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HENRI MAILLOT, LE CHAHID OUBLIÉ *** Communiqué de la famille du chahid
HENRI MAILLOT, LE CHAHID OUBLIÉ
Communiqué de la famille du chahid
« Un ami algérien m’a fait parvenir ce texte je le mets en ligne car il concerne aussi une victime du colonialisme et après vous pourrez lire ou relire un article de l’ancien député Bernard Deschamps »
Michel Dandelot
Communiqué de la famille MAILLOT
" Nous, membres de la famille du chahid Henri Maillot, mort au champ d’honneur les armes à la main le 5 juin 1956, osons briser le silence que nous nous sommes imposés pendant 55 ans.
Et pour cause, notre frère et oncle est victime d’un ostracisme et d’un déni de reconnaissance énigmatique que d’aucuns n’arrivent à expliquer. Il demeure banni du panthéon réservé aux martyrs au même titre que son ami et voisin de quartier, le chahid Fernand Iveton, guillotiné à Serkadji le 11 février 1957. C’est pour cette raison que des centaines de citoyens se font un devoir de venir se recueillir sur leurs tombes chaque année les jours anniversaire de leur «mort».
Au mois de juin 2015, l’APS a publié une dépêche dans laquelle le chahid Henri Maillot était qualifié «d’ami de la Révolution algérienne». Un impair lourd de sens et qui illustre on ne peut mieux le sort réservé aux chouhada et moudjahidine d’origine européenne.
Il est regrettable de rappeler certains faits historiques et d’actualité pour prouver notre appartenance et notre attachement à notre patrie l’Algérie.
– La famille Maillot est installée en Algérie depuis six générations et ne l’a jamais quittée en dépit de tous les drames qui ont secoué notre pays.
– Le chahid Henri Maillot a offert ce qu’il avait de plus précieux pour défendre sa patrie : sa vie.
– Le père du chahid Henri Maillot était secrétaire du syndicat des travailleurs de la ville d’Alger (mairie d’Alger). Il a été licencié pour avoir déclenché une grève pour réclamer les droits et plus de dignité pour les éboueurs musulmans.
– A l’indépendance tous les membres de la famille Maillot ont opté pour la nationalité algérienne au détriment de la nationalité française.
Pour s’en convaincre davantage, il suffit de lire la lettre que le chahid Henri Maillot a envoyée à la presse parisienne pour justifier sa désertion avec un camion rempli d’armes et de munitions.
Dans cette lettre, il disait : «Il y a quelques mois de cela, Jules Roy, écrivain et colonel de l’armée française», disait : « Si j’étais musulman je serais du côté des fellagas. Moi je ne suis pas musulman mais je considère l’Algérie comme ma patrie et je dois avoir à son égard les mêmes devoirs que tous ses fils. Et ma place est au côté de ceux qui ont engagé le combat libérateur… Ce n’est pas une lutte de religion ni de race, comme voudraient le faire croire certains possédants de ce pays, mais une lutte d’opprimés contre leurs oppresseurs sans distinction de races ni d’origines… Notre victoire est certaine… En désertant avec un camion rempli d’armes, j’ai conscience d’avoir servi les intérêts de mon peuple et de ma patrie…»
Afin de préserver la mémoire de Henri et les idéaux pour lesquels il s’est sacrifié, nous n’avons jamais rien demandé d’autre qu’une reconnaissance. Nous aimerions voir son nom gravé sur le fronton d’un lycée, d’une université, d’une cité ou bien lui dédier un lieu de mémoire pour que son sacrifice pour une Algérie libre, indépendante, fraternelle, tolérante et juste ne soit pas vain. Car la grandeur et la noblesse de notre révolution est d’avoir été portée et défendue par des femmes et des hommes de différentes origines raciales, religieuses et culturelles.
C’est cela que nous devons inculquer aux jeunes générations algériennes. Ce sera une juste reconnaissance qui le sortira de la nuit de l’oubli où il a été longtemps confiné, à l’instar d’autres martyrs algériens d’origine étrangère. Quant aux moudjahidate et moudjahidine d’origine étrangère vivant en Algérie, ils sont en train de nous quitter l’un après l’autre dans l’anonymat le plus complet. Il est grand temps de leur rendre un vibrant hommage et recueillir leurs témoignages.
