• Hommage à Germaine Tillon qui est née à Allègre le 30 mai 1907

     

    L’Algérie au cœur

    de Germaine Tillion

     

    L’Algérie au cœur de Germaine Tillion

    Germaine Tillion avec les Touaregs dans les années 1970. - Collection privée Erik Guignard

    Femme d’exception, Germaine Tillion est entrée au Panthéon le 27 mai 2015. Parmi sa longue et riche vie, la création des centres sociaux en Algérie, épisode peut-être moins connu, lui « tient le plus à cœur ».

    Germaine Tillion aimait la France et l'Algérie. « De toutes les choses que j'ai faites dans ma vie, ce qui me tient le plus à coeur, c'est d'avoir créé les centres sociaux en Algérie, déclare-t-elle en 2003. D'autres choses que j'ai faites étaient aussi nécessaires et justes… Les centres sociaux en Algérie, c'était oeuvrer pour le Bien, un Bien qui n'était pas en opposition avec quelque chose. Un Bien créateur sans être destructeur. »

    La femme Chaouïa

    L’Algérie au cœur de Germaine Tillion

    Chaouïa : qui travaille la laine

    L'ethnologue a 27 ans quand elle débarque en 1934 à Alger. Elle suit la tribu «Chaouïa», semi-nomade qui « l'hiver vit au Sahara, l'été tout en haut des cimes, et en mi-saison dans les gourbis qui avoisinaient la guelaâ, forteresse où ils stockaient leurs récoltes » (Il était une fois l'ethnographie). Elle apprend à connaître les habitants et leur territoire, étudie les relations entre les sexes, les lignées, la vie économique et les aspects matériels, le statut de la femme Chaouïa et la transmission du patrimoine (*).

    Ses séjours dans les Aurès font l'objet de deux thèses. Ses documents de travail et les quelque 700 pages rédigées disparaissent à Ravensbrück…

    Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, plongée dans des recherches sur la Résistance et la déportation, Germaine Tillion n'envisage pas de retourner en Algérie. Et pourtant, elle s'y rendra en décembre 1954 en mission officielle « pour enquêter sur le sort des populations civiles dans les Aurès ».

    Germaine Tillion retrouve les personnes qu'elle avait connues quelques années plus tôt. « Si elle relève les conséquences sur cette population de ce qu'on appelle alors les opérations de maintien de l'ordre, si elle découvre le traumatisme omniprésent des massacres de Sétif perpétrés neuf ans plus tôt et qu'elle avait jusqu'alors ignorés, elle est encore davantage alertée par la dégradation de leurs conditions de vie », explique Nelly Forget, qui l'a accompagnée pendant plus de cinquante ans, dans Germaine Tillion et l'Algérie (1992).

    Dans son ouvrage l'Algérie, en 1957, Germaine Tillion indique : « Quand je les ai retrouvés entre décembre 1954 et mars 1955, j'ai été atterrée par le changement survenu chez eux en moins de quinze ans et que je ne puis exprimer que par ce mot de clochardisation. »

    Pour elle, « la clochardisation, c'est le passage sans armure de la condition paysanne (naturelle) à la condition citadine (moderne) ». En 1955, Germaine Tillion rêve de donner une « armure », c'est-à-dire « une instruction primaire ouvrant sur un métier » à tous les enfants, filles et garçons.

    L’Algérie au cœur de Germaine Tillion

    Les centres sociaux

    L’Algérie au cœur de Germaine Tillion

    En 1955, en l'espace de huit mois, elle met en place les centres sociaux, un programme ambitieux qui vise « à couvrir en dix ans l'ensemble de l'Algérie de 1.000 centres sociaux », avec l'objectif « d'offrir aux jeunes et aux adultes des deux sexes des services concrets (dispensaire, secrétariat social, coopérative…) articulés à des actions éducatives (alphabétisation, formation professionnelle, sanitaire…) ».

    Germaine Tillion déclarera plus tard : « Pour moi, les centres sociaux en Algérie devaient être un escalier bien large pour que toutes les générations puissent y monter ensemble…. Le plus important, c'était de ne pas séparer l'enfant de sa famille. Si on ne s'adresse qu'aux enfants, si on cherche à leur faire franchir, seuls, les étapes de ce qu'on croit être le chemin du progrès, le résultat est qu'on détruit le respect et la tendresse si nécessaires entre les générations. »

    Hostilité coloniale 

    Au final, 120 centres ont été construits, avec près d'un millier d'agents en activité. L'expérience aura duré moins de sept ans car la pression de la guerre pèse lourdement sur le déploiement de ce projet socio-éducatif. L'armée et l'opinion coloniale sont hostiles aux centres sociaux.

     

    L’Algérie au cœur de Germaine Tillion

    Le 15 mars 1962, six inspecteurs sont assassinés par l'OAS.

    « Ce fut l'aboutissement paroxystique d'un processus enclenché très tôt contre les centres sociaux par ceux qui détenaient l'autorité en Algérie et qui en auraient dû être les protecteurs ; d'arrestations en expulsions, amplifiées par des campagnes de presse, les centres sociaux éducatifs furent désignés comme boucs émissaires aux tueurs », relate Nelly Forget.

    Des centres poursuivent leurs activités au-delà de juillet 1962, « en prenant de grands risques ». À la constitution du premier gouvernement algérien, le service est absorbé par le ministère de la Jeunesse, des Sports et du Tourisme.

    « Le souvenir des centres sociaux reste lumineux », note Nelly Forget. En atteste aussi le témoignage d'une Algérienne, « envoyé d'Algérie ces dernières années ».

