhaits, nos revendications
Soient accueillis enfin sous un ciel tutélaire
Et nous fassent rester ensemble solidaires.
Ne lâche rien, mon gars, demeure vigilant
Et que l’année en cours te conserve vivant
Prêt à intervenir, à défendre tes droits
Pour notre dix neuf mars, la FNACA et la loi !
Daniel VIDELIER
FNACA 15°
19 mars 2014
Et puis en 2015 Daniel Videlier écrivait cet édito
Malheureusement Daniel Videlier ne fut pas suivi par la FNACA locale et départementale de Béziers refusant de se joindre à la contre-manifestation qui s’était organisée, c’est ainsi que la rue du 19-Mars-1962 fut bien débaptisée et remplacée par le nom du putschiste Hélie Denoix de Saint Marc.
Il a eu un rôle dans " La question " d'Henri Alleg
qui traite de la guerre d'Algérie
Maurice Bénichou est un acteur et un metteur en scène de théâtre français né le 23 janvier 1943 à Tlemcen dans l’Algérie française. Il a notamment joué dans "Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain".
Maurice Bénichou, le 19 juin 2013 Crédit : PIERRE ANDRIEU / AFP
Pour le grand public, il était le propriétaire de la boite aux souvenirs dans Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain. Époux de la comédienne Geneviève Mnich, Maurice Bénichou a été à l'affiche d'une quarantaine de pièces et d'une cinquantaine de films sous la direction des plus grands réalisateurs dont Henri Verneuil, Raoul Ruiz et Yves Robert avec notamment Un éléphant ça trompe énormément en 1976.
Il a eu un rôle dans La Question d’Henri Alleg traitant de la guerre d’Algérie. La Question film français réalisé par Laurent Heynemann, sorti sur les écrans en 1977. Il s'agit d'une adaptation du livre La Question d'Henri Alleg.
Ces dernières années, Maurice Bénichou a campé l'avocat Jacques Vergès dans Omar m'a tuer de Roschdy Zem.
En conclusion, ce sera notre hommage, Maurice Bénichou a été nommé Officier de l’Ordre de la Légion d’Honneur le 19 juin 2013 par Aurélie Filippetti dont voici le discours :
Discours d'Aurélie Filippetti prononcé
à l'occasion de la remise des insignes d'Officier
de l'Ordre de la Légion d'Honneur
à Monsieur Maurice Bénichou
Cher Maurice Bénichou,
Figure essentielle du théâtre, vous êtes également connu du public à travers des films – près d’une cinquantaine – pour vos rôles marquants, pétris d’émotion et de vérité.
Votre ascension, alors que vous débutez votre carrière dans des cafés, où vous vous produisez comme chanteur, est ponctuée de rencontres. Vous dites « y avoir trouvé un chemin, un style qui correspond à votre nature ».
Marcel Maréchal vous fait débuter sur les planches en 1965. Vous croiserez ensuite les plus grands, Jean-Pierre Vincent, Patrick Chéreau, Luca Ronconi, et, rencontre décisive, Peter Brook.
Entré dans son entourage en 1974, vous dites « je suis allé par petits sauts chez lui ». Vous n’en devenez pas moins son comédien fétiche en vous illustrant notamment dans La Tempête, Hamlet, la Cerisaie, et jusqu’au « tiqueur » de l’Homme qui prenait sa femme pour un chapeau. Et bien sûr dans le mythique Mahâbhârata, sur scène en 1985, puis dans sa version filmée en 1989. De cette œuvre qui nécessite trois années de préparation, vous évoquez « une aventure humaine considérable, qui ouvre l’âme ». Vous vous dites touché par la force de ce qui se dit dans ce texte, pourtant si éloigné de nous. Pour nous tous, pour toujours, vous êtes Ganesh et Krishna, (que vous retrouverez en 2002), piéton céleste (dira Libération) aux pieds nus, et vous savez nous déposer, spectateurs émerveillés au terme d’un long voyage, sur les rivages de l’illusion du théâtre, et de sa vérité.
Bouleversant, vous l’êtes dans Blackbird, de David Harrower, un huis-clos qui résonne très fortement et plonge dans les profondeurs de l’âme humaine, de l’amour et du désir.
Dès les années 70, vous vous affichez également comme metteur en scène de théâtre. Vous orchestrez avec succès une quinzaine de pièces. Une absence de Loleh Bellon est ainsi plusieurs fois nominée aux Molières en 1989, notamment dans la catégorie du meilleur metteur en scène.
Déjà présent dans des téléfilms, c’est en 1972, cher Maurice Bénichou, que vous apparaissez au cinéma, dans Les camisards de René Allio. Dès lors, vous jouez dans des comédies populaires telles que Un éléphant ça trompe énormément, d'Yves Robert, ou encore, L'animal, sous la direction de Claude Zidi.
Vous œuvrez également dans des films à caractère politique, comme La question de Laurent Heynemann sur la guerre d'Algérie. Vous campez aussi un agent du Mossad dans Les Patriotes d'Eric Rochan, aux côtés d'Yvan Attal.
Vous êtes aussi un père pudique et chaleureux dans Drôle de Félix, d'Olivier Ducastel et Jacques Martineau, film récompensé du Teddy Award au festival de Berlin en 2000, ou encore l'émouvant propriétaire d'une boîte à souvenirs, dans Le fabuleux destin d'Améle Poulain de Jean-Pierre Jeunet.
Dans un autre registre, Michael Haneke, qui fait partie de vos belles rencontres, vous offre des rôles sombres et marquants, dans Code inconnu, ou encore, Le temps du loup, puis Caché, dans lequel vous interprétez le rôle d'un immigré, Majid, avec une densité magnifique.
« Je ne peux être disponible, dites-vous, que si je suis en pleine activité. Si j'étais trop tranquille, le trac me prendrait, je deviendrais fou.
C'est ainsi que vous enchainez les tournages sous la direction de cinéastes tout aussi prestigieux comme Cédric Klapisch, Pascal Bonitzer, Eric Caravaca, Barbet Schroeder, et, très récemment Renaud Cohen, lequel vous offre un retour à la comédie dans Au cas où j'aurais la Palme d'or.
Au regard de votre travail, vous dites « il faut de la matière, sinon on n'a pas de plaisir ». Gageons que votre carrière, si dense, en est ponctuée, vous qui êtes également la voix du rabbin dans Le chat du rabbin (tandis que François Morel, prête sa voix au chat).
Cher Maurice Benichou, pour vos multiples talents, appréciés tant des professionnels que du grand public, pour nous avoir apporté systématiquement ce « supplément d’âme », gravé à jamais dans le cœur de ceux qui vous ont vu au théâtre ou au cinéma ; pour votre parcours artistique si riche, qui s’inscrit dans notre patrimoine culturel, au nom du président de la République, et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Officier de l'ordre de la Légion d’honneur.
Ils avaient vingt ans, ils racontent « leur » Algérie
Les patrouilles sur terrain accidenté, un danger permanent
pour de jeunes soldats.
Et c'est dans le fracas de la guerre qu'ils sont devenus des hommes, mobilisés dans une guerre qui ne disait "pas son nom" 57 ans après, ils témoignent.
Son grand-père était « le héros de la famille ». Sa photo, en tenue de poilu, trônait dans le salon. Et sa médaille militaire, bien rangée dans une boîte qu'on ouvrait de temps à autre, le souvenir de batailles terribles qui alimentaient les conversations des repas dominicaux. « Pour notre génération, 39/45 était aussi très présent puisque nos parents l'avaient vécu. Des guerres justes, des victoires, des souvenirs qu'on s'appropriait ». Rien de tel avec cette guerre d'Algérie qui allait propulser Lucien Delobel de l'autre côté de la Méditerranée, à 19 ans. Sa guerre à lui, sa guerre de « malgré lui », comme il dit, n'a jamais alimenté la mémoire familiale. « Quand je suis rentré, je ne voulais qu'une chose, reprendre ma vie où je l'avais laissée en partant. Oublier. Et personne ne m'a vraiment posé de questions. Tout le monde voulait passer à autre chose » . Lucien retrouve son boulot de garagiste, tente d'enfouir ses souvenirs. Peine perdue. « Cette histoire est inscrite en moi, comme un tatouage. Je n'oublierai jamais la terreur quand on patrouillait, l'odeur des cadavres, les corps suppliciés, les copains disparus, les Algériens massacrés dans des conditions tout aussi atroces. Par des militaires français ou par d'autres Algériens » égrène l'ancien appelé en Grande Kabylie entre 1958 et 1960. Pour Lucien, pas de distinction dans l'horreur. « Des deux côtés, ce fut terrible. Tous ces massacres, toutes ces souffrances, la honte d'avoir appartenu à une armée salie par les exactions de certains » poursuit son ami, Pierre Lumet, onze mois de guerre du côté de Batna. Et la conviction d'avoir participé à une « guerre immorale et sale ». Pierre est sans illusions. « Toutes les guerres sont sales, bien sûr, mais là, on était les occupants. En débarquant en Algérie, il était évident qu'on arrivait sur une autre planète. Un monde auquel nous ne connaissions rien. Un bout de France nous disait-on mais où certains avaient des droits et pas les autres. Un système colonial inégalitaire. Injuste. ».
Embuscades et attentats
C'est aussi cela qui a frappé Marcel Jean, à son arrivée en Algérie en juillet 1960. Plus de cinquante ans plus tard, il se souvient encore d'une réflexion qu'il s'était faite dans le trajet en train qui l'emmenait d'Oran à son régiment de Vialar. « Je regardais les villages par les fenêtres, et je me suis dit que c'était pas étonnant qu'ils demandent leur indépendance. C'était la misère ». À cette époque, Marcel est affecté au 5e bureau du 110e RIM. Celui de l'« action psychologique ». « Le but, c'était de rallier le monde rural à l'Algérie française. Les gens étaient extraits de leurs villages, regroupés, "resserrés" on disait, dans des camps, pour éviter tout contact avec le FLN ». Les paysans ne sont guère convaincus. Les bidasses non plus d'ailleurs. « On savait parfaitement qu'on allait finir par lâcher, alors... ». Ambiance fin de règne. À partir de mars 1961, changement d'affectation pour Marcel qui rejoint un poste isolé, pendant deux mois. Deux mois de contact avec la réalité de la guerre. « Le risque, c'était de tomber dans une embuscade pendant les patrouilles. On s'est fait canarder plusieurs fois ». Les violences se radicalisent dans cette dernière année de présence française. « À Mostaganem où j'ai fini mon service, j'ai échappé de peu à une grenade lancée en plein centre-ville. Après il y a eu les plastiquages de l'OAS. Le danger était partout, tout le temps ». De tout ça, mais aussi des « corvées de bois », ces exécutions sommaires, et des arrivages de suspects pour des interrogatoires qui viraient en torture, Marcel n'a que peu parlé à son retour en France au moment de reprendre son poste à l'usine Peugeot de Fives. Comme si ces 28 mois de conscription, dont 14 en Algérie, n'avaient été qu'une parenthèse.
