• El Watan : François Nadiras, l’engagement d’une vie

    Alors que le 18 juillet 2017 je mettais en ligne l’article de La Marseillaise concernant un hommage à François Nadiras, voici le lien : http://www.micheldandelot1.com/francois-nadiras-un-homme-une-vie-une-oeuvre-et-un-engagement-sans-fai-a130726508 François, répondait à un commentaire de Jean-François Gavoury et il eut pour nous, malgré sa terrible maladie qui allait l’emporter un peu plus d’1 mois après, ses derniers mots, si précieux et inoubliables :

     

      François Nadiras  

         
     

    « Je suis ému de ces hommages,  

    prononcés par des amis militants 

    qui ne sont pas restés non plus "les bras ballants". 

    Je les associe à ces évocations. 

    On continue ! » 

    François Nadiras 

    En dehors de La Marseillaise, de Var Matin et de l’Humanité pour la Presse française, voici l’hommage rendu à François Nadiras par le quotidien algérien El Watan paru ce jour 11 septembre 2017

    François Nadiras, l’engagement d’une vie

     

    Par Brahim Senouci (universitaire) 

    François Nadiras vient de mourir. Cette phrase tombe de ma plume et je n’y crois pas. Je le savais malade, d’une de ces maladies qu’on appelle dégénératives qui condamnent celles et ceux qu’elle affecte. Chez François, elle était visible. Il utilisait difficilement ses mains. Il était tellement frêle, tellement fragile que le fait qu’il se soit tenu si longtemps debout tenait du miracle. Comment aurait-on pu imaginer que cet homme ait été si productif, voire prolifique, durant des décennies ?

    Il habitait Toulon, ville qui constitue un haut lieu du rassemblement de ceux qu’on appelle les «algérianistes», une espèce tenace qui continue en France la guerre d’Algérie, en perturbant les réunions d’historiens ou en essayant de peser, avec un certain succès, sur le personnel politique.

    C’est naturellement l’un des viviers du Front national depuis sa création. François était l’antithèse de cette engeance. Il a mis la même ardeur à défendre l’indépendance de l’Algérie qu’à combattre le fascisme des inconsolables de l’Algérie française. Il l’a fait par des écrits. Mais il l’a fait aussi de façon beaucoup plus physique, plus directe, en étant présent sur le parcours des nervis qui infestent les rues de Toulon, en brandissant des pancartes proclamant le rejet de l’extrême droite. Il l’a fait aussi en fondant une section de la Ligue des droits de l’homme dans cette ville dans laquelle, en 1995, le Front national avait remporté les élections municipales.

    Oui, lui, si frêle, si malade, avait la force de manifester par sa présence la permanence du refus de la haine et du racisme.
    Il a été aussi de celles et ceux qui ont pétitionné avec succès pour exiger l’abandon de la funeste idée de transférer les cendres de Bigeard aux Invalides. C’est vrai que l’homme aux «crevettes Bigeard» a eu quand même l’insigne honneur d’un enterrement à Fréjus, sous les auspices de l’ex-président Giscard d’Estaing et de l’actuel ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian qui a commis en la circonstance un déplorable panégyrique…

    Il m’a apporté un soutien constant, extrêmement utile dans la popularisation de la pétition pour la restitution des crânes de nos martyrs, hélas toujours sous séquestre au Musée de l’Homme. Il avait fait sien ce combat. Nous échangions quotidiennement au téléphone. Il faisait montre d’une joie débordante quand le nombre de signataires passait les mille, les deux mille…, jusqu’à ce qu’il tutoie les trente mille !
    Il était professeur de mathématiques en classes préparatoires. Il en avait gardé la rigueur et le sens du détail.

    C’est grâce à lui que j’ai appris que les signataires de France étaient bien plus nombreux que ceux d’Algérie. Il s’interrogeait sur les raisons de ce paradoxe. Tout en le déplorant, je lui en ai proposé les explications qui me venaient à l’esprit. L’Algérie allait si mal. Les Algériens versaient pour beaucoup dans le désespoir. Il était difficile de les convaincre de s’inscrire dans une action collective. Dommage qu’ils n’aient pas connu François. Voilà quelqu’un qui se savait marchant vers sa fin dernière, conscient de la dégradation de son corps, mais qui s’inscrivait dans le combat éternel pour la dignité de l’humain. Il s’y inscrivait pour le «temps qui reste» et qui lui était compté.

    Sa plus belle œuvre est la construction de ce fameux site, http://ldh-toulon.net/, site à la double vocation : le combat contre l’extrême droite, contre le racisme et pour toutes les autres causes défendues par la LDH d’une part, et la constitution d’une bibliothèque de référence sur la colonisation, d’autre part. Ce site contient environ 5000 articles, qui font le bonheur de nombreux lecteurs, en particulier des historiens. A quelques rares exceptions près, tous les articles sur la colonisation ont été mis en ligne par lui-même.

    C’était un travailleur hors pair. Il bénéficiait tout de même de l’aide efficace de son épouse Elizabeth qui partageait ses idées. En juillet dernier, il a fallu qu’il se rende à l’évidence et qu’il annonce à ses amis qu’il ne se sentait plus capable de faire vivre le site. Cela a été un crève-cœur inimaginable. Dans un premier temps, il a été convenu de scinder le site en deux parties : l’une qu’on pourrait qualifier de «locale», qui concernerait l’extrême droite toulonnaise et les autres questions de violation des droits et que la section locale de la LDH continuerait d’administrer, l’autre, consacrée à la colonisation et au racisme et qui serait gérée par un comité de rédaction et une association d’historiens et de militants engagés sur cette question.

    La mort l’a saisi avant que ce partage définitif se fasse, mais il est en bonne voie et va être poursuivi… 

    Je voudrais ajouter une dernière chose, pour les lecteurs d’El Watan et pour tous mes compatriotes. Ma fréquentation de François Nadiras m’a fait prendre conscience de la «perversité» du désespoir. François aurait pu s’y abandonner et finir sa vie en se lamentant sur la terrible maladie dont il savait qu’il finirait par en mourir. Il a fait exactement le contraire. Il a agi comme un homme valide qui aurait la vie devant lui. C’est qu’il ne considérait pas sa fin comme celle du monde. Il se sentait comptable de la souffrance humaine, où qu’elle s’exprime, et il mettait ses dernières forces dans le combat pour la réduire. J’ai compris que l’engagement n’est pas une option mais un devoir. Ne pas s’engager, c’est se rendre complice…

    SOURCE : http://www.elwatan.com/actualite/francois-nadiras-l-engagement-d-une-vie-11-09-2017-352451_109.php 

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