Gloire à tous nos martyrs
La famille MAILLOTPour information, l’hôpital Mohamed Lamine Debaghine ex Maillot à Bab El Oued n’a pas porté le nom d’Henri Maillot mais celui de François Clément Maillot, le médecin qui codifia l’usage de la quinine contre le paludisme en 1834.
En soutien à la famille Maillot, le Collectif novembre accompagne l’appel de sa famille en vous invitant lire l’hommage que lui rendu Mohamed Bouhamidi en 2015.
En 2015 pour la publication d’un beau livre qui regroupait certaines de ses créations de résistance, Mustapha Boutadjine me demandait un texte sur Henri Maillot et un autre sur les années de terrorisme. J’ai écrit les deux textes en illustration de ses magnifiques illustrations. Je découvre des années après la traduction, en 2017, par Ali Ibrahim des « Années de plomb ». J’ai publié cette traduction et republie le texte en français des « Années de plomb » et de celui de Maillot. Mes plus vifs remerciements vont à Ali Ibrahim pour sa traduction et pour l’occasion qu’il m’offre de re-proposer leur lecture.Henri Maillot Un chemin d’exception. Texte de Mohamed Bouhamidi sur Henri Maillot pour le thème «Insurgés» extrait du livre de Mustapha Boutadjine «Collage Résistant(s)», édité par Helvétius. Paris septembre 2015
I N S U R G É S.
Les morts d’août 1955 n’ont pas vu ton regard.*
Ils l’ont habité.
Je les entends derrière ta photo.
On me demande de parler de toi. Je préfère que cela soit en ce soixantième anniversaire de râles qui t’ont révélé à l’indigène que t’habitais déjà. Le soixantième de ta renaissance à la fratrie indigène dans les yeux des paysans du Dahra et des frères heureux des armes que tu avais délibéré de voler le jour de ces massacres.
Ta mort je ne saurais en parler. Je peux résumer ta vie.
Né à Alger en 1928 dans une famille pied-noir-stop-Ami de Fernand Iveton, l’autre Arabe de Salembier et son voisin-stop-Militant du Parti communiste algérien (PCA)-stop-Secrétaire général de l’Union de la jeunesse démocratique algérienne ce qui n’est pas rien-stop-Représente l’Algérie dans des congrès de la jeunesse à Prague et à Varsovie-stop-Employé par Alger Républicain-stop-Déserte et détourne un camion d’armes et de munitions le 4 avril 1956 : 132 mitraillettes,140 revolvers, 57 fusils, un lot de grenades-stop-Remet les armes à l’ALN-stop-Rejoint le groupe de combattants communistes, de ce même Dahra-stop- Condamné à mort le 22 mai par le tribunal militaire d’Alger-stop-Meurt le mardi 5 juin 1956 au djebel Deragua tué par la harka du bachagha Boualem et des soldats français-stop-A crié « Vive l’Algérie » face à ses bourreaux-stop…
Tu n’es dans les histoires officielles ou savantes que sur des marges. Impossible d’oublier ton acte et impossible de parler pleinement de toi. Trop de charge dans ton engagement. Trop de sens pour être dans une case de manuel. Tu es dans la métahistoire, camarade, pas dans l’anecdote.
Soixante ans après je lis sur des sites pieds-noirs « Henri Maillot, officier félon ». Officier passé à l’ennemi. L’ennemi c’était nous la multitude de ce pays. Interdit pour toi d’être notre frère sous peine de félonie. La fraternité avait ce seul chemin, que tu as montré, de passer vers notre rive. Chemin d’exception que j’essaye de regarder les yeux fermés à t’imaginer…
Mohamed BouhamidiL’aspirant Henri Maillot, né en Algérie (Alger) le 11 janvier 1928 anticolonialiste et militant du Parti Communiste Algérien, détourne un camion d’armes en 1956, remis aux aux maquis de l’ALN après accord entre responsables du FLN et du PCA. Fait prisonnier au cours d’un accrochage dans lequel meurent, le 2 juin 1956, trois de ses compagnons, il est fait prisonnier, torturé puis assassiné d’une rafale de mitraillette.
* Henri Maillot a assisté aux massacres des paysans de la région de Skikda perpétrés par l’armée française et les colons en août 1955 en représailles d’une offensive de l’ALN dans la même région de Skikda.De Mohamed Rebah : Auteur de «Des Chemins et des Hommes»
Au fronton de l’histoire : Le camion d’armes d’Henri Maillot
Par Nour, Overblog, 3 juin 2013.