« Impossible à assumer »
Pierre Lumet, issu des mouvements de jeunesse ouvrière chrétienne, s'est aussi replié sur son silence. Une mémoire en miettes. Refoulée. « Impossible à assumer, au fond » constate-t-il aujourd'hui, à la recherche d'une mémoire enfin apaisée. « On était vus comme des tortionnaires par les uns, et les témoins d'une défaite honteuse d'une France qui avait abandonné les Pieds-Noirs par les autres » résument Lucien et Pierre. « On était juste des gamins d'à peine 20 ans, projetés dans un conflit dont nous étions le bras armé et qui ne comprenaient pas ce qui se jouait politiquement. Ni héros, ni ordures. Des pions », lâche Pierre dans un soupir lourd de cette amertume qui ne l'a jamais quitté. Heureusement, Lucien avait Pierre pour en parler et Pierre avait Lucien. Ces deux-là ne se sont jamais quittés. Unis par un passé commun, « incommunicable à qui ne l'a pas connu. Au moins, ensemble, on peut se parler sans se sentir jugés ». « Qu'est ce qu'on est allés faire là-bas ? », s'interroge encore Marcel Jean, qui parle « d'une guerre coloniale honteuse dans laquelle la France s'est déshonorée. Un gâchis humain, des morts pour rien du tout... ». Parmi les anciens de l'Algérie, Marcel a conscience de porter une voix minoritaire. Sa pension, il la reverse à des associations. Cet argent, il n'en veut pas. « Mes décorations, tout ce qui était militaire, j'ai tout balancé. J'étais trop dégoûté ». Et d'ajouter : « si au départ on avait su négocier, donner les mêmes droits à tout le monde, on aurait pu vivre ensemble ». La guerre est finie depuis 57 ans. Mais la mémoire n'est toujours pas pacifiée. « Tourner la page, ça voudrait dire que le France reconnaît ses torts », conclut Marcel Jean, plongé dans les quelques photos sépia ramenées de là-bas. « Mais j'ai bien peur que ça n'arrive jamais »...
Dans la vidéo ci-dessous témoignages de :
Marcel Jean, originaire de Nomain (59) a été appelé en juillet 1959. Il intègre l' "action psychologique".
Alain Hernandez est né en Algérie Française (pro-OAS). Il doit la quitter à 17ans, en 1962, avec sa famille.
Il a tenu à coucher sur le papier quelques lignes inspirées par le non-respect d’une vieille dame qui s’appelle La France : elle a soudain perdu, sans méfiance aucune, ses enfants, exécutés par des êtres immondes.
Ma France à moi
C’est celle de 1789, une France qui se lève, celle qui conteste, qui refuse , la France qui proteste qui veut savoir, c’est la France joyeuse, curieuse et érudite, la France de Molière qui tant se battit contre l’hypocrisie, celle de La Fontaine celle de Stendhal, de Balzac, celle de Jaurès, celle de Victor Hugo et de Jules Vallès, la France de l’invention, des chercheurs, celle de Pasteur, celle de Denis Papin et de Pierre et Marie Curie, la France des lettres, celle de Chateaubriand, de Montaigne, la France de la Poésie, celle de Musset, d’Eluard, de Baudelaire, de Verlaine et celle d’ Aimé Césaire, la France qui combat tous les totalitarismes, tous les racismes, tous les intégrismes, l’obscurantisme et tout manichéisme, la France qui aime les mots, les mots doux, les mots d’amour, et aussi la liberté de dire des gros mots la France qui n’en finira jamais de détester le mot «soumission» et de choyer le mot révolte.
Oui ma France à moi c’est celle des poètes, des musiciens, celle d’Armstrong, celle de l’accordéon, celle des chansons douces, des chansons graves, des espiègles, des humoristiques, des moqueuses ou celles truffées de mots qui font rêver d’un amour que l’on n’osera jamais déclarer à celle qu’on aime.
Ma France à moi c’est celle de Picasso, de Cézanne et celle de Soulages, celle d’Ingres, celle de Rodin, la France des calembours, des «Bidochons», celle de la paillardise aussi bien que celle du «chant des partisans».
Ma France c’est celle de Daumier, celle de l’ «Assiette au beurre», du «Sapeur Camembert», celle de Chaval, celle de Cabu, de Gottlieb, de Siné, celle du «Canard», de «Fluide Glacial» et de «Charlie», drôles, insolents, libres !
Ma France, c’est aussi celle des dictées de Pivot celle de Klarsfeld et celle de Léopold Sedar Senghor, la France des «Enfants du Paradis» et des «Enfants du Veld ’hiv», celle de la mode libre, celle de la danse, des flirts et des câlins, celle de la musique douce et des rock déjantés, celle de la gourmandise, ma France à moi c’est une France capable de renvoyer dos à dos la Bible et le Coran s’il lui prend l’envie d’être athée.
Eh oui ! Ma France est une France libre, fraternelle et éternellement insoumise aux dictats de la «bienpensance».
Il n’est qu’en respectant toutes ces diversités qu’on arrive un jour à vivre la «douce France» de Trénet. Celle qui m’a toujours plu et que notre jeunesse lucide et combative fera perdurer par-delà les obscurantismes. Figure révolutionnaire emblématique durant «La commune», le «Père Duchêne» écrivait au frontispice du journal qu’il publiait en 1793 : «La République ou la Mort !» Son journal coûtait 1 sou… mais on en avait pour son argent.
On la trouvait plutôt jolie, Lily Elle arrivait des Somalies Lily Dans un bateau plein d´émigrés Qui venaient tous de leur plein gré Vider les poubelles à Paris
Montez le son et arrêtez la vidéo après le sujet concerné, d’autres vidéos, sans rapport, suivent. Merci !
HIER APRèS-MIDI AU PèRE LACHAISE
une belle et émouvante cérémonie
en hommage
à maurice et josette audin
Cérémonie d'inauguration du cénotaphe en Hommage à Maurice AUDIN après la dispersion des cendres de Josette AUDIN au jardin du souvenir, avec la participation des enfants de Josette et Maurice, de Marie-Christine LEMARDELEY, Pierre MANSAT, Cédric VILANI, Sébastien JUMEL, Raphaëlle PRIMET, Gilles MANCERON, François DEMERLIAC, Jean-François GAVOURY et Jean-Philippe OULD AOUDIA, Henri POUILLOT, Alain RUSCIO, Robert CREANGE, Alban LIECHTI…
Hommage à Maurice et Josette Audin au cimetière
Père-Lachaise de Paris
PARIS - Une cérémonie de recueillement à la mémoire de Maurice et Josette Audin, 62 ans après la disparition et l'assassinat de Maurice par l'armée française le 11 juin 1957 à Alger, a été organisée mardi au cimetière Père-Lachaise de Paris.
Un vibrant hommage a été rendu par une foule nombreuse, dont leurs deux enfants, des politiques, des historiens, des élus locaux et des membres de l'ambassade d'Algérie en France, venue assister à cet hommage au militant pour l'indépendance de l'Algérie, et à son épouse décédée le 2 février dernier.
En septembre dernier, rappelle-t-on, le président Emmanuel Macron a reconnu, en rendant visite à l'épouse du défunt, que Maurice Audin a été torturé puis tué par les militaires de l'armée coloniale.
Les deux enfants, Michèle et Pierre Audin, ont procédé à la dispersion des cendres de leur mère au jardin du souvenir, avant que les participants, munis de drapeaux algériens, ne se dirigent vers l’emplacement du cénotaphe, un monument érigé, en mémoire de Maurice Audin, pour être inauguré.
L’inscription, gravée sur le cénotaphe, à l’intérieur d’une carte de l’Algérie, souligne notamment que "le souvenir de Maurice Audin et des autres victimes de cette terrible répression ne peut que renforcer la détermination de toutes celles et tous ceux qui luttent pour que les crimes d’Etat, les arrestations arbitraires, la torture et les disparitions forcées qui ont cours partout dans le monde, soient reconnus, punis et ne puissent plus se reproduire". Maurice Audin, qui avait 25 ans, avait été arrêté le 11 juin 1957 par les parachutistes du général Massu devant sa famille, avant d’être torturé. Le jeune assistant à la faculté d’Alger n’en est jamais revenu, et l’armée française a fait disparaître son corps, selon de nombreux historiens.
Qu'il est long le temps de la vérité dans notre pays !
Plus exactement qu'il est long le temps de la reconnaissance de la vérité dans notre pays, surtout quand cette vérité est celle de la réalité des crimes d'État ou des crimes de la France coloniale.
Pour Maurice Audin, une vérité connue dès 1957.
N'est-ce pas Michèle, Pierre et vous toutes et tous, chère famille Audin, qu'il est long le temps de la reconnaissance de la vérité !
Qu'il a été long le chemin de Josette Audin !
Qu'il a été long le chemin de Josette: 61 ans 7 mois et 3 semaines, pour, comme l'a dit Pierre Audin dans l’Humanité pendant lesquelles « elle a lutté pour Maurice Audin, souvent seule ou peu accompagnée, d’abord pour essayer de le retrouver, ensuite pour faire condamner les coupables, et finalement, seulement pour savoir et faire savoir la vérité »
Il a fallu plus de 61 années pour que l'État français par la voix de son président de la République reconnaisse que Maurice Audin a été enlevé, torturé, assassiné par des militaires français qui ont fait disparaître son corps et on mis au point un mensonge, devenu mensonge d'Etat.
Plus de 61 années pour que l'État français reconnaisse que cet assassinat a été possible parce que tous les pouvoirs avaient été donnés à l'armée par l'Assemblée nationale française, et que la torture était un système généralisé, accepté, assumé, justifié par les plus hautes autorités de l'État.
C'est pour cela qu'aujourd'hui, jour anniversaire de son enlèvement par les parachutistes, nous nous retrouvons pour rendre hommage à Maurice Audin, le militant de l'indépendance de l'Algérie, membre du parti communiste algérien auquel il avait adhéré en 1951, suivant en cela Josette qui avait rejoint le PCA en 1950. Maurice qui comme le résume Michèle dans son livre bouleversant"Une vie brève" «diffusait la presse communiste, s’occupait de la sécurité des militants passés à la clandestinité, leur procurant des faux papier, les transportant d'une planque à l'autre...». «Son terrain d'action était «politique et propagande»
Et indissociablement hommage à Josette Audin.
C'est une formule sans doute un peu convenue, Josette dont le courage, la détermination forcent l'admiration générale. Je pense à l'ovation qui a marquée sa participation a la dernière fête de l'Humanité. Josette dont on sait que, alors qu'elle était à la recherche de Maurice, elle apportait son soutien aux familles de prisonniers.
Josette au sourire si doux qui n'a jamais renoncé.
Et cette cérémonie permet d'évoquer ceux qui ont refusé le mensonge d'État et qui pendant des décennies ont porté, avec plus ou moins d'intensité, ce combat.
D’où l'importance de les nommer en ce lieu, qu'ils soient disparus ou parmi nous. Une nécessité car cette histoire récente a laissé peu de traces.
Dés 1957 les intellectuels du Comité Audin, avec cette singularité, en pleine guerre froide, de la rencontre de personnes d'opinions politiques très différentes: Laurent Schwartz, Albert Chatelet, Pierre Vidal-Naquet, mais aussi Madeleine Reberioux, Marianne Debouzy …
François Mauriac assistera à la soutenance de thèse organisée à la Sorbonne.
Les membres du jury qui décernèrent le prix Maurice Audin de mathématiques à plusieurs reprises.
Les avocats Jules Borker, Pierre Braun, Nicole Dreyfus, Arnaud Lyon-Caen, Roland Rappaport Claire Hocquet.
Les journalistes, journaux et médias: Madeleine Riffaud, André Maurois, Jean Daniel, Florence Beaugé, Charles Silvestre, Nathalie Funès, Maud Vergnol, Rosa Moussaoui, Hassan Zérouki. Et donc l'Humanité, La Télé Libre, France 24, l'Obs, Le Monde, Mediapart, Politis.....
