• A l'occasion de la semaine du chien guide d'aveugle (du 18 au 25 septembre 2016) je me souviens de Delphine Renard, la petite fille victime de l'OAS

    A l'occasion de la semaine du chien guide d'aveugle (du 18 au 25 septembre 2016) je me souviens de Delphine Renard, la petite fille victime de l'OAS 

     

     

    Delphine

    En médaillon: Delphine Renard, fillette, victime de l'attentat qui visait le domicile d'André Malraux, le 7 février 1962. Mai 2012. Phèdre, son chien guide, l’accompagne chaque jour dans le jardin du Luxembourg. © Philippe Petit. En médaillon: DR.

    A l'occasion de la semaine du chien guide d'aveugle (du 18 au 25 septembre 2016) je me souviens de Delphine Renard, la petite fille victime de l'OAS

    Phèdre le chien de Delphine Renard est mort

     

    A l'occasion de la semaine du chien guide d'aveugle (du 18 au 25 septembre 2016) je me souviens de Delphine Renard, la petite fille victime de l'OAS

    Phèdre n’avait pas lu Tu choisiras la vie.

    Elle est donc partie le 16 mars 2013 et repose à Asnières.

    Delphine a choisi de ne pas remplacer ce compagnon de vue.

    A l'occasion de la semaine du chien guide d'aveugle (du 18 au 25 septembre 2016) je me souviens de Delphine Renard, la petite fille victime de l'OAS

    Voici l’une des dernières photos où l'on voit Delphine (de dos dommage) et Phèdre son chien lors de l’inauguration au Père-Lachaise d’une stèle aux victimes de l’OAS, le 6 octobre 2011.

     A l'occasion de la semaine du chien guide d'aveugle (du 18 au 25 septembre 2016) je me souviens de Delphine Renard, la petite fille victime de l'OAS

     

    Delphine

    Delphine Renard, la petite fille victime de l'OAS

    Delphine Renard a été victime de la bombe qui visait le domicile d’André ­Malraux. Le 7 février 1962, les éclats de verre déchirent l’œil droit de la fillette et son calvaire indigne la France. Le reportage de Paris Match fait le tour du monde. Delphine Renard, après de brillantes études, devient psychanalyste. Mais elle perd définitivement l’œil gauche en 1988.

    Paris Match. Quand et comment vos parents vous ont-ils parlé de ce qui s’était passé, non plus comme à une enfant mais comme à une petite adulte ?
    Delphine Renard. Mes parents m’ont immédiatement expliqué les choses. Ils l’ont fait de la manière la moins puérile possible. Ils avaient de toute façon l’habitude de me parler presque comme à une “grande personne”. Ils m’ont annoncé la signature des accords de cessez-le-feu à Evian puis la condamnation de Degueldre, le 7 avril. C’était la veille de mon cinquième anniversaire et je l’ai entendue comme une victoire personnelle. En revanche, ils ne m’ont pas tout de suite dit ce qui s’était passé à Charonne, qui ajoutait l’horreur à l’horreur. Mes parents ont gardé tous les journaux de l’époque pour que je puisse, plus tard, essayer de comprendre ce qui m’était arrivé. Malheureusement, cette valise de journaux s’est perdue avant que je ne sois prête à l’ouvrir. Ensuite, au contraire, mes parents n’ont plus jamais abordé le sujet, même entre eux, paraît-il. La douleur est devenue pour eux intouchable.

    Dans les coupures de presse de l’époque, il est écrit que vous sembliez ne pas trop souffrir psychologiquement des conséquences de l’attentat. Etait-ce la réalité ?
    Je ne savais pas qu’on avait écrit cela, et j’en suis quelque peu étonnée… Il est très difficile d’évaluer les conséquences psychologiques d’un tel événement qui, d’une seconde à l’autre, a fait basculer le monde dans lequel j’avais appris à me repérer. Elles ont été indirectes aussi bien que directes, et à long terme autant qu’immédiates. Je sentais terriblement l’angoisse et le désespoir de mes parents, qui luttaient pour ne pas craquer afin de faire face et de m’apporter toute l’aide nécessaire. En retour, j’avais à cœur de me montrer la plus gaie possible. Il paraît même que je riais particulièrement fort dans les mois qui ont suivi. C’était tout à fait inconscient, bien sûr, mais je crois que c’était ma façon d’évacuer un peu l’angoisse et la tension, tellement palpables et oppressantes, qui s’étaient abattues sur nous en permanence. Un cauchemar est revenu pendant toute mon enfance. J’étais poursuivie par un énorme bonhomme de neige, qui se balançait de droite à gauche en faisant tic-tac et en avançant à toute vitesse, et je courais de toutes mes forces à travers la ville pour lui échapper…

