• FONTAINE-DE-VAUCLUSE : Le bourreau qui avait coupé 200 têtes a fini ses jours dans le Vaucluse

    Aujourd’hui 17 septembre 2017, le quotidien Le Dauphiné-Libéré a publié un article concernant le dernier bourreau français, spécialiste de la « veuve » c’est-à-dire de la guillotine, il s’appelle Fernand Meyssonnier, il a exécuté 200 condamnés à mort principalement du temps de la guerre d’Algérie, donc il a surtout coupé les têtes des membres du FLN mais aussi quelqu’un qui a le même prénom : Fernand Iveton… Le bourreau dit être fier de sa sale besogne, qu’il ne regrette rien surtout que son père avait, lui aussi, fait fonctionner « la veuve » donc tel père tel fils… En 2015, sur mon blog, j’avais déjà mis en ligne un article parlant de la même horreur  et du même bourreau… rappelez-vous en cliquant sur le lien ci-dessous, vous pourrez réentendre, entre autres, le discours de Robert Badinter sur l’abolition de la peine de mort.

     

     

    FONTAINE-DE-VAUCLUSE :  Le bourreau qui avait coupé 200 têtes a fini ses jours dans le Vaucluse

    http://www.micheldandelot1.com/de-guy-mollet-a-robert-badinter-du-sale-temps-de-la-guillotine-a-l-abo-a118649854 

     

    FONTAINE-DE-VAUCLUSE

    Le bourreau qui avait coupé 200 têtes a fini ses jours dans le Vaucluse

    Fernand Meyssonnier, le dernier bourreau français, a laissé une exceptionnelle collection de 350 objets de torture. Dans son salon, il avait même une guillotine miniature. Archives photo Le DL/Manuel PASCUAL

    Bas du formulaire

     

    Figurez-vous que le dernier bourreau français en exercice avait choisi Fontaine-de-Vaucluse pour couler une retraite bien méritée. C’est ainsi que Fernand Meyssonnier s’est paisiblement éteint en 2008, à l’âge de 77 ans, après avoir guillotiné 200 condamnés à mort. La plupart des exécutions qu’il avait pratiquées ayant eu lieu en Algérie française. “Pendant le FLN, c’était à la chaîne” avait-il même cruellement précisé lors d’une interview.

    Une incroyable collection d’objets de torture

    Victime collatérale de la décision de François Mitterrand d’abolir la peine capitale, il s’était officiellement retrouvé au chômage en 1981. Même s’il avait raccroché sa guillotine depuis plusieurs années. Mais il avait néanmoins eu une belle carrière d’exécuteur en chef des arrêts criminels, l’appellation officielle de ce métier qu’il avait exercé à la suite de son père. En juillet 1947, alors qu’il n’avait que 16 ans, il avait d’ailleurs assisté à une exécution opérée par celui qui lui avait tout naturellement passé le flambeau. Comme on transmet une charge. Une première fois dont il s’était toujours souvenu :” Ce matin-là j’étais à deux doigts de me dire je n’y vais pas, parce que quand même voir un homme mourir comme ça… Ça a été rapide, à peine trois secondes. Mais toute cette attente et ce silence pesant depuis presqu’une heure m’oppressaient à un point tel que lorsque la lame est tombée, je me rappelle avoir poussé un petit cri. Oui, quand j’ai vu que sa tête était entre les montants et que ça allait être la dernière seconde. J’ai vu le gars basculer, la lame tomber, et puis alors le sang.”

    Le reste de sa vie, Fernand Meyssonnier l’a consacré à sa passion : la torture. Et à sa mort, cet homme hors du commun a laissé à sa fille plus de 350 objets qui allaient d’une guillotine à un écrase mains, en passant par une baignoire où reposaient les têtes coupées, ou encore une corde de pendu signée de la main de Syd Dernley, la star des bourreaux anglais. Une vente aux enchères de cette incroyable collection devait avoir lieu à Paris en mars 2012 (Vaucluse Matin du 15 mars 2012), mais le ministère de la Culture l’avait finalement interdite.