Les éditeurs: Jérôme Lindon, Nils Anderson et les créateurs: Ernest Pignon-Ernest, François Demerliac.
Les historiennes/historiens: Sylvie Thénault, Raphaëlle Branche, Benjamin Stora, Gilles Manceron...
Les DOUZE de l'appel pour la dénonciation de l'usage de la torture pendant la guerre d'Algérie publié dans L'Humanité en octobre 2000, dont ceux que je n'ai pas encore cité, aux cotés de Josette: Henri Alleg bien sur, Simone de Bollardière, Noël Favrelière, Gisèle Halimi, Alban Liechti, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant.
Les moins connus, les élus de 25 communes de France qui ont donné le nom de Maurice Audin à des espaces publics, rues, places, espaces verts, esplanades, écoles.
Deux mathématiciens: François Nadiras, et Gérard Tronel, qui a cofondé l'association et qui a relancé avec une formidable énergie un prix Audin de mathématiques, partagé entre algériens et français. Les membres du jury et les Sociétés savantes qui l'ont soutenu SMF et SMAI. L'institut Poincaré, Michel Broué et Sylvie Benzoni.
Les Algériens Hafid Aourag, Hacène Belbachir, Abdelkader Bouyakoub.
Les députés Sebastien Jumel et Cédric Villani- qui fut président du jury.
Des militants politiques, syndicaux, associatifs. Ceux du PCF, du MRAP, de la LDH, du Secours Populaire....
Egalement Sylvain Fort et Sophie Wallon, collaborateurs du Président de la République.
C'est ainsi qu'après la dispersion de cendres de Josette nous inaugurons ce cénotaphe dédié à Maurice Audin.
Un geste d'une formidable puissance symbolique.
Privé de sépulture Maurice Audin a ainsi un monument, pour toujours dans la mémoire des hommes.
Dans cette division 76 du Père Lachaise ou reposent tant d'héroïnes et de héros des combats pour la liberté.
Près du Mur des Fédérés, des monuments aux déportés des camps d'extermination nazis, du monument aux FTP-MOI, des tombes de Paul Eluard, de Jean-Baptiste Clément, l'auteur du Temps des Cerises.
Un monument sur lequel la vérité est gravée dans le marbre et qui résonne comme un appel, une injonction à poursuivre les combats de la liberté et de la fraternité. Le combat contre toutes les oppressions et pour la liberté des peuples.
Une vérité inscrite dans la carte de l'Algérie, le pays pour l'indépendance duquel Maurice Audin est mort.
La mairie de Paris a repris notre proposition d'ériger une stèle commémorative au cimetière en nous faisant la suggestion de réaliser un cénotaphe.
Cette décision a été voté à l'unanimité du Conseil de Paris, et je veux en remercier la municipalité, les élus parisiens qui inscrivent ainsi pour la seconde fois Maurice Audin dans la mémoire parisienne.
Merci également aux conservatrices du cimetière qui ont proposé cet emplacement.
En inaugurant ce monument comment ne pas penser au mouvement populaire algérien pour qui la place Maurice Audin à Alger est devenue la place de la liberté.
Comment ne pas chavirer d'émotion en voyant le visage de Maurice Audin, sur la fresque qui lui est dédiée, encadré de centaines de post-it ou s'inscrivent les exigences populaires.
L'association s'appuyant sur ce geste symbolique très fort s'engage à poursuivre l'action pour connaître les conditions concrètes de l'assassinat de Maurice Audin et le lieu où il a été enterré - même si c'est très difficile- à contribuer à activer l'appel aux témoignages et à l'ouverture des archives personnelles lancé par le président.
S'engage à poursuivre son action pour la reconnaissance des crimes de la puissance coloniale, et la vérité pour des milliers d'autres Algériens disparus dans les mêmes conditions.
Elle le fait à travers la création du site "1000 autres.org", une initiative conjointe avec le site «histoire coloniale», qui a un retentissement certain en Algérie.
Et je l'évoquais au début de cette allocution, également dans le cadre du collectif «Secret défense». Un Secret qui sert bien à camoufler les crimes d'État (je pense par exemple à Medhi Ben Barka). Un combat d'actualité comme le prouve la convocation par la police de journalistes au nom de ce même «secret défense»
Ce monument concrétise une avancée importante sur le chemin de la vérité.
Des initiatives et des actions fleurissent: le nom de Josette et Maurice va être attribué à un collège de Vitry, un espace vert sera inauguré le 6 juillet à Aubervilliers, une campagne commence à Bagnolet et Toulouse. Un ouvrage collectif est en préparation à la Fondation Varenne.
Mais nous ne sommes pas au bout du combat, une porte s'est entrouverte, il faut maintenant donner un coup d'épaule pour l'ouvrir en grand.
Alors rejoignez nous pour le mener ensembles.
Je vous remercie.
En vidéos l'intervention et l'interview de Pierre Mansat
Message de Sadek Hadjerès, ancien dirigeant du PCA
Compagnon de lutte de Maurice et Josette Audin
lors de la guerre d’Algérie
En ce jour où les cendres de Josette Audin ont été dispersées au Jardin du souvenir du cimetière du Père-Lachaise, et où nous inaugurons le cénotaphe en l’honneur de Maurice Audin, je voudrais évoquer deux souvenirs précis, qui me restent gravés dans la mémoire, de mes rencontres avec Maurice et Josette Audin.
Tous deux étaient membres du parti communiste algérien, dont j’étais l’un des responsables, et qui avait décidé en mars 1955 de participer à la lutte d’indépendance nationale du peuple algérien déclenchée par le FLN, tout en gardant ses propres formes de lutte politique et militaire.
Le premier souvenir concerne ma visite, le 13 septembre 1955, le jour même où le PCA a été interdit en raison de cette orientation, à Maurice Audin, à Alger, dans leur appartement où Josette était aussi présente. Il y avait aussi Claude Duclerc, le secrétaire de la section du Plateau à laquelle appartenait la cellule dont Maurice et Josette étaient membres. Ma visite se situait dans le cadre d’une tournée auprès de quelques responsables du parti pour leur expliquer cette orientation et la forme de militantisme que chacun devait adopter. J’ai mis Maurice Audin au courant des choix politiques du parti, y compris de l’existence de sa branche armée, les Combattants de la Libération, les CDL, et j’ai discuté avec lui de ses propres activités dans ce contexte.
Je m’en souviens très bien — d’autant que… le 13 septembre était en même temps le jour de mon anniversaire… Maurice Audin était pleinement d’accord avec la position du parti de participer à la lutte armée déclenchée par le FLN, mais il fallait éviter les interférences entre les différents secteurs d’activité et nous avons convenu qu’il devait poursuivre son travail politique auprès des lycéens, étudiants et enseignants du secondaire et du supérieur, parmi lesquels beaucoup d’entre eux, d’origine algérienne ou européenne, dénonçaient la répression et demandaient une solution politique à l’insurrection qui venait d’être déclenchée. C’était un travail où il était très à l’aise. Il était très souvent au Foyer des étudiants musulmans, il y avait beaucoup d’amis, il se considérait comme algérien comme eux et participait à toutes les conférences et manifestations anticolonialistes.
Je me souviens très bien de cette rencontre dans leur appartement. Josette et lui avaient déjà un enfant, et je revois l’image, avant de les quitter, de Maurice et Josette qui était enceinte, montrant le berceau de leur enfant à naître et le voile de tulle qui le recouvrait. C’était une image vraiment touchante. Je n’imaginais pas que vingt mois plus tard, ce bébé deviendrait orphelin.
J’ai revu Josette une deuxième fois durant la guerre, en 1958. Malgré le malheur qui l’avait durement frappée, elle n’avait pas baissé les bras et coordonnait la solidarité aux familles des prisonniers politiques internés à la prison de Barberousse, en liaison étroite avec Djamila Briki, la femme de Yahia Briki, auteur de plusieurs attentats organisés par les CDL, qui y était incarcéré après avoir été condamné à mort. Djamila Briki était supposée travailler chez Josette Audin comme femme de ménage, ce qui légitimait leurs contacts, et, tous les jours, elle se rendait devant la prison pour organiser les protestations des femmes de détenus. Nous avions décidé que ma rencontre avec Josette à ce sujet ait lieu dans un de nos locaux les plus clandestins qui servait aussi d’imprimerie. Elle y était arrivée après un parcours de sécurité compliqué et épuisant, sous un soleil de plomb et portant dans ses bras son dernier né que Maurice n’avait pas connu. On y montait par un immense escalier et elle était arrivée tout essoufflée et congestionnée, mais elle avait ensuite discuté avec moi avec le plus grand calme du développement de l’action avec les familles de détenus, qu’ils soient membres du FLN ou bien des CDL comme Yahia Briki, le mari de Djamila.
Ces deux moments avec Maurice et Josette Audin restent à jamais gravés dans ma mémoire. Et aujourd’hui le fait que la place Maurice Audin à Alger représente un symbole pour les manifestations démocratiques actuelles m’émeut particulièrement.
Que leur souvenir reste à l’esprit du peuple algérien, épris, aujourd’hui comme hier, de justice, de démocratie et de liberté !
France 3 diffuse ce jeudi à 23 h 35 « Prisonniers français du FLN ». Un documentaire poignant sur une facette méconnue du conflit algérien et sur des hommes ballottés au gré de la guerre.
Ils s’appellent Claude Gabet, Robert Bonnet, Jean Dziezuk et Maurice Lanfroy. Tous ont servi sous le drapeau français durant la guerre d’Algérie. Tous ont été prisonniers du FLN, le Front de libération nationale algérien, alors opposé au pouvoir colonial en place.
Vous pouvez visualiser aussi, ci-dessous, en intégralité ce documentaire ainsi que le commentaire de Raphaëlle Branche.
En Algérie, durant la guerre d'indépendance, contre toute attente, le maquis FLN fit des prisonniers pour internationaliser le conflit grâce au CICR et pour s'affirmer en tant que force armée en capacité de faire des prisonniers de guerre et en capacité de négocier leur libération sur un pied d'égalité avec l'Etat français. Comme la France n'y voyait pas une guerre, elle nia l'existence même de ces prisonniers, les raya de la mémoire collective. L'historienne Raphaëlle Branche, spécialiste de la guerre d'Algérie, auteure du livre "Prisonniers du FLN" est questionnée dans ce documentaire sur cette première enquête historique sur les prisonniers de Front de Libération Nationale, page méconnue de la guerre d'Algérie. Réalisation : Jeanne Menjoulet Production : CHS
L’article reproduit ci-dessous pourra prendre place dans la revue municipale d’Orange sans que le directeur de la publication, M. Jacques Bompard, en change ne serait-ce qu’une virgule.
Il est paru le 8 juin 2019 dans l’édition Vaucluse du Dauphiné libéré.
Comme cela était prévisible, le discours que le maire d’Orange a tenu lors de la cérémonie d’inauguration du rond-point de La Chapelle organisée avant-hier en fin de matinée était de nature ouvertement révisionniste. Rien de surprenant de la part de celui qui est réputé avoir créé à Montpellier un réseau de soutien à l’OAS dénommé Cambronne.
Le souvenir et l’honneur auraient inspiré son choix de célébrer la mémoire d’un officier putschiste : le Souvenir français, précisera-t-il, et la volonté de promouvoir une certaine conception du monde, celle des hommes d’honneur !
