• Essais nucléaires français au Sahara : pour les habitants du sud-ouest libyen, les retombées radioactives continuent à tuer

     

    Essais nucléaires français au Sahara : pour

    les habitants du sud-ouest libyen, les

    retombées radioactives continuent à tuer

      Essais nucléaires français au Sahara : pour  les habitants du sud-ouest libyen, les retombées radioactives continuent à tuer

    Le premier essai de la bombe atomique française, effectué près de Reggane, au cœur du Sahara algérien, le 13 février 1960 (Reuters)

    Entre 1960 et 1966, la France a fait exploser dix-sept bombes dans le Sahara algérien. Dans le désert voisin, les Libyens réclament des enquêtes pour estimer les préjudices subis jusqu’à aujourd’hui

    « Je cherche des mots qui n’existent pas. Mon père s’en alla le jour où le vent du désert pleura, et son absence est toujours présente, un cri strident et muet, tel un vide que les mots ne peuvent remplir. » 

    Abed Alfitory a aujourd’hui 64 ans. Mais il se souvient encore aujourd’hui de la mort de son père et des événements qui l’ont précédée.

    Abed Alfitory est originaire du Fezzan, la région majoritairement désertique du sud-ouest de la Libye. C’est ici, au cœur du Sahara, qu’il a passé vingt ans à rassembler des ressources pour son livre Desert Cry, encouragé par l’histoire de son père, qui perdit la vue en 1960 et la vie quelques années plus tard.

      Essais nucléaires français au Sahara : pour  les habitants du sud-ouest libyen, les retombées radioactives continuent à tuer

    S’adressant à Middle East Eye depuis son domicile à al-Zighan, ce professeur de philosophie à l’université de Sebha raconte une enfance lourde, entre les conditions de vie difficiles et la cécité de son père qui le tourmentait.

    Plus tard, il a découvert ce qui avait causé l’état de son père. Il a également appris qu’il n’était pas le seul.

    En 1960, de nombreux habitants du Fezzan furent victimes de maladies respiratoires et d’ophtalmie. Les infections oculaires aiguës étaient alors si répandues qu’on finit par parler de l’« année de l’ophtalmie ».

    Il y eut ensuite l’« année de la variole », l’« année du “vent jaune” » ou encore l’« année corrosive ». Les cancers parmi les habitants du Fezzan se multiplièrent. Des pluies acides s’abattirent sur une terre affligée. Que s’était-il passé ? 

    Des explosions dans le Sahara

    Le 13 février 1960, la France effectua son premier essai nucléaire à Reggane, une ville-oasis du sud de l’Algérie. La guerre d’Algérie sévissait depuis 1954 et le président français Charles de Gaulle tenait à montrer au monde entier que la France avait sa place à la table des puissances militaires.

    C’était pour servir cet objectif que la première bombe atomique française, baptisée « Gerboise bleue » en référence au bleu du drapeau tricolore et au nom d’un petit animal du Sahara, explosa dans le désert algérien. Elle libéra une quantité d’énergie quatre fois supérieure à celle de la bombe américaine larguée à Hiroshima.

    Quelques mois plus tard, alors que le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev était en France pour une visite officielle, une deuxième bombe française explosa dans le Sahara.

    Entre 1960 et 1966, soit quatre ans après l’indépendance de l’Algérie, la France a fait exploser dix-sept bombes dans le Sahara, dont quatre dans l’atmosphère près de Reggane. Les témoins de ces essais les ont décrits comme la chose la plus brutale qu’ils aient jamais vue de leur vie.

    Quatre essais souterrains dans le Sahara algérien « n’ont pas été totalement contenus ou confinés », souligne un rapport parlementaire français.

    Le plus célèbre de ces cas est l’accident Béryl, au cours duquel neuf soldats et plusieurs villageois touaregs furent lourdement irradiés.

    L’impact du programme d’essais nucléaires français en Algérie fut immédiat et est toujours d’actualité.

