• Comme ils me ressemblent ces appelés de la guerre d’Algérie...


     

    Comme ils me ressemblent ces appelés de la guerre d’Algérie, le premier habite Cessenon-sur-Orb, à côté de Béziers, les deux autres : Bressuire (Deux-Sèvres) Ils nous parlent un peu de "leur guerre d'Algérie"… 

    Comme ils me ressemblent ces 3 copains, moi aussi je n’ai rien vu, je n’ai pas eu l’occasion de combattre et c'est tant mieux !!! Je ne me suis jamais servi de mon arme individuelle… Je n’ai jamais vu ce qu’on appelait un fellaga… J’étais dans l’Artillerie, dans un camp situé dans le Sud-Oranais, sur la Palmeraie de Tiout, à quelques kilomètres d’Aïn Sefra… lorsque nous sortions, devant nous il y avait la Légion, derrière nous l’Infanterie… Au bout de quelques heures de piste, ceux que j’appelle les « professionnels » installaient les batteries de canons… et moi, le novice, je faisais quoi ? « RIEN » Eh bien, comme l’aurait dit le président Macron, mais il n’était pas né »… « MA SEULE ARME : UN CRAYON » voir la photo ci-dessous… En effet j’avais un cahier et un crayon et j’inscrivais le nombre de coups de canons tirés et l’heure où ils étaient tirés… c’est tout… Sauf que j’ai perdu 21 mois de ma jeunesse et c’est cela qui a été le plus dur à supporter… Alors moi aussi j'ai eu la surprise d'avoir été un planqué, sans l’avoir sollicité et malgré ma mentalité d’anti colonialiste… puisque, avant de partir j’ai participé à de nombreuses manifestations contre la sale guerre d’Algérie. Enfin comme je l’écris dans l’en-tête de mes blogs : j’ai refusé la croix du combattant car je récuse ce terme… On peut en comprendre la raison.  En conclusion je dirai qu'en Algérie on était loin d'être tous "logés à la même enseigne" quand je pense, entre autres, à mon copain Henri Pouillot qui a connu la "Villa Susini ou Sésini" de sinistre réputation. 

     

    Bressuire (Deux-Sèvres)  Ils ont ramené un peu d'Algérie

    Sur une piste du Sud-Oranais

     

     

    Eh oui c'est moi, il y a 56-57 ans, je n'avais pas 20 ans avec mon arme dangereuse : un crayon...

     

    Le point de vue

     d’un « ancien combattant »

    Comme ils me ressemblent ces appelés de la guerre d’Algérie...

    Ah la médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre en Algérie? Je ne me la suis jamais procurée ! Sur le Ville d'Alger qui nous rapatriait en avril 1962 je devais être un des rares, peut-être le seul, à ne pas l'arborer.
    A propos d'ancien combattant je joins un document qui date de quelques années :

    Oui, je sais,  je n’ai pas l’apparence d’un ancien combattant. Et c’est vrai que je manquais tellement d’enthousiasme en tant qu’appelé du contingent pendant la guerre d’Algérie que je n’ai pas combattu grand-chose. Si, quand même, j’ai combattu l’absurdité de cette guerre coloniale anachronique, sans autre issue prévisible que celle de l’indépendance de l’Algérie.

    Ah, j’ai aussi combattu le putsch des généraux en avril 1961.

    J’ai combattu mon ennui, mon désœuvrement…

    J’ai opposé la force d’inertie à l’imbécillité de plusieurs de mes supérieurs.

    Toutefois, je le reconnais, je n’ai jamais fait preuve d’un zèle intempestif quand nous partions en opération, si tant est qu’on puisse appeler opération quelque chose qui ne donne pas de résultat.

    Bref, nous n’avions aucune chance de gagner cette guerre !

    Mais comme j’ai contribué à faire flotter le drapeau français aux confins du Sahara j’ai droit au titre d’ancien combattant. Je bénéficie ainsi d’une retraite de combattant de 506.62 euros par an, payable en deux fois. Qu’on se le dise, je suis un parti intéressant !

    Et ce lundi 17 novembre j’ai reçu, je suppose en tant qu’ancien combattant,  un courrier de M. Jean-Marie Bokel, secrétaire d’Etat à nos affaires. Il est gentil M. Bokel, il m’envoie le discours qu’a prononcé Nicolas Sarkozy à l’occasion du décès de Lazare Ponticelli, le dernier poilu.

    J’ai lu, un bel exercice de style ! Il parle comme un livre celui qui a rédigé le texte. Tout y est : la boue, les rats, les poux, la nuit, la peur, les rafales de mitrailleuses, les éclats d’obus… Il est même fait état de « la folie des hommes qui avaient longtemps tissé la trame sinistre qui allait prendre dans ses fils une jeunesse héroïque pour la conduire au sacrifice. »

    Est  également cité Lazare Ponticelli qui répétait aux enfants des écoles « Ne faites pas la guerre. »

    Ah, il y a quand même un peu de confusion puisque sont amalgamées la guerre de 14 – 18 et la Résistance. Qu’allaient défendre les poilus ? Anatole France donne la réponse : « On croit mourir pour la patrie et on meurt pour des industriels. »

    Si l’auteur parle comme un livre il manque quelques pages. Qui a voulu la guerre de 14 – 18 et pourquoi ? Au nom de quels intérêts ? De quelle logique ? Je vais combler la lacune en rappelant cette phrase de Jaurès que j’aime beaucoup : « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage. »

    Hélas le risque de guerre revient sur le devant de la scène avec la crise financière et la récession. Une bonne petite guerre, ça vous relance l’économie et les profits capitalistes !

