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Accords d'Evian : une "mémoire discrète" 60 ans plus tard
Accords d'Evian : une "mémoire discrète" 60 ans plus tard
Les funérailles de Camille Blanc, maire d'Evian, tué lors d'une explosion en mars 1961. © RDB/ullstein bild via Getty Images GEO AVEC AFP Publié le 21/02/2022 à 9h19
Suite de mon article (lien ci-dessous). Moi aussi j’avais visité Evian en 2013, mais aujourd’hui je suis triste de lire ce nouvel article, je m’aperçois que rien n’a vraiment été fait pour garder les souvenirs de la signature des Accords d’Evian le 18 mars 1962 dans cette ville historique.
Michel Dandelot
La ville d'Evian garde peu de traces des Accords du 18 mars 1962 ouvrant la voie à l'indépendance de l'Algérie, largement occultés dans les mémoires locales par l'assassinat du maire, tué dans un attentat avant même l'ouverture des négociations.
31 mars 1961, "flash" de l'AFP : "M. Camille Blanc, maire d'Evian, est mort des suites de ses blessures". Deux "puissantes charges de plastic" ont éclaté "à 02H35", "à 15 secondes d'intervalle", dans l'impasse séparant "la mairie de l'hôtel Beau Rivage, propriété et résidence de M. Blanc".
Socialiste, grand résistant, ce militant de la paix avait œuvré pour accueillir dans sa ville les pourparlers qui déboucheront un an plus tard sur un cessez-le-feu destiné à mettre fin à la guerre d'Algérie. L'élégante cité thermale est sous le choc. "C'était un cœur d'or", pleurent les habitants.
Aujourd'hui, que reste-t-il ? "Rien. Les Evianais ont décidé de tourner la page après l'assassinat", d'autant que dans cette ville d'eau proche de la Suisse, les Accords ont "été associés à deux saisons touristiques catastrophiques en 1962 et 1963", résume l'ancien adjoint municipal PS Serge Dupessey, 78 ans.
"Il n'y a pas d'endroit", pas de lieu de commémoration, car "on sent encore cette blessure" de l'assassinat et la guerre d'Algérie demeure "un épisode sensible", décrypte la maire d'Evian Josiane Lei (DVD). L'hôtel Beau rivage est aujourd'hui à l'abandon.
Sur sa façade décrépie, une plaque rend hommage au maire assassiné. Sans mention de l'implication de l'OAS, organisation clandestine opposée à l'indépendance algérienne.
"Guerre civile"
Les visites guidées de l'Office du tourisme font halte ici, ainsi qu'à l'hôtel de ville contigu, ancienne résidence d'été somptueuse des frères Lumière, les inventeurs du cinéma. Une verrière soufflée par l'attentat n'a pas été refaite à l'identique "pour précisément rappeler ce drame", explique Frédérique Alléon, responsable de l'Office.
Les visites guidées excluent l'ex-hôtel du Parc, plus excentré, où les délégations du gouvernement français et du FLN discutèrent pendant des mois, sous haute surveillance. L'établissement Art-déco dominant le lac Léman est devenu une résidence privée, le "salon inondé de soleil" où furent conclus les Accords, comme le racontait l'envoyé spécial de l'AFP le 18 mars 1962, a été transformé.
"On a voulu accompagner notre circuit historique jusqu'à l'entrée du parc" de l'ancien palace, mais habitants et résidents "ont eu du mal à accepter", explique la maire d'Evian. Serge Dupessey se souvient aussi que "c'est un Evianais de l'OAS qui a assassiné, avec des complices évianais" et "que de la famille de l'assassin habite encore ici". Ce qui selon lui, a pu entretenir une "atmosphère de guerre civile".
Aussi, ses efforts pour convaincre au début des années 1990 l'ancien maire Henri Buet de "faire quelque chose" en mémoire des accords sont-ils restés vains. Même refus en 2011 d'un autre maire, Marc Francina, de baptiser une rue du nom des Accords du 18 mars.
Et lorsque, pour le 50e anniversaire, la société d'histoire savoisienne La Salésienne réunit des universitaires au Palais des Congrès, "des anciens de l'OAS, venus avec un cercueil, manifestent devant", raconte son président Claude Mégevand. Pour le 60e anniversaire, donc, "on a fait le choix, en accord avec la préfecture", d'une cérémonie "comme d'habitude, aux monuments aux morts", avec porte-drapeaux, anciens combattants et harkis, explique la maire.
