• Guerre d’Algérie *** André Maurel : « Quand j’étais en Algérie, je me sentais comme l’occupant »

     

    GUERRE D’algérie

    André Maurel : « Quand j’étais en Algérie, je me sentais comme l’occupant »

     

    Guerre d’Algérie ***  André Maurel : « Quand j’étais en Algérie, je me sentais comme l’occupant »

     « Nous, les voltigeurs métropolitains, étions mal à l’aise et malheureux de voir ça », explique André Maurel, au sujet d’injustices dont il a été témoin en Algérie. PHOTO dr

    Au printemps 1956, André Maurel a fait partie des 2 millions de Français appelés qui ont traversé la Méditerranée pour prendre part à la guerre d'Algérie. Ce Toulonnais témoigne dans le documentaire « Algérie, la guerre des appelés », diffusé dimanche 3 novembre sur France 5.

    Comme André Maurel, nombreux sont les appelés du contingent français à être partis en Algérie entre 1954 et 1962, la fleur au fusil. Sans penser au fait qu'ils s'impliquaient en réalité dans une guerre coloniale, celle d'Algérie. Un an après la reconnaissance par Emmanuel Macron du recours à la torture pendant la guerre d'Algérie, et à l'occasion des 65 ans du début de cette boucherie (500 000 morts), André Maurel, qui fait partie des témoins d'Algérie, la guerre des appelés, se confie sur les sentiments qui l'ont habité pendant cette période. Mais également a posteriori, dans la mesure où son jugement a quelque peu évolué. Retour sur certains des « dilemmes moraux », comme le suggèrent les réalisateurs du documentaire (Thierry de Lestrade et Sylvie Gilman), auxquels il a été confronté.

    Pour quelles raisons avez-vous voulu témoigner dans ce documentaire ?

    André Maurel : Je n'ai pas parlé de la guerre d'Algérie pendant longtemps. Je me suis dit qu'il y avait quand même eu, du côté français, 30 000 morts. Pas plus tard qu'hier, mon voisin de 35 ans ne savait même pas qu'il y avait eu la guerre en Algérie. Je voulais témoigner pour qu'il reste une trace de cela. Je veux éviter l'oubli. Moi, je suis né en 1932. À l'époque, la France était en compétition avec les Anglais pour qui aurait le plus d'empires coloniaux. Sur les livres de géographie, on voyait qu'ils avaient plus de territoires conquis que nous. J'allais là-bas en me disant qu'il fallait conserver nos biens.

    Pourquoi n'avez-vous pas parlé de ce que vous avez vécu en Algérie, bien avant aujourd'hui ?

    A.M. : J'avais peur de passer pour un bouffon, un va-t-en-guerre. C'était un traumatisme. J'étais tireur au fusil-mitrailleur. Mon pourvoyeur, celui qui me portait une musette de chargeurs, s'est fait plomber à deux mètres de moi. Et j'en ai vu d'autres tomber. J'étais en fait un civil habillé en fusilier marin. La guerre d'Algérie est un épisode important de ma vie. C'est la première fois qu'on essayait de me descendre. J'avais 24 ans à ce moment-là. C'est un épisode de ma vie post-traumatique.

    Dans quelles circonstances débarquez-vous en Algérie, au printemps 1956?

    A.M. : J'habitais à Toulon-Est, le long de la rivière des amoureux. Je travaillais à l'arsenal, donc pour la Marine. Il fallait que l'on charge tout le monde pour être envoyé à l'Estaque. À l'époque, la France était beaucoup plus à gauche qu'aujourd'hui. Le gouvernement voulait éviter des manifestations.

    Quand avez-vous compris que ce que les autorités françaises appelaient des opérations de « maintien de l'ordre » étaient en réalité une guerre ?

    A.M. : On a été débarqué dans Alger. De l'autre côté de la rade, il y avait l'école des fusiliers marins. Mais on faisait aussi des patrouilles dans la ville. Les petits arabes nous lançaient des pierres, le climat était hostile mais rien de bien méchant. On est ensuite allé à Nemours, aujourd'hui Ghazaouet. J'ai pris mon poste à 60 km de là. En haut du petit col pour quitter Nemours, les camions fumaient encore. Il y avait un chauffeur espagnol avec un jeune aide arabe à côté, des tranchées dans la route. Tout le monde a mis le casque lourd, on a armé la mitraillette. C'est à ce moment que je me suis dit que ce n'était pas juste du maintien de l'ordre.