    Source : http://www.ledauphine.com/vaucluse/2017/09/17/figurez-vous-que-le-dernier-bourreau-francais-en-exercice-avait-choisi-fontaine-de-vaucluse-pour 

    FONTAINE-DE-VAUCLUSE :  Le bourreau qui avait coupé 200 têtes a fini ses jours dans le Vaucluse

    Le bourreau d'Alger

    (Article paru le 16 septembre 2002 sur Le Monde)

    De Fernand Yveton, militant communiste, guillotiné à l'aube du 11 février 1957, à Alger, il ne se rappelle rien, ou presque. Après avoir refusé l'entrevue avec un prêtre, Yveton le libre-penseur avait été conduit à l'échafaud. Il était "très pâle" et il "respirait mal", mais il est mort "courageusement". Parole de bourreau. "Qu'il s'appelle Fernand comme moi, ça m'a fait drôle", rumine Fernand Meyssonnier, qui remplissait ce matin-là les fonctions d'exécuteur adjoint. L'exécuteur en chef, celui qui fait tomber la lame, était son propre père, Maurice Meyssonnier. "A lui aussi, ça lui a fait quelque chose", assure le fils.

    Les deux hommes étaient pourtant rodés. Meyssonnier senior, pied-noir de la deuxième génération, ex-militant du Parti communiste français et patron de café à Alger, avait été initié dès 1928 au maniement de la"veuve". Soit, en trente ans de "bécane", plus de 340 guillotinés à son actif - "144 terroristes et 200 droit commun", selon ses propres termes. Pour sa part, Meyssonnier junior, adjoint bénévole à partir de 1948, a exécuté en vingt ans quelque 200 personnes - la plupart durant la guerre d'Algérie. Ce qu'il résume à sa façon : "Pendant le FLN, c'était à la chaîne." Normal, dans ces conditions, qu'on ne se souvienne pas de tout le monde... "Si de Gaulle n'avait pas fait la paix des braves [en 1958, année où les exécutions capitales ont cessé en Algérie], on aurait dépassé Sanson", soupire l'ancien guillotineur, qui évoque le bourreau de Louis XVI comme on le ferait d'un vieux cousin.

    En cette fin septembre, à Fontaine-de-Vaucluse, le perroquet Michel pousse mollement la chansonnette. Il siffle L'Internationale, puis, machinal, entonne La Marseillaise. Il imite à merveille la voix de son maître, Fernand Meyssonnier, avec ces "pfft" et ces "tchh"de lassitude, accrochés aux phrases à l'accent traînant. "Tout condamné à mort doit avoir la tête tranchée. Vive Meyssonnier !", récite le volatile. Son vieux bourreau de propriétaire a, lui, la tête solidement arrimée. Une tête de clown triste, mélange de Fernandel et de Charles Pasqua. Le perroquet Michel sait aussi crier "Vive Papon, à bas les cons !", indique le vieil homme.

    Aujourd'hui âgé de 72 ans, installé dans le midi de la France après une longue escale à Tahiti, Fernand Meyssonnier aime à se présenter comme un "anarchiste de droite" et précise, sans se faire prier, avoir voté "dans le passé" pour Jean-Marie Le Pen, président du Front national et ancien de la guerre d'Algérie. Il a aussi voté "à gauche", ajoute-t-il. Mais tout ça, au fond, ne l'intéresse pas. La seule chose qui l'anime, qui l'enflamme, c'est de parler de la guillotine. C'est sa spécialité. Et de l'Algérie de sa jeunesse, une Algérie française, pleine de soleil et de cruautés, où il n'y avait pas de guerre. Juste des "événements". Le café-restaurant de son père, le café Laperlier, fut son haut lieu d'apprentissage, la vraie école du jeune Fernand. Les députés communistes venaient y banqueter. On y trinquait aussi avec les huiles de la police. Le père Meyssonnier était le roi de la farce. Il se moquait des Juifs et des Arabes, avec l'humour épais de l'époque, façon Almanach Vermot. Dans les coulisses de ce théâtre, le petit Fernand suivait les va-et-vient de l'"équipe", celle des exécuteurs, où officiait son père, ce club fermé, discret, 100 % masculin, s'éclipsant en camion puis, plus tard, en avion, pour transporter les "bois de justice" (les pièces de la guillotine) jusqu'à Oran ou Constantine, parfois jusqu'à Tunis. On disait "faire un déplacement".