Le 5 avril 1956, La Dépêche Quotidienne, organe de la grosse colonisation, criant à la trahison, ouvre sa «Une» sur une information sensationnelle : «Dans l’après-midi d’hier, mystérieuse disparition d’un important chargement d’armes dans la forêt de Baïnem».
Le camion détourné contenait 123 mitraillettes, 140 revolvers, 57 fusils, un lot de grenades et divers uniformes. De quoi armer plusieurs commandos. On apprend que l’homme qui a mené l’opération est l’aspirant Henri Maillot, réserviste de la classe 28, rappelé au 57e bataillon des Tirailleurs algériens. Militant du Parti communiste algérien (PCA) clandestin, Henri Maillot pensa à subtiliser des armes à l’armée d’occupation au profit de l’Armée de Libération nationale dès son affectation au mois d’octobre 1955 à la caserne de Miliana, à l’ouest d’Alger, où étaient installés de nombreux réservistes fraîchement débarqués de France. Il se confia à son camarade de parti, William Sportisse, qu’il rencontra lors d’une permission, à la fin décembre, à Alger. La direction du PCA clandestin, informée, transmit son accord sans tarder.
L’opération militaire, supervisée par Bachir Hadj Ali, secrétaire du parti et coordonnateur des Combattants de la libération (branche militaire du PCA, créée au mois de juin 1955), connut son épilogue le mercredi 4 avril 1956 vers midi. Le camion Ford, sorti de la caserne de Miliana à 7h du matin, avait pris la route d’Alger avec à son bord Henri Maillot, chef du convoi. Après un arrêt de deux heures à l’Arsenal (ERM) de Belcourt où fut déchargée une partie des armes, le camion a été détourné vers la forêt de Baïnem, à l’ouest d’Alger, où, embusqué dans les broussailles, un commando des Combattants de la libération (Jean Farrugia, Joseph Grau et Clément Oculi) attendait.
Pour des raisons de sécurité, la remise des armes à l’ALN se déroula en plusieurs étapes. L’acheminement des armes vers les maquis fut assuré par les Combattants de la libération des zones d’Alger et de Blida. La réception d’un premier lot par la direction d’Alger du FLN intervint quelques jours après le détournement du camion, selon le témoignage de Mokhtar Bouchafa, adjoint du commandant de l’ALN de la région d’Alger, Amar Ouamrane, futur colonel de la Wilaya IV. Une partie des armes de guerre transportées à Blida par Jean Farrugia dans le camion de Belkacem Bouguerra fut remise au groupe Guerrab-Saâdoun-Maillot, en route vers le maquis de l’Ouarsenis.
La fourniture d’armes de guerre à l’ALN fut comme une réponse au souci exprimé par Abane Ramdane dans son courrier, envoyé le 15 mars 1956, à la délégation extérieure du FLN installée au Caire. «… Si les communistes veulent nous fournir des armes, souligne-t-il dans sa missive, il est dans nos intentions d’accepter le Parti communiste algérien en tant que parti au sein du FLN, si les communistes sont en mesure de nous armer…» C’est dans ce contexte que la première rencontre eut lieu les premiers jours de mai 1956, par un après-midi printanier, dans le cabinet dentaire de Mokrane Bouchouchi, place Bugeaud (Place Emir Abdelkader), face au siège du 19e Corps d’armée, au cœur d’Alger, entre Abane Ramdane et Bachir Hadj Ali, assistés respectivement de Benyoucef Benkhedda et de Sadek Hadjerès. Cette rencontre au sommet avait été arrangée par l’homme de confiance de Abane, Lakhdar Rebah, dit El Ghazal (quelques jours avant son arrestation à Kouba par les parachutistes de Massu).
Évoquant cette rencontre, l’officier de l’ALN devenu historien, Mohamed Téguia, écrit dans son livre témoignage L’Algérie en guerre : «Elle fut l’objet de félicitationss de Abane qui rendit hommage aux communistes… (Il) fit connaître son projet de promouvoir l’aspirant Maillot comme lieutenant, en l’affectant en Kabylie.» Les discussions aboutirent au mois de juin 1956 à la signature des accords FLN-PCA. Maintenant, «il n’existe qu’une seule armée contrôlée par le FLN», déclare le PCA clandestin. L’intégration «en bloc» des Combattants de la libération dans les maquis de la Wilaya IV (l’Arbaâ, Palestro (Lakhdaria), Ténès, Cherchell, Zaccar, Chlef et autres lieux de combat) fut supervisée par Amar Ouamrane.
