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Déplacement présidentiel à Montluc : des mémoires oubliées
Déplacement présidentiel
à Montluc : des mémoires oubliées
Marc André, historien : « La République n’est juste que si elle fait face à toute son histoire »
Vendredi 16 juin 2023, par Michel Berthélémy de la 4acg
Source : Marc André, dans le Monde du 11 juin 2023
En rendant hommage, le 8 mai dernier, dans l’ancienne prison de Montluc, à Lyon, exclusivement à « l’esprit de résistance propre au peuple français », le président de la République a ignoré les commémorations solidaires qui, de 1944 à 1962, réunissaient les cultes catholique, protestant, juif et musulman.
De telles commémorations prolongeaient ainsi le combat contre le racisme et l’antisémitisme, et avaient notamment permis d’inviter une femme doublement endeuillée, qui avait perdu son mari pendant la seconde guerre mondiale et son fils durant la guerre d’Algérie.
En concentrant son discours sur la Résitance française et la figure de Jean Moulin, le président a contribué à cloisonner l’histoire du site de Montluc, rendant difficile l’expression des autres mémoires. On est loin des paroles de l’ancien résistant Charles Palant qui, en 1958, transmettait son expérience de « rescapé de l’enfer » tout en dénonçant les ligues factieuses et l’emprisonnement des « fils de martyrs » de la Résistance refusant de servir en Algérie.
Dans son discours, Emmanuel Macron s’est révélé très proche des propos du président de l’association des Rescapés de Montluc s’insurgeant, début 2023, contre « la dilution de la période 1943/1944 dans cent ans d’histoire banale du site ». En semblant épouser cette « banalité » en ne ré-équilibrant pas les mémoires, l’intervention présidentielle a déclenché une vive réaction algérienne en souvenir des militants du FLN guillotinés en ce lieu.
Entendant célébrer « l’esprit de résistance », Emmanuel Macron aurait pu rappeler celui de ces ex-résistants ou de leurs descendants enfermés pour avoir rejeté les guerres coloniales, celui des Algériens condamnés à mort pour leur lutte d’indépendance (voir http://www.4acg.org/Claudie-Duhamel-incarceree-a-Montluc-pour-soutien-au-FLN). C’était pourtant l’occasion de s’unir pour rompre le cycle de la compétition mémorielle. D’autant que cette date du 8 mai évoque également un autre drame, celui des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata. Dommage…
Marc André est historien et maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Rouen. Auteur de « Une prison pour mémoire, Montluc de 1944 à nos jours » (ENS éditions, 2022).
https://journal.lemonde.fr/data/2960/reader/reader.html?xtor=EPR-32280632-[jelec]-20230610-[cta_lire]# !preferred/0/package/2960/pub/4152/page/28/alb/170631
« Hommage à Maurice, Josette et Pierre Audin (vidéo officielle de l’Association)Manouchian au Panthéon : Macron toujours dans l’entre-deux »
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Commentaires
Eh oui on continue à entretenir l'ambiguïté sur le colonialisme.
Macron n'en est pas encore à amalgamer les tenants de l'OAS à des Résistants comme le fait Ménard à Béziers qui change le nom de la rue du 19 mars 1962 pour lui donner celui de Commandant Denoix de Saint-Marc éros national mais on est sur la même voie.