    Initié par son père, à qui il offre, à l'âge de 14 ans, une maquette de guillotine, Fernand Meyssonnier assiste en juillet 1947, alors qu'il a 16 ans, à sa première exécution. Comme un dépucelage macabre : "Lorsque la lame est tombée, je me rappelle avoir poussé un petit cri : Ahhh ! Oui, quand il a basculé, de le voir basculer... quand j'ai vu que sa tête était entre les deux montants et que ça allait être la dernière seconde... (...) Et puis alors, le sang ! Parce que, dès qu'on le bascule, deux secondes après, la lame tombe, et il y a un jet de sang qui file sur le côté, qu'est rapide, comme deux verres qu'on jette à trois mètres", raconte-t-il dans ses Mémoires, Paroles de bourreau (éditions Imago), à paraître le 25 septembre. "La peine de mort, la guillotine, il est tombé dedans quand il était petit", commente Jean-Michel Bessette, professeur de sociologie à l'université de Besançon, qui a mis en forme le témoignage - premier du genre - de l'ex-bourreau d'Alger. Dans ce livre, une photo montre l'"équipe" en train de casse-croûter à l'intérieur du fameux camion. Le pain et les gamelles sont posés sur la corbeille (vide) qui sert à recueillir les cadavres des exécutés. "Repas froid à trois heures du matin", a noté Maurice Meyssonnier. Pique-nique avec la mort, en habitués. Le cliché doit dater de la fin des années 1950. Cette nuit-là, sur la route de Tunis, "il faisait un froid de canard", rapporte simplement Fernand Meyssonnier. "Après l'exécution, on rentrait chez nous, comme un entrepreneur après son travail. Ou comme un chirurgien qui vient de faire une opération, ni plus ni moins", dit-il encore.

    Etrange "opération" que celle qui consiste à infliger la mort à l'un de ses semblables. Froidement, avec méthode, en chemise blanche et cravate noire. "Quand on fait tomber la lame, c'est comme un film à toute vitesse. En deux secondes, tout est fini. Ça donne un sentiment de puissance." Peu importe, à cet instant-là, de savoir qui est le condamné. Peu importent sa vie, son nom, la couleur de ses yeux. Au contraire. "Le type qu'on guillotine, il ne faut pas penser à lui, il faut se concentrer sur la technique." En parlant, Fernand Meyssonnier s'est levé. Tout son corps se met à bouger. "Pendant l'exécution, je suis un autre homme : je pense aux victimes, à ce qu'elles ont subi, je suis le bras vengeur."Dans son salon, entre les fauteuils et la table de billard, il mime l'exécution.

    Ses gestes sont précis. La fonction de "photographe" (placé au pied de la guillotine, il doit saisir la tête du condamné qui passe par "l'objectif" et la poser, une fois coupée, dans la bassine prévue à cet effet) est une fonction "délicate" et "dangereuse". On a la mort au bout des doigts. "Dès que la lame tombe, pfffch... la tête me reste entre les mains ! Tenir une tête entre ses mains après la chute de la lame, c'est quelque chose de très impressionnant qu'on ne peut pas vraiment expliquer", assure Fernand Meyssonnier. 

    Est-ce par perversité ou parce qu'il est blindé qu'il décrit avec un tel luxe de détails les bruits de la guillotine, l'odeur du sang humain, la fureur d'un condamné qui hurle et se rebelle, ou, chez cet autre, "là, l'effroi dans le regard" avant l'affreuse bascule ? La mort, cette mort-là, si froide et si rapide, Fernand Meyssonnier en est imprégné. Comme la France de l'époque en était imprégnée. Bien qu'aient figuré, parmi les condamnés, des "assassins de grande valeur", selon le mot d'André Berger, bourreau également connu sur la place d'Alger, "aucun de ceux qu'on a guillotinés n'était un innocent", martèle Fernand Meyssonnier. Lui et ses collègues ont-ils fait autre chose qu'obéir aux ordres donnés par la justice - et, durant la guerre, par l'armée ? N'avait-on pas décoré, dans les années 1950, de la "médaille de vermeil du travail" le prédécesseur et "parrain" des Meyssonnier, Henri Roch, pour ses bons et loyaux services en tant qu'"exécuteur des sentences criminelles" - terme officiel désignant le bourreau ? "Fernand Meyssonnier a le sens et le goût de l'histoire. Il se rend compte qu'il s'est trouvé dans une situation historique très particulière", souligne Jean-Michel Bessette. "S'il fait un tel récit, c'est par souci de témoigner de la manière la plus complète de cette période, qui fait partie de l'histoire de la France." 