Et d’ajouter qu’en Algérie, « une petite minorité d’officiers ont choisi la voie risquée de l’insubordination pour sauver ce qu’il demeurait de l’honneur ».
Son intervention s’est située dans le droit fil de sa présentation des motifs de la délibération ad hoc devant le conseil municipal le 17 mai : « … tous les combattants pour l’Algérie française ont été amnistiés, tous sauf ceux qui ont été condamnés à mort. Parce que rappelons que, à l’époque, on condamnait à mort. Et on condamnait à mort non pas pour des crimes commis mais pour des opinions politiques. […] avec le recul, nous avons la preuve que le travail qu’a fait la France dans son passé colonial est un travail qui honore notre pays ; et c’est pour honorer ceux qui ont défendu le travail qui avait été fait par les gens qui représentaient la France et qui amenaient des hôpitaux, des écoles dans des territoires où on est bien obligé de constater que la barbarie, voire le cannibalisme, restait. […] quand on voit ce que certains pays sont devenus, eh bien, entre nous, je pense qu’ils doivent regretter le bon temps des colonies ! ».
La réitération de ce propos, le 7 juin, hors les murs de la mairie, aurait pu être empêchée si certaines autorités avaient pris leurs responsabilités : tel n’a pas été le cas ! Passons !
Passons et rappelons à Jacques Bompard que :
- contrairement à ses affirmations, les condamnations prononcées à l’encontre des fusillés de l’OAS ont pu être effacées par l’amnistie en application de l’article 1er de la loi n° 68-697 du 31 juillet 1968 (tel a été le cas en particulier s’agissant de Roger Degueldre, chef des commandos Delta de l’OAS) ;
- que les activistes de l’OAS n’ont pas été traduits en justice pour délit d’opinion mais pour y répondre de crimes - souvent racistes - commis en masse et en toute lâcheté.
Passons et insistons sur le fait que la délibération municipale du 17 mai, outre qu’elle constitue une violation du principe de neutralité du service public :
- porte atteinte à l’image de la commune en tant qu’elle a pour effet d’ériger l’insubordination hiérarchique en valeur militaire ;
- heurte la sensibilité notamment des appelés du contingent restés, au péril de leur vie, loyaux à l’égard des institutions républicaines ;
- fait injure à la mémoire des victimes du putsch d’avril 1961 et de l’OAS, parmi lesquelles figurent des personnes dont l’acte de décès est revêtu de la mention "Mort pour la France" ;
- cause, pour toutes ces raisons, un trouble à l’ordre public.
Passons, mais sans exclure la perspective d’un sursaut de l’État de droit face à une initiative locale relevant de la défense et illustration d’une organisation terroriste.
Jean-François Gavoury
Président de l’Association nationale pour la protection
de la mémoire des victimes de l’OAS (ANPROMEVO)
Association déclarée à la préfecture de police le 7 avril 2006
La Bataille de Marignane - La République, aujourd'hui, face à l'OAS, de Jean-Philippe Ould Aoudia et Jean-François Gavoury.
Vous vous appelez Jean-Philippe Ould Aoudia. Votre père, Salah Ould Aoudia, instructeur des centres sociaux en Algérie, a été criblé de balles, le 15 mars 1962. Vous apprenez que le chef des assassins voit sa mémoire honorée en juillet 2005, à Marignane. Vous êtes Jean-François Gavoury. Votre père, Roger Gavoury, commissaire central d'Alger, a été lardé de coups de couteau le 31 mai 1961. Vous apprenez que l'un des tueurs et son complice figurent sur la même stèle du cimetière de Marignane.
Jean-Philippe Ould Aoudia et Jean-François Gavoury ont appris autre chose, peut-être encore plus grave : au printemps 2005, alors que s'annonçait la provocation des nostalgiques de l'OAS, assassins de la mémoire de ses victimes, Christian Frémont, préfet des Bouches-du-Rhône, Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'État aux Anciens Combattants, Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, Dominique de Villepin, chef du gouvernement, Jacques Chirac, président de la République, ne trouvaient rien à redire à cet hommage insensé. Ils ne trouvaient même pas à redire à l'exaltation d'un autre assassin qui fut à deux doigts, le 22 août 1962, d'abattre le général de Gaulle avant que celui-ci ne fasse exécuter les quatre : Degueldre, Dovecar, Piegts, et Bastien-Thiry.
Pour obtenir l'interdiction du rassemblement de Marignane, le 6 juillet 2005, mais pas de la stèle érigée la veille, il aura fallu une lutte épuisante que retracent les deux fils dans leur livre. Livre cauchemar, livre courage, dédiée à une soeur, Madeleine Ould Aoudia, qui, sur place, indignée et muette, se fit cracher dessus par une horde écumante de haine.
Il y a eu, au début des années soixante, dans une France qui, à Alger, portait encore ce nom, des petits Pinochet en puissance. À l'origine des centres sociaux, l'anthropologue Germaine Tillion les a exécutés en quelques mots, parlant « des calculs imbéciles des singes sanglants qui font la loi à Alger ».
Algériens et Français, les six instructeurs mitraillés à Château-Royal, du nom du lieu du crime perpétré le 15 mars 1962, et le commissaire massacré pour avoir tenu à éviter le pire entre les communautés restent au-delà de la mort comme les arches d'un pont entre les deux pays, un vivant traité d'amitié avant la lettre de celui qui se cherche aujourd'hui et qui leur devra tant.
Aujourd’hui en 2019 les singes sanglants sont DEVENUS VIEUX… MAIS L’UN d’eux n’a pas hésité à faire le singe, en franchissant le mur du cimetière de perpignan, comme nous pourrons le lire dans l’un des articles suivants, bravant les arrêtés (l'un du préfet, l'autre du maire) d’une manifestation interdite, se vantant d’avoir quand même pu fleurir la tombe d’un terroriste et criminel de l’oas, condamné à mort…
L’apologie de l’OAS interdite à Perpignan autorisée
à Orange
Entre Perpignan et Orange, la République semble se chercher.
Telle est la leçon que l'Etat et ses représentants pourront tirer à la lecture des deux articles de presse ci-dessous :
Bien cordialement,
Jean-François Gavoury
ORANGE
58 ans après le putsch d'Alger, un rond-point baptisé du nom du lieutenant-colonel de La Chapelle
Le maire d'Orange Jacques Bompard aux côtés d'Alberte de La Chapelle, l'épouse de l'ancien chef de corps. Photo Le DL/Eugénie MOURIZARD
Le giratoire situé à l'entrée sud d'Orange, sur la RN7, porte désormais le nom de l'ancien chef de corps du premier régiment étranger de cavalerie de 1960 à 1961, qui a participé au putsch d’Alger.
L'épouse du lieutenant-colonel Charles-Albert de La Chapelle et huit de ses treize enfants avaient fait le déplacement aux côtés d'un détachement de légionnaires.
Et si le choix de cette dénomination avait suscité le débat au dernier conseil municipal, ce matin, l'heure était aux hommages et au recueillement.
Professeur d’histoire-géographie et auteur, il est le fondateur du site www.1000autres.org, qui recense les noms de personnes disparues depuis la bataille d’Alger, en 1957. Probablement arrêtés et torturés à mort par l’armée française, comme l’a été le jeune mathématicien, militant communiste.
Dans l'Humanité du vendredi 7 juin, très bel entretien avec Pierre Audin, à quatre jours de la cérémonie au Père Lachaise pour Josette et Maurice Audin.
Pierre Audin : « Ma mère disait qu’on ne saura jamais la vérité et pour le moment elle a toujours raison. » Lahcène Abib
AFFAIRE AUDIN. «LA RECONNAISSANCE
DU CRIME D’ÉTAT GRAVÉE DANS LE MARBRE»
Vendredi, 7 Juin, 2019
Maud Vergnol
Le 11 juin, un cénotaphe en hommage au mathématicien communiste assassiné par l’armée française pendant la guerre d’Algérie sera inauguré à Paris. Entretien avec son fils, Pierre Audin.
Mardi prochain, 62 ans jour pour jour après l’enlèvement de votre père par les parachutistes français à Alger, un cénotaphe sera inauguré au cimetière du Père-Lachaise. Qu’est-ce que cela symbolise pour vous ?
Pierre Audin : Au sens propre du terme, cela permet de graver dans le marbre la déclaration du 13 septembre du président de la République, qui reconnaît l’utilisation généralisée de la torture pendant la guerre d’Algérie, non pas dans le but de déjouer des attentats, mais afin de terroriser la population. À proximité du mur des Fédérés et des monuments élevés pour les victimes de la barbarie nazie, la mairie de Paris écrit le nom de Maurice Audin non loin de la tombe de Paul Éluard, c’est un acte qui a un sens historique. Peu de temps après la Seconde Guerre mondiale, l’affaire Audin a révélé les méthodes utilisées par la France en Algérie, Maurice Audin apparaissant comme un symbole, représentant les milliers d’Algériens qui comme lui ont subi arrestation arbitraire, tortures et exécution sommaire.
Cette cérémonie rendra également hommage à Josette Audin, disparue en février dernier, après avoir consacré sa vie à ce que la vérité soit faite sur l’assassinat de son mari mais aussi sur la pratique de la torture pendant la guerre d’Algérie. Elle espérait en connaître un jour les circonstances précises et le nom des assassins. Avez-vous engagé de nouvelles démarches à ce sujet ?
Pierre Audin : Ma mère disait qu’on ne saura jamais la vérité et pour le moment elle a toujours raison. Pourtant, pendant 61 ans 7 mois et 3 semaines, elle a lutté pour Maurice Audin, souvent seule ou peu accompagnée, d’abord pour essayer de le retrouver, ensuite pour faire condamner les coupables, et finalement, seulement pour savoir et faire savoir la vérité.
Sans doute Maurice Audin était aussi un symbole pour les pouvoirs politique et militaire de l’époque, puisque le secret a été bien gardé, au point que même le président de la République n’a pas réussi à savoir la vérité. Dans sa déclaration, il annonçait l’ouverture de toutes les archives concernant tous les disparus de la période de la guerre d’Algérie. Cela semble compliqué et long à mettre en œuvre, car on touche là au « secret défense », qui est une habitude bien française, qu’il est important de faire évoluer. L’affaire Audin est une des 16 affaires traitées par le Collectif secret défense et pour lesquelles la vérité se heurte souvent à l’impossibilité d’accéder aux archives. La déclaration présidentielle libère aussi la parole des témoins de l’époque, ou de leurs héritiers, mais la tradition du silence complice est forte chez les militaires et leurs héritiers, et il reste à faire la publicité nécessaire autour de cet appel à témoignages, pour obtenir au moins la communication des archives privées. Un levier que nous continuerons d’utiliser avec l’Association Maurice-Audin, mais aussi avec le prix Maurice-Audin, sur une idée du mathématicien Gérard Tronel, qui récompense deux mathématiciens, un en France et un en Algérie, permettant à l’un et à l’autre de présenter ses travaux à ses collègues de l’autre pays. En France comme en Algérie, c’est toujours l’occasion de rappeler cette exigence de vérité sur le sort de Maurice Audin.
Maurice Audin était un visage parmi des milliers d’autres victimes algériennes de la torture pratiquée par l’armée française. La reconnaissance d’Emmanuel Macron a-t-elle permis d’aider les familles des disparus de l’autre côté de la Méditerranée ?