    Extrait : « À mon avis, celles qui profitèrent le plus de cette création novatrice, ce furent les femmes, aussi bien celles qui y travaillaient que celles à qui elle était destinée. Pour beaucoup, les centres sociaux furent un facteur de progression et d'évolution. Dans les structures algériennes où elles furent versées (après l'indépendance), beaucoup devinrent de parfaites gestionnaires de crèches, de centres pour handicapés, de dispensaires locaux… ».

    (*) Sources : « Association Germaine Tillion ». L'association a été formée par un groupe d'amis de Germaine Tillion en novembre 2004 dans le but de l'assister dans un certain nombre de démarches. Tout renseignement sur le site germaine-tillion.org 

    Jean-Luc Chabaud

    Allègre là où elle est née

    Le village d'Allègre se souvient

    de Germaine Tillion

    Le village d'Allègre se souvient de Germaine Tillion

    L'association "Germaine Tillion, mémoires d'Allègre" organisait samedi 28 mars 2015 au centre George-Sand une journée consacrée à l'ethnologue et humaniste Germaine Tillion qui est née à Allègre le 30 mai 1907.

    Le village d'Allègre se souvient de Germaine Tillion

    Jean-Pierre Lauby, président de l'association Germaine Tillion.

    Créée en novembre 2014 l'association "Germaine Tillion, mémoires d'Allègre" organisait samedi le première manifestation d'ampleur de sa jeune existence.
    Une journée consacrée à la plus célèbre des enfants d'Allègre rassemblait dès la matinée quelque 300 personnes au centre George-Sand.
    Une occasion de se souvenir de Germaine Tillion, de rendre hommage à cette grande humaniste au parcours courageux et atypique.
    Après quelques mots de Jean-Pierre Lauby, président de l'association Germaine Tillion, mémoires d'Allègre, Gilbert Meyssonnier, maire d'Allègre, ouvrait cette journée Germaine Tillion à laquelle  participaient notamment Jean-Pierre Vigier, député, Arlette Arnaud-Landau, conseillère régionale, Marie-Agnès Petit, conseillère départementale et régionale.
    Née à Allègre, Germaine Tillion est restée une dizaine d'années au pied du mont Bar avant de poursuivre ses études au lycée Jeanne-d'Arc de Clermont Ferrand.
    Son parcours universitaire fut ensuite particulièrement brillant avec des études de lettres puis d’ethnologie à la Sorbonne. Marcel Mauss et Louis Massignon furent deux maîtres qui nourrirent sa pensée.

    Jeune diplômée, elle part seule dans les Aurès en Algérie où elle effectue quatre missions d'étude de la population berbère Chaouia.
    Un travail sur le terrain, dans un univers difficile qui témoigne du courage de cette jeune femme.
    Ce courage, elle le démontra également lors de son retour en métropole en juin 1940.
    Révoltée par le discours de Pétain annonçant l'armistice, elle décide de participer à la fondation du Réseau du Musée de l'Homme, devenant une des premières résistance de l'Hexagone.
    Un engagement qui lui valut d'être arrêtée et déportée en 1943 au camp de Ravensbrück avec sa mère qui y décèdera. 
    Germaine Tillion poursuivra après guerre son engagement humaniste, en dénonçant le système concentrationnaire en Union soviétique, en créant des centres sociaux en Algérie, en participant à la commission d’enquête sur la torture dans les prisons de la guerre d’Algérie.
    "Il se passe quelque chose autour de cette personnalité que l'on découvre ou que l'on redécouvre" lançait samedi matin Jean-Pierre Lauby.
    Mais il n'y a pas de lieu tangible, de trace du passage de Germaine Tillion à Allègre, seul est conservé le souvenir de sa maison natale, l'ancienne gendarmerie à deux pas du centre du bourg.
    Toutefois, l'ethnologue serait venue par deux fois à Allègre, pour retrouver les lieux de son enfance, mais on ne dispose d'aucune certitude à ce sujet.
    Alors l'évocation de Germaine Tillion à Allègre a quelque chose de symbolique, comme son entrée au panthéon le 27 mai prochain.
    Ce jour-là quatre figures exemplaires de la France, Germaine Tillion, Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle et Jean Zay, auront la reconnaisse nationale qui leur est due. Toutefois, les dépouilles des résistantes Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle n'entreront pas au Panthéon, conformément au voeu de leurs familles qui ont exprimé le souhait qu'elles demeurent dans leur sépulture d'origine. Les cercueils ne contiendront qu'un peu de terre rapporté du lieu où elles sont enterrées.
    La journée Germaine Tillion à Allègre était ponctuée de plusieurs moments durant lesquels divers aspects de sa personnalités étaient évoqués ainsi que le contexte actuel avec une première conférence matinale "l'entrée au Panthéon de Germaine Tillion", donnée par Patrick Garcia.

    Dans l'après-midi, une table ronde permettait d'aborder deux moments de la vie de Germaine Tillion, la Résitance et la Déportation d'une part, l'engament social en Algérie, d’autre part.
    La journée Germaine Tillion consacrait aussi une grand part à l'expression artistique avec l'exposition à l'espace George-Sand et au logis Saint-Paul. Une position partagée entre les travaux à l'espace George-Sand des élèves du collège d'Allègre et quatre artistes qui se sont investis dans cette démarche.
    La journée au centre George-Sand devait se terminer par une lecture publique de plusieurs textes de Germaine Tillion par Claire Vidoni, du Théâtre de l'Imprévu
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    à Germaine Tillion au Panthéon

     

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