• Aux funérailles de Madeleine Riffaud, des chants et de l'émotion

     

    Aux funérailles

    de Madeleine Riffaud, des chants

    et de l'émotion

      Aux funérailles  de Madeleine Riffaud, des chants  et de l'émotion

    Cérémonie à la mémoire de Madeleine Riffaud, cimetière du Montparnasse. Paris, le 20 novembre 2024.

    Le mercredi 20 novembre 2024 au cimetière du Montparnasse, se tenaient les funérailles de Madeleine Riffaud, décédée le 6 novembre dernier à l’âge de 100 ans. Dans un texte émouvant, Babeth Aubrac, fille des résistants Lucie et Raymond Aubrac, a rendu hommage à la poétesse, journaliste, écrivaine et résistante, qui a vécu « un siècle d’audace, d’engagements, de passions, guidés par une volonté hors norme. »

    Ils étaient environ 300, rassemblés ce mercredi de novembre, dans l’allée de la 29ème division du cimetière du Montparnasse à Paris (14e) pour dire un dernier au revoir à Madeleine Riffaud, disparue le 6 novembre 2024. Parmi eux, la famille et les amis, mais également des élus et personnalités politiques, comme Fabien Roussel, des syndicalistes telle que Sophie Binet, des militants anti-fascistes, des membres des communautés franco-algérienne et franco-vietnamienne et une foule d’anonymes. « Il en a fallu du coeur pour s’engager pendant un siècle sur les routes qu’elle a choisies », a lu Babeth Aubrac, fille des illustres résistants, ajoutant qu’ « il n’y a pas assez de mots pour exprimer toute l’originalité de cette femme d’exception ». Et de rappeler les engagements qui furent ceux de Madeleine Riffaud : la Résistance, la lutte anti-coloniale, la proximité avec le Parti communiste, « la bagarre contre les injustices de toutes espèces. » À ceux-là s’ajoute son engagement syndical au sein du SNJ-CGT, dont plusieurs membres étaient présents pour lui rendre un dernier hommage.

    Hors norme : le qualificatif n’est pas exagéré pour décrire la vie de Madeleine Riffaud. Sous l’occupation, elle rejoint la lutte armée en intégrant les FTP (Francs-tireurs et partisans) alors qu’elle n’a que seize ans. Son pseudo : Rainer, en hommage au poète allemand Rainer Maria Rilke car ce n’est pas les allemands qu’elle combat mais les nazis. Emprisonnée, torturée, plusieurs fois condamnée à mort, jamais elle ne livrera ses compagnons d’armes. Après avoir participé aux combats pour libérer la capitale, elle devient poétesse et journaliste, au quotidien communiste Ce Soir, dirigé par Louis Aragon, puis à la Vie ouvrière, avant de rejoindre l’Humanité. Pour le quotidien fondé par Jaurès, elle couvre la guerre d’Algérie, au cours de laquelle elle échappe de peu à un attentat de l’OAS, puis la lutte pour l’indépendance en Indochine. Au Viet-Nam, elle noue une relation avec le poète et militant anti-colonial vietnamien Nguyen Dinh Thi. De retour à Paris dans les années 1970, elle se fait embaucher incognito dans un hôpital à Paris et signe une enquête puis un livre sur les conditions de travail des aides-soignantes, des infirmières et des agents d’entretien. Entre mille autres choses.

    « Maintenant il nous reste une tâche bien difficile, celle de transmettre. Transmettre le message que Madeleine a si bien su relayer sans baisser la garde. C’est-à-dire, servir l’Humanité avec pugnacité, optimisme, constance et enthousiasme », a conclu Babeth Aubrac. Alors que la Marseillaise  s’achève (Madeleine Riffaud était croix de guerre avec palme de bronze, citation à l’ordre de l’armée), le Chant des partisans s’élève doucement de la foule. Joli moment de grâce pour dire un dernier au revoir à la camarade.

    SOURCE : Aux funérailles de Madeleine Riffaud, des chants et de l'émotion – La Vie Ouvrière 

     

     

    Danièle Ponsot nous informe

    « Je viens de recevoir, en tant que Présidente de l'ANACR Nord/Jura, le texte du discours qu'Elisabeth Aubrac a prononcé lors des obsèques de Madeleine Riffaud, Résistante et opposée à toute forme de colonialisme ».

    Mercredi 20 novembre 2024

    Pour Madeleine Riffaud,

    « Les amis de Madeleine Riffaud m’ont demandé de prendre la parole aujourd'hui, probablement parce qu'il y a là du sens et du symbole dans mon nom de Babette Aubrac.

    Il y a du sens parce que les engagements de Madeleine furent aussi ceux de mes parents Raymond et Lucie Aubrac : la Résistance, la Décolonisation, la proximité avec le Parti Communiste, la bagarre contre les injustices de toutes espèces.

    Il y a du symbole parce qu'ils sont tous des exemples de courage et d’honnêteté civique, toutes ces femmes et ces hommes qui partaient pour de vrai, physiquement et intellectuellement, à l'assaut des assassins de la Liberté.

    Ce sont ces idéaux qui ont conduit Madeleine tout au long de sa vie, ils passent par les voies des amitiés solides.

    Raymond Aubrac, mon père, lui était incontestablement très cher.

    Voilà… Madeleine s'en est allée…

    En vérité nous sommes tous venus ici pour, ensemble, évoquer celle qui fut notre amie : cette femme, ce personnage, cette résistante, ce poète, cette journaliste, cet écrivain, que nous avons aimé.

    Madeleine est une Femme de Cœur en Majesté.

    Il en a fallu du cœur pour s'engager pendant un siècle sur les routes qu'elle a choisies.