    A Fontaine-de-Vaucluse, dans un coin du salon, une grande pièce lumineuse, prolongée d'une terrasse surplombant la rivière et les toits du village, Fernand Meyssonnier a installé sa guillotine miniature - celle offerte à son père, aujourd'hui décédé. Dans le petit panier d'osier posé au pied de la machine, il a mis une paire de lunettes.

    Non, pas les siennes, mais celles d'un Algérien décapité pendant la guerre. Sur le coup, il a du mal à se rappeler son nom. "C'est celui qui préparait les bombes, vous savez ? On l'avait surnommé le chimiste. C'est moi qui lui ai retiré ses lunettes. Je les ai gardées en souvenir", explique l'ancien bourreau. La famille d'Abderrahmane Taleb, combattant du FLN guillotiné le 24 avril 1958, à Alger, n'en a sans doute jamais rien su. Ce n'est pas la seule relique que Fernand Meyssonnier ait gardée près de lui. Le salon, à lui seul, est un bizarre capharnaüm : outre la mini-guillotine paternelle, on peut y admirer des tableaux de vahinés et des colliers de coquillages rapportés de Tahiti, une carte d'Alger de 1961, ornant la table basse, la photo d'un bagnard anonyme et, sur un bout de table, le moulage en bronze de la tête et des mains de Fernand Meyssonnier lui-même. "Je veux qu'on y mette mes cendres", commente le vieil homme, en tapotant d'un doigt distrait le dessus de son crâne en bronze. Sur la cheminée, cachées derrière un bouquet de fleurs séchées, reposent les cendres de ses parents.

    AU rez-de-chaussée de la maison, à l'endroit où l'ancien guillotineur d'Alger avait ouvert, en 1992, un éphémère Musée de la justice et des châtiments, des choses plus étonnantes encore dorment sous la poussière : des instruments de torture datant du Moyen Age, une copie de guillotine grandeur nature, mais aussi, derrière une glace sans tain, la tête d'un décapité baignant dans le formol - "il a dû être exécuté à Paris, en 1901 ou 1902" - et, au fond d'un carton, le cadavre desséché, pareil à une momie, d'un inconnu de sexe masculin que Fernand Meyssonnier croit avoir acheté "il y a plusieurs années, lors d'une vente aux enchères à Drouot".

    S'il n'a guère la mémoire des dates, l'auteur de Paroles de bourreau a un sens aigu de la relativité des sentiments humains. "Ce qui se faisait avant en matière de torture, on ne le supporterait plus aujourd'hui : arracher les membres, brûler les pieds, tous ces trucs-là, ce n'est plus possible. A l'époque, les gens se ruaient pour voir : les exécutions publiques, c'était la corrida ! On est devenu beaucoup plus sensible. La pitié, finalement, c'est récent." En 1981, quand la peine de mort a été abolie en France, à l'initiative de Robert Badinter, l'ancien bourreau d'Alger s'est rangé à l'avis général - "puisque, de toute façon, on ne peut pas revenir en arrière !". Sans renier son passé ni jeter la "veuve" aux orties. "Nous, avec la guillotine, on a donné la mort le plus vite possible, sans faire souffrir", dit-il, une pointe de fierté dans la voix.

    A entendre Fernand Meyssonnier, son métier d'exécuteur n'a jamais été un plaisir. "La vocation, c'est de la foutaise !", insiste-t-il, en évoquant les nombreux privilèges que cette fonction macabre apportait. Outre l'octroi d'un coupe-file, permettant de circuler malgré le couvre-feu, les membres de l'"équipe" disposaient d'un port d'arme ; surtout, ils jouissaient de la bienveillance des forces de l'ordre et, plus généralement, des autorités coloniales. Une aubaine, en ces temps de guerre. Payés au mois, quel que soit le nombre des exécutions, les employés de la guillotine ont même, "événements" obligent, bénéficié en Algérie d'une "prime de risque" et d'une "prime de tête"... Dans Paroles de bourreau, Fernand Meyssonnier raconte à loisir cette dolce vita algérienne, sur fond de petits trafics et de combines. L'indépendance de l'Algérie, en 1962, sonne la fin de la guerre et de la prospérité des Meyssonnier.