    Après la première explosion en 1960, des retombées radioactives arrivèrent jusqu’au Ghana, alors indépendant depuis peu, ainsi qu’au Nigeria, qui vivait ses derniers jours en tant que colonie britannique.

    Des documents secret-défense cités par Le Parisien en 2014 ont révélé que des zones beaucoup plus importantes que ce qui avait été avancé par le gouvernement avaient été touchées.

    En réalité, contrairement aux affirmations de Paris, les radiations de la première bombe avaient couvert à elles seules une région qui s’étendait de l’Algérie au Nigeria en passant par la Libye, la Mauritanie ou encore le Mali. L’impact toucha même l’Espagne et l’Italie.

    Selon une carte militaire française, le sud de la Libye – et le Fezzan en particulier – furent durement touchés, puisque des vents d’ouest transportèrent un nuage nucléaire depuis les sites d’essai d’In Ekker en Algérie jusqu’au Fezzan.

    Un grain de sable retient des radiations pendant une période estimée à 24 000 ans. Les habitants du désert affirment qu’une de leurs revendications majeures – que la zone soit débarrassée des résidus de surface restants et que les endroits où sont enterrés les déchets nucléaires soient dévoilés – est complètement ignorée par la France.

    Un ciel orangé

    Le 20 février 2021, des sables sahariens venus d’Algérie ont balayé la Méditerranée. Le ciel est devenu orange. Le sable a apporté des niveaux inhabituellement élevés de radiations.  

    En Algérie, des études menées au fil des ans à proximité des sites d’essais ont révélé que la population locale continue de subir les répercussions de ces expériences, avec des malformations congénitales et des maladies graves « transmises de génération en génération, outre de nombreux types de cancer ».

    Entre 27 000 et 60 000 Algériens ont été affectés par des niveaux inhabituels de radiations, selon Abdel-Kadhim al-Aboudi, un professeur algérien de physique nucléaire à l’université d’Oran décédé en 2021.

    Les chercheurs qui s’intéressent à l’impact des essais ont été confrontés à des obstructions de toutes sortes : les autorités françaises, libyennes et algériennes sont toutes soupçonnées de bloquer les enquêtes

    De l’autre côté de la frontière, dans le Sahara libyen, l’impact des essais nucléaires français est moins bien documenté. Les chercheurs qui s’intéressent à l’impact des essais ont été confrontés à des obstructions de toutes sortes : les autorités françaises, libyennes et algériennes sont toutes soupçonnées de bloquer les enquêtes.

    Les entretiens avec la population locale et les informations officielles confiées à MEE montrent cependant que des milliers de personnes dans le Fezzan subissent encore les répercussions des essais français effectués dans les années 1960.  

    « Il est nécessaire de faire des recherches et d’enquêter sur les préjudices subis par les habitants du Fezzan à la suite de ces tests », affirme à MEE Mohammed Salih, 55 ans, enseignant dans le village de Wadi Atba. Il raconte que l’année 1960 a également porté le nom d’« année de la surprise » et que des personnes et des maisons furent enfouis à la suite de ces essais.

    « La situation dure depuis longtemps et laisse encore des traces aujourd’hui, explique-t-il. Les gens souffrent. » 

    Saada Jibril, 70 ans, un agriculteur du village de Ghaddwah, raconte qu’en 1960, des pluies acides causèrent la mort de dromadaires et frappèrent la population « d’une fièvre qui a tué des familles entières ».

    L’une des victimes fut son grand-père, qui mourut deux jours après être entré dans un état fiévreux. « J’étais enfant, mais je me souviens encore de ces moments douloureux », confie-t-il à MEE.