    Par la suite, j’ai dû faire face aux questions et moqueries des autres enfants, qui me regardaient sous le nez, avec mes grosses cicatrices et mes lunettes noires, en me demandant ce que j’avais sur la figure. Je leur tapais dessus. Mais les adultes s’avéraient parfois aussi stupides et vulgaires que leurs marmots, et contre eux, je n’avais aucun recours. Ma revanche a été d’être la meilleure à l’école, quand j’ai pu y retourner après des mois, alors que je ne pouvais plus voir le tableau noir, même du premier rang.

    Une conséquence malheureuse de ce séisme a été la surprotection dont j’ai été entourée pendant des années et dont j’ai beaucoup souffert. Comme je n’avais récupéré qu’un peu de vision de près, avec de grosses lunettes, mes parents s’affolaient dès que je traversais la rue toute seule. Je rêvais de scoutisme: il a fallu l’oublier très vite. Je le comprends, naturellement, mais du coup j’ai fait pas mal de bêtises. Comme de filer prendre le métro et de marcher au hasard dans les rues, ivre de liberté, alors que j’étais censée être en classe. Ou bien, alors que je n’avais pas droit aux sports qui risquaient de faire bouger le morceau de verre coincé dans mon œil valide, monter à cheval, galoper et sauter des obstacles à cru, à 13 ans...

    «Pendant des années, j'ai éprouvé de la haine»

    A quel âge avez-vous décidé de vous plonger dans l’histoire de la guerre d’Algérie afin de comprendre dans quel contexte vous aviez été frappée par le terrorisme de l’OAS ?
    J’ai fait des allers-retours… Enfant, j’avais déclaré que l’histoire de la guerre d’Algérie ne m’intéressait pas, que cela aurait pu m’arriver dans n’importe quelle guerre, n’importe où sur la planète. C’était sans doute une défense contre cette histoire qui avait tellement envahi et compliqué ma vie. Pendant des années, on m’a arrêtée dans la rue en me demandant si je n’étais pas la petite Delphine Renard, et on me mitraillait de photos sans me demander mon avis. Alors j’ai été plutôt contente, pendant un certain temps, que la guerre d’Algérie tombe un peu dans l’oubli. Pendant des années, j’ai éprouvé de la haine, comme la plupart des victimes innocentes de tous les terrorismes.

    Adulte, avez-vous choisi de détourner votre regard de tout ce qui touchait de près ou de loin à la guerre d’Algérie ou, au contraire, le fait d’en avoir été victime dans votre chair vous a-t-il amenée à y porter une attention ou un intérêt particulier ?

    A Sciences po,  j’ai eu les moyens de m’approcher un peu de cette période, mais de façon très distante et assez abstraite. De toute façon, je n’étais pas du tout prête à m’y replonger émotionnellement. Dans ma famille, je sentais comme une sorte de tabou flotter autour de moi dès que quelque chose faisait allusion à l’attentat. Par exemple, en classe de 1ère, j’ai annoncé incidemment à ma mère que j’envisageais de faire des études de médecine. Elle s’est littéralement effondrée et m’a dit, en colère, que j’avais suffisamment fréquenté les hôpitaux comme ça. Je pouvais difficilement lui dire que j’aimais bien l’hôpital, où tout le monde avait été tellement gentil avec moi…

    Puis, peu à peu, sans faire véritablement de recherches, je suis allée voir les rares films qui revenaient sur la guerre d’Algérie. J’ai lu ce qui paraissait, mais je n’avais pas envie de m’en mêler personnellement, d’autant plus que, entre-temps, les blessures consécutives à l’attentat m’avaient rattrapée. Je suis devenue, en l’espace de deux ans, complètement aveugle vers 1988 du fait de mon glaucome traumatique qui, tout à coup, avait flambé. J’ai eu souvent d’énormes poussées de tension oculaire, avec des douleurs épouvantables.

    Avez-vous eu l’occasion de rencontrer les auteurs de l’attentat? Ou tout au moins, l’avez-vous souhaité ?

    Non, cela ne m’est jamais arrivé. Mais je l’ai souvent souhaité. Sans être sûre que ce soit une bonne idée. C’était assez tentant mais aussi, sans doute, profondément vain. En plus, aujourd'hui, je suis aveugle, et je ne pourrais même pas voir leurs visages, alors que j’aurais aimé les regarder dans les yeux, l’un après l’autre.