Dans un communiqué signé de lui et adressé aux agences et organes de presse, Henri Maillot donna la signification de son geste : «L’écrivain français Jules Roy, colonel d’aviation, écrivait il y a quelques mois : si j’étais musulman, je serais du côté des ‘‘fellagas’’.
Je ne suis pas musulman, mais je suis Algérien, d’origine européenne. Je considère l’Algérie comme ma patrie. Je considère que je dois avoir à son égard les mêmes devoirs que tous ses fils. Le peuple algérien, longtemps bafoué, humilié, a pris résolument sa place dans le grand mouvement historique de libération des peuples… Il ne s’agit pas d’un combat racial, mais d’une lutte d’opprimés sans distinction d’origine contre leurs oppresseurs et leurs valets sans distinction de race… En livrant aux combattants algériens des armes dont ils ont besoin pour le combat libérateur, j’ai conscience d’avoir servi les intérêts de mon pays et de mon peuple, y compris ceux des travailleurs européens momentanément trompés.»
Henri Maillot tombe au champ d’honneur à l’âge de 28 ans, dans la matinée du 5 juin 1956, dans le djebel Derraga (rive gauche du Chéliff), mitraillé par les soldats français. Maurice Laban, Belkacem Hannoun et Djillali Moussaoui sont morts à ses côtés, les armes à la main. Abdelkader Zelkaoui, capturé la veille, avait été froidement assassiné. La guerre pour l’indépendance est à son vingtième mois. «Le camion d’armes d’Henri Maillot» entre dans la légende. La date du 4 avril 1956 s’inscrit au fronton de l’histoire.Par Mohamed Rebah
SOURCE : https://lapatrienews.dz/henri-maillot-le-chahid-oublie-communique-de-la-famille-du-chahid/
Auteur Des Chemins et des Hommes, préface d’Ahmed Akkache, Éditions Mille Feuilles, Alger, novembre 2009.Bernard Deschamps, ancien député, rend hommage
à Yvette Maillot, sœur d’Henri Maillot qui est décédée
au CHU Mustapha-Pacha (Alger)
à l'âge de 94 ans
Nous avions rendez-vous à l’entrée du cimetière d’El Madania (Clos Salembier) pour un hommage à l’aspirant Henri Maillot. Nous avons vu arriver une petite dame vêtue modestement mais avec goût, une brassée de roses rouges dans les bras. C’était Yvette la sœur d’Henri. Depuis, les membres de l’association France-El Djazaïr étaient restés en liaison avec elle et nous allions la saluer lors de chacun de nos voyages à Alger. En 2006, nous l’avions invitée à Nîmes pour un séjour au cours duquel elle avait pu visiter le département du Gard et participer à une rencontre au Cercle Monique Jourdan, à l’invitation de Martine Gayraud , la secrétaire départementale du PCF. Yvette s’est éteinte samedi… Elle était la mémoire vivante de l’épopée héroïque d’Henri Maillot.
Yvette Maillot, Bernard Deschamps, au Pont du Gard
Michèle Malclès, Yvette Maillot, Annie Deschamps
Qui était l’aspirant Henri Maillot ?
« Né le 21 janvier 1928 à Alger, Henri Maillot, adhéra au parti communiste en 1943. Il effectua son service militaire à Maison-Carrée, dans une unité du Train à compter d’avril 1948. Il parvint à entrer à l’École des Elèves sous-officiers de Cherchell, même s’il était « fiché » comme communiste par la Sécurité militaire. Après un stage à Tours, il fut promu aspirant du Train en janvier 1949.
Après son service, il travailla à la comptabilité du journal communiste Alger Républicain. Il participait aux tentatives de rapprochement avec les …nationalistes algériens..
En octobre 1955, il fut rappelé sous les drapeaux à Miliana en tant qu’aspirant, au 57e Bataillon de tirailleurs algériens (BTA) Dès décembre 1955, Henri Maillot envisagea de dérober des armes, l’information remontant jusqu’à la direction des Combattants de la Libération (CDL), organisation clandestine créée après l’interdiction du PCA. Une première tentative échoua en février 1956 faute du concours du FLN. Au cours de la seconde quinzaine de mars […] la direction du PCA détermina les lieux de l’embuscade, la forêt de Baïnem.