    À quel moment avez-vous compris toute l'injustice de cette guerre ?

    A.M. : Un jour, je vois un flic pied-noir qui contrôle un arabe de 60 ans, sans doute un notable, avec une longue djellaba brodée blanche. Avec son accent, le pied noir lui dit : « Toi, là-bas, viens ici ! » Et puis, arrive le tramway. Pendant quelques secondes, le flic le perd de vue, il a cru qu'il allait monter dedans. Mais en fait, il était encore là. Le flic lui dit : « Quand je te dis venir, tu viens ! » Et paf ! Il lui a tiré une grande calotte, il est tombé à genoux, son fez roulait par terre. J'ai compris qu'il y avait un conflit ethnique qui couvait depuis longtemps entre les Européens et les Arabes. Nous, les voltigeurs métropolitains, on était mal à l'aise et malheureux de voir ça. C'était injuste.

    Estimez-vous que la guerre de libération algérienne était légitime ?

    A.M. : Avec le recul, oui. C'est comme quand, en 1943, les Allemands occupaient la France. Moi, c'était pareil quand j'étais en Algérie, je me sentais comme l'occupant. Quand je contrôlais des gens qui ne parlaient pas français, il fallait que je demande leurs papiers, ils regardaient juste le bout de mon fusil-mitrailleur. Ce n'était pas facile. Je n'avais qu'une hâte, retourner dans mon pays et voir ma fiancée et mes parents, c'est tout. Je suis resté en Algérie jusqu'en décembre 1956. Ça a été des mois de peur, de ma jeunesse gaspillée. Mais en même temps, j'étais soulagé de ne pas être mort et même de ne pas être rentré blessé. Maintenant, je comprends qu'une frange de la population se soit révoltée. Mais tout cela est venu sur le tard, quand je suis devenu grand-père.

    Propos recueillis par Philippe Amsellem 

    SOURCE : http://www.lamarseillaise.fr/var/societe/79079-andre-maurel-quand-j-etais-en-algerie-je-me-sentais-comme-l-occupant

     

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  • Commentaires

    1
    Le_Canari_de_retour
    Vendredi 20 Novembre 2020 à 13:07

    Il serait intéressant de connaitre les avis de autres militaires du contingent qui étaient en compagnie de Mr.André Morel. 

    Certains étaient pacifiques et comprenaient (peut être sans le dire)  que c'était une guerre de libération et que le corps expéditionnaire était étranger à ce territoire tout comme il le fut en Indochine.  Ceux-là voyaient loin . Ils étaient conscients du fait que leur présence était loin d'être acceptée par les autochtones.

    Pour l'anecdote, je dirais même que nombreux , parmi les forces du contingent qui, au moment du contrôle physique des passants , remarquaient que la personne fouillée portait soit une arme soit  un explosif.  Ils faisaient mine de n'avoir rien remarqué et laissaient passer.

    Je pourrais m'étendre en long et en large sur ces détails ce qui me ramènent à la période où on ne respirait que la poudre à canon. C'était la période où le mot "peur" n'existait pas dans notre lexique.                                                                       Cette période a forgé ceux qui vécurent la formidable révolution Algérienne.

    Je profite de l'occasion pour exprimer mon étonnement devant un récent commentaire d'un ancien du contingent qui , dans l'un de ses derniers écrits , regrette qu'actuellement - avec l'âge - il ne peut espérer retourner et participer à éventuel  corps expéditionnaire pour ré-occuper les lieux.                                                                                                                  

    Il écrit :  << ...ne pourrait-on envisager de reconquérir ces trois départements Français que De Gaulle a lâchement   abandonnés ? ......Je peux soutenir ......vivent la France, le colonialisme et la guerre quelles que soient les raisons qui y conduisent (sic) >>

    En faisant un petit calcul, je suppose que c'est un septuagénaire qui, malheureusement pour lui , est retombé dans l'enfance. A moins qu'il plaisantait en avançant de tels propos. Quant au général auquel il est fait allusion, De Gaulle ne nous a rien offert mais le langage de la poudre a fini par le convaincre que la présence coloniale en Algérie allait subir le même sort qu'en Indochine. Pour lui c'était une guerre perdue.                                                                                             Il est vrai que la La France coloniale avait une force de frappe foudroyante mais , face à un peuple décidé à payer le prix, rien ne pouvait l'arrêter . C'était la victoire ou la mort.

    Je préfère ne pas m'y attarder .

     

    Le_Canari_de_retour

    Blida le : 20 Novembre 2020

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