• A Alençon, son engagement dérange encore *** La mémoire d’Alfred Locussol, par Alain Ruscio

     

    A Alençon, son engagement dérange encore *** La mémoire d’Alfred Locussol, par Alain Ruscio

     

    A Alençon, son engagement dérange encore

     La mémoire d’Alfred Locussol,
    par Alain Ruscio

     

    Alfred Locussol, militant, en 1955, du parti communiste algérien, arrêté pour avoir participé à l’impression de son journal clandestin, Liberté, avait été condamné à un an de prison avec sursis, puis muté d’office en 1956 à Alençon. Le 3 janvier 1962, il y a été assassiné par l’OAS. En 2012, une plaque commémorative a été apposée sur le lieu du crime. Elle a été dégradée depuis à six reprises. Le 6 octobre 2019, une nouvelle plaque sera installée. Ci-dessous, un texte d’Alain Ruscio qui nomme ses assassins et un article publié en juillet 2019 par le quotidien Ouest France au sujet de ce crime.

     

    La mémoire d’Alfred Locussol

     

    Par Alain Ruscio, extrait de Nostalgérie. L’interminable histoire de l’OAS, La Découverte, 2015.

     

    L’année 1962 commença par un nouveau crime lâche. Alfred Locussol (1), Pied-noir communiste, ami d’Henri Alleg, muté autoritairement en 1956 dans l’Orne, était accusé par l’OAS de poursuivre des activités militantes communistes en métropole — ce qui était vrai — et d’être en relations avec Jacques Foccart et ses barbouzes — ce qui était un pur fantasme. En décembre 1961, à Alger, Roger Degueldre et Jacques Achard décident de le supprimer.

     

    Alfred Locussol

     

     

     

    Un commando fut envoyé en France (une preuve supplémentaire des dissensions entre les factions de l’OAS : pourquoi les métros n’en furent-ils pas chargés ?). Le 3 janvier 1962, Locussol fut abattu chez lui, à Alençon, par un certain Paul Stéphani (ou Stefani) Fabiolo, dit Petit Paul, assisté de Robert Artaud (2). Les deux hommes, guère malins, furent cueillis le jour même à la gare du Mans (3).

    Lors de leur procès, ils vont offrir le profil des tueurs moyens de l’organisation terroriste : le front bas, les certitudes ancrées, l’obéissance aveugle. Le président du tribunal demanda à Stéphani pourquoi il avait voulu tuer un homme qu’il ne connaissait même pas :
    « Il faut se mettre dans le contexte algérien, voir le climat de terreur qui a régné là-bas. Ma volonté était de lutter non seulement contre les fellagas, mais contre ceux qui tirent les ficelles.
    Alors, le vain et inutile dialogue reprend :
      Le président : M. Locussol avait quitté l’Algérie depuis 1956.
      Mais en métropole, répond Stéfani, il y avait des milliers de fellagas.
      Enfin, que lui reprochiez-vous ?
      Eh bien, c’était un fellaga de la pire espèce, le plus dangereux.
      Mais quelles preuves en avez-vous ?
     
     J’avais un chef, j’étais militaire (4). »


    A Alençon, son engagement dérange encore *** La mémoire d’Alfred Locussol, par Alain Ruscio

    Le 6 octobre 2012, une stèle en mémoire d’Alfred Locussol était dévoilée, avenue Wilson à Alençon.


    En 1962, à Alençon, l’OAS commet son premier assassinat
    sur le sol français
     

     

    Article publié par Ouest France, le 22 juillet 2019.

    Source 

     

    Alfred Locussol est né en 1904 en Algérie. Après de brillantes études, il intègre l’administration de l’Enregistrement. En 1944, alors proche du ministre communiste Charles Tillon, il devient attaché de cabinet au ministère de l’Air.

    En 1955, le quadragénaire vit toujours en Algérie, où il milite activement au sein du parti communiste. Après sa dissolution, il entre dans l’illégalité en éditant chez lui le journal clandestin Liberté enchaînée. En 1956, le matériel qui lui servait à imprimer le titre est trouvé à son domicile. Il est condamné à un an de prison avec sursis et muté d’office en métropole. En 1957, il est nommé directeur adjoint de l’Enregistrement à Alençon, préfecture de l’Orne. Divorcé, il vit avec sa sœur dans une belle maison bourgeoise, avenue Wilson, près de la gare.