Le 3 avril, alors qu’ils traveraient la forêt de Baïnem, Henri Maillot sortit son pistolet et intima l’ordre au chauffeur de s’engager dans un chemin. Vers 12 heures 30, le camion s’arrêta, plusieurs personnes sortirent des fourrés et transbordèrent l’armement dans un véhicule. Le commando déroba ainsi 74 revolvers, 10 pistolets automatiques, 121 pistolets mitrailleurs et 63 fusils, avec de nombreuses cartouches.Henri Maillot rejoignit le « maquis rouge » mis en place par les CDL le 15 mai. Ce maquis d’une quinzaine de personnes était implanté dans l’ouest algérois, près d’Orléansville, dans le douar des Beni-Boudouane où il fut abattu ainsi que Maurice Laban et deux autres patriotes par les harkis du caïd Boualam, futur bachagha, acquis à l’Algérie française.
L’annonce de la mort d’Henri Maillot déclencha un véritable déluge d’articles. À l’exception de Libération et de l’Humanité, proches ou liés au PCF, tous les journaux utilisèrent les qualificatifs de « félon » et de « traître ». Le 9 juin, le PCA publia un tract au titre éloquent, « Gloire à Henri Maillot héros de la cause nationale. » (Extraits du Maitron)
Nous partageons la douleur des nièces et neveux d’Yvette et de leur famille. Qu’ils trouvent ici le témoignage de l’amitié profonde que nous lui portions.
Bernard DESCHAMPS
Yvette Maillot souvenirs
d’une Française restée en Algérie
En juillet 1962, alors que l’Algérie vient d’obtenir son indépendance, des centaines de milliers de pieds-noirs quittent le pays. FRANCE 24 est allé à la rencontre d'Yvette Maillot, une Française qui a fait le choix de rester.
Nous étions en 2012 c’est la visite qu’Yvette Maillot attendait depuis la déclaration d’indépendance du 5 juillet 1962. À 85 ans, la vieille dame a reçu, il y a quelques semaines, une délégation d’officiels algériens dans le jardin de sa villa du Clos-Salembier, quartier sur les hauteurs d’Alger, où elle vit depuis les années 1930 et où les citronniers, figuiers et grenadiers plantés par son père n’ont pas survécu aux années.
L’Algérie française a disparu depuis un demi-siècle, mais Yvette est restée. Vêtue d’une jolie djellaba, elle a écouté poliment la délégation lui proposer de renommer, lors du cinquantenaire de l’indépendance du pays, sa petite rue en l'honneur de son frère, Henri Maillot, mort pour la cause algérienne.
Yvette Maillot tient les documents certifiant la mort de son frère. Ces quelques pages dactylographiées expliquent pourquoi elle a décidé de rester alors que déclaration d’indépendance et règlements de compte poussaient 200 000 de ses compatriotes à embarquer pour l’Hexagone.
"Pas question de choisir entre la valise et le cercueil"
Yvette Maillot dans le jardin de sa villa du Clos-Salembier, à Alger. (photo : Mehdi Chebil / FRANCE 24)
"Pour moi et ma famille, il n’était pas question de choisir entre la valise et le cercueil comme les autres pieds-noirs… Le cercueil, nous l’avions déjà !", déclare Yvette en se remémorant ce jour du printemps 1956 où trois camions bourrés de militaires français ont investi la villa du Clos-Salembier à la recherche de son frère.
C'est à ce moment que la famille d’Yvette apprend la désertion de l’aspirant Henri Maillot, qui a rejoint un maquis acquis à la cause indépendantiste. Militant communiste de longue date, son frère a décidé de rejoindre les rangs de l’insurrection après avoir assisté à l’écrasement de la révolte de Constantine, un an plus tôt.
Affecté à l’arsenal d’Alger, il est parti avec un camion rempli d’armes qu’il a remis aux insurgés algériens. Un ancien combattant algérien, ami d’Yvette, se souvient du butin providentiel ramené ce jour-là par le "moudjahid français" : 120 mitraillettes, 80 revolvers, 65 fusils Lebel et une grande quantité de munitions.
