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Cérémonie commémorative en hommage aux six dirigeants des Centres sociaux éducatifs, massacrés par l’OAS le 15 mars 1962 au siège administratif du service de l’Éducation nationale à Al
Cérémonie commémorative
en hommage aux six dirigeants des Centres
sociaux éducatifs, massacrés par l’OAS
le 15 mars 1962 au siège administratif
du service de l’Éducation nationale à Alger
Cette année encore, une cérémonie commémorative s’est déroulée mercredi 15 mars 2023 au ministère de la Transformation et de la Fonction Publiques, 101 rue de Grenelle à Paris VIIè, devant la plaque apposée en hommage aux six dirigeants des Centres sociaux éducatifs, massacrés par l’OAS le 15 mars 1962 au siège administratif de ce service de l’Éducation nationale à Alger.
Devant une assistance fournie, on notait la présence de représentants du Monde combattant, de l’ONACVG, d’universitaires, de présidents d’associations, de porte-drapeaux, et celle de Monsieur Stanislas Guérini, ministre de la Transformation et de la Fonction Publiques, accompagné de son chef de cabinet.
Nous reproduisons le discours de Jean-Philippe Ould Aoudia, président de l’association Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons.
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Seul le prononcé fait foi
En 1960, notre professeur de philosophie au lycée Émile Félix Gautier d’Alger avait développé le sujet : « Sans oubli, pas de vie ? », en convoquant Nietzsche qui affirme : « Oubli, condition du bonheur ». Dans La gangrène et l’oubli, Benjamin Stora cite l’injonction de Freud : « N’oubliez pas l’oubli !».
Pour les descendants de victimes de l’OAS, interdiction nous est faite d’oublier parce que nos morts sont régulièrement diffamés et, de ce point de vue, l’importance de ce lieu de mémoire ainsi que les hommages rendus par le Président de la République aux Six dirigeants des Centres sociaux éducatifs ont une portée toute particulière.
Sur le site internet d’une association à laquelle ne peuvent adhérer que d’anciens condamnés de l’OAS passés par la prison ou le pénitencier, dans la rubrique « Galerie. Album 2. Notre combat. Les attentats », figurent en bonne place, présentés comme des trophées de guerre, les portraits des Six avec leur nom, leur prénom et la légende : « Alger 15 mars 1962. Les 6 inspecteurs des centres sociaux exécutés par l’OAS pour collusion avec le FLN ».
Quelles autres victimes et leurs familles subissent de telles violences ?
Je rappelle que Germaine Tillion, grande figure de la Résistance, déportée au camp de Ravensbruck, entrée au Panthéon en 2015, est la fondatrice des Centres sociaux en Algérie au sujet desquels elle a déclaré le 3 octobre 2003 :
De toutes les choses que j’ai faites dans ma vie, ce qui me tient le plus à cœur, c’est d’avoir créé les Centres sociaux en Algérie. D’autres choses que j’ai faites étaient aussi nécessaires et justes... Mais le Bien et le Mal étaient mélangés comme dans tout combat... Les Centres sociaux en Algérie, c’était œuvrer pour le Bien, un Bien qui n’était pas en opposition avec quelque chose. Un Bien créateur sans être destructeur.
La vérité est inscrite sur cette plaque qui permet à chaque descendant des Six de savoir que leur parent n’a pas été exécuté comme un coupable, mais assassiné en raison de son engagement pour les valeurs de la République.
Votre présence mesdames et messieurs renforce la signification républicaine de ce lieu de mémoire.
Autre exemple
Une revue publiée par une association d’héritiers spirituels de l’OAS, subventionnée à hauteur de 6.000€, consacrait 5 pages de son numéro de mars 2016 – mars, ce mois n’est pas fortuit- à l'éloge funèbre de celui qui avait procédé à l’appel des six noms le 15 mars 1962. On peut lire :
En mars 1962, il neutralisera six fonctionnaires dont Max Marchand, suppôt notoire du FLN et auxiliaire de l’administration gaulliste, qui, avec quelques autres indicateurs, signalaient aux terroristes FLN les victimes européennes qu’il convenait d’éliminer.
Neutraliser : la corruption des mots au service de la diffamation la plus abjecte.
Marcel Basset s’était engagé dans le réseau de résistance Voix du Nord pour aider les aviateurs alliés dont l’avion avait été abattu par la DCA allemande. Robert Eymard était dans la résistance du Vercors à 17 ans. Ce que l’Allemagne n’a pas réussi à faire à ces deux patriotes au nom de l’idéologie nazie, l’OAS l’a commis au nom de l’Algérie française.