Pierre Audin : Je ne crois pas que les Algériens aient vraiment confiance dans les promesses du pouvoir politique. Mais avec l’aide de plusieurs associations dont l’Association Maurice-Audin, et de journaux comme l’Humanité, le site 1000autres.org a été ouvert dès la publication de la déclaration présidentielle. Il permet aux Algériens de faire part de ces disparitions et, effectivement, beaucoup ont commencé à alimenter ce site, qui a déjà permis d’identifier 144 disparus. Connaître et faire connaître la vérité, c’est l’aide la plus importante que puissent espérer les familles des disparus.
La place Maurice-Audin, à Alger, a été l’épicentre des mobilisations d’un peuple qui veut reprendre la main sur son destin. Quel regard portez-vous sur ce moment historique en Algérie ?
Pierre Audin La place Audin est un lieu central à Alger, il est normal qu’elle soit un des lieux où le peuple souhaite s’exprimer, et la police tente régulièrement d’en empêcher l’accès aux manifestants. En même temps, la justice incarcère les opposants politiques, comme Louisa Hanoune, et l’un d’eux, Kamel Eddine Fekhar, vient de mourir en prison à l’issue d’une grève de la faim. Les Algériens sont dignes et décidés, il me plaît qu’ils se réfèrent aux héros de la guerre de libération nationale, qui ont su chasser ceux qui avaient colonisé leur pays, pour chasser aujourd’hui ceux qui ont confisqué leur victoire d’alors. L’Algérie pourrait être un pays riche, qui fasse partager cette richesse à toute la population. Mais ils ne sont que quelques-uns à en profiter. Vendredi après vendredi, et mardi après mardi pour les étudiants, les Algériens marchent pour dégager le système actuel, pour construire une deuxième République, en douceur mais avec fermeté. Ils sont admirables, et il faut le faire savoir, malgré le silence de notre télévision nationale par exemple.
Tout particulièrement ces derniers temps, on assiste à une « surenchère » dans les symboles présentés lors de cérémonies commémoratives. Deux exemples actuels sont très significatifs :
Le 75ème anniversaire du débarquement
A l’occasion du 75ème anniversaire du débarquement, le rôle fondamental de la Résistance est « oublié ». Ce « lapsus » délibéré n’est pas fortuit. Tous les historiens, tous les témoins, confirment que si la Résistance, avec ses divers maquis, n’avait pas freiné la progression, mis en difficulté la fameuse « Panzerdivision Das-Reich de la Waffen-SS », le débarquement aurait échoué. Les massacres d’Oradour-sur-Glane, de Tulle, de Murat furent perpétrés parce que les maquisards avaient compromis son acheminement vers les côtes normandes. Ce débarquement est présenté aujourd’hui comme étant le fait déterminant, quasi exclusif, ayant permis la défaite allemande. Sans nier l’importance de cet évènement, c’est délibérément passer sous silence le rôle de la résistance, de l’armée de l’URSS (et ses millions de morts) dans la chute du nazisme.
La nostalgie de l’Algérie française
Depuis plusieurs années la nostalgie de l’Algérie Française se manifeste en remettant en causes les valeurs républicaines de la France.
Avant les années 2.000, on ne trouvait que dans une quinzaine de villes en France des stèles/cénotaphes, noms de rues... glorifiant l’Algérie Française, ou les « martyrs » de l’OAS c’est à dire ces 4 terroristes condamnés à mort et exécutés pour leurs crimes commis au nom de cette association, aujourd’hui c’est une centaine. Récemment, à Béziers le Maire pro-RN avait débaptisé une rue commémorant le cessez le feu du 19 mars 1962 en rue du Commandant Hélie Denoix de Saint Marc ce putschiste condamné à la prison pour son activisme pro-OAS.
Il y a quelques semaines, la Maire de Bollène (extrême droite : la Ligue du Sud) faisait de même.
Le 7 juin 2109 le Maire d’Orange (le mari de la maire de Bollène responsable de la Ligue du Sud) a prévu d’inaugurer un rond-point Lieutenant-Colonel Charles-Gilbert de la Chapelle ce putschiste, qui à la tête du 1er Régiment de Cavalerie avait tenté ce coup d’état d’Avril 1961. Ce Régiment de la Légion Etrangère (qui « abritait » d’anciens nazis venus s’y « réfugier » pour échapper aux procès) s’était distingué déjà en Indochine, puis en Algérie par le zèle de ses tortionnaires, sa barbarie. Mais cette date est tout un symbole expliqué par ce maire : le 7 juin 2019 sera le 57ème anniversaire de l’exécution de Claude PIEGTS et Alber DOVECAR : condamnés à la peine de mort le 30 mars 1962 aux termes d’un jugement rendu au nom du peuple français par le Tribunal militaire de Paris : le premier (Dovecar Albert, sergent déserteur du 1er REP), pour avoir volontairement donné la mort à Gavoury Roger et ce avec guet-apens ; le second (Piegts Claude, agent d’assurances) pour s’être rendu complice de l’homicide volontaire commis avec guet-apens sur la personne de Gavoury Roger au nom de l’OAS.
Ce maire, par ces 2 hommages, envoie donc 3 messages d’une extrême gravité : Rendre hommage à un militaire (même s’il a été amnistié par la suite) qui a participé à la tentative de renverser la République Française. Honorer 2 tueurs condamnés à mort et exécutés pour leurs nombreux crimes commis au nom de l’OAS et tout particulièrement celui du Commissaire Central de la Police d’Alger (équivalent aujourd’hui du préfet de Police de Paris). Glorifier la colonisation, ce qui devrait être considéré comme un crime contre l’humanité.
On peut s’étonner que les Préfets, relais locaux des pouvoirs publics laissent faire de tels ignominies. Dans d’autres circonstances, ils sont intervenus pour refuser certaines inscriptions sur des plaques commémoratives installées sur l’espace public : pourquoi, dans ces cas précis ont-ils laissé faire ? En effet il y a 3 principes républicains qui sont mis en cause dans ces cas : La tradition française veut que ce soient les dates de cessation des conflits (armistices, capitulation, cessez-le-feu...) qui soient commémorés même si après la fin du conflit considéré, des faits douloureux se sont encore déroulés. Honorer des personnes ayant été condamnés à mort, exécutés pour leurs crimes commis au nom d’une organisation terroriste est inconcevable. Honorer des militaires ayant tenté de renverser la République française, même s’ils ont été amnistiés par la suite, est une très indécente leçon de civisme, de respect des institutions de la nation.
Comment, ensuite, ne pas penser que cela est un exemple pour favoriser tous les incivismes...
Cette manipulation de l’Histoire, de la réalité mémorielle est un terrible danger pour notre cohésion nationale.
Les commentaires, les témoignages
et démarches
75e anniversaire du Débarquement des Alliés :
"La Résistance française a joué un rôle déterminant"
en Normandie
Par Henri Lormier
Sans les renseignements fournis par la Résistance française, "le débarquement ne se serait peut-être pas déroulé en Normandie ou il aurait peut-être échoué", explique l'historien Dominique Lormier.
Dominique Lormier, essayiste et historien français, a expliqué mercredi 5 juin sur Franceinfo que "la Résistance française a joué un rôle déterminant dans le choix du débarquement en Normandie". Membre du Centre national Jean-Moulin de Bordeaux et auteur de "Les vérités cachées de la Seconde Guerre mondiale", qui vient de paraître aux éditions du Rocher, Dominique Lormier rappelle que les résistants "ont mené des opérations de sabotage extrêmement efficaces et retardé l'arrivée des troupes allemandes sur la côte".
Pourquoi la France a-t-elle attendu si longtemps pour rendre hommage à la Résistance normande ?
Dominique Lormier : On a mis du temps à reconnaître la Résistance normande parce que le général De Gaulle voulait surtout se focaliser sur le débarquement de Provence, qui avait été à 60% français, et estimait que la France avait été mise un peu au rebut concernant le débarquement de Normandie. Il était assez fâché à l'encontre des Américains et des Britanniques. Et comme il voulait replacer la France, lui donner un rôle important dans la victoire des Alliés, il s'était basé sur les effectifs. Après le Débarquement,...
Henri, à ton analyse du choix de cette journée du 7 juin, j'ajouterais que le nom précis du rond-point est : Giratoire Lieutenant-Colonel Charles-Gilbert de la Chapelle - Chef de corps du 1er REC 1960-1961. C'est donc bien l'officier putschiste qui est ainsi honoré. Voir aussi le programme de cette journée du 7 mai à Orange donné par le Cercle algérianiste, association tentaculaire regroupant les nostalgiques de la France coloniale :
On peut également faire remarquer qu'à ce rond-point d'Orange aboutit la rue du Colonel-Arnaud-Beltrame. Ou comment le nom d'un véritable héros est utilisé pour donner du poids au prétendu héroïsme de ceux qui ont choisi la sédition et par là impulsé, soutenu et encouragé les actions criminelles de l'OAS, quand ils n'y ont pas directement participé.
Merci de cette nouvelle alerte qui prend tout son sens dans la situation de déni et de reniement du droit que nous vivons. En effet, on peut s'interroger sur le silence des préfets.
Anne, merci du lien que tu donnes dans ton commentaire.
Correspondances de Jean-François Gavoury
Président de l’ANPROMEVO
au Cabinet du Préfet de Vaucluse
à lattention personnelle de M. Bertrand Gaume
Préfet de Vaucluse
Chaville, 25 mai 2019.
Monsieur le préfet,
Au cours de sa dernière réunion, le 17 mai 2019, le conseil municipal dOrange avait à statuer sur le point suivant de l'ordre du jour (dossier n° 6) :
DÉNOMINATION DU GIRATOIRE AMÉNAGÉ AU CARREFOUR DE L'AVENUE DE VERDUN/ROUTE D'AVIGNON/RUE DU COLONEL ARNAUD BELTRAME/RUE ALBIN DURAND/RUE D'AQUITAINE : GIRATOIRE LIEUTENANT-COLONEL CHARLES-GILBERT DE LA CHAPELLE - CHEF DE CORPS DU 1ER R.E.C. 1960 1961.
Avant son adoption, dans une ambiance houleuse, le 1er adjoint au maire, M. Gérald Testanière, rapporteur du projet, a indiqué que la plaque portant linscription précitée serait dévoilée au cours dune cérémonie prévue le 7 juin à 11h45.
Cette date ne doit rien au hasard : en effet, ce jour-là correspondra au cinquante-septième anniversaire de lexécution de Dovecar et Piegts, condamnés à la peine de mort le 30 mars 1962 aux termes dun jugement rendu au nom du peuple français par le Tribunal militaire de Paris : le premier (Dovecar Albert, sergent déserteur du 1er REP), pour avoir volontairement donné la mort à Gavoury Roger et ce avec guet-apens ; le second (Piegts Claude, agent d’assurances) pour sêtre rendu complice de l’homicide volontaire commis avec guet-apens sur la personne de Gavoury Roger.
