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France-Algérie : mariage improbable divorce impossible
France-Algérie : mariage improbable
divorce impossible
Images de la marche pour l'égalité à Marseille le 15 octobre 1983, partie de Marseille.
Plus d’un demi-siècle après son divorce avec la France, la plaie est toujours vive : l’Algérie reste un sujet de débat vif et quasi quotidien. Si elle n’est plus occupée, elle occupe par contre une place importante en France avec sept à huit millions de citoyens français cultivant un lien fort, personnel ou familial, avec elle.
On pourrait parler de divorce bâclé avec la France, d’autant plus qu’il n’y eut point de mariage mais un concubinage contraint, un rapport forcément inégalitaire, voire un rapport sourd et intime, ambigu en un mot, où le caractère de chacun a déteint si fortement sur celui de l’autre qu’il en est ressorti un couple aussi invivable qu’inséparable.
Un divorce qui n'est pas une séparation
Il aura donc fallu la guerre, un conflit à la fois anti colonial et triplement fratricide puisqu’il aura opposé tout autant "européens" et "musulmans" du cru, Algériens indépendantistes et harkis, Français partisans du statu quo colonial et militants anticolonialistes pour le consommer. Mais pour aussi sanglant et expéditif qu’il fut le divorce, ne rima pas avec la séparation, pas même des corps.
Qu’on en juge : à la fin de la guerre, 400 000 Algériens vivent dans un Hexagone soudain amputé d’une Algérie désormais libre et quatre fois plus grande. Non seulement ces ouvriers ne rentrent pas au pays, dont les cotisations au FLN ont amplement nourri le combat libérateur, mais ils verront affluer du bled un autre demi-million de compatriotes venus travailler sur les chantiers français.
Si bien qu’au tournant de 1970, la France va accueillir un million de pieds noirs et autant d’Algériens. Au final, c ‘est donc un bon quart de la population d’Algérie qui a franchi la Méditerranée pour s’installer en France.
Rencontre entre le président français Emmanuel Macron et le président algérien Abdelmadjid à Borgo Egnazia en Italie pour le sommet du G7, le 14 juin 2024. AP Photo/Andrew Medichini
Des liens indissolublesLoin de séparer les deux pays, l’indépendance aura rapproché les deux peuples, et sur le sol de la métropole, mieux qu’ils ne le furent jamais en Algérie. Et si ces Algériens basculent en une nuit du statut de citoyens français à celui de "résidents algériens", leurs enfants, eux, naîtront… français, en vertu du droit du sol. Les accords dits d’Evian, qui scellent la fin de la guerre, prévoient, entre autres mesures, la libre circulation illimitée de tous les citoyens, hormis les harkis.
Pris en charge par les services sociaux, ces salariés algériens, encadrés par les syndicats, s’acclimatent d’autant plus aisément à la vie française que leurs enfants, eux déjà citoyens français, s’instruisent et s’insèrent dans le tissu social, y compris sur le plan matrimonial. Car un Algérien sur deux et une Algérienne sur quatre convolent avec un conjoint "français", en clair européen et non-musulman.
Une intégration freinée
Un tel processus d’insertion de deux groupes humains accourus d’Algérie n’ira pas sans raviver les feux encore mal éteints du conflit. Courant 1972, des nostalgiques de l’Algérie française dont Jean-Marie Le Pen, d’ex-Waffen SS et d’activistes de l’OAS, fondent à Paris le Front national, un parti xénophobe et revanchard. Un an plus tard, un déséquilibré Algérien poignarde atrocement un chauffeur de bus à Marseille et voilà qu’un grand quotidien de la cité phocéenne lance un appel au lynchage. Des dizaines d’Algériens tomberont sous les balles de tueurs clandestins. Le consulat d’Algérie à Marseille subira un grave attentat à l’explosif.
En 1973, Alger suspend l’accord d’immigration de main d'oeuvre salariée entre les deux pays et interdit désormais à tout candidat algérien de s’installer en France. Paris réplique par une interdiction similaire un an plus tard. Arrêt officiel, réciproque ou pas, l’insertion des expatriés algériens et d’abord de leurs enfants se poursuit.
La suspension des accord d'Evian
"L’Algérie c’est la France !" De la IIè République de 1848 jusqu’à la Vè, c’était le mot d’ordre officiel à propos d’un pays qui n’était pas une possession coloniale mais un pan, une extension outre-Méditerranée du même territoire français, un et indivisible. Si à l’époque, l’État français incluait le pays sans en intégrer les habitants, désormais il lui incombait, après avoir renoncé au territoire à en intégrer les expatriés consacrant ainsi l’inexorable inclusion d’une portion d’Algérie en France même.
Cet état de fait totalement imprévu, pas plus pour l’État français que pour le FLN algérien, des accords d’Evian, impose l’Algérie en tant qu’enjeu permanent de politique intérieure, de pomme de discorde entre la gauche et la droite, d’épouvantail de l’extrême-droite. Plus d’un demi-siècle après la "Libération" de l’Algérie et le "départ" de la France, le constat est là, imposant, incontournable : l’Hexagone abrite désormais plus d’Algériens que l’Algérie n’en comptait au moment de la prise d’Alger, l’été 1830. Mieux, il y a plus d’Algériens dans la seule ville de Marseille que dans les 22 pays arabes "frères".
Enfin, le nombre d’Algériens mariés à des conjoints français est bien supérieur, et de loin, à celui de tous ceux ayant contracté des mariages mixtes d’un bout à l’autre de la planète.
Conclusion, c’est avec les Français que les Algériens ont le plus versé leur sang –durant la colonisation - et c’est également avec les Français – depuis l’indépendance- qu’ils ont aussi mêlé leur sang, plus qu’avec aucun autre peuple.
SOURCE : France-Algérie : mariage improbable, divorce impossible | TV5MONDE - Informations
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