"C'est une période sensible avec les élections", souligne-t-elle, allusion au risque de récupération politique avant la présidentielle. Des projets existent néanmoins, en liaison avec la date-anniversaire. Une conférence sur Albert Camus et l'Algérie est programmée le 18 mars dans un centre culturel jouxtant la résidence du Parc.
Celle qui l'anime, Claude Gerbaulet, une ancienne médecin pied-noir, entend "ne pas réveiller les querelles sanguinaires, tout en mettant le doigt sur les insuffisances de la France". Les écoles d'Evian préparent une "journée de la paix" - le 24 mai, "après les élections" insiste Mme Lei- avec une chanson écrite par les enfants.
Et le lycée Anna de Noailles fait plancher ses terminales sur le thème "60 ans des accords d'Evian, histoire et mémoires de la guerre d'Algérie", avec intervention de témoins - ex-appelé, harki, pied-noir et descendant du FLN. "Ça m'intéresse de faire travailler les élèves sur les traces de la guerre d'Algérie ici. La conclusion, qui interpelle les élèves, est qu'il s'agit d'une mémoire discrète", estime Renaud Vieuguet, professeur d'histoire.
Un de ses élèves Louis Bailly, 17 ans, acquiesce : "J'habite avenue des Grottes", où se trouve l'ex-hôtel du Parc, "mais je ne savais pas avant que les accords avaient été signés là".
Source : Accords d'Evian : une "mémoire discrète", 60 ans plus tard - Geo.fr
Suite à cet article Jean-Philippe Ould Aoudia nous rappelle ce qui s'est passé au cours d'un colloque qui a eu lieu à Evian le samedi 17 mars 2012.
À gauche : un groupe d’anciens parachutistes opposés à la tenue du colloque. (DR)
Le samedi 17 mars 2012, l’association Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons, l’Anpromevo et La Salévienne ont organisé un colloque Les accords d’Evian : la paix en Algérie ?
La tenue de ce colloque avait fait l’objet de plusieurs menaces, certaines au plus haut niveau de l’Etat, qui ont justifié la protestation de l’association Marchand-Feraoun.
Quelques anciens parachutistes, coiffés de leur béret d’appartenance et venus de Grenoble par train, étaient présents devant le Palais des festivités protégé par un escadron de CRS. A quelques mètres, quelques harkis avaient passé la nuit sous une tente pour protester contre le sort qui leur avait été réservé à la suite de ces Accords. Marc Francina, maire d’Evian, s’est trouvé dans l’impossibilité d’ouvrir le colloque. Jean-François Gavoury et moi-même avons dû procéder au contrôle des personnes avant leur entrée dans la salle, pour éviter toute perturbation.
Des journalistes de la presse algérienne ont rendu compte de la tenue et du contenu de ce colloque. La presse française s’est tue.
ASSOCIATION LES AMIS DE MAX MARCHAND,
DE MOULOUD FERAOUN ET DE LEURS COMPAGNONS
2 mars 2012
COMMUNIQUÉ
La République au service des extrémistes de l’Algérie française
D’anciens ultras, soutenus par des membres du gouvernement, veulent imposer une écriture et une mémoire partisanes de la guerre d’Algérie.
En deux occasions récentes, l’État n’a pas hésité à porter atteinte aux libertés de réunion et d’expression :
- l’opposition publique du député-maire de Nice, Christian Estrosi, à la tenue d’une conférence -débat animée par des historiens sur le thème "Algérie 1962, pourquoi une fin de guerre si tragique ? » a entraîné la perturbation du colloque.
- l’hostilité ouverte du ministre chargé des rapatriés, M. Marc Laffineur, dans son appel lancé le 22 février contre un colloque d’universitaires prévu à Nîmes, pourrait inciter les autorités locales à son interdiction.
Une réunion s’est tenue le 22 février entre Christian Frémont, directeur de cabinet du président de la République et Renaud Bachy, président de la Mission interministérielle aux rapatriés d’une part et, d’autre part, des représentants du lobby pro colonial, l’un d’entre eux ancien déserteur ayant appartenu à l’OAS.
Lors de cette rencontre, rapportée par l’un des participants, le directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy se serait ému que des colloques universitaires puissent se tenir, même sur des sujets rigoureusement neutres, tels que "Les Accords d’Évian : la paix en Algérie ? », thème retenu par notre association le 17 mars prochain.