    «Je n'aurais jamais imaginé que l'attentat

    me frapperait une seconde fois»

    Qu'auriez-vous aimé leur dire ?

    J'aurais aimé leur demander s’ils regrettaient. J’aurais cherché à comprendre comment ils avaient pu oublier leur humanité au nom de leurs mots d’ordre. Plus simplement, j’aurais aimé demander à celui qui a posé la bombe sur l’appui de la fenêtre, rue Marcel Loyau, s’il avait vu, dans la pièce, une petite fille allongée par terre en train de lire… Mais je mesure le risque auquel je me serais exposée de m’entendre dire qu’ils ne regrettaient rien, rien de rien, sinon d’avoir “raté” André Malraux !

    Qu'avez-vous fait, une fois aveugle, avant de devenir psychologue et psychanalyste ?

    Après avoir complètement perdu la vue, il y a un peu plus de vingt ans, j’ai mis du temps à reprendre mes marques. C’est arrivé de manière complètement inattendue: je n’aurais jamais imaginé que l’attentat me frapperait une seconde fois. Cela a été d’autant plus difficile qu'à l’époque, je travaillais depuis quelques années comme critique d’art contemporain. La vue m’avait toujours tellement posé de problèmes qu’elle était finalement devenue mon instrument privilégié! Une fois aveugle, j’ai dû apprendre le braille et l’utilisation d’un ordinateur avec un logiciel de synthèse vocale qui me permet de lire et d’écrire. Toute cette reconversion au monde de l’obscurité m’a pris beaucoup de temps. Ensuite j’ai pu recevoir une chienne-guide, qui m’a changé la vie en rendant possibles davantage de déplacements. Je me suis alors d’abord tournée vers la musique, car j’avais eu la chance de bénéficier, enfant, d’une bonne formation musicale, et aussi vers le théâtre.

    Pourquoi considérez-vous que l’on assiste aujourd’hui à une réhabilitation rampante des actions de l’OAS ?

    Je la constate. J’observe, en particulier, l’accumulation accablante de faits témoignant d’une politique de mémoire à la fois révisionniste en tant qu’elle consiste à glorifier d’anciens terroristes de l’OAS et, d’une certaine manière, négationniste par ce mépris discriminant dans lequel sont tenues les victimes de cette organisation. Ainsi, à partir du début des années 2000, se sont multipliées des initiatives consistant à ériger, sur le domaine public communal, des monuments ayant pour objet d’exalter les crimes et attentats de l’OAS en même temps que leurs auteurs et complices.  On a pu aussi assister à la diffamation publique de la mémoire d’un commissaire de police reconnu Mort pour la France après être tombé sous les coups de l’OAS, tandis que l’un de ses descendants se voyait qualifier de “fils de traître à la patrie”. D’anciens factieux et criminels de l’OAS ont été nommés ou promus dans l’Ordre national de la Légion d’honneur par les deux derniers présidents de la République: Michel Alibert par Jacques Chirac en 2006; Gérard Baudry, Jean-François Collin et Hélie Denoix de Saint Marc, par Nicolas Sarkozy, entre 2007 et 2011.

    En 2007 aussi, des anciens activistes civils de l’OAS, au nombre de près d’une centaine, ont pu recevoir de très confortables indemnisations au seul motif qu’ils avaient dû s’exiler pour échapper à la justice française et avaient été dès lors empêchés de cotiser pour leur retraite. Un buste à l’effigie du colonel Pierre Château-Jobert, solidaire du putsch des généraux d’avril 1961 à Alger et futur chef de l’OAS dans le Constantinois, a pris place en octobre 2010 dans une enceinte militaire, vouée, qui plus est, à la formation, à Pau.

    Seul un maire, pas n’importe lequel il est vrai, celui de la ville capitale, Bertrand Delanoë, a su rendre hommage aux victimes de l’OAS en inaugurant, le 6 octobre 2011, au cimetière du Père-Lachaise, une stèle à leur mémoire. J’espère que le nouveau souffle apporté par l’élection de François Hollande contribuera à inverser cette tendance délétère au négationnisme, concernant la mémoire de la guerre d’Algérie et des exactions de l’OAS.

    SOURCE : http://www.parismatch.com/Actu/International/Algerie-Delphine-Renard-l-enfant-mutilee-temoignage-150346 

    Delphine Renard, la petite fille victime de l'OAS

     


    Delphine Renard, une petite fille victime de l'OAS par FranceInfo

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