    « La douleur est toujours présente », affirme à MEE Mohammed Nasr, originaire du Fezzan. « On voit encore apparaître dans le Fezzan des centaines de personnes atteintes d’un cancer dont la cause est inconnue. Il ne se passe pas un jour sans que l’on enterre des personnes mortes d’un cancer. »

    Mohammed Nasr évoque également les faibles taux de fécondité enregistrés chez les générations qui se succèdent depuis les essais nucléaires. Selon lui, cela est dû en partie au fait que « les fortes pluies constituent la seule source d’eau souterraine dans le Fezzan en raison de sa rareté. Et la source provient du désert algérien, ce qui renforce l’hypothèse de déchets nucléaires enfouis. »

    Les recherches montrent que les essais ont entraîné la contamination des eaux souterraines et la présence de radioactivité dans celles-ci.

    D’après l’Union libyenne contre le cancer, le nombre de cas dans le sud du pays est élevé, notamment pour le cancer du poumon.

    En dépit de l’absence de statistiques précises concernant le nombre de personnes atteintes de cancer en Libye, Omar Ali, consultant en oncologie, souligne que « le nombre est énorme ». « Cela s’explique par la pollution de l’eau et de l’air par les explosions nucléaires », explique-t-il à MEE.

    L’impact des explosions nucléaires se manifeste généralement en deux temps : en premier lieu surviennent les maladies de la peau et les allergies. On retrouve dans un deuxième temps des tumeurs cancéreuses qui touchent de nombreuses personnes dans le désert libyen.

    Un cruel coup du sort

    Dans le cadre de ses recherches pour son livre, Abed Alfitory a cherché à recueillir des témoignages oraux dans le Fezzan, en s’adressant notamment aux anciens et en échangeant avec le professeur al-Aboudi.

    Abdel-Kadhim al-Aboudi a écrit au sujet des effets à long terme des détonations nucléaires, notamment les tumeurs et les anomalies congénitales.

    Par un cruel coup du sort, Abed Alfitory, qui a tant œuvré à rendre compte de la douleur des habitants du Fezzan et qui a vu son père mourir à cause des essais nucléaires, souffre aujourd’hui d’une tumeur cancéreuse.

    Ses yeux se remplissent de tristesse lorsqu’il se confie à ce sujet à MEE.

    « Hier, mon père a perdu la vue, ce qui fut pour moi un grand malheur. Aujourd’hui, la même cause m’empêche de me déplacer. Combien de maux attendent les générations futures ? » 

    En fin de compte, il ne lui reste que les souvenirs durables du père qu’il aimait tant. « La lumière qui émane de la bonté de sa mémoire me réchauffe encore », confie-t-il à MEE.

    « Je suis encore comme j’étais avant de m’endormir. Entre l’aube et le crépuscule, je ferme les yeux et je lui parle. Il y a des choses que l’on ne peut voir que dans l’obscurité. J’entends encore le murmure de son souvenir : ses derniers mots alors qu’il était sur son lit de mort, le moment des adieux, la difficulté de perdre un père. »

    SOURCE : Essais nucléaires français au Sahara : pour les habitants du sud-ouest libyen, les retombées radioactives continuent à tuer | Middle East Eye édition française

    Patrice Bouveret : « Il y a un déni en France

    sur l’affaire des essais nucléaires dans le

    Sahara algérien »

    Le directeur de l’Observatoire des armements regrette l’absence de volonté politique en France pour régler le contentieux des expériences atomiques des années 60, et notamment le verrouillage des archives qui permettraient d’identifier les zones contaminées mettant en danger la santé des Algériens 

      Essais nucléaires français au Sahara : pour  les habitants du sud-ouest libyen, les retombées radioactives continuent à tuer

    Photo prise à Reggane, dans le Sahara algérien, en décembre 1960 : le général Jean Thiry décrit aux journalistes l’explosion, le 27 décembre 1960, de la troisième bombe atomique française lors de l’opération dite « Gerboise rouge » (AFP)

    Entre 1960 et 1966, l’armée française a conduit dix-sept expériences nucléaires, aériennes et souterraines, dans le Sahara algérien. Ces essais, réalisés d’abord sous la présidence du général Charles de Gaulle, ont permis à la France de devenir la quatrième puissance nucléaire mondiale. 

