-
Ceux qui oublient le passé sont condamnés à le revivre
" Ceux qui oublient le passé sont condamnés à le revivre "
L'article ci-dessous a été diffusé
le 7 décembre 2017
55 ans après, il est vraiment temps
de terminer la Guerre d'Algérie
Un article de Dominique Sopo
Président de SOS Racisme
Dominique Sopo est président de SOS Racisme. Diplômé de l’institut d’études politiques (IEP) de Paris, titulaire d’un Diplôme d’études approfondies (DEA) d’épistémologie économique et d’une agrégation de sciences économiques et sociales, il est président de SOS Racisme depuis 2003. Dominique Sopo enseigne également les Sciences économiques et sociales dans un collège/lycée du 13ème arrondissement de Paris Il est également Co-initiateur de nombreux collectifs tel Urgence Darfour (2005) ou encore Urgence Solidarité Syrie (2011). Biblio : SOS Antiracisme (2005), Manifeste pour l’Egalité (2007), Combat laïque (2008), Co-auteur également de Rwanda, pour un dialogue des mémoires (2007)
***
L'Histoire frappe aux portes d'Emmanuel Macron et d'Abdelaziz Bouteflika. A nous d'amplifier ce bruit de fraternité.
Nous avons vécu un 6 décembre un peu particulier. Pour les militants antiracistes et les générations qui fréquentaient l'Université à l'époque, c'est le jour où Malik Oussekine est mort, victime des voltigeurs de Pasqua alors que manifestaient jour après jour des centaines de milliers de lycéens et d'étudiants contre le projet de loi Devaquet.
Cette année, le 6 décembre est également le jour de la première visite d'Emmanuel Macron en Algérie en tant que président de la République.
Le rapport entre les deux : le passé de la France en lien avec l'Algérie.
Qui peut ignorer que la haine qui donna la force aux coups qui ont alors plu sur Malik Oussekine venait sans doute de ce rapport de violence à l'Arabe ou au Kabyle né dans l'Algérie française et amplifié par la Guerre de décolonisation qui se déroula là-bas entre 1954 et 1962 ?
Qui peut ignorer que le passé algérien de la France est ce qui continue à nourrir le Front national ?
Qui peut ignorer que ce passé algérien a produit des générations qui essaient de se débattre souvent tant bien que mal avec ces fantômes du passé ?
Pieds noirs, personnes d'origine algérienne et de culture musulmane, Juifs d'Algérie, appelés du contingent : que ce soit eux ou leurs enfants et petits-enfants, leurs destins ont été marqués et le restent par cette histoire longue.
Une histoire faite de souvenirs douloureux – douleur de la domination et de la répression coloniales d'un côté, douleur de l'exil de l'autre -. douleur d’appelés et rappelés du contingent dont 25000 ne revinrent pas vivants…
Une histoire faite d'incompréhension face au grand maelström de l'Histoire.
Une histoire faite de ressentiments intimes envers la France – qui fut la métropole de la violence envers les "musulmans d'Algérie" et la terre qui ne sut pas écouter les douleurs de la majorité des exilés étrangement qualifiés de rapatriés alors que l'Algérie était leur terre de naissance et considérés comme des grands colons alors que la majorité d'entre eux, bien qu'en situation favorisée, prenait le visage de petites gens.
Une histoire longue donc dont l'achèvement provoqua ici une blessure narcissique puisqu'elle symbolisa la fin du rêve de la plus Grande France, qui fut un cauchemar pour d'autres dans la mesure où ce rêve-cauchemar ne pouvait, au-delà des discours, se déployer que dans le seul cadre des rapports de sujétion coloniale.
C'est parce que ce passé reste toujours agissant qu'il est de la responsabilité des jeunes générations de réaliser ce que leurs aînés, malgré les tentatives et les espoirs de beaucoup, n'ont pas su faire complètement: dépasser ce magma de haine, ce flot d'incompréhensions, ces déchirements des destins, cette blessure narcissique, ce nœud passionnel qui continuent d'agiter, sur fonds de trop fréquentes manipulations politiques des deux côtés de la Méditerranée, la relation d'amour-haine qui lie la France à l'Algérie.
En ce 6 décembre, plus que jamais, disons-nous qu'il est vraiment temps de terminer la Guerre d'Algérie, en reconnaissant ce qu'elle fut. Non pas pour se repentir ou se morfondre mais pour enfin sortir un cadavre du salon.
55 ans après l'indépendance de l'Algérie, les responsables politiques ici et là-bas ont la tâche d'écouter et de cultiver cette envie des jeunesses des deux côtés de la Méditerranée. L'envie de se rencontrer, l'envie de circuler, l'envie de bâtir des relations sur des bases expurgées des vices, des douleurs, des haines et des représentations légués par l'Histoire. N'est-il pas tant, pour les deux Etats concernés, de jeter les bases d'un Office algéro-français pour la jeunesse, projet porté par les sociétés civiles en France et en Algérie, afin d'offrir le cadre symbolique et opérationnel à ces ambitions qui fourmillent et qui ne demandent bien souvent qu'à éclore et à se déployer?
L'Histoire frappe aux portes d'Emmanuel Macron et d'Abdelaziz Bouteflika. A nous d'amplifier ce bruit de fraternité. A eux de l'entendre.
« La découverte d'un "quai de l’Algérie française" fait polémique à La Seyne Perpignan : mobilisés contre l'esplanade Pierre Sergent des élus ont rendu hommage à une victime de l'OAS »
-
Commentaires
Ah je ne dirais pas que je suis victime d'incompréhension du maelström de l'histoire, non ! J'ai parfaitement intégré la situation absurde dans laquelle on m'avait mis ! Incorporé malgré moi dans une guerre dont je n'approuvais pas l'objectif. Un objectif qui était de perpétuer un système social, le colonialisme, forme exacerbée du capitalisme !
J'ai fort heureusement été épargné du danger. Mais bon dieu, quel gâchis que ces vingt-six mois de ma jeunesse ainsi perdus. J'en aurais sûrement fait un meilleur usage et qui aurait été plus bénéfique à la collectivité !