Quelles autres victimes et leurs familles subissent de telles violences ?
Heureusement, La Vérité est gravée sur cette plaque.
Dans les 73 numéros de notre revue Le Lien, non subventionnée, on ne trouvera que des documents dont la qualité justifie son inscription au catalogue international des périodiques. Pas d’insultes, pas de propos diffamatoires. Mais nous avons le devoir de relever ces défis mémoriels auxquels nous sommes confrontés parce qu’il y va de l’honneur des Six, agents de la fonction publique tombés au champ d’honneur de leur travail.
Dernier exemple
Sur un registre plus grave se situent les propos tenus à l’Assemblée nationale le 28 juin 2022 par un député originaire d’Oran, membre du RN :
Franchement, je ne suis pas là pour juger si l’OAS a commis des crimes.
L’OAS, je ne sais même pas bien ce que c’était. Ou presque pas.
Prenons garde ! La fabrique de l’oubli est en marche.
On pourrait dire bientôt, sans être démenti, que c’est une Parque, une funeste déesse de la mythologie romaine qui a coupé le fil de la vie du général Ginestet commandant le corps d’armée d’Oran, ainsi que le fil de la vie du médecin colonel Mabille, recueillis tous les deux devant la dépouille mortelle du colonel Mariot dont le fil de la vie avait été coupé la veille.
Si, pour un député RN, l’assassinat prémédité de trois officiers français déclarés « Mort pour la France », n’est pas un crime, prenons garde : la nuit arrive.
Si le massacre des Six venait à ne plus être considéré comme ce qu’il est, à savoir un crime inexpiable commis contre Six Innocents, cette plaque n’aurait plus sa raison d’être et pourrait même être enlevée. La France serait alors plongée dans les ténèbres.
Alors le livre, seul, resterait mémoire sur ce que fut réellement le massacre par un commando de l’OAS le 15 mars 1962 à 10 heures 30 au Château Royal à Alger.
Les références de L’assassinat de Château royal sont inscrites dans le rapport rédigé par Benjamin Stora et remis au Chef de l’État. Merci aux éditions Tirésias et à son directeur de l’avoir édité. Merci Michel Reynaud.
Face à ce négationnisme assumé, les hommages rendus aux Six par le Président de la République prennent, comme je l’ai dit, une importance particulièrement forte. Nous savons, Benjamin Stora, votre rôle dans la démarche d’Emmanuel Macron et l’association vous en est très reconnaissante.
Notre ambassadeur à Alger a rendu hommage aux six victimes le 15 mars 2022.
Nous étions présents Serge Drouot, Benjamin Stora et moi-même à l’Élysée le 19 mars 2022, pour entendre le Chef de l’État rendre hommage à Marcel Basset, Robert Eymard, Mouloud Feraoun, Ali Hammoutène, Max Marchand, Salah Ould Aoudia. Tous les six a-t-il insisté.
Leur mémoire et leur honneur bénéficient désormais d’une double protection : l’existence de ce lieu et les interventions de la Présidence de la République en Algérie et en France.
À Nietzsche et à Freud, préférons Victor Hugo :
Les souvenirs sont nos forces. Ne laissons jamais s’effacer les anniversaires mémorables ; quand la nuit essaie de revenir, il faut rallumer les grandes dates comme on allume des flambeaux.
Le Chef de l’État a déclaré le 24 janvier 2020 : Les sujets mémoriels disent quelque chose de ce que vous voulez faire de votre pays. Or le Président veut faire de la France un pays aux mémoires apaisées, il l’a démontré à plusieurs reprises et pour la dernière fois les 15 et 19 mars 2022.
Cet acte présidentiel fort pourrait être un jalon posé sur le chemin qui conduirait aux hommages à la mémoire de toutes les autres victimes de l’OAS : civiles et militaires, élus, magistrats, fonctionnaires.
Certaines d’entre elles, déclarées « Mort pour la France », furent le dernier rempart face à ceux qui ont voulu renverser la République par le sang répandu.
L’apaisement de toutes les mémoires blessées de la guerre d’Algérie resterait la marque, la trace ineffaçable qu’aucun autre Chef d’État n’a jusque-là imprimées dans l’Histoire de ce conflit.
Nous avons confiance dans la Présidence de la République pour y parvenir.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie.