    Mais en même temps, ils ont entraîné une importante pollution radioactive, induite en partie par les tonnes de déchets laissés sur les lieux des explosions. 

    L’État français, qui n’a jamais reconnu sa responsabilité dans cette affaire, refuse toujours de publier les archives sur les essais. 

    En sa qualité d’expert dans le nucléaire, Patrice Bouveret, directeur de l’Observatoire des armements, membre de la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN) qui a reçu le prix Nobel de la paix 2017, milite depuis plusieurs années pour la mise en place d’une coopération étroite entre la France et l’Algérie afin de nettoyer et réhabiliter les zones irradiées. 

    Middle East Eye : Le ministre algérien des Moudjahidine (anciens combattants de la guerre d’indépendance) a révélé dernièrement que la France refusait encore de remettre à l’Algérie les relevés topographiques de ses essais nucléaires dans le Sahara entre 1960 et 1966 et qu’elle continuait à traiter ce dossier « dans le plus grand secret ». Ceci vous étonne-t-il ? 

    Patrice Bouveret : Non. Cela ne m’étonne pas du tout. Le traitement de cette affaire est très lent et manque cruellement de transparence. 

    La dix-septième réunion du comité mixte franco-algérien sur la réhabilitation des anciens sites des essais nucléaires s’est tenue à la fin du mois de mai dernier, pendant deux jours. Mais on ne connaît toujours pas ce qui a été convenu. Après dix-sept réunions, les deux parties auraient dû théoriquement avancer. Or, ce n’est visiblement pas le cas. 

    Le traitement de cette affaire est très lent et manque

    cruellement de transparence

    La demande de l’Algérie est pourtant simple. Elle concerne l’ouverture et la transmission par la France des archives sur les zones où les déchets nucléaires ont été enfouis. Il s’agit aussi de procéder conjointement à l’identification des zones impactées par la radioactivité et au traitement des déchets. 

    Le blocage des pourparlers autour de ces questions techniques démontre l’absence de volonté politique en France sur la question des essais nucléaires en Algérie.  

    MEE : À quoi est due, selon vous, cette absence de volonté politique alors qu’officiellement, la France, par la voix de son président Emmanuel Macron, prône le règlement des questions de contentieux mémoriel avec l’Algérie ? 

    PB : La position de la France concernant l’Algérie est en effet très contradictoire. Elle l’est davantage concernant le dossier des essais nucléaires. On pourrait se demander par exemple pourquoi l’État français, sous la présidence de François Hollande [2012-2017] et maintenant avec Macron, s’engage à assumer les conséquences de ses expériences atomiques en Polynésie mais pas en Algérie. 

    Le seul discours dont on dispose est celui des autorités algériennes, qui ont indiqué à plusieurs occasions que la France bloquait les négociations. À aucun moment, les responsables français ne se sont exprimés. Il y a un déni en France sur l’affaire des expériences nucléaires dans le Sahara. 

    Le changement du personnel politique en France a pourtant vocation à faciliter le traitement du dossier. Les responsables d’aujourd’hui ne sont pas ceux qui avaient organisé les expériences. On peut comprendre qu’à l’époque, les personnes qui avaient pris les décisions avaient du mal à reconnaître leur responsabilité dans la mise en danger de la vie des populations. 

    Mais nous ne sommes plus dans ce cas de figure. Les générations au pouvoir se sont renouvelées et il n’y plus aucune raison justifiant les blocages de la part des autorités françaises. À moins qu’il y ait d’autres secrets que l’État français ne veut pas rendre publics ou tout simplement parce qu’il ne veut pas assumer sa responsabilité en tant qu’autorité politique dans la mise en danger de la vie d’autrui. 

    En tout cas, le blocage des négociations sur le dossier des essais nucléaires risque d’empoisonner les relations entre l’Algérie et la France alors que cette dernière ne cesse d’exprimer sa volonté de construire des rapports apaisés. 

    MEE : L’un des blocages les plus importants correspond à la difficulté d’accès aux archives militaires sur les essais.  