    Au fait que faisons-nous en Afghanistan ? Que font les Américains en Irak ? Quelles sont les perspectives ? L’Iran ? Que signifie la création de la base militaire d’Abou Dhabi ? Pourquoi veut-on que la France réintègre l’OTAN ?

    Il est gentil M. Bokel mais je ne crois pas qu’il ait tout assimilé de la problématique ! C’est qu’il a de graves antécédents le maire de Mulhouse, il est dans la lignée de Guy Mollet dont les choix politiques m’ont conduit à  être aujourd’hui un ancien d’Algérie ! 

    Le 19 mars 1962

    A cette date j’étais encore « sous les drapeaux » et mon unité se trouvait à Géryville, une sous-préfecture au sud de Saïda, située sur les hauts plateaux à l’est du Chott Ech-Chergui, qui porte aujourd’hui le nom de El Bayadh. Culminant à 1376 m la ville est la capitale de l’alfa.

    Dans les dernières semaines qui avaient précédé le 19 mars nous avions été déplacés à plusieurs reprises. Venus de Bou-Ktoub nous étions arrivés une première fois à Géryville, en étions repartis pour l’oasis « Les Arbaouets » et nous étions à nouveau à Géryville. Après le cessez-le-feu nous avons encore quitté la ville pour l’oasis de Ghassoul située plus au sud. C’est d’ailleurs à partir de Ghassoul qu’a commencé vers la fin avril mon long rapatriement en France.

    Personne ni chez les gradés ni parmi la population européenne ne donnait l’impression d’une prise de conscience de ce qui se passait avant le 19 mars.

    Le cessez-le-feu entrait en vigueur à midi. Dans la cour du cantonnement Kadri Benkadour, que les circonstances avaient amené à être dans l’armée française, m’avait invité à boire une bière pour célébrer la fin de la guerre. L’espoir changeait de camp, le combat changeait d’âme !

    Déjà, je l’ai su par la suite, des militaires de carrière d’origine arabe ou kabyle, négociaient leur pardon auprès des Algériens en détournant des munitions qu’ils faisaient passer au FLN.

    Dans l’après-midi de ce 19 mars 1962 ma section a été appelée à une opération de maintien de l’ordre dans un quartier périphérique de Géryville. Il y avait là des mechtas, c’est-à-dire des maisons basses avec un toit en terrasse. Leurs occupants avaient mis de petits drapeaux verts, ceux du FLN, sur ces toits.

    Un groupe de soldats de mon unité, normalement affectés au garage, constitué de pieds-noirs qui avaient participé aux barricades de janvier 1960 à Alger et qui à ce titre et sous peine de sanctions pénales s’étaient vus contraints de s’engager, a fait irruption dans le quartier. Apparemment ils n’avaient pas reçu d’ordre mais agissaient de leur propre chef. Leur action consistait à se faire ouvrir les portes et à faire enlever les drapeaux. Les gens n’ayant pas le choix ils obtempéraient. Malgré les coups frappés une porte ne s’ouvrit pas. Tout simplement parce que l’habitant était chez ses voisins. Les coups contre la porte ont redoublé au point de risquer de l’enfoncer. Le propriétaire des lieux est sorti et a été molesté par le groupe.

    Je n’ai pas pu m’empêcher de crier mon indignation d’un : « Chapeau l’armée française ! » qui a pu été entendu par tous et notamment par le lieutenant qui commandait notre section, un « deux barrettes », un certain Baguet. Ne sachant comment réagir il appela le capitaine par radio. Celui-ci ne tarda pas à venir sur les lieux et me demanda ce que j’avais dit. J’amputais un peu mon propos en reconnaissant que j’avais crié « Chapeau ! » et je complétais en déclarant que je trouvais indigne que l’armée ne respecte pas les engagements de notre gouvernement qui venait de signer les Accords d’Evian, lesquels se traduisaient par le cessez-le-feu.

    A vrai dire le capitaine était embarrassé. Il savait que j’étais communiste mais me rendait justice, je ne lui avais jamais posé de problème particulier. Il ajouta qu’il m’avait même proposé pour être Premier canonnier ! Il faut vous préciser que j’étais pratiquement le plus ancien dans le grade le moins élevé ! En fait sa proposition n’était pas vraiment franche, puisque, je l’ai appris par la suite, j’avais bien été inscrit sur une liste mais à la fin, de façon à ne pas être promu. J’ai donc fini mon service militaire comme Deuxième canonnier ce qui au demeurant n’avait aucune espèce d’importance !