Serait-il interdit à des historiens, enseignants dans des Universités, d’essayer de répondre à une question historique, dès lors que celle-ci concerne l’écriture de la guerre d’Algérie ?
Les partisans de l’Algérie française détiendraient-ils la vérité sur cette période de l’histoire de France ?
Christian Frémont aurait même demandé quelle serait l’initiative du candidat Nicolas Sarkozy susceptible de plaire à ses interlocuteurs, considérés comme des conseillers de la Présidence.
Ainsi, pour des mobiles électoraux, la République flatte ceux-là même qui regrettent toujours de n’avoir pu la renverser et assassiner le général de Gaulle.
Porteuse du souvenir des six dirigeants des Centres sociaux éducatifs assassinés le 15 mars 1962 par « les singes sanglants de l’OAS qui faisaient la loi à Alger(1)] », l’association Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons condamne la volonté de l’Etat, à ses plus hauts niveaux, d’empêcher la tenue de colloques universitaires, pour obtenir les suffrages des nostalgiques les plus extrémistes de l’Empire colonial français.
Jean-Philippe Ould Aoudia
Président.
(1) Article de Germaine Tillion, déportée résistante fondatrice des Centres sociaux, Le Monde 18 mars 1962.
Quotidien algérien El Watan avec AFP – 25 mars 2012
Rubrique : Histoire
Retour sur le Colloque d’Evian. «Sortir de la guerre d’Algérie : regards croisés, regards apaisés»
Une séquence réussie d’échanges entre historiens, témoins et acteurs
Pour les organisateurs du colloque «Sortir de la guerre d’Algérie : regards croisés, regards apaisés » qui s’est tenu les 17 et 18 mars derniers à Evian, il s’agissait de comprendre et d’aider à comprendre les enkystements mémoriels, les idées reçues, les non-dits ou dits erronés, de replacer les faits dans leur contexte et dans leur véracité.
Evian, de notre envoyée spéciale
Certains thèmes comme celui des harkis (dont un petit groupe était devant le Palais des festivités pendant la durée du colloque, ndlr) ont déjà été abordés à Chambéry l’an dernier. Ce présent colloque en est la suite. Nous savons que les plaies ne sont pas refermées », « comprendre l’histoire est aussi une thérapie pour ceux qui en ont souffert et pour passer à quelque chose de plus constructif», a affirmé Claude Mégevand, président de la Salévienne (société d’histoire régionale de Savoie). Eugène Blanc, représentant l’Association des professeurs d’histoire et de géographie de Grenoble et Jean-Philippe Ould Aoudia, président de l’association Les amis de Max Marchand, Mouloud Feraoun et leurs compagnons, n’en ont pas dit moins.
Ce colloque se voulait «apaisé» et «en dehors de la politique». «Place aux historiens, aux témoins pour offrir des regards apaisés et apaisants, aux regards des spécialistes sur des événements douloureux pour construire une paix démocratique, une paix définitive, totalement nourrie d’un respect mutuel tendu vers le développement humain», a affirmé, pour sa part, Eric Brunat, vice-président de l’université de Savoie, chargé des relations internationales. Gilles Manceron, historien et président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme (co-organisatrice) a fait une mise au point à propos du 19 Mars comme date de la fin de la guerre : «Un certain nombre de gens disent qu’il ne doit pas y avoir de commémoration car le conflit a continué au-delà de cette date. C’est le cas de nombreux conflits, qu’on prenne l’exemple du 11 Novembre ou du 8 Mai 1945, la guerre s’est poursuivie, notamment dans le Pacifique. L’argument est biaisé et quand le secrétaire d’Etat annonce qu’il n’y aura pas de commémoration officielle, c’est une manière de céder à des arguments fallacieux.»