Jean-Philippe Ould Aoudia
Interview du quotidien Libération
le 15 mars 2022
de Jean-Philippe Ould Aoudia
Guerre d’Algérie : « La mémoire des
victimes de l’OAS n’a été
que partiellement honorée
par Emmanuel Macron »
A l’approche du soixantième anniversaire de la fin du conflit, Jean-Philippe Ould Aoudia, le fils d’un des inspecteurs sociaux assassinés le 15 mars 1962 par un commando de l’OAS près d’Alger, salue le geste effectué ce mardi par l’ambassadeur de France à Alger mais déplore qu’un hommage plus général n’ai pas été rendu.
L'enterrement au cimetière d'El Alia des victimes de l'assassinat de Château-Royal par l'OAS, le 19 mars 1962. (Keystone/GAMMA-RAPHO)
Dans une campagne présidentielle chamboulée par la guerre en Ukraine, le chef de l’Etat s’apprête à commémorer le 60e anniversaire des accords d’Evian, signés le 18 mars 1962. En Algérie comme en métropole, 1962 marque la fin de la guerre, le début des espoirs d’indépendance et de liberté, mais charrie aussi la violence et l’exil. Alors que les autorités françaises négocient avec le Front de libération nationale (FLN) algérien, l’Organisation de l’armée secrète (OAS) s’oppose violemment à toute indépendance. Le 15 mars, un de ses commandos assassine six inspecteurs des centres sociaux éducatifs (CSE), réunis au lieu-dit Château Royal, dans le quartier d’El Biar, près d’Alger. Il s’agit de Mouloud Feraoun, un écrivain et ami d’Albert Camus, du professeur Max Marchand, de Marcel Basset, Robert Eymard, Ali Hammoutène et Salah Ould Aoudia. «La bêtise qui froidement assassine», écrira dans le Monde, le 19 mars, Germaine Tillion, qui fonda les centres sociaux en Algérie.
Depuis 2017, plusieurs «gestes symboliques» visant à réconcilier les mémoires de la guerre d’Algérie ont été effectués par Emmanuel Macron. Ce mardi 15 mars, l’ambassadeur français en Algérie, François Gouyette, a déposé une gerbe sur la stèle érigée à Alger en l’honneur de Mouloud Feraoun et des cinq autres victimes, au nom du président de la République. Jean-Philippe Ould Aoudia, fils d’un des six inspecteurs des centres sociaux tués par l’OAS, déplore toutefois que les victimes de l’organisation terroriste n’aient pas été honorées lors de commémorations officielles plus larges.
Le 15 mars 1962, six hommes, des Algériens et des Français, tous inspecteurs des CSE, sont assassinés par un commando de l’OAS à El Biar, dans la banlieue d’Alger. Pourquoi étaient-ils visés ?
L’assassinat du 15 mars 1962 remonte à loin. D’abord à la création du Service des centres sociaux par Germaine Tillion [en octobre 1955, ndlr]. Un mois avant, Jacques Soustelle [alors gouverneur général de l’Algérie] avait publié un arrêté créant les sections administratives spécialisées (SAS). Ce sont des structures militaires visant à apporter des soins, des notions d’éducation mais aussi à contrôler la population. Deux structures sont donc créées dans le même temps mais la militaire aura moins de succès que celle relevant de l’Education nationale. Dans l’esprit biaisé des militaires, défaits lors de la bataille de Diên Biên Phu six mois auparavant, la maîtrise de la population était importante. Or celle-ci préfère rapidement les centres sociaux aux SAS. Le général Massu, qui disposait des pleins pouvoirs pendant la bataille d’Alger, s’en est ainsi pris aux centres sociaux. Il y voyait une déviance des catholiques et des chrétiens présents dans ces centres en faveur de l’indépendance des Algériens.
Lors du procès des barricades [une semaine insurrectionnelle des partisans de l’Algérie française], les centres sociaux ont été pris à partie par les colonels qui ont désobéi. Tous les militaires et les civils impliqués dans l’affaire des barricades feront partie de l’OAS. Ils ont entendu dans un tribunal, des militaires, des gradés, dont Massu, insulter les centres sociaux. Pour eux, c’était un blanc-seing, un bon à tirer. Le crime du 15 mars n’est pas sorti ex nihilo. Enfin, au sein de ces centres, il y avait un recrutement à peu près égal entre Algériens et Français. C’était la préfiguration de l’Algérie indépendante. Pour les tenants extrémistes de l’Algérie française, il n’en était pas question.