Du jour au lendemain, Yvette est licenciée de l’atelier de couture où elle exerçait depuis une dizaine d’années. La maison familiale est symboliquement saisie par la justice, qui menace de l’expulser. Pour les partisans de l’Algérie française, elle devient la sœur du "traître Maillot" et un groupe d’ultras nommé "La main rouge" essaie de la kidnapper à deux reprises.
"Je vivais cloîtrée avec ma mère et ma sœur. Un jour, je me suis rendue aux funérailles d’un membre de ma famille, au cimetière du Chemin des crêtes. Quand j’ai vu le cortège funéraire, je n’en ai pas cru mes yeux. Un de mes oncles éloignés était habillé avec une redingote noire en queue de pie, avec une boutonnière affichant son soutien à l’OAS. Je me suis sentie en danger et je me suis enfuie dès que le corps était dans la tombe", rapporte Yvette.
C’est l’époque où l’affrontement entre forces pro et anti-coloniales dérape, où les luttes intestines au sein de chaque camp se soldent par des massacres de plus en plus sanglants.
L'indépendance, la fin d'un calvaire
Yvette voit avec horreur l’Algérie s’enfoncer dans la nuit. Le maquis d’Henri Maillot est démantelé au cours d’une opération spéciale de l’armée française, dont le dénouement rivalise de cruauté avec les pires exactions de la guerre.
Après l’avoir abattu, les anciens camarades de l’aspirant Maillot accrochent son cadavre à l’arrière de leur blindé avant de le traîner sur une quinzaine de kilomètres en guise d’exemple. Yvette est alors définitivement adoptée par les moudjahidines, qui considèrent son frère comme un véritable patriote algérien et un martyr. Tandis que le quartier du Clos-Salembier se vide de ses habitants européens, Yvette attend impatiemment la victoire des souverainistes algériens. La proclamation d’indépendance du 5 juillet 1962 marque la fin d’un calvaire.
"On a tellement souffert pour cette indépendance, on l’attendait avec impatience… Sept ans de guerre pour qu’on puisse revivre !", s’exclame Yvette.
Impliquée contre son gré dans la grande histoire du conflit franco-algérien, Yvette garde prudemment ses distances vis-à-vis des soubresauts politiques de l’Algérie du FLN. Les Algériens reconnaissent unanimement qu’elle "est ici chez elle" et la réputation de patriote de son frère protège sa famille des exactions qui ont visé d’autres Européens.
En plus de son passeport français, Yvette reçoit une carte d’identité algérienne dès 1963. Elle profite de la paix pour voyager, met les pieds dans l’Hexagone pour la première fois en 1967 et découvre avec émerveillement le métro à Paris. Mais son âme reste attachée à la terre où ses ancêtres sont établis depuis les années 1860 et elle ne reste jamais bien longtemps loin de sa villa algéroise.
Depuis sa terrasse, Yvette regarde les habitations en parpaing voisines qui ont remplacé les champs de son enfance. On devine, cinquante mètres plus bas, la ruelle Fernand Iveton, nommé d’après un autre pied-noir guillotiné pour avoir rejoint les insurgés algériens. Après réflexion, Yvette a demandé aux officiels algériens que sa rue ne soit pas rebaptisée du nom de son frère.
"C’est trop tard maintenant, les autorités auraient dû faire ça il y a cinquante ans", conclut-elle.
Cérémonie de recueillement en hommage
à Henri Maillot, martyr
de la Révolution algérienne
Employé en tant que comptable au quotidien Alger Républicain, il est mobilisé par l`armée française comme aspirant en 1956 dans la région de Méliana. Le 4 avril de la même année, il déserte et prend le maquis en détournant un camion d`armes. Il meurt sous les balles de l`armée coloniale le 5 juin 1956 à Chlef
Un hommage a été rendu samedi au cimetière chrétien de Diar-Essaâda (El Mouradia) à Alger, au chahid Henri Maillot lors d`une cérémonie de commémoration à l’occasion du 62ème anniversaire de sa mort, le 5 juin 1956, sous les balles des forces d`occupation coloniale.
La cérémonie de recueillement s`est déroulée en présence d’anciens moudjahidines et moudjahidates et du ministre de la Communication, Djamel Kaouane..