En ma double qualité de fils de Roger Gavoury, contrôleur général de la sûreté nationale, assassiné dans lexercice de ses fonctions de commissaire central d’Alger le 31 mai 1961, et de président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (ANPROMEVO), je vous serais obligé de bien vouloir mettre en oeuvre la procédure de contrôle de légalité à légard de cette délibération sur les caractéristiques de laquelle je me permets dappeler tout particulièrement votre attention :
1°) sur la forme
- le délai de trois semaines séparant la date du vote de la délibération en question de celle de son exécution semble bien procéder dune stratégie destinée à empêcher lexercice des voies de recours ;
2°) sur le fond
- elle constitue une décision dont lintérêt local n'est pas établi, dans la mesure où, dune part, aucune attache de M. Charles-Gilbert de La Chapelle à Orange n'apparaît dans lexposé des motifs de la délibération et, dautre part, le 1er Régiment étranger de cavalerie est désormais basé à Carpiagne (Bouches-du-Rhône) ;
- elle est de nature politique et vise, de l'aveu-même du maire en séance, à « honorer ceux qui ont défendu le travail qui avait été fait par les gens qui représentaient la France et qui amenaient des hôpitaux, des écoles dans des territoires où on est bien obligé de constater que la barbarie, voire le cannibalisme, restait » (cf. infra en note de bas de page) ;
- au-delà de la promotion du passé colonial de la France, elle consiste, de fait, à entreprendre, à travers la personne dun putschiste, l'apologie dune organisation terroriste, lOAS (« idéologiquement criminelle et, dans ses actes, barbare », pour reprendre les mots prononcés publiquement par M. Bertrand Delanoë, maire de Paris, le 6 octobre 2011 au cimetière du Père-Lachaise) responsable de quelque 2.700 morts en Algérie et sur le territoire métropolitain ;
- elle est, en cela, génératrice de troubles à l'ordre public ;
- elle porte par ailleurs atteinte au souvenir du colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame, militaire profondément républicain dont le nom - si la mesure devait recevoir application - voisinerait, dans ce même secteur de l'avenue de Verdun, le long de la route nationale 7, avec celui dun officier félon ayant participé au putsch davril 1961 à Alger.
Elle doit, en conséquence, être soumise à la censure du juge administratif et la cérémonie d'inauguration annulée, à votre demande, par ses organisateurs.
Je vous prie de croire, Monsieur le préfet, à l'assurance de ma parfaite et respectueuse considération.
Jean-François Gavoury
Pupille de la Nation
Orphelin de guerre
Officier ONM
Reproduction mot à mot de l’exposé
de M. Jacques Bompard :
« Il y a des événements qui se sont passés il y a fort longtemps et qui devraient être abordés d’une manière un peu plus sereine. La plupart, tous les combattants pour l’Algérie française ont été amnistiés, tous sauf ceux qui ont été condamnés à mort. Parce que rappelons que, à l’époque, on condamnait à mort. Et on condamnait à mort non pas pour des crimes commis mais pour des opinions politiques. Donc, il nous parait bon de donner, de rappeler que nous vivons dans un monde pacifié et d’essayer de rétablir un peu la vérité parce qu’aujourdhui, on veut culpabiliser la France dans son travail colonial. Or, je crois qu’avec le recul, nous avons la preuve que le travail qu’a fait la France dans son passé colonial est un travail qui honore notre pays ; et c’est pour honorer ceux qui ont défendu le travail qui avait été fait par les gens qui représentaient la France et qui amenaient des hôpitaux, des écoles dans des territoires où on est bien obligé de constater que la barbarie, voire le cannibalisme, restait. Euh, de dire que tout n’était pas mauvais, loin de là dans ce que la France a fait aux quatre coins du monde. Au contraire, notre conception française de la colonisation n’est pas la conception anglaise qui était une conception de prises sans rien donner en échange. Là, il y avait surtout des dons et la balance économique de la France était au bénéfice des pays colonisés et au déficit de notre pays. Donc, c’est avec plaisir que nous défendons tout ce que la France a fait de bien durant le temps où elle a été en Afrique, en Afrique du nord, en Indochine et ailleurs ; et, il faut bien dire quavec du recul, quand on voit ce que certains pays sont devenus, eh bien, entre nous, je pense quils doivent regretter le bon temps des colonies même si ce temps-là n’était pas un temps parfait parce que la perfection n’est pas de ce monde ! ».
Réponse de Thierry Demaret PREF84
Copie à : "GAUME Bertrand PREF84"
Monsieur le Président,
J'ai bien reçu copie de votre message adressé le 25 mai à M. le Préfet Gaume, qui m'a chargé personnellement de vous répondre.
De l'examen attentif de cette affaire auquel j'ai procédé, il ressort qu'au regard du strict contrôle de légalité, la délibération du conseil municipal d'Orange en date du 17 mai 2019, que vous contestez, n'appelle pas d'observations.
En effet, les actes des collectivités territoriales sont exécutoires dès leur publication et leur transmission au représentant de l'Etat (article L2131-1 du Code général des collectivités territoriales), sans que la loi n'impose un quelconque délai minimal séparant la date de leur vote de celle de leur exécution.
Par ailleurs, en matière de dénomination de la voirie communale, la notion d'intérêt local ne s'avère pas pertinente. Si tel était d'ailleurs le cas, ceci aurait empêché la plupart des communes de France d'honorer la mémoire de nombreux grands hommes, y compris récemment celle du colonel Arnaud Beltrame.
Je précise en outre que la délibération précitée ne mentionne, dans sa motivation, aucune considération de nature politique ou historique.
Enfin, les infractions ayant donné lieu à la condamnation, prononcée en juin 1961, du lieutenant-colonel de La Chapelle à sept ans de réclusion criminelle ont, comme vous le savez, été amnistiées par la loi n°68-697 du 31 juillet 1968.
Je ne suis donc pas en mesure de contester valablement devant le juge administratif la légalité de cet acte.
Bien entendu, ceci ne vous empêche nullement, si vous l'estimez utile, de saisir directement le Tribunal administratif de Nîmes.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de ma considération distinguée.
Thierry DEMARET
Secrétaire général de la préfecture de Vaucluse
Dernière lettre de Jean-François Gavoury
à Thierry Demaret secrétaire général de la préfecture
de Vaucluse
- à l’attention personnelle de M. Thierry Demaret
Secrétaire général
Préfecture de Vaucluse
Monsieur le sous-préfet,
Je vous sais sincèrement gré d’avoir pris la peine de répondre à la proposition que je vous avais soumise le 25 mai de déférer à la censure du juge administratif une délibération du conseil municipal d’Orange estimée contestable.
Au regard de l’intérêt d’honorer localement la mémoire d’une personnalité en lui dédiant une rue, il ne saurait être question de mettre sur le même plan une victime - justement héroïsée - du terrorisme telle qu’Arnaud Beltrame et un auteur d’atteintes à la sûreté de l’État tel que le factieux Charles-Gilbert de La Chapelle, dont une loi d’amnistie a pu effacer la condamnation sans toutefois faire disparaître son passé criminel.
Quant à la décision elle-même, elle est de nature éminemment politique et revêt, au regard de l’histoire de la guerre dAlgérie, un caractère révisionniste : le discours que le maire d’Orange a tenu en conseil municipal le 17 mai pour en obtenir le vote le démontre sans ambiguïté.
Si, à vous lire, M. Jacques Bompard n’a rien à craindre de vos services au titre du contrôle de légalité, il a encore moins à redouter de moi dont l’intérêt à agir ne serait pas reconnu par le tribunal administratif de Nîmes.
En effet, statuant le 8 novembre 2016 sur ma requête visant la commune de Béziers dans une affaire similaire, la formation de jugement de la Ve Chambre du tribunal administratif de Montpellier l’avait déclarée irrecevable en la forme, conformément aux conclusions du rapporteur public : celui-ci avait cependant souligné, à l’audience du 18 octobre, l’illégalité de la délibération du 11 décembre 2014 (attribuant à une rue biterroise le nom de l’officier putschiste Hélie Denoix de Saint Marc), considérée comme étant de nature politique, dépourvue de tout lien avec la poursuite d’un intérêt local et génératrice de troubles à l’ordre public.
Je vous remercie de votre aimable attention,
Et vous prie, Monsieur le sous-préfet, de bien vouloir accepter l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Jean-François Gavoury
Lettre de Jean-Philippe Ould Aoudia
Président de l'association Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons
Je lis avec inquiétude les informations sur la prochaine inauguration d’un rond-point à Orange.
Pour nous, descendants des victimes de l’OAS, comme pour les historiens universitaires, l’OAS n’aurait pas été ce qu’elle fut, à savoir une organisation terroriste, raciste et barbare à grande échelle, sans l’appui des parachutistes ayant déserté leurs unités de la légion étrangère lancées dans le putsch d’avril 1961 qui visait à renverser la République.
A la tête du 1er régiment étranger de cavalerie, un certain de La Chapelle, condamné par la Justice rendue au nom du peuple français.
Le citer comme exemple pour les générations à venir, c’est légitimer la violence des armes contre la démocratie.
L’attitude des représentants de l’Etat dans cette affaire est plus qu’une simple connivence : elle est authentique complicité.
Cordialement.
Jean-Philippe Ould Aoudia
Président de l'association Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons
Des manifestants participent à un défilé contre la réforme de la SNCF, le 4 juin 2019 sur la place d'Italie à Paris Photo GEOFFROY VAN DER HASSELT. AFP
Plusieurs milliers de cheminots ont commencé à manifester mardi après-midi à Paris contre la réforme ferroviaire et la dégradation du climat social dans l’entreprise, ont constaté des journalistes de l’AFP.
«Autour de 12.000 manifestants» étaient présents, a indiqué à l’AFP Cédric Robert, porte-parole de la CGT-Cheminots, pour cette manifestation lancée par les quatre syndicats représentatifs de la SNCF.
Partis de la place d’Italie peu après 14H00 dans un concert de klaxons, les manifestants ont commencé à défiler dans le calme sur le boulevard Auguste-Blanqui derrière des banderoles affirmant «pour le service public SNCF, il faut agir».
«Il n’y a pas une seule mesure dans cette réforme qui produise des effets positifs», a affirmé Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-Cheminots, tandis que Roger Dillenseger, secrétaire général de l’Unsa ferroviaire, appelait à «un système ferroviaire répondant aux besoins du service public».
«Notre combat de l’an dernier était légitime. Aujourd’hui, on voit les premiers effets de la réforme avec des fermetures de lignes, de gares et des suppressions d’emplois massives», a déploré Bruno Poncet, secrétaire fédéral de SUD-Rail, à propos de cette loi planifiant l’ouverture à la concurrence du transport national ferroviaire de voyageurs et instaurant l’arrêt des embauches au statut de cheminot à partir du 1er janvier 2020.
Dans le cortège, des banderoles proclamaient «Fiers d’être cheminots, toujours prêts à prendre la Bastille» ou encore «la SNCF n’est pas à vendre», «la SNCF appartient au peuple».
«Cette réforme n’est pas bonne pour la SNCF. C’est la fin du service public, de la sécurité dans les trains», a déploré Laura, 41 ans, conductrice de TER à Toulouse.
«C’est normal que la SNCF évolue mais pas au détriment du personnel», a affirmé à l’AFP Hervé Le Creurer, un Parisien de 56 ans, en déplorant que son service informatique ait subi «restructurations sur restructurations tous les trois ans pour des raisons diverses depuis 10 ans, avec des changements de postes, de missions, des personnes se retrouvant sur le carreau».
