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En visite en Algérie, Le Drian appelle à une "relation apaisée"
En visite en Algérie, Le Drian appelle
à une "relation apaisée"
Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, le 6 avril 2021à l'Assemblée nationale à Paris. Photo AFP / Bertrand GUAY
Le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a appelé mercredi 8 décembre à une "relation apaisée" entre la France et l'Algérie où il a effectué une visite destinée à désamorcer une crise bilatérale d'une rare gravité.
"Je souhaite que nos deux pays reprennent ensemble la voie d'une relation apaisée et puissent regarder vers l'avenir", a déclaré M. Le Drian à la presse après avoir rencontré le président Abdelmadjid Tebboune. "Nous souhaitons que le dialogue que nous relançons aujourd'hui puisse conduire à une reprise des échanges politiques entre nos deux gouvernements en 2022, au-delà des blessures du passé que nous devons regarder en face au regard des malentendus qu'il nous revient de dépasser", a-t-il ajouté. Il a aussi affirmé que l'Algérie était "un partenaire essentiel pour la France sur le plan bilatéral mais également sur le plan régional". "La France et l'Algérie font face ensemble à des défis majeurs dans un environnement régional et international incertain. Nous devons être en mesure de proposer des réponses opérationnelles aux défis que représentent le terrorisme dans la région sahélienne, mais aussi l'émigration clandestine ainsi qu'aux enjeux de développement économique", a-t-il dit.
"Sur tous ces sujets et parce que nos intérêts sont communs, notre concertation est primordiale et c'était le sens de ma présence aujourd'hui à Alger", a poursuivi le ministre français.Les autorités algériennes n'ont fait aucun commentaire sur la teneur des entretiens avec M. Le Drian, qui a également rencontré son homologue algérien Ramtane Lamamra.
"Mission délicate"
Le président Emmanuel Macron avait déclenché l'ire d'Alger en octobre en accusant, selon des propos rapportés par le quotidien français Le Monde, le système "politico-militaire" algérien d'entretenir une "rente mémorielle" autour de la guerre d'indépendance et de la France, ancienne puissance coloniale, et ce alors que Paris a engagé des travaux pour tenter d'apaiser cette question mémorielle en France. D'après le quotidien, il s'était également interrogé sur l'existence d'une "nation algérienne" avant la colonisation française, suscitant de vives réactions dans la société algérienne.En signe de protestation, l'Algérie avait rappelé son ambassadeur à Paris le 3 octobre et interdit le survol de son territoire aux avions militaires français ralliant le Sahel.
Le président français a depuis fait part de ses "regrets" devant la polémique engendrée et s'est dit "fortement attaché au développement" de la relation bilatérale.
"Face au blocage dans ses relations avec Alger, le président Macron a chargé son ministre des Affaires étrangères d'une mission délicate : retour à une +normalité+ avec l'Algérie, contrer les tensions existantes et renouer le dialogue politique avec les autorités algériennes", a estimé dans un tweet Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève (Suisse).
La présidence française avait fait savoir le 9 novembre que M. Macron "regrettait les polémiques et les malentendus" avec l'Algérie et assurait avoir "le plus grand respect pour la nation algérienne" et "son histoire". Le chef de la diplomatie algérienne avait salué ces déclarations "manifestant du respect" envers son pays et s'était rendu à Paris pour assister à la conférence sur la Libye.
"Partenariat ambitieux"
Le chef d'Etat algérien avait prévenu début novembre qu'il ne ferait pas "le premier pas" pour tenter d'apaiser les tensions avec son homologue français avant d'envoyer le signe d'une possible détente en prédisant "un retour à la normale" des relations avec la France à condition qu'elles se fassent sur une base d'"égal à égal".
Les relations entre Paris et Alger ont connu de nombreuses turbulences. La dernière crise aussi grave date du 23 février 2005 quand le Parlement français avait adopté une loi reconnaissant "le rôle positif de la colonisation".
La visite de M. Le Drian survient alors qu'approchent des anniversaires importants, comme ceux des accords d'Evian du 18 mars 1962 mettant fin à la guerre d'Algérie. Le président Macron a multiplié les initiatives mémorielles, dans une démarche inédite en France pour tenter d'apaiser la mémoire de ce conflit qui touche encore des millions d'habitants. Il a commandé à l'historien Benjamin Stora un rapport sur la question et fait plusieurs gestes symboliques en direction de l'Algérie comme la restitution de restes de combattants indépendantistes du XIXe siècle ou la reconnaissance de l'assassinat de l'avocat algérien Ali Boumendjel en 1957. Il a aussi dénoncé pour la première fois des "crimes inexcusables pour la République", à l'occasion d'une cérémonie officielle pour les 60 ans du massacre par la police française de manifestants algériens, le 17 octobre 1961 à Paris.
Il parle comme un livre mais il manque des pages !
Le point de vue de Jacques CROS
Il s’agit de Le Drian, notre ministre des affaires étrangères. En cette veille du 60ème anniversaire du cessez-le-feu en Algérie il appelle à l’apaisement sur les deux rives de la Méditerranée. On ne pourrait que souscrire à de telles perspectives. Sauf que…
Personnellement je n’ai aucun contentieux avec les Algériens. J’en ai par contre avec les dirigeants de la France qui m’ont volé vingt-six mois de ma jeunesse me mettant dans une situation proprement absurde. Qu’avais-je à voir avec ce conflit anachronique qui se déroulait à plus de mille kilomètres de chez moi ? Une guerre injuste et sans autre perspective que l’indépendance d’un pays que nous avions conquis et maintenu sous notre domination par la force armée !
Alors si on veut se réconcilier il faut reconnaître ses torts. Quelles étaient les conséquences pour les autochtones du colonialisme qu’on avait instauré comme mode de fonctionnement de la société en Algérie ? Un jugement avait été porté par Macron alors candidat à la présidence de la République le colonialisme est un crime contre l’humanité.
Il n’est pas repris par son ministre des affaires étrangères. Celui-ci fait également l’impasse sur les exactions d’une guerre menée pour perpétuer un tel système. A partir de là son appel à l’apaisement n’a aucune chance d’être entendu. Et ce par les Algériens ou les autres victimes de notre politique coloniale. Parmi celles-ci on n’oubliera pas les appelés du contingent qui ont au mieux perdu une partie de leur existence dans cette affaire.
Du côté de Macron c’est un pas de deux qui nous est dansé. A l’opposé de déclarations auxquelles nous souscrivons il y a des initiatives que nous réprouvons sans restriction. La présence de la ministre déléguée aux anciens combattants à la cérémonie pro-OAS devant le mémorial du Quai de Branly le 26 mars 2021 en est une. Son communiqué lors du 5 décembre de la même année en est une autre.
L’opération politicienne de séduction en direction des harkis s’inspire de la même volonté de faire des concessions aux tenants des nostalgériques de l’Algérie française. Idem avec les dispositions prises contre le libre accès aux archives de cette période douloureuse de notre histoire.
La vérité exige une position sans ambiguïté concernant ce qu’a été notre passé et ce qu’est notre présent. Le Drian, pas plus que Macron, ne se place dans le droit fil de la franchise qui permettrait une réconciliation nationale et internationale claire qui est souhaitable.
Jacques CROS
« Tortures françaises en Algérie : Quand l’ignominie porte un nomDe l'affaire Audin à la liberté d'accès aux archives »
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