Pour le ministre de la Communication, “Henri Maillot, à l’instar de Fernand Yveton, Maurice Audin et le couple Chaulet sont des Algériens, des martyrs pour certains et des moudjahidines pour d’autres, donnant l’exemple du couple Chaulet qui a participé activement à l’oeuvre de la reconstruction du pays”.
“C’est un hommage justifié à ces fils de l’Algérie, qui ont contribué à la libération de notre pays”, a-t-il soutenu.
Pour sa part, la moudjahida Ighilahriz a indiqué que “les Français qui ont défendu l’Algérie, dont Henri Maillot, étaient nos frères, des chouhadas. Ils ont été arrêtés et torturés comme nous”.
Une gerbe de fleurs a été déposée devant la tombe d’Henri Maillot, dont les qualités, notamment son engagement pour la liberté, son humanisme et son combat pour l’indépendance de l’Algérie ont été soulignées.
Né le 11 janvier 1928 à Alger, d`une famille européenne, Henri Maillot rejoint très tôt le PCA (Parti communiste algérien) après avoir été secrétaire général de l`Union de la jeunesse démocratique algérienne.
Employé en tant que comptable au quotidien Alger Républicain, il est mobilisé par l`armée française comme aspirant en 1956 dans la région de Méliana. Le 4 avril de la même année, il déserte et prend le maquis en détournant un camion d`armes. Il meurt sous les balles de l`armée coloniale le 5 juin 1956 à Chlef.
« Conférence de Sylvie ThénaultMonsieur le Président Macron montez ces escaliers et du haut du Mémorial des Martyrs demandez pardon pour les 6 millions de victimes »
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Commentaires
Je découvre Henri Maillot et son histoire, semblable à d'autres français et nombreux ils étaient, qui avaient fait choix d'être juste, conscient de la colonisation arbitraire de la France en Algérie, durant mes recherches, depuis quelque vingt ans, à objectif d'édition d'un ouvrage depuis l'invasion française en 1830 jusqu'à son départ en 1962. J'ai rassemblé pour le moins quelque 330 témoignages concrets, sans tricheries, sans ajout d'embouts, rapportaient par des gens qui ne savent ni lire, ni écrire, ni mentir, ces gens là ne savent pas mentir, j'ai pour souvenir le témoignage d'une dame, "Na Dahbia" qui a vu sa fille se faire violer sous ses yeux, elle-même violée et abandonnée pour morte devant les corps de ses deux fils et de son mari abattu sauvagement par une horde de forcenés de l'armée française... Un vieil homme aveugle des suites de tortures et une lame de couteau chauffé à rouge et portée à hauteur de ses yeux le frappant de cécité pour le restant de ses jours, il m'a raconté les sévices effroyables dont il fut victime pour tenter de lui faire avouer des noms, des lieux, des caches de moudjahidines don t il n'avait aucune connaissance, alors simple berger dans un petit village de "Dellys" ex Port-Gueydon en grande Kabylie... D'Oran, Constantine, Annaba, Alger, Blida, Tizi-Ouzou, des quatre coins d'Algérie m'ont été rapporté des horreurs inénarrables par la collaboration d'amis journalistes ou simples citoyens, notamment d'une famille française massacrée père, mère et enfants, dont un nourrisson éventré, que d'avoir héberger des membres du FLN "Front de Libération Nationale" et épousé la cause algérienne et combien d'anonymes tant français qu'Algériens, des milliers, voire millions, pour certains, enseveli vivant jusqu'à ce que mort s'ensuive et d'autres sommairement exécutés de rafales de mitraillettes... Une vie ne suffirait sans doute pas à raconter l'horreur de 132 ans de tortures et de massacres, d'aversions extrême, mais j'ai grand espoir de publier tout ce que j'ai pu savoir à mon humble niveau, cru, hurlant de vérité et je rendrai hommage à tous ces corps non retrouvés, dont j'ignore les circonstances de leur mort, si ce n'est de conviction, dans d'atroces souffrance, sans haine aucune, ni animosités, ni rancoeur, juste à dessein de rappeler à Macron que c'est à eux qu'il faut demander pardon et non à des harkis qui ont fait choix de se rallier à la France, pour diverse raisons, peur, appât du gain, forcés, qu'importe sans rancune aucune, mais le pardon se doit à ceux qui ont choix de mourir en martyrs pour la libération de leur pays du joug colonial français, ainsi qu'à leurs enfants, leurs descendants, aux abattus et noyés de Paris de Papon.