L’historien avance qu’on ne peut pas évacuer le rôle de l’OAS ; quant à la question des supplétifs, elle fait partie de l’histoire, mais il faut la «contextualiser», ce sont «des gens enrôlés, instrumentalisés par l’armée, victimes d’abandon par le pouvoir politique français». Et comme l’écrit l’historienne Raphaëlle Branche dans son dernier livre Guerre d’Algérie, une histoire apaisée ?, qui a servi de fil conducteur à ce colloque : «Assumer la part coloniale de l’histoire nationale est encore un chantier politique à construire. Il apparaît comme un préalable à un changement de regard sur la guerre d’Algérie. Sans cette prise en compte élargie, on continuera à voir cette séquence historique comme le début d’une histoire sociale et politique française marquée par la perte, la douleur, la défaite, alors qu’elle n’est qu’un moment dans les relations entre la France et l’Algérie, un moment marqué par la fin d’une relation politique inégale et la délégitimation de l’idéologie coloniale.» Il a été question de la dimension savoyarde des Accords d’Evian avec l’évocation du maire d’Evian, Camille Blanc, assassiné par l’OAS le 31 mars 1961 ; de l’archevêque d’Alger Mgr Duval ; de la diplomatie helvétique ; du regard des Allemands sur la guerre d’Algérie ; du point de vue des Algériens au titre des regards croisés, d’autres regards croisés avec un gros plan sur l’enseignement de la guerre d’Algérie de chaque côté des deux rives de la Méditerranée, enseignement qui évolue dans le temps mais qui pose la question préalable fondamentale sur les objectifs de l’enseignement de l’histoire.
Concernant l’écriture de l’histoire en Algérie, Gilbert Meynier note qu’elle reste une histoire officielle, marquée par quelques évolutions, avec toutefois une impasse sur la berbérité. Faisant référence au récent colloque à Tlemcen sur l’Emir Abelkader auquel il a pris part, «j’ai eu l’impression que la mentalité changeait, que les esprits s’ouvraient». Et l’historien de noter que sur la commémoration du cinquantenaire des Accords d’Evian les deux Etats, algérien et français sont absents. De toutes les communications, témoignages, débats denses de ces deux jours d’échanges nous ne pouvons, faute de place, rendre toute la teneur. Nous proposons toutefois une synthèse de quelques-unes des communications. Les organisateurs se chargent pour leur part d’en éditer les actes dans un proche avenir. Nadjia Bouzeghrane
Retour sur la fusillade de la rue d’Isly, le 26 mars 1962
«Les jours d’après : le drame de la fusillade de la rue d’Isly (26 mars 1962) : histoire et mémoire»
L’historien Alain Ruscio a replacé la fusillade de la rue d’Isly, le 26 mars 1962, dans son contexte, celui d’une «escalade de la violence de l’OAS contre l’armée française et la population algérienne». Il a rappelé que le général putchiste Salan avait prôné «l’offensive généralisée» contre l’armée française, donnant consigne à ses activistes l’emploi de bouteilles explosives. Instrumentalisant la population européenne, Salan l’avait considérée comme un «outil valable». L’annonce de la signature des Accords de cessez-le-feu précipite l’escalade. «Je donne l’ordre de harceler les forces armées partout en Algérie», dit Salan. «Le cessez-le-feu de de Gaulle n’est pas le nôtre.»
Le général Salan jette la population européenne d’Alger dans la rue pour faire le forcing de Bab El Oued, bouclé par l’armée. La majorité des commentaires relève l’irresponsabilité de ceux qui ont envoyé la population à la mort. L’OAS cherchait-elle le martyr, se demande l’historien. «L’OAS porte la plus lourde responsabilité de ce drame.» Et de citer les propos de Jean-Jacques Susini (fondateur de l’OAS) : «La violence était mûrement planifiée dès le début de l’organisation, nous cherchions à mobiliser la population européenne.» Alain Ruscio considère que Susini et ses comparses «ont changé le cours de l’histoire, ont précipité le départ des Européens d’Algérie».
Jean-Philippe Ould Aoudia rappelle que pour le seul mois de mars, il y a eu 611 attentats de l’OAS, soit 20 par jour. Et il rappelle que le 25 février 1962, le général Salan donnait l’ordre de s’attaquer aux intellectuels musulmans chaque fois qu’ils seront soupçonnés de sympathie avec le FLN ».Nadjia Bouzeghrane
Gilles Manceron : « L’OAS empêchait le processus de transition »
[El Watan, 17 mars 2012]L’historien et spécialiste de la colonisation française en Algérie, Gilles Manceron, estime, dans un entretien à l’APS, que pour progresser vers une perception apaisée du passé, il faut dépasser ce ressassement des mémoires meurtries et accepter la libre recherche historique.
- 50 ans après la signature des Accords d’Evian, on n’arrive toujours pas à dépasser le « contentieux historique » entre l’Algérie et la France. L’entente conclue à Evian a-t-elle définitivement « scellé » la paix entre les deux pays ?