    Dans ce qui reste de son musée, l'ancien bourreau d'Alger pense à la mort. A celle de son père, emporté par un cancer de la gorge, en 1963, à Nice. A la sienne aussi : atteint d'un cancer du foie, Fernand Meyssonnier ne se fait pas d'illusions. "Quelqu'un comme moi, qui a exécuté 200 bonshommes, il ne peut pas se permettre d'avoir peur, hein !", lâche-t-il, le sourire triste. Il pense aussi à la mort de certains condamnés. Il y en a trois, pas plus, à propos desquels il se dit "troublé" : Fernand Iveton, le communiste, Abderrahmane Taleb, le "chimiste", et Madeleine Mouton - l'une des seules femmes guillotinées, exécutée en 1948, à Sidi-Bel-Abbès. "Ces trois-là, j'ai presque un peu de regret. Si j'avais pu, je les aurais sauvés. Attention, c'était vraiment des criminels, hein ! Mais, va savoir pourquoi, j'aurais préféré qu'ils meurent d'un arrêt cardiaque." Parole de Fernand.

    Catherine Simon 


    SOURCE : http://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2002/09/16/le-bourreau-d-alger_290493_3208.html#3FBalJ7wkzIEx1XZ.99 

    FONTAINE-DE-VAUCLUSE :  Le bourreau qui avait coupé 200 têtes a fini ses jours dans le Vaucluse

    LE BOURREAU A GARDÉ

     LA MÉMOIRE JUSTE

    (Article paru le 6 octobre 2006 sur Le Figaro)

    Le 9 octobre 1981, la peine de mort était officiellement abolie en France. 25 ans plus tard, Fernand Meyssonnier, l'un des deux «exécuteurs» encore vivants, se souvient de la guillotine et des condamnés.

    «François Mitterrand ? Drôle d'abolitionniste ! J'ai été fort surpris quand il a supprimé la peine de mort. Parce que je l'ai bien connu. A une époque où il était contre le châtiment suprême, mais tout contre...» Fernand Meyssonnier, 75 ans, sait de quoi il parle. De 1947 à 1961, il fut exécuteur des arrêts criminels à Alger. En d'autres termes et pour le grand public : bourreau de la République. Aujourd'hui retiré à Fontaine-de-Vaucluse, le vieil homme se souvient : «François Mitterrand fut garde des Sceaux de février 1956 à juin 1957, pendant ce qu'on appelait pudiquement les ''événements d'Algérie''. Lors de son passage, il y eut quarante-quatre décapitations et peu de grâces accordées. Je le sais : c'est moi qui faisais marcher la guillotine avec mon père.»

    «La Veuve», «la Bécane», «la Lucarne» : la machine inventée par le docteur Louis (son confrère Guillotin n'en fut que le théoricien et vulgarisateur auprès de l'Assemblée en 1791) fut la grande affaire de sa vie. A son actif, 200 exécutions. Dont la première à l'âge de 16 ans, en tant que «bénévole». Un précoce, le Fernand. Il faut dire que l'environnement familial était propice au développement de cette vocation. Certes, il aurait préféré être «danseur de ballet». Mais, à la maison, on penchait plus vers Thanatos que vers Terpsichore. Son père, Maurice Meyssonnier, fut exécuteur de 1928 à 1962. Et son parrain n'était autre que le fameux Henri Roch, surnommé «Monsieur d'Alger», qui officia jusqu'en 1945 (et mourut décoré de la médaille du Travail). Une histoire de famille. Côté Roch, on faisait remonter le premier bourreau au XVIIe siècle !