Disons-le clairement, le covoiturage, le vélo, la trottinette électrique, qui restent des modes de transport individuels, ne répondront jamais à l’immense enjeu des mobilités dans le cadre de flux toujours plus importants. Ils ont leur pertinence, mais comme complément des modes plus structurants, notamment l’offre ferroviaire. Or, cette loi ne prévoit pas de recettes nouvelles pour développer l’offre de transports collectifs, comme le proposent les élus communistes, telles que la modernisation du versement transport, l’écotaxe sur les poids lourds en transit, la renationalisation des autoroutes, la baisse du taux de TVA sur les transports publics… De fait, ce projet de loi fait de la route l’acteur principal de la mobilité, oubliant les enjeux environnementaux du fret ferroviaire, et entérinant les fermetures de lignes secondaires et de gares, de réduction globale de l’offre de service public ferroviaire. En « ubérisant » les acteurs du transport, en réduisant l’emploi cheminot, elle organise le démantèlement du service public des transports. L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire n’a d’autre fonction que d’apporter une source nouvelle de profit aux acteurs privés en mal de dividendes. C’est un modèle aberrant qui déstructure tout ce qui fait le bien commun comme l’égalité des territoires et des citoyens.
Il y a dix ans que Vincent Liechti a composé et écrit cette chanson. Elle prend une résonance particulière en ce moment avec les menaces qui pèsent sur le statut de l'entreprise historique et celui de ses salarié·e·s, et ce mouvement de lutte exemplaire pour éviter que nous nous retrouvions dans quelques années avec des milliers de kilomètres de lignes supprimées et une explosion des tarifs, sans que rien ne soit réglé du point de vue de la sécurité, des retards, des mauvaises conditions de transport, bien au contraire.
Qui est Vincent Liechti ?
Il est le fils d’Alban Lietchi qui a refusé
de porter les armes contre le peuple
algérien…
Le documentaire « le Refus » retrace le combat anticolonial d’Alban Liechti qui refusa en juin 1956 de prendre les armes contre le peuple algérien. Alban Liechti fut incorporé dans l’armée le 5 mars 1956 comme jeune soldat du contingent. Lorsque son contingent est envoyé en Algérie à l’automne 1956, il écrit au président de la république qu’il refuse de faire la guerre au peuple algérien. Il sera condamné à la prison.
Après 4 années passées dans les prisons d’Algérie et de France, le 17 mars 1961, il est envoyé de force en Algérie dans un commando de Chasse d’un régiment de tirailleurs algériens. Dans le Djebel, de la région de Blida, il patrouille, tout en refusant de mettre les balles dans son arme. Son refus déterminé était celui d’un jeune qui reconnaissait au peuple algérien le droit à l’indépendance. Et ce n’est qu’avec la fin de la Guerre d’Algérie qu’il est libéré, le 8 mars 1962.
Jean-Philippe Ould Aoudia (Marchand-Feraoun), Alban Liechti (ACCA), Gilles Manceron (LDH) et Georges Morin (Coup de soleil)
Nourri et logé pendant 40 ans par une faction traditionaliste de l’Église, gracié par le président Pompidou, l’ex-milicien, arrêté le 24 mai 1989 à Nice, est le premier Français condamné pour « complicité de crimes contre l’humanité ».
Portant Lacroix (!) comme pseudonyme, l’ancien chef milicien à Lyon est arrêté au prieuré Saint-Joseph, un ensemble immobilier (chapelle, couvent, jardin) au cœur du Vieux Nice, concédé en 1987 par la municipalité Médecin à la Fraternité Saint-Pie-X, constituée par l’évêque « traditionaliste » Marcel Lefebvre.
Dans cette planque, Paul Touvier, à 74 ans passés, pouvait se sentir comme un ange (1) dans la célèbre baie. En 1989, Nice, jumelée avec Le Cap (Afrique du Sud), capitale de l’apartheid, est choisie par le FN pour y tenir l’année suivante son premier congrès national, qui aura comme invité d’honneur un ancien SS, Franz Schönhuber. Nice fut aussi, selon le vœu de Pétain, la « fille aînée de la Révolution nationale ». C’est dans ses arènes antiques de Cimiez que, le 22 février 1942, est porté sur les fonts baptismaux le Service d’ordre légionnaire (SOL), une organisation paramilitaire dévouée au maréchal. Elle est dirigée par Joseph Darnand (2), qui, en janvier 1943, fondera la Milice, sinistre police chargée de combattre la Résistance.
Élevé dans le culte du royaliste Charles Maurras
En chemise kaki et béret bleu, mille légionnaires font le serment de « lutter pour la civilisation chrétienne, contre le bolchevisme, la lèpre juive et la franc-maçonnerie ». Un programme qui convient parfaitement au jeune Touvier, né en 1915 dans une famille catholique et élevé dans le culte de l’écrivain royaliste Charles Maurras, pour qui la victoire allemande de mai 1940 est « une divine surprise ». Pour le modeste employé de gare, en mal d’ascension sociale après avoir raté son entrée au séminaire, ce contexte tragique de la défaite offre aussi l’opportunité d’entamer une carrière de gangster sous couvert de militantisme politique. Démobilisé à Chambéry, il adhère dès octobre 1940 à la maréchaliste Légion française des combattants, puis, en 1942, au SOL, dont il devient le secrétaire général pour la Savoie. Remarqué par Darnand pour son zèle policier, il est bombardé, fin 1943, chef du 2e service (renseignement et répression) de la Milice, d’abord pour Chambéry, puis à partir de janvier 1944 pour toute la région lyonnaise. Son quotidien de flic au service de la Gestapo est fait de rackets de prisonniers et de pillages dans des logements réquisitionnés appartenant à des juifs. Et il est impliqué dans l’arrestation suivie de l’assassinat, en janvier 1944, de Victor Basch, fondateur de la Ligue des droits de l’homme, et de son épouse Hélène, tous deux octogénaires, ainsi que dans l’exécution de sept otages juifs qu’il a personnellement sélectionnés.
À la Libération il prend la fuite, les poches pleines, avec l’aide de l’abbé collabo Vautherin, fondateur de l’ordre des Chevaliers de Notre-Dame, un groupement de scouts anticommunistes. Recrutant après guerre parmi les nostalgiques des croisades, c’est cette même secte qui prendra en charge l’ex-milicien durant ses derniers mois de clandestinité. Dans l’intervalle, bien que condamné à mort par contumace, à Lyon en 1946 et à Chambéry en 1947, le « chef Paul » a bénéficié de la protection d’une partie de la hiérarchie catholique. Autant d’ailleurs par « connivence idéologique » que par application du droit d’asile, ainsi que le soulignent les conclusions de la commission d’historiens formée, en juillet 1989, par l’archevêque de Lyon, Mgr Decourtray.
La commission épingle entre autres Mgr Rodhain, fondateur du Secours catholique, qui a fourni une aide financière mensuelle à la famille Touvier. Elle établit la (longue) liste des abbayes, monastères et autres chartreuses de diverses obédiences qui ont offert un abri au criminel antisémite, souvent déguisé en curé, ainsi que celle des associations religieuses et des nombreux mitrés qui se sont « mis à son service ». Parmi ces derniers, Mgr Duquaire, ancien secrétaire du cardinal pétainiste de Lyon Mgr Gerlier, puis, au Vatican, du cardinal Villot, qui réussit, en 1971, à convaincre Georges Pompidou d’accorder sa grâce présidentielle au fuyard. Lequel, dès lors, revient tranquillement habiter, en famille, à Chambéry !
Révélée par l’Express, cette infamie se retourne contre Touvier, obligé de replonger dans la clandestinité après le dépôt de plaintes pour « crimes contre l’humanité ». En 1979, une nouvelle instruction est ouverte. L’enquête est confiée à la gendarmerie nationale, plutôt qu’à la police, qui, en 1947, avait laissé s’échapper le condamné à mort, après l’avoir interpellé à Paris à la suite du cambriolage d’une boulangerie !
C’est en pistant une certaine Geneviève P., ancienne secrétaire de l’abbé Duben (lequel avait remarié Touvier en 1947) en lien avec le Secours catholique et les Chevaliers de Notre-Dame, que le gendarme Recordier a pu, après plusieurs années de traque, mettre fin à la cavale de Touvier, le 24 mai 1989, à Nice. Ce dernier, finalement jugé et condamné, est mort d’un cancer à la prison de Fresnes, le 17 juillet 1996.
Auteur de Nice. Un siècle d’histoire populaire, 1860-1960, Gilletta, 2017. (1) Poisson apparenté au requin. (2) Entrepreneur à Nice, ministre de l’Intérieur en juin 1944, fusillé le 10 octobre 1945.
En 2017, après moults atermoiements, François Hollande vient de faire usage de son droit de grâce pour obtenir la libération de Jacqueline Sauvage sous une pression populaire, disons-le, assez compréhensible. Qu’un homme, dans la France d’aujourd’hui, bénéficie d’un tel pouvoir, reste un phénomène assez curieux. Et, pour cause, le droit de grâce a déjà été utilisé à des fins biens moins humanistes. En 1971, le président Pompidou gracie, en catimini, Paul Touvier, milicien zélé responsable de la mort de plusieurs juifs pendant la seconde guerre mondiale. Un scandale, qui finira par se retourner contre le bénéficiaire de cette grâce.
Deux condamnations à mort
Dans la France des années 70, les conférences de presse du président de la République sont des événements politiques majeurs. Ce 21 septembre 1972, en toute fin de conférence, le président Pompidou doit répondre à une question délicate. Il est question d’une grâce accordée un an plus tôt à Paul Touvier, milicien dévoué à la cause nazie, qui s’est rendu coupable de la mort d’au moins 7 personnes, en représailles de l’assassinat, en 1944, par les résistants, du ministre de l’information de Vichy et chef de la milice, Philippe Henriot. Les crimes dont Touvier est accusé sont terribles : les sept personnes assassinées l’ont été parce que juives, et uniquement pour cette raison.
Dès la libération de la France, Touvier devient l’une des personnes les plus recherchées du pays. Il est arrêté une première fois, mais s’évade. Il est condamné à mort à deux reprises, en 1946 et en 1947, par contumace, car il n’a pas été retrouvé. Comment expliquer, alors que la culpabilité de Touvier est avérée et que les témoignages à son encontre sont accablants, que Georges Pompidou use de son droit de grâce pour venir en aide à cet homme ?
Un réseau de soutiens puissants, proches du Vatican
De 1944 à 1971 (année de la grâce), Paul Touvier se fait très discret. Et quel meilleur endroit pour se cacher en France que les églises, les presbytères et les monastères ? Qui viendra le trouver en ces lieux ? Pendant près de 30 ans, Paul Touvier et sa famille ont bénéficié du soutien actif de religieux. Sa trace est ainsi retrouvée à l’archevêché de Lyon ou encore au monastère de la Grande Chartreuse, près de Grenoble. Partout, il est accueilli et son secret est respecté.
Un livre publié en 2016 (L’affaire Touvier : quand les archives s’ouvrent, B. Vergez-Chaignon, Flammarion) lève un bout du mystère sur cette cavale. Paul Touvier est proche de Monseigneur Charles Duquaire, bien implanté dans l’Eglise catholique lyonnaise, et proche du cardinal Jean-Marie Villot, un des hommes les plus influents et controversés du Vatican, qui présida notamment le conclave de 1978. Preuve de sa réputation sulfureuse, des rumeurs persistantes le mettent en cause dans la mort suspecte du pape Jean-Paul Ier, un mois seulement après son élection, mais c’est une autre histoire.
Rencontres secrètes à l’Elysée
Le procès de Paul Touvier, qui se tiendra finalement en 1992, ont aussi démontré le rôle clé de la cheffe de cabinet de Pompidou, Anne-Marie Dupuy, dans la décision du président de gracier Touvier. Elle rencontre à plusieurs reprises Charles Duquaire à l’Elysée pour parler du cas Touvier. Jusque-là, rien d’anormal, en tant que cheffe de cabinet, elle est chargée de traiter les demandes spéciales adressées au président.