    PB : Les archives françaises sur le nucléaire font l’objet d’un double verrouillage. Le code du patrimoine de 2008 a créé une catégorie d’archives incommunicables dans la durée et qui concernent toutes les armes de destruction massive, dont les armes nucléaires. 

    Tout récemment, le Parlement a voté une loi sur l’anti-terrorisme et le renseignement qui confirme le verrouillage des archives classées secret défense. Cette loi octroie aux autorités militaires un droit de veto sur la communication des documents concernant par exemple les retombées des essais nucléaires dans le désert algérien, c’est-à-dire la quantité de radioactivité diffusée dans les sites des essais et sur les déchets enterrés sur place, comme les véhicules utilisés pour tester leur capacité de résistance à la radioactivité. 

    D’autres déchets de très haute activité se trouvent dans les galeries souterraines qui avaient été creusées dans la montagne de Tan Afella, dans le Hoggar. Ces derniers peuvent rester polluants pendant des dizaines de milliers d’années en contaminant la chaîne alimentaire et les nappes phréatiques.  

    MEE : La France est-elle dans l’obligation légale de nettoyer les sites contaminés? 

    PB : D’un point de vue juridique, la France n’est engagée par aucun traité l’obligeant à nettoyer les sites des expériences. Le traité d’interdiction des essais nucléaires qu’elle a signé et ratifié ne prévoyait pas, au moment de sa conclusion en 1996, le nettoyage des sites contaminés et la prise en charge des populations irradiées. 

    Ces clauses n’y ont été incluses qu’en 2017, après la renégociation du traité à la demande de certains États comme l’Algérie. Mais la France ne les a pas approuvées. 

    Il faut savoir par ailleurs que les accords d’Évian en 1962 [sur l’indépendance de l’Algérie], qui ont permis à la France de poursuivre ses essais nucléaires en Algérie jusqu’en 1966, ne prévoyaient pas d’engagement français sur la réhabilitation des sites utilisés pour les expériences.

    MEE : Les populations irradiées du Sahara ont-elles toutefois la possibilité de poursuivre l’État français en justice ? 

    PB : C’est possible sur le plan sanitaire puisque la loi Morin, entrée en vigueur en 2010, prévoit que toute personne victime peut demander une indemnisation si elle répond à trois critères : avoir séjourné dans les zones contaminées (1) pendant la période des essais (2) et avoir une maladie répertoriée comme radio-induite (3). 

    Or depuis 2010, 53 dossiers uniquement ont été déposés par des Algériens et un seul d’entre eux a été indemnisé. Le nombre réduit de demandes s’explique par un tas de raisons. 

    Les victimes ne connaissent pas nécessairement l’existence de la loi sur les indemnisations. Il n’y a pas eu de missions de sensibilisation et d’accompagnement des victimes sur le plan juridique.

    MEE : Pourquoi les autorités algériennes ne se sont-elles pas emparées de la loi Morin pour aider les populations irradiées à faire des demandes d’indemnisation ? 

    PB : Les autorités algériennes ont déclaré ne pas être en faveur d’indemnisations individuelles au cas par cas mais plutôt pour une prise en charge collective des problèmes de santé induits par les essais. 

    [Les autorités algériennes] avaient sans doute peur que les populations leur reprochent d’avoir autorisé la poursuite des essais même si elles y étaient obligées compte tenu du rapport de force encore largement favorable à la France

    Les demandes pourraient concerner, par exemple, la fourniture par la France de matériel médical et l’aide à la construction de services de santé spécifiques pour soigner les maladies radio-induites. 

    MEE : Depuis quelques années, l’affaire des essais nucléaires français dans le Sahara est mise en avant par les responsables politiques algériens. Ce qui n’était pas le cas auparavant. Quelle en est la raison ? 

    PB : Sur les dix-sept essais dans le Sahara, onze ont été réalisés après l’indépendance de l’Algérie avec l’accord des autorités algériennes. Leur implication explique un peu pourquoi elles ont gardé le silence pendant longtemps. 

    Elles avaient sans doute peur que les populations leur reprochent d’avoir autorisé la poursuite des essais même si elles y étaient obligées compte tenu du rapport de force encore largement favorable à la France, à l’époque de l’indépendance de l’Algérie.

    MEE : Des particules de radioactivité sont tombées en France après le passage d’un nuage de sable provenant du Sahara en février 2022. Malgré cela, le sujet sur les essais nucléaires en Algérie reste marginal. Qu’en pensez-vous? 

    PB : Des nuages de sable arrivent régulièrement en France. Mais c’est la première fois qu’un laboratoire indépendant a analysé les particules et communiqué sur leur contenu radioactif. 

      Essais nucléaires français au Sahara : pour  les habitants du sud-ouest libyen, les retombées radioactives continuent à tuer

    Tempête de sable du Sahara à Quiberon, dans l’est de la France, le 16 octobre 2017 : le cumul de ces éléments dans le corps humain peut à la longue entraîner des maladies (AFP/Loïc Venance)

    Sur le plan officiel, on a minimisé les risques en indiquant que les particules avaient une très faible radioactivité et ne représentaient aucun danger sur la santé. Or, le cumul de ces éléments dans le corps humain et celui des animaux peut à la longue entraîner des maladies. Que dire alors des populations qui vivent tous les jours au contact du sable radioactif ?

    MEE : Dans une étude intitulée « Sous le sable, la radioactivité », réalisée en 2020 avec Jean-Marie Collin, expert international dans le nucléaire, vous dressez un inventaire de tous les déchets radioactifs dans le Sahara. À quel point sont-ils dangereux pour les populations locales ? 

    PB : Ces déchets qu’on a pu recenser à partir de quelques archives déclassifiées et de documents conservés par des personnes ayant participé aux essais comportent une série d’objets et de matériels très nocifs. Cela va de tournevis à des morceaux d’avions et de véhicules, en passant par des boîtes à outils complètes et des kilomètres de fil de cuivre. 

    Le gros problème de ces matériaux est qu’ils ont été disséminés dans des zones non balisées et sans que la population ne soit informée du danger qu’ils représentent. Certains ont été récupérés et utilisés par des personnes inconscientes de leur nocivité.

    SOURCE : Patrice Bouveret : « Il y a un déni en France sur l’affaire des essais nucléaires dans le Sahara algérien » | Middle East Eye édition française 

     

    « Je viens de recevoir ce commentaire suite à cet article qui date du 16 novembre 2013 : « La tournée des popotes d’Eddy Mitchell »C’était la guerre d’Algérie »

  • Commentaires

    4
    Noureddine
    Lundi 6 Février 2023 à 12:21
    Noureddine

    Tout comme les mines laissées par l'occupant qui tuent encore en Algérie

    Merci Michel pour cet article

    3
    Madfox Phoenhawks
    Dimanche 5 Février 2023 à 13:37
    J’ai honte de notre civilisation destructrice dont les mécréants puissamment fortunés font la pluie et le beau temps.
    2
    Danièle Ponsot
    Dimanche 5 Février 2023 à 08:01

    C'est une faute qu'il aurait mieux valu ne pas faire, tant ses conséquences à long terme sont dramatiques! Je partage le point de vue de Jacques Cros : ratification du traité d'Interdiction des armes nucléaires!!!!

    1
    Cros Jacques
    Samedi 4 Février 2023 à 09:39

    Eh bien merci pour cette rétrospective.  Oui il faut reconnaître que nous avons commis une faute avec ces essais nucléaires dont on mesure aujourd'hui encore les conséquences sur l'environnement et les populations. Oui il faut pouvoir accéder aux archives afin de procéder à la décontamination des sites pollués par la radioactivité. Oui il est juste d'indemniser les victimes, qu'elles soient individuelles ou collectives.

    Et par dessus tout il faut s'engager dans la ratification du Traité d'Interdiction des Armes Nucléaires.  

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