    Dans son salon, le vieux pied-noir me montre la guillotine 1868 en modèle réduit qu'il a fabriquée et offerte à son père à l'occasion d'un anniversaire. «Je n'avais que 14 ans, commente-t-il. Mon père était très fier.» Comment devient-on bourreau ? Pour comprendre, il faut lire son livre, Paroles de bourreau (éditions Imago, 2002). Passionnant. Même si Fernand Meyssonnier prétend aujourd'hui que certains de ses propos ont été tronqués par l'universitaire sociologue ayant recueilli ses souvenirs : «Il me fait dire que je suis contre la peine de mort. C'est faux. J'y suis toujours favorable pour les crimes de sang, commis sur les enfants ou les vieillards.» S'estimant floué, il refuse d'encaisser les droits d'auteur : «J'en fais don à l'Iile, Institution des invalides de la Légion étrangère.»

    La routine de la mort

    Ces chicayas n'enlèvent rien à l'unicité du témoignage. D'où il ressort qu'on peut exercer un métier anormal tout en étant normal. Car le sieur Meyssonnier n'a rien du sadique ou du psychopathe, n'en déplaise aux adversaires de la peine capitale. Sa description des faits est clinique : «Pour la guillotine, il faut être quatre : l'exécuteur en chef, qui actionne le levier (mon père), deux adjoints qui ligotent le condamné et le basculent sur la machine, et enfin celui qu'on appelle ''le photographe''. Moi, j'étais ''photographe''. Devant la lunette, les doigts placés derrière les oreilles du type, je devais le tirer vers moi pour qu'il ne se rétracte pas soudainement. C'est une position dangereuse : on peut se faire couper les doigts. La lame tombe de 2,35 mètres et pèse 40 kilos (l'équivalent de 700 kilos à l'arrivée). C'est moi qui disais ''Vas-y !'' à mon père quand j'étais prêt. Tout se jouait en un éclair.»

    Le plus étonnant dans son récit, c'est la nature des motivations : «Personne n'est obligé de remplir les fonctions d'exécuteur. C'est en toute conscience qu'on fait ce choix. Nous étions des auxiliaires de justice. On touchait un salaire niveau smic, plus une prime de risque et une prime de tête, pendant la guerre d'Algérie. Mais chacun avait son affaire à côté : mon père tenait un bistrot, par exemple. En réalité, l'argent ne comptait pas. On faisait ça parce que les exécuteurs étaient reconnus et appréciés en Algérie. Et parce que cela nous apportait un tas d'avantages : port d'armes, transports gratuits, passe-droits auprès de la préfecture, etc.» Aussi simple que ça.

    Et qu'on n'aille surtout pas confondre exécuteur et exécutant, tempête Fernand Meyssonnier : «C'est mon père qui fixait le jour de l'exécution, pas la chancellerie. C'était presque toujours le mardi, le mercredi ou le jeudi. Cela l'arrangeait : il tenait à rester au bar du vendredi au dimanche, parce qu'il y avait foule ces jours-là. Même chose lors des déplacements à Constantine ou à Oran. Un jour, le procureur nous annonce six exécutions à faire. Mon père lui dit : ''On en fait trois tel jour, et trois autres le lendemain.'' Cela nous permettait de rester un jour de plus pour voir les amis et faire du tourisme. Idem pour l'horaire : à Alger, mon père exigeait qu'on ait terminé à l'aube, parce qu'il voulait être derrière son comptoir à 6 heures.»

    Des remords ou des regrets ? A l'exception de la seule femme qu'il ait décapitée (une empoisonneuse), il n'en conçoit pas :«Au seuil de ma mort, je lis et relis l'historique de ces 200 exécutions : nous suivions tous les procès et j'ai tout conservé. Je reste persuadé que les condamnés étaient coupables, en majorité des terroristes FLN, poseurs de bombes ou auteurs de massacres effroyables. Si j'avais éliminé un innocent, mon existence ne serait qu'un long cauchemar. Je savais qui j'exécutais et pourquoi. Si l'Etat nous a confié cette tâche pénible, c'est parce qu'il avait jugé que nous étions justes, honnêtes et sans haine. Nous avons simplement rempli notre devoir. Aussi, j'assume mes actes.» Et de citer Paul Claudel : «Il n'y a pas de plus grande charité que de tuer des êtres malfaisants.»