Elle affirmera, plus tard, s’être laissée attendrir par le tableau dramatique qui lui était fait de la situation de la famille Touvier, et plus particulièrement des enfants, prétendument cachés dans des caves, ne mangeant pas à leur faim, et souffrant d’une situation qu’ils n’ont pas choisi. Vraie raison ou pas, toujours est-il qu’elle parvient à convaincre Pompidou d’accorder la grâce.
Une précision tout de même sur cette grâce : en 1971, les condamnations à mort de Touvier ne sont plus valables car les faits sont prescrits par la loi. La grâce lève, en fait, l’interdiction de séjour du milicien en France et lui donne le droit de toucher un héritage.
Mais, le mal est fait. Preuve qu’on n’est pas très fier à l’Elysée de la décision, la grâce n’est pas rendue publique, même pas publiée au Journal Officiel. Un an plus tard, un journaliste ose poser la question à Pompidou au cours d’une conférence de presse. Pompidou, mal à l’aise et un brin agressif, se perd dans des explications peu claires et laisse grande ouverte la porte du scandale, dans laquelle vont s’engouffrer les médias et l’opinion publique.
Voici la vidéo de l’intervention, un brin gênante, de Pompidou :
Chasse à l’homme
Touvier avant-après
Dès qu’elle est connue, la grâce de Touvier produit l’effet inverse. Des plaintes sont déposées contre lui pour « crimes contre l’humanité », des faits qui, eux, ne peuvent être prescrits et qui peuvent donc amener à nouveau Touvier devant les juges.
La famille Touvier repart en cavale, bénéficiant une nouvelle fois de l’aide de ses – décidemment très fidèles – amis au sein de l’Eglise. Anecdote révélatrice : pour célébrer la grâce présidentielle, les Touvier avaient été invités à passer quelques jours de vacances au… Vatican.
Au terme de cet interminable tour de France des abbayes, Touvier est arrêté en 1989 à Nice, dans un prieuré. Il sera jugé en 1992. Anne-Marie Dupuy, la cheffe de cabinet se repentira, et le rôle de certains hommes d’églises éclatera au grand jour. Touvier meurt en prison en 1996, après 7 ans de détention, à 81 ans. François Mitterrand, lui-même soupçonné de complaisances à l’égard du régime de Vichy pendant la guerre, lui refusera deux grâces pour des raisons médicales. Pas fou…
Guerre d’Algérie Le poète Denis Rigal fut étudiant à Clermont, entre 1954 et 1962, et relate dans « Un chien vivant », les questionnements d’alors.
Avant d'avoir 20 ans dans les Aurès, on en avait 18 quelque part en France et l'on n'était pas prêt à mourir en Algérie pour une cause qui n'était pas la sienne. Denis Rigal (1), qui fit ses études supérieures à Clermont-Ferrand, entre 1954 et 1962, fait revivre, dans « Un chien vivant », la vie étudiante de l'époque et les questionnements quant à ce que l'on appelait les opérations de pacification.
Si les premières pages retracent avec verve et finesse l'ambiance de la khâgne de l'ancien lycée Blaise-Pascal, les événements d'Algérie s'invitent rapidement dans la vie étudiante. Le bombardement de Sakiet (2), en Tunisie marque le début de la prise de conscience. L'auteur se souvient du cours de littérature anglaise du professeur Jacques Blondel : « Je ne peux commencer ce cours sur Swift, qui était pacifiste, sans dénoncer les actes de violence désordonnée par lesquels la France vient de se déshonorer à Sakiet Sidi Youssef ». Denis Rigal, dès lors, milite, devient membre du bureau de l'Unef, organise et participe aux manifestations.
Ce récit épouse les méandres d'un quotidien souvent tranquille mais même à Clermont la violence est présente. L'auteur refait surgir des faits oubliés : un restaurant algérien est mitraillé, bilan trois morts. Mouloud, responsable FLN étudiant, est abattu alors qu'il se promenait avec sa fiancée au jardin Lecoq. Un meurtre qualifié par les autorités de règlement de comptes. Un délégué syndical est enlevé par deux sous-officiers du 92 e RI juste avant un meeting.
Renoncement
L'anticolonialisme fait son chemin dans les rangs de l'université qui, doyen en tête, défile avec les Bibs, le 24 avril 1961. Mais jusqu'où aller dans son engagement ? Rares furent ceux qui désertèrent. Denis Rigal n'en fut pas comme la majorité de sa génération. Ce renoncement à porter au plus haut ses convictions est vécu comme une trahison et une honte d'où le titre emprunté à l'Ecclésiaste : « Mieux vaut un chien vivant qu'un lion mort ». Mais il faut aussi faire preuve de courage et d'honnêteté intellectuelle pour témoigner ainsi de ses limites.
(1) Denis Rigal, né en 1936 à Chanaleilles (Haute-Loire), a notamment publié Aval, (Gallimard) et Terrestres (Le Bruit du temps, prix Verlaine).
(2) Le bombardement du village tunisien Sakiet, le 8 février 1958, par l'armée française fit plus de 70 morts dont une douzaine d'écoliers.
Voilà un livre attachant ! Un récit de fin d’adolescence et du premier temps de l’âge adulte. Une brève parenthèse en somme.
Un collège de sous-préfecture, puis l’internat au lycée Blaise Pascal, sa khâgne et enfin l’université du même nom. Des chapitres courts rassemblant anecdotes, silhouettes fugitives, vagabondages dans Clermont-Ferrand. Nous y croisons incidemment Antoine Blondin, Pierre Bourdieu, Claude Lanzman et Albert Camus mais aussi d’illustres inconnus qui ont compté tout autant pour l’auteur dont cette fameuse Miss Rondet à Brioude, passionnée de littérature anglaise, n’hésitant pas à citer devant son auditoire la phrase de Sir Macaulay : « ceux qui disent qu’on ne devrait pas donner la liberté aux peuples avant qu’ils n’aient appris à s’en servir me font penser à l’idiot de la fable qui jurait qu’il n’entrerait pas dans l’eau avant de savoir nager ».
Nous sommes à la fin des années 50, celles de la guerre d’Algérie, celles des chars russes entrant dans Budapest, du bombardement de Sakiet Sidi Youssef. Années en France de désarroi, de honte et de révolte à la fois. Années de censure de la presse d’opposition, d’interdictions (comme « La question », le livre d’Henri Alleg), d’arrestations et d’assassinats. « La nuit de l’esprit menaçait de tout recouvrir et d’étouffer tout signe d’intelligence ». Des « dimanches vides » pour les travailleurs algériens en Auvergne et ailleurs. Attentismes, indifférences, déchirements se mélangent à de nouvelles solidarités lorsque le Général de Gaulle arrive au pouvoir (1958) et se fait acclamer à Alger avec son « je vous ai compris » aussi péremptoire dans la forme qu’ambigu sur le fond. C’est le temps de l’engagement dans le syndicalisme étudiant de gauche. Le temps du « Manifeste des 121 » (1961) pour le droit à l’insoumission dont il était interdit de nommer les signataires à la radio. Puis les choses s’accélèrent avec le putsch des généraux d’Alger (1961), les tracts d’appel à la résistance et la manifestation organisée dans l’urgence pour défendre la République.
Qu’aurait-il fait, lui le sursitaire, si la guerre s’était poursuivie ? Déserter ou obéir ? « Un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort » nous dit l’Ecclésiaste en ouverture du livre. Il est donc ce chien vivant quand son ami de toujours, auquel il dédicace son livre, verra sa vie volée comme beaucoup d’autres. Il y a de l’Albert Camus dans le récit-témoignage de Denis Rigal. A la fois dans ce talent à rendre vivantes les émotions, à recomposer la mémoire, dans cette capacité à s’interroger sur sa compréhension d’évènements qui le dépassent et à creuser sans cesse les doutes qui le traversent encore aujourd’hui.
Jean-Louis Coatrieux « Un chien vivant » de Denis Rigal aux éditions Apogée, 120 pages, 13 euros
Le bombardement de Sakiet en Tunisie marque le début de la prise de conscience de Denis Rial et de ses camarades... Ce crime de guerre précipite la fin de la 4e République et la condamnation unanime de presque tous les pays y compris par l'opinion française...
Philippe Laïk Le Temps des cerises, 327 pages, 20 euros
Le nom de Philippe Laïk évoque, d’abord, pour les nostalgiques de la « belle télé d’antan », du studio des Buttes-Chaumont – dont je suis –, un réalisateur de haute volée qui assura bien des joies durant des dizaines de soirées familiales. Mais l’auteur eut une existence avant la télé. Et la tranche de vie qu’il s’est décidé à écrire, des décennies après les faits, a un nom : guerre d’Algérie. Car le « soleil » dont il est question dans le titre n’est pas celui d’une aimable exposition au bronzage, mais bien celui d’une guerre coloniale, dans laquelle furent jetés, à leur corps – et à leur esprit – défendant, des centaines de milliers de jeunes qui eurent le malheur d’avoir 20 ans au milieu de la décennie 1950. D’où l’autre mot-clé du titre : les « armes ». « Sa vie, ce n’était pas du cinéma, et pourtant, ça l’était déjà », écrit Gérard Mordillat en quatrième de couverture. Il existe, malgré les idées reçues sur la question, de très nombreux récits de vie sur cette guerre d’Algérie. Aucun n’est insignifiant, car chacun porte une douleur, une blessure non cicatrisée.
L’ouvrage de Philippe Laïk vient s’ajouter à cette liste. L’auteur décrit, lui aussi, les drames de la guerre, la répression contre un peuple qui ne demandait « que » l’indépendance. Et la peur qui saisit les pauvres appelés lors des accrochages sanglants. Le titre du livre aurait tout aussi bien pu être « Sous le soleil, les larmes ». Mais il y a également, soigneusement retranscrits grâce à une mémoire semble-t-il hors du commun, des moments de vraies relations humaines. Avec ses copains d’infortune, ces bidasses dont aucun n’adhérait à la fable de la « défense d’un territoire français » : cela, Philippe Laïk le décrit très scrupuleusement, confirmant bien des études et d’autres témoignages. Il y a aussi les moments de vrai bonheur : les rares permissions, la réception du courrier de la famille, des amis restés dans le civil… Et puis les rencontres amoureuses (l’auteur n’oublia jamais, même à la pire période algérienne, de jouir de chaque instant). Lors de son incorporation, Philippe Laïk était déjà un féru de cinéma, un cinéphile. Il voulait en faire son métier. Cinéphile ? Le capitaine qui l’incorpora, qui n’avait sans doute pas inventé la poudre – ce qui est grave pour un officier –, comprit « cynophile »… et lui fit suivre une formation de maître-chien. C’est sur des détails comme cela que l’on reconnaît les grandes armées. Philippe accomplit cette tâche, perdant lors d’un accrochage son fidèle compagnon, une victime innocente de plus.
Tout l’ouvrage est ainsi une alternance assumée entre drame(s) et fantaisie(s). Vingt-six mois et sept jours perdus, à l’image de bien des jeunes de son temps. Pour quelle cause ? Pour défendre quel intérêt national ? Les politiciens qui précipitèrent la France et l’Algérie dans cette guerre se remirent plutôt bien de l’aventure. L’un d’eux, homme « de gauche », est même devenu président de la République, quatorze années durant.