    Mais ce qui s’était passé dans les faubourgs de Géryville était sans commune mesure avec ce qui s’est déroulé au centre. Des fusillades ont éclaté pendant une partie de l’après-midi. Le bruit a couru que le commando Georges, normalement basé à Saïda, avait ouvert le feu sur la population qui avait été appelée par le FLN à manifester. Il y avait une trentaine de morts a-t-il été dit. Je n’ai jamais pu établir la réalité ce qui a eu lieu. Je pense que le couvre-feu a été décrété par l’autorité militaire.

    Il y a eu dans le secteur où opérait ma section un autre fait que je vais relater. Un officier, un lieutenant me semble-t-il, qui n’appartenait pas à notre unité, m’a apostrophé. Il tenait une MAT (mitraillette) à la main et était complètement paniqué, m’expliquant que pendant que nous regardions en face nous risquions d’être attaqués par l’arrière. Décidément encore un qui n’avait absolument rien compris. Je n’ai pas pu dialoguer vraiment avec lui tellement nous étions à des années lumière l’un de l’autre mais mon visage a dû être suffisamment expressif pour qu’il mesure le fossé qui nous séparait.

    Le lendemain ma section était encore de service de maintien de l’ordre mais cette fois j’en ai été dispensé par le capitaine qui m’a affecté à la fonction de garde chambre. Chaque jour l’un d’entre nous restait en effet au cantonnement pour ce faire. Toutefois l’état d’esprit n’était plus à la soumission parmi le contingent et Jean-Pierre Valade, originaire de la Corrèze, avait déclaré : « S’il y a encore des choses qui ne vont pas il y en aura d’autres pour le dire ! » 

    Jacques Cros

     


    Bressuire (Deux-Sèvres) 

    Ils ont ramené un peu d'Algérie

    Gilbert Cron et Roger Guionnet ont le même souvenir ambigu du conflit algérien qu'Emmanuel Audrain tente de retranscrire dans son documentaire.

    La plaie est sourde chez les anciens combattants.

    Je n'ai rien vu. J'étais un planqué. Je ne faisais pas partie d'une unité combattante et je n'ai pas eu l'occasion de combattre. Il y avait sans doute du danger mais je n'étais pas en première ligne. Gilbert Cron ne tient pas forcément un discours consensuel parmi les anciens combattant d'Algérie.

    Il a pourtant passé 14 mois dans l'Oranais entre 1961 et 1962, alors que les affrontements entre l'OAS et l'armée montaient en puissance. Mais le Chapelais minimise son rôle dans ce conflit. Il parle plutôt d'autres qui, eux, ont combattu et vu les horreurs d'une guerre qui a longtemps nié ce terme.
    Roger Guionnet non plus « n'a pas vu la guerre ». Le Cerizéen a quant à lui passé six mois au Maroc en 1955. « J'ai fait partie des premiers contingents de maintenus (NDLR : appelés dont le service a été prolongé) . Je suis resté à l'arrière. »
    On ne peut pas avoir participé à cette guerre sans en garder un lien ambigu avec l'Afrique du Nord.

    Les hypocrites qui nous ont envoyé là-bas disaient « C’est du maintien de l’ordre »

    Il a fallu attendre 1999 pour qu’ils reconnaissent « officiellement » que c’était une guerre…

    « On nous a servi un baratin autour de la défense de la civilisation », se souvient Roger. « On avait appris au catéchisme que les catholiques étaient les bons, les protestants des hérétiques et les musulmans des infidèles. »
    « J'aurais dû refuser de faire cette guerre », regrette Gilbert, comme si la désertion avait été un choix facile. « J'applaudis aux gestes de repentance de l'État français. On devrait aller plus loin. Mais je ne condamne pas ceux qui n'ont pas le même point de vue. Cela peut justifier ce qu'ils ont fait. Je suis pour le devoir de mémoire à condition qu'il inclue le colonialisme, les humiliations. »
    Gilbert est un ancien combattant malgré lui. « Je n'ai pas adhéré aux anciens combattants en revenant d'Algérie. Je ne me voyais pas bomber le torse pour une médaille, aller aux banquets. Je ne voulais plus en entendre parler. « J'ai été frappé en arrivant là-bas de voir les enfants faire les poubelles », se souvient Roger…
     

     

     

    « Les images de Bouteflika et l’image de l’Algérie : Insoutenable Nous étions en 2001 : Le tabou du viol des femmes pendant la guerre d’Algérie commençait à être levé… »

  • Commentaires

    1
    Dimanche 5 Novembre 2017 à 13:15

    Le terme d’ancien combattant ne me concerne pas...Il est offensant pour ceux qui sont tombés pour défendre la France au cours des deux guerres mondiales. En Algérie nous occupions un pays qui n’avait rien demandé sans parler des crimes commis ! Nous avons ce statut étrange: Anciens d’Algerie... culpabilisés et minables...

     540 jours pour moi: ça ne comptera jamais double: c’est réservé aux militaires d’active...De toute façon, c'était déjà trop, alors, 1080, non merci...

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