• Hommage aux victimes des attentats terroristes : pour compléter mes deux articles précédents, un retour en arrière jusqu'au 1er avril 2012

    1er avril 2012  

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    http://tempsreel.nouvelobs.com/les-50-ans-de-la-fin-de-la-guerre-d-algerie/20120330.OBS5126/guerre-d-algerie-je-n-ai-pas-de-colere-pas-de-ranc-ur-pas-d-envie-de-revanche.html

     

    Guerre d'Algérie : "Je n'ai pas de colère

     pas d'envie de revanche"

     

    LIVRES - Blessée dans un attentat en Algérie en 1956, Danielle Michel-Chich, dans sa "Lettre à Zohra D.", livre un témoignage apaisé.

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    A l'approche du référendum sur le droit à l'autodétermination du peuple algérien, le Général de Gaulle se rend en Algérie (09/12/1960). Dans les grandes villes, de nombreuses manifestations tournent à l'émeute, opposant les partisans de "l'Algérie algérienne" et de "l'Algérie francaise", faisant de nombreux blessés et plus d'une centaine de morts. Alger, ALGERIE - 09/12/1960 (DALMAS/SIPA)

     

     

    Août 1956, des partisans de l'Algérie française font éclater une bombe, rue de Thèbes, dans la Casbah, provoquant de nombreux morts et blessés. En représailles, les nationalistes, sous l'égide de Yacef Saadi, vont commettre des attentats dans le centre d'Alger. Le 30 septembre 1956, c'est la veille de la rentrée des classes. Les vacances touchent à leur fin.

    Danielle Michel-Chich, surnommée "Dany", bientôt cinq ans, déguste une dernière glace au Milk Bar, glacier populaire d'Alger, rue d'Isly, avec sa grand-mère. C'est ce même jour, en fin d'après-midi que Zohra Drif, jeune militante FNL de 22 ans, dépose la bombe qui va tuer la grand-mère et arracher la jambe de la petite fille. Ce jour-là, la Cafétéria est aussi la cible d'un attentat. En tout, les attaques font quatre morts et une cinquantaine de blessés.

    Une survivante

    Quelques cinquante-six années plus tard, Danielle Michel-Chich entreprend d'écrire une lettre à celle qui a brisé sa vie. Elle ne cherche pas à dresser un tableau historique de l'événement. Elle raconte sobrement ce que fut sa vie de petite fille confrontée à la souffrance, aux multiples opérations, aux douloureuses prothèses. La différence engendrée par cette jambe manquante. Etre la seule fillette en pantalon à l'école, alors que l'époque était aux robes courtes et aux socquettes blanches. Mais elle nous communique aussi cette soif de liberté, cet appétit de vivre et d'en vouloir toujours plus.

    "L'important n'est pas ce que l'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on nous a fait ". La formule de Jean-Paul Sartre est en exergue de son livre. Danielle Michel-Chich a la soixantaine rayonnante d'une femme qui a su mener la vie qu'elle désirait en dépit du traumatisme initial. Elle ne se voit pas comme une victime. Elle se décrit comme une survivante.

    "Les victimes, ce sont mes parents qui ont été sidérés par le malheur. Ils étaient très jeunes, j'étais leur fille unique qui avait perdu sa jambe. Mon père avait perdu sa mère chérie. Je les voyais trop malheureux et malgré mes cinq ans, je suis devenue leur mère", déclare-t-elle à présent. Danielle était forte, serrait les dents et allait de l'avant.

    Le silence du traumatisme

    A la maison, c'est le silence, le déni. On ne parle pas de l'évènement. "Avec ce qui nous est arrivé" disaient seulement ses parents. "Si l'on faisait comme si rien ne s'était passé, c'est que rien de grave ne s'était passé", écrit l'auteur.

    A la maison, la petite fille est protégée des bruits de la guerre. "J'y étais rentrée sans jamais savoir que nous étions en guerre." Elle est choyée, entourée de ses oncles, de ses tantes et de ses cousins. Cependