• Algérie : « Ne jamais se fier à l'impérialisme »

     

    Algérie : «Ne jamais se fier

     à l'impérialisme»

    Par Youssef Girard

    Alors que l'Algérie vit depuis plusieurs jours au rythme des manifestations contre la cinquième candidature du président Abdelaziz Bouteflika, mardi 5 février, le porte-parole de la diplomatie états-unienne, Robert Palladino, a expliqué que « les États-Unis soutiennent le peuple algérien et leur droit à manifester pacifiquement ».

    Algérie : « Ne jamais se fier   à l'impérialisme »

    La marche des étudiants le 3 mars à Tizi Ouzou (Photo : EL WATAN)

    Parallèlement, la Commission européenne a appelé au respect « de la liberté d’expression et de réunion » en Algérie. La veille, le Quai d’Orsay avait expliqué souhaiter « que l’élection présidentielle [algérienne] se déroule dans de bonnes conditions. C’est au peuple algérien qu’il appartient de choisir ses dirigeants et de décider de son avenir ».
    Que signifient réellement ces déclarations de bonnes intentions des chancelleries occidentales qui aiment tant revêtir le noble costume de «défenseur des droits de l'homme» et de la «démocratie» ?
    Ne nous laissons pas illusionner par des costumes d'apparat plus dignes du carnaval de Venise que des réalités historiques. Paris, Washington ou Bruxelles se moquent totalement de la «démocratie » et du respect des «droits de l'homme » en Algérie comme dans l'ensemble des pays d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique du Sud.
    Du coup d’État contre le Premier ministre iranien, Mohammad Mossadegh, en 1953, à l'instigation du coup d’État contre Salvatore Allende en 1973 au Chili ou à l'invasion de la Grenade en 1983 pour renverser Maurice Bishop, du soutien à la dictature de Suharto en Indonésie, à celle de Mobutu au Zaïre, au soutien au régime de l’apartheid en Afrique du Sud, en passant par la guerre contre le Vietnam (1964-1973) ou à celle contre l'Irak (2003), nous savons parfaitement que les États-Unis n'ont que faire des « droits de l'homme » et de la «démocratie » qu'ils sont les premiers à violer.
    De son côté, l'ancienne puissance coloniale n'a jamais été plus vertueuse en matière de « droits de l'homme » et de « démocratie ». La France a colonisé l'Afrique pendant plus d’un siècle puis elle a participé, après les indépendances, à maintenir un système néocolonial en renversant tous les responsables politiques africains contestant son hégémonie. Elle a ainsi soutenu tous les régimes lui étant inféodés. Concernant l'Algérie, la France y a établi une colonisation de peuplement durant cent trente deux ans qui a violé les droits humains les plus élémentaires à commencer par le droit à la vie. Comme disait l'une des figures du nationalisme algérien, Messali Hadj, pour dénoncer cette colonisation : « Ma mère m'a donné la naissance, et la France m'a donné la souffrance ».
    Après l'indépendance, la France n'a jamais reconnu et condamné sa politique génocidaire, ses violations systémiques des droits de l'homme et encore moins fait condamner ses tortionnaires, donc en matière de respect des droits humains sa crédibilité est totalement nulle. Son droit-de-l'hommisme dégoulinant pue comme un poisson avarié.
    Alors que soutiennent réellement ces puissances impérialistes en Algérie ?
    Elles soutiennent l'État profond, indéfectiblement lié à l'Occident en général et à la France en particulier, qui manœuvre en parallèle des mobilisations populaires pour imposer son candidat. Lié à une bourgeoisie compradore qui s'est rapidement enrichie dans le monde des affaires, le candidat de l’État profond mettra en place un programme néo-libéral au niveau économique, aliénant au niveau culturel, fondé sur la remise en cause de la place de la langue arabe au profit du français, et d'alignement sur l'Occident au niveau diplomatique et militaire.
    Éclairés par le passé révolutionnaire de l'Algérie, nombre d'Algériens qui manifestent dans les rues ne s'y sont pas trompés en dénonçant les velléités d’ingérences occidentales.
    Comme disait Che Guevara, « on ne peut jamais se fier à l'impérialisme, pas même pour la moindre des choses, rien de rien ».
     

    Rappelons-nous du passé génocidaire

     de la France en Algérie

    L’oppression du peuple algérien ne cessa pas après la période de la conquête (1830-1871). Elle se perpétua sous d’autres formes notamment par une politique de destruction de l’identité culturelle et civilisationnelle du peuple algérien. A la suite de la conquête génocidaire, la France mit en place une politique ethnocidaire visant à faire disparaître l’ensemble des caractères sociaux et culturels du peuple algérien en s’attaquant prioritairement à l’islam et à la langue arabe qui fut déclarée langue étrangère dans son propre pays. Les structures d’enseignement prévalant avant la colonisation, les mosquées et autres lieux de culte musulmans furent largement détruits.
    Les massacres de masse reprirent au lendemain de la guerre 1939-1945 afin de lutter contre le mouvement national algérien qui voulait libérer l’Algérie du joug colonial français. Les massacres de mai 1945 dans le nord-constantinois firent plusieurs milliers de victimes. Après le déclenchement de la Révolution algérienne, en novembre 1954, les massacres de masse perpétrés par les troupes françaises prirent une nouvelle ampleur. Massacres, viols collectifs, tortures systématiques ou internement de populations civiles dans des camps de « regroupement », la répression française fut, durant près de huit ans (1954-1962), une suite de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Dans sa lettre de démission adressée à Robert Lacoste, ministre résident en Algérie, le secrétaire général de la police d’Alger, l’ancien résistant Paul Teitgen, qui avait été torturé par la Gestapo, n’hésita pas à comparer l’action des militaires français à celle de la police secrète du Troisième Reich.
    Au total, cent trente deux ans de colonisation française en Algérie (1830-1962) aurait fait, selon l’historien Mostafa Lacheraf, environ 6 millions de morts algériens.
    Loin de s’interroger sur son histoire coloniale, la France officielle reste dans une attitude négationniste quant à son passé génocidaire en Algérie. Pour elle, la colonisation de l’Algérie est toujours vue sous un angle favorable malgré les travaux faisant état des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ayant été perpétrés durant cent trente deux années d’occupation française de la terre algérienne.
    La loi du 23 février 2005 portant « reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés » est venue graver dans le marbre cette vision révisionniste de l’histoire de la colonisation française. Présenté par l’UMP, le projet de loi originel avait été discuté à l'Assemblée nationale le 11 juin 2004 sans qu’il n’y ait d’opposition particulière de la gauche parlementaire. Lors de la discussion du texte de loi au Sénat, le 16 décembre 2004, aucune objection ne fut soulevée et le groupe socialiste vota en faveur du texte main dans la main avec la droite. Finalement, le texte fut définitivement adopté le 10 février 2005 et la loi fut promulguée le 23 février 2005. 
    L’article 4 alinéa 2 de cette loi prévoyait que les « programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit. » Cependant, après de multiples protestations, le Conseil constitutionnel a constaté le caractère règlementaire de l’alinéa 2 de l'article 4 afin de permettre sa suppression par simple décret.
    La suppression de l’article 4 alinéa 2 a permis de passer sous silence les autres articles de la loi du 23 février 2005 qui s’inscrivent tout autant dans une perspective révisionniste. Par exemple, l’article 1 stipule que « la Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l'œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d'Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française. »
    De quelle « œuvre » cette loi parle-t-elle ? Des « enfumades », des viols collectifs, des tortures et autres massacres de masse ? De quels crimes de guerre et de quels crimes contre l’humanité la loi du 23 février 2005 fait-elle l’apologie ? De l’ethnocide visant à détruire la culture arabo-musulmane en Algérie ? Qui sont ces femmes et ces hommes à qui la nation française exprime « sa reconnaissance » pour « l'œuvre accomplie » ? Bugeaud, Saint-Arnaud, Montagnac, d’Hérisson ou Cavaignac ? Bodichon, Tocqueville ou Lavigerie ? Naegelen, Soustelle, Lacoste, Massu, Salan ou Bigeard ? Tous ces hommes n’ont fait que planifier, commanditer, justifier et mettre en œuvre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité qui seraient reconnus comme tels si la France officielle reconnaissait les Algériens comme des êtres humains à part entière.
    En effet, si les crimes d’Hitler sont pleinement reconnus comme tels par la France officielle, c’est avant tout parce que ses victimes sont considérées comme appartenant de plein droit à l’humanité. A l’instar de l’ensemble des peuples non-occidentaux, les Algériens n’ont pas ce privilège. Comme durant la période coloniale, la France officielle continue à traiter les Algériens et l’ensemble des non-occidentaux comme des sous-hommes. Le négationnisme de la France officielle quant à son histoire coloniale nous rappelle ce qu’Aimé Césaire dénonçait déjà au lendemain de la guerre 1939-1945 dans Discours sur le colonialisme. Selon lui, les Occidentaux ne reprochent pas à Hitler « le crime en soi, le crime contre l’homme, » « l’humiliation de l’homme en soi, » mais « le crime contre l’homme blanc », c’est-à-dire « d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique. ».
    Dans une France postcoloniale structurée par le racisme, seuls les crimes de masse contre l’homme blanc peuvent être pleinement reconnus comme des crimes contre l’humanité puisque les attributs de l’humanité ne sont pas entièrement reconnus aux non-occidentaux.
     

    Youssef Girard 

     

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 8 Mars 2019 à 15:38

    Je souscris à ce qui a été dit par Youssef Girard concernant les crimes qu'ont généré la conquête de l'Algérie, le colonialisme, et la guerre d'indépendance.

    Je reconnais également la nocivité de la loi du 23 février 2005.

    Je reconnais que la reconnaissance de la responsabilité de la France dans cette situation a été jusqu'ici refusée.

    Je partage l'opinion selon laquelle les puissances impérialistes, dont la France, sont mal placées pour donner des leçons de démocratie aux dirigeants algériens.

    Ceci étant, tout en rendant hommage à la lutte difficile engagée par les Algériens pour se libérer du colonialisme et obtenir leur indépendance on ne peut se voiler la face devant la situation sociale et économique de l'Algérie.

    De mon point de vue elle souffre des mêmes maux que la France, à savoir de la logique du profit qui s'exerce au bénéfice de ceux qu'on appelle là-bas les compradores et que chez nous on identifie aux tenants du monde de la finance.

    Oui il faut résoudre cette crise insupportable, aussi bien en France qu'en Algérie et sur la planète tout entière en faisant la promotion d'un autre ordre mondial que celui que nous subissons.

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