Parmi les victimes, il y avait votre père, Salah Ould Aoudia…
Instituteur, mon père avait été recruté personnellement par Germaine Tillion. C’était l’un des plus anciens dirigeants du service des centres sociaux. Avec lui, on a voulu décapiter un service entier.
Ce jour-là, à trois jours de la signature des accords d’Evian qui ouvrirent la voie à l’indépendance, les partisans de l’Algérie française commettent un attentat meurtrier. L’émoi dans l’opinion publique est considérable. Quelles furent les répercussions politiques ?
Dans ses mémoires, Robert Buron, l’un des négociateurs français des accords d’Evian, écrit que ce crime les a impressionnés. Il pensait que les Algériens ne poursuivraient pas les négociations. Ils ont eu peur que les accords ne puissent être menés à leur terme. Les choses étaient toutefois trop avancées pour être perturbées. Les crimes les plus imbéciles n’interfèrent pas forcément la voie vers la paix et la réconciliation entre les peuples. Dans l’opinion publique, l’émoi fut également important. Le 19 mars au matin, dans toutes les écoles de France, une minute de silence fut respectée en hommage à ces enseignants. Pour nous, descendants des victimes de l’OAS, la minute de silence en hommage au professeur Samuel Paty a eu une résonance très forte.
Le 26 janvier, devant des associations de rapatriés d’Algérie conviées à l’Elysée, Emmanuel Macron a rendu hommage aux victimes de la rue d’Isly, des dizaines de pieds-noirs tués le 26 mars 1962. Une manifestation «attisée par l’OAS», a-t-il ajouté. Ces mots sont-ils importants à vos yeux ?
Ils n’ont aucune importance. Les historiens Gilles Manceron, Alain Ruscio et Fabrice Riceputi ont écrit sur le 26 mars 1962. Ils ont montré que c’était une manifestation montée et organisée du début jusqu’à la fin par l’OAS, suivant les directives du général Salan. Elle n’a donc pas été «attisée». Ce mot ne signifie donc rien. Le président Macron a ouvert le chantier des mémoires blessées de la guerre d’Algérie. C’est une bonne chose. Il a rendu hommage aux harkis, aux rapatriés, aux Algériens victimes du 17 octobre 1961. Mais il n’a jamais rendu hommage aux 2 700 victimes de l’OAS. C’est la seule mémoire blessée de la guerre d’Algérie qu’il a refusé d’honorer.
Que pensez-vous du dépôt de gerbe effectué ce mardi par l’ambassadeur français en Algérie, sur la stèle rendant hommage à Mouloud Feraoun et ses compagnons ?
Je ne peux pas être insensible à ce qui a été fait pour ces six victimes. Le sacrifice de mon père et de ses compagnons morts pour la défense des valeurs de la République et pour l’indépendance de l’Algérie n’aura pas été vain. Mais Emmanuel Macron a préféré rendre hommage aux victimes en Algérie…
Attendez-vous un autre geste particulier du président de la République à l’égard des victimes de l’OAS ?
Je n’attends plus rien. Et il n’y aura plus rien. S’il devait y avoir eu quelque chose, cela aurait déjà été fait.
Pourquoi cela n’a pas été fait selon vous ?
Par électoralisme. Dans le Midi, la population des pieds-noirs rapatriés approuve les crimes de l’OAS. La preuve : l’un des membres du commando de l’OAS qui a tué mon père, Gabriel Anglade, a été élu à deux reprises conseiller municipal de Cagnes-sur-Mer en charge des rapatriés. Je suis descendu à Cagnes, j’ai participé à la présence de meetings pour dénoncer la présence d’un tueur de l’OAS au sein de la municipalité. Tout le monde s’en désintéresse…
Les «gestes symboliques» effectués par Emmanuel Macron depuis 2017 visant à «apaiser» les mémoires de la guerre d’Algérie vont-ils, selon vous, dans le bon sens ?
Je ne peux qu’être favorable à l’apaisement des mémoires blessées à la seule condition que ce soit toutes les mémoires blessées. Mais à partir du moment où l’on fait une sélection de ces mémoires, on continue à les diviser. Harkis, Charonne, 26 mars 1962, Européens, 17 octobre 1961… Emmanuel Macron a fait le tour des mémoires. Il en reste une. Pourquoi n’honore-t-il pas celle des civils, militaires, Algériens, Français, magistrats, élus, enseignants, fonctionnaires de police tués par l’OAS ? Les derniers remparts de la République sont les derniers remerciés.
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