Si les Accords d’Evian ont marqué l’arrêt de la guerre entre l’armée française et l’ALN, ils ont laissé place à une guerre des mémoires qui s’est poursuivie depuis cinquante ans. En effet, puisqu’ils ne disent rien sur les causes de cette guerre ni sur la légitimité de la lutte de l’un des camps qui s’affrontaient, toutes les interprétations différentes ont pu perdurer. L’urgence était d’arrêter la guerre. Dans ces conditions, la société algérienne qui gardait le souvenir de la violence de la colonisation et, dans la société française, ont pu perdurer majoritairement les mythes anciens sur « l’œuvre coloniale civilisatrice » ainsi que le déni officiel des crimes coloniaux. Le courant anti-colonial dans la société française était très minoritaire en 1962. Aucune parole officielle n’est venue lui donner raison.
- Au lendemain de la signature de ces Accords, le sang a continué à couler de part et d’autre, la plupart des actions meurtrières étant l’œuvre de l’OAS. En dépit du fait que les Accords prévoyaient des « garanties » à l’égard des Européens pour rester ou quitter l’Algérie, les affrontements se poursuivaient. La non-mise sur pied d’une autorité pour veiller à l’application stricte du cessez-le-feu en serait-elle l’unique raison ?
L’OAS refusait l’indépendance de l’Algérie et elle a tout fait pour empêcher le processus de transition que prévoyaient les Accords d’Evian. En se lançant dans des attentats terroristes qui ont tué de nombreux civils algériens, elle a compromis le maintien en Algérie d’un nombre important de pieds-noirs. Les négociateurs d’Evian envisageaient le maintien d’environ 400 000 pieds-noirs. Il n’en est resté que moins de 200 000 à la fin de l’année 1962. L’OAS, en s’attaquant à l’exécutif provisoire qui devait organiser la transition vers l’indépendance, a compromis leur avenir en Algérie. Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle les Accords n’ont pas été appliqués. Ils prévoyaient des « garanties » pour la population européenne. Mais un courant partisan d’une citoyenneté algérienne fondée sur la seule religion musulmane et la seule langue arabe, qui existait de manière minoritaire dans le FLN dès le début et avait été désavoué lors du Congrès de la Soummam en août 1956, n’a cessé de prendre de l’importance avec la prolongation de la guerre et l’accroissement des violences entre les communautés. Ce courant ne voulait pas non plus qu’un nombre important d’Européens prenne leur place dans l’Algérie indépendante.
- Aujourd’hui, la France continue dans le déni de ses crimes coloniaux en Algérie. La reconnaissance par la République de son passé peu glorieux était-elle la seule à même de jeter un regard apaisé sur cette guerre et de permettre d’entrevoir un avenir meilleur pour les deux pays et les deux peuples. Et quelles sont, selon vous, les raisons qui poussent le président Sarkozy à continuer dans le déni (discours de Perpignan, notamment), tout en faisant un clin d’œil aux nostalgiques de l’Algérie française, se recrutant essentiellement parmi l’extrême droite ?
C’est essentiellement dans un but électoral que le président Sarkozy a choisi de rechercher l’appui de la fraction de l’opinion restée attachée à la colonisation. Cela l’a conduit à faire réapparaître au grand jour des discours racistes et colonialistes, alors que, pendant une vingtaine d’années, cette fraction de l’opinion ne pesait pas lourd parmi les forces politiques du pays. Après la loi de 2005 sur la « colonisation positive », cela a donné, en 2007, les discours du président Sarkozy sur le « refus de la repentance ». Cinquante ans après la fin de la guerre d’Algérie, on assiste à la résurgence de haines anciennes. Mais ceux qui les expriment ne font pas le poids face à la volonté de comprendre des nouvelles générations, au travail des historiens et aux efforts de nombreuses associations. Pour progresser vers une perception apaisée du passé, il faut dépasser ce ressassement des mémoires meurtries, il faut accepter la libre recherche historique, à l’écart de toutes les instrumentalisations officielles. Pour qu’une connaissance se développe sur la base des regards croisés des historiens des deux pays.
« Histoire. Guerre d’Algérie : « Le président de la République semble oublier le contexte »"Morts pour la France ou morts inutiles ? " »
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Commentaires
Eh bien mais il doit bien y avoir à Evian des forces progressistes attachées à la paix pour faire connaître ce site historique et lui donner toute la dimension dont il est imprégné ! Ce n'est pas rien dans notre histoire que la signature des Accords d'Evian et les grincheux qui voulaient perpétuer la guerre et le colonialisme doivent être mis en cause.