    Il n'y a pas assez de mots pour exprimer toute l'originalité de cette femme d'exception. Madeleine a orchestré sa vie avec une fantastique lucidité et un optimisme aussi conquérant que celui qui habitait ses compagnons.

    Un siècle d'audaces, d'engagements, de passions, guidés par une volonté hors norme.

    Dans l’un de ses poèmes, Traquenard, Madeleine scande sa peur :   

                       Peur des bottes

                       Peur des clefs

                       Peur des portes

                       Peur des pièges

    Oh ! elle a évidemment eu d'autres peurs, en bien des occasions, et sous bien des cieux, mais tout prouve qu'elle l'a domestiquée cette Peur !

    N'est-ce pas là aussi les qualités du cœur ?

    Tant d'années de vigilance pour combattre les ignominies du fascisme et du nazisme en France, puis du colonialisme en Indochine, en Algérie, au Vietnam, pour pourfendre les injustices qui ne connaissent ni les frontières, ni les métiers, ni les âges, ni les sexes, pour être l'avocate des opprimés et des sans grades…

    Amis Vietnamiens et amis Algériens qui êtes ici, aujourd'hui, vous savez avec quelle fougue Madeleine a rejoint les partisans qui ont libéré vos pays.

    Vous l'avez honorée de votre reconnaissance, mieux, vous lui avez offert votre amitié et votre fidélité.

    Amis du musée de la Résistance de Champigny, amis des associations de Résistants, amis du Secours Populaire, amis de l’Association France-Vietnam, amis syndicalistes, amis politiques, amis des droits des femmes, amis créateurs de sa bande dessinée, vous aussi êtes ici pour témoigner des exigeantes convictions altruistes de Madeleine.

    N'est-ce pas encore ici la générosité du cœur ?

    Lutter contre les violences de la maladie, l'insupportable cécité qui annihile la liberté d'écrire et de lire à son gré, mépriser la vieillerie qui ratatine le corps et flétrit la beauté, entretenir jusqu'au dernier jour la force de se redresser pour approuver ou réfuter une idée ou un souvenir.

    Rester coquette malgré tout ce cortège d'exaspérations de la déchéance, et donc réfréner du mieux possible, pas toujours, les colères, les impatiences…

    Et si le cœur de Madeleine a pu battre aussi longtemps avec acharnement, c'est parce qu'elle a été entourée par une garde rapprochée tellement précieuse, tellement efficace.

    Cette garde s'est depuis des années constituée en rempart contre les foultitudes de tracas ménagers, d'impératifs de santé, de complications journalières.

    Des femmes et des hommes, avec une merveilleuse ponctualité, et des conditions quelquefois bien compliquées, ont œuvré pour que Madeleine vive, tout simplement vive…

    Tous ici nous leur en sommes tellement reconnaissants ! 

    Là encore, n’est-ce pas le cœur de Madeleine qui a eu l'immense pouvoir de surseoir à la disgrâce de la vieillesse ?

    Des décennies de fantaisies, de curiosités, d'amours, de rires, de fêtes, de créations, tant poétiques que littéraires.

    Des cigares précieux, des chocolats choisis, des whiskys ambrés, des fleurs de la rue de Turenne, des amis, et des amis, et des amis…

    Ils étaient ceux qui comme elle, se sont dévoués à la Liberté et à la Fraternité.

    Quand nous allions la voir dans son nid, ses nids, de la rue Villehardouin, nous commencions par grimper les étages. Ils sont raides ces escaliers !

    Ils donnent le temps d'anticiper le beau sourire qui accueillera notre visite.

    Nous savons déjà la brillance des yeux, malgré les lunettes noires.

    Là-haut c’est un festival d'histoires, servies par une verve pleine d'humour. Un flot de noms qu'on est prié de connaître ou pour le moins d'identifier.

    Commencent alors des échanges enrichis, fleuris, de souvenirs fantastiques…

    D'autres visites se passent par téléphone.

    Chacun ici se souvient de ces échanges téléphoniques sans fin…

    Madeleine avait si fort à cœur de garder les liens de la voix, donc de la vie.

    Témoigner et raconter, pour que la vie n'ait pas été vaine.  Pour que se transmettent les élans du cœur, ces élans qui ont permis que son destin s'inscrive dans quelque chose de grand.

    C'était tellement ça aussi le cœur de Madeleine.

    Maintenant, il nous reste une tâche bien difficile. Nous nous y attelons déjà et nous souhaitons faire des émules.

    Cette tâche difficile, c’est celle de transmettre. Transmettre le message que Madeleine a si bien su relayer, sans baisser la garde. C’est-à-dire, servir l'Humanité avec pugnacité, optimisme, constance, et enthousiasme.

    Le voilà le cœur de Madeleine qui battait pour nous tous.

    Je vous remercie de m’avoir fait confiance pour parler aujourd’hui de Madeleine devant vous » 

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  • Commentaires

    2
    Daniele Ponsot
    Dimanche 1er Décembre à 16:16

    J'avais à coeur de vous transmettre ce beau témoignage, dans son intégralité. Je suis sûre qu'il vous touchera comme il m'a touchée! Merci Michel, de l'avoir intégré dans votre blog!

    1
    Samedi 23 Novembre à 09:03

    Une grande dame Madeleine Riffaud, fille d'un couple d'instituteurs qui ont enseigné en Picardie et qui passaient leurs vacances en Haute Vienne chez des amis également instituteurs qui ont été massacrés à Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944.

    J'avais noté que l'éloge funèbre avait été prononcé par la fille de Lucie et Raymond Aubrac. A Béziers nous avons un collège qui porte le nom de Lucie Aubrac. J'avais assisté à son inauguration. Lucie Aubrac était présente, c'était peu de temps avant son décès.

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