    Le 3 janvier 1962, vers midi, un jeune homme sonne à sa porte. Locussol le fait entrer dans le salon. Le visiteur tire à bout portant, atteignant la région du cœur. Alfred Locussol est transporté au centre hospitalier dans un état grave. Il meurt deux jours plus tard, le 5 janvier, au petit matin. Il avait 57 ans. Il est inhumé le 7 janvier dans un caveau provisoire, au cimetière Notre-Dame d’Alençon.

    Une liste d’hommes à abattre

     

    Avant de sombrer dans le coma, Locussol a confié à sa sœur qu’il ne connaissait pas son assassin. Mais l’enquête va rapidement mener à lui. Une voisine de Locussol a vu « un jeune homme brun, très élégant », se diriger vers la gare, juste après les coups de feu. Il semble ne pas se soucier des cris poussés par la sœur de Locussol, qui déjeunait avec lui ce midi-là.

    Le commissaire René-Louis Quellec, arrivant sur place quelques minutes seulement après l’attentat, repère deux hommes, accoudés au comptoir de l’hôtel de Rouen, face à la gare. Ces derniers prennent le train pour Le Mans. L’enquêteur devine qu’il s’agit très probablement des assassins et alerte ses collègues sarthois.

    Les deux hommes sont interpellés à la gare du Mans, à leur sortie du train, moins de deux heures après les tirs. Celui qui a tiré s’appelle Paul Stephani. Il travaille pour l’OAS pour 70 00 francs par mois. Son complice, Robert Artaud, est un fils de bonne famille, catholique intégriste. Sur eux, les policiers découvrent une liste de noms. Tous sont communistes. Sûrement des hommes à abattre.

    Le 9 janvier, Stephani et Artaud sont présentés au juge d’instruction d’Alençon et inculpés d’homicide volontaire. Ils sont transférés à la maison d’arrêt de Rouen. Ils comparaissent devant la cour d’assises de l’Orne en juillet 1962. Paul Stephani est condamné à vingt ans de réclusion criminelle. Il sera finalement libéré en mars 1968. Robert Artaud écope de cinq ans de prison, mais bénéficie d’une grâce présidentielle en avril 1966.

     

    L’annonce de l’ouverture du procès à la télévision

     

     

    Tombe et stèle profanées

     

    Des années après son assassinat, Alfred Locussol continue à déplaire. Dans la nuit du 8 au 9 janvier 1962, déjà, le caveau où il était provisoirement inhumé était profané. Les inscriptions « OAS » et « Mort aux cocos » recouvraient les murs. Si bien que ses proches ont décidé de transférer son corps. Mais personne ne sait où.

    Le 6 octobre 2012, une stèle en mémoire d’Alfred Locussol était dévoilée, avenue Wilson à Alençon. Depuis, elle a été profanée à six reprises. Coups de marteau, peinture, marbre détérioré... « Cet acte semble correspondre avec la date anniversaire, le 19 mars, de la fin de la guerre d’Algérie, note François Tollot, élu communiste de la ville et membre de la mission de mémoire à l’origine du monument. Les nostalgiques sortent du bois... »

    À chaque fois, les membres de la mission portent plainte. Sans qu’il y ait de poursuites, jusqu’à maintenant. Le 24 juin 2019, le conseil municipal a voté l’installation de caméras de vidéosurveillance dans le quartier de la gare, en partie du fait de la présence de la stèle en mémoire à Alfred Locussol.


    (1) Gérard Bourdin, « Groupuscules et culture de nostalgie : l’Orne et l’Algérie française (1958-1965) », in Sylvie Thénault & Raphaëlle Branche (dir.), La France en guerre, 1954-1962. Expériences métropolitaines de la guerre d’indépendance algérienne, Paris, Ed. Autrement, 2008.

    (2) « Exécution politique à Alençon », Paris-Jour, 4 janvier.

    (3) Jean-François Miniac, Les nouvelles affaires criminelles de l’Orne, 63530 Sayat, Éd. de Borée.

    (4) Jean-Marc Théolleyre, Le Monde, 13 juillet 1962, cité in Les justices d’exception et la presse française, Paris, Éd. Galic, 1962.

    SOURCE : https://histoirecoloniale.net/La-memoire-d-Alfred-Locussol-par-Alain-Ruscio.html 

     

     

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