    Pour les Meyssonnier, comme pour tous les Européens d'Algérie, l'histoire bascule en 1962. Si le fils s'embarque pour Tahiti dès 1961 (un rêve de gosse), le père décide de rester : «La preuve de sa bonne foi ! Oui, lui, l'exécuteur en chef, qui a décapité des militants du FLN, il est resté après l'indépendance. Sa fonction, dont il avait une haute idée, le plaçait au-dessus de la politique.» Ce en quoi il se trompait : dénoncé (par un pied-noir qui avait des vues sur son bistrot !), arrêté, insulté, molesté et torturé par la police algérienne, il en réchappe miraculeusement. Expulsé manu militari «en pyjama et en chaussettes», il mourra deux mois plus tard, à la suite de ces mauvais traitements.

    Pour Fernand, qui n'a que 30 ans, une autre vie commence. Mis au chômage technique pour cause d'indépendance algérienne («Non seulement, nous n'avons pas touché d'indemnités mais l'Etat nous doit toujours deux ans de salaire !»), il s'installe à Tahiti. C'est là-bas qu'il rencontre Simone, son épouse actuelle et la mère de sa fille Taina. Après quelques années de vaches maigres et moult jobs, il se lance dans des expériences commerciales aussi étranges que fructueuses : balades en corbillard pour touristes américains, entreprise de désinsectisation, etc. Surtout, il achète un terrain qu'il revendra, vingt-cinq ans plus tard, cent fois sa valeur initiale, à Gaston Flosse, le ponte de la Polynésie !

    Passionné d'histoire

    En métropole, avec l'argent gagné, il revient à ses premières amours. De Drouot à Christie's, il court les salles des ventes et récupère archives, documents (autographes de Robespierre ou de Fouquier-Tinville, entre autres) et objets. Tout ce qui se rapporte à la peine capitale et aux supplices depuis le Moyen Age. Non par esprit morbide : «Je voulais démontrer que, paradoxalement, la guillotine a été inventée dans un souci d'humanité et d'égalité. Sous l'Ancien Régime, le raffinement et la diversité des tortures infligées (la ''question'') étaient incroyables ! Atroce. En outre, il y avait inégalité devant la mort : la décapitation était réservée aux aristocrates. Les roturiers étaient pendus, brûlés ou roués. La Révolution a voulu mettre tout le monde au même niveau devant la mort.»

    Après avoir tenu un éphémère musée de la Justice et du Châtiment (fermé faute de visiteurs en 1998) à Fontaine-de-Vaucluse, il se retrouve à la tête d'une imposante collection. Pour rien, se plaint-il : «J'ai un cancer, et mes jours sont comptés. Ma fille ne s'intéresse pas à l'Histoire. L'Etat ne veut pas entendre parler de ce passé. Que faire ? Vendre aux Américains ?» Ses deux perroquets ont beau siffloter La Marseillaise sur le balcon, c'est sans doute ce qui va se produire. Quant à Fernand Meyssonnier, il attend la mort, cette mort qu'il a si souvent administrée en tant que représentant officiel de la violence légale. «Je veux être incinéré, précise-t-il. On mettra les cendres dans le bronze, là-bas.» Sur un meuble, il désigne son propre buste. Et devant cette tête sans corps reposent ses mains, moulées dans le même alliage. Les mains du bourreau ? Réponse : «Non, les mains de la Justice.»

    PAR JEAN-LOUIS TREMBLAIS

    SOURCE : http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2006/10/06/01006-20061006ARTMAG90429-le_bourreau_a_garde_la_memoire_juste.php 

      

    « Des anciens combattants contre la réhabilitation des fusillés pour l’exemple : Honte au général d’armée Bruno Dary (regardez bien sa biographie)Rendez-vous le 6 octobre 2017 (à 11 h 00) au cimetière du Père Lachaise pour le 6e anniversaire de l'inauguration de la stèle de la Ville de Paris aux victimes de l'OAS »

  • Commentaires

    1
    Dimanche 17 Septembre 2017 à 11:52

    Deux aspects: 1- la question de la barbarie de la peine capitale ; 2- qu'elle ait été appliquée à ceux qui se battaient pour une cause juste, l'indépendance de leur pays avec l'aval d'un homme politique qui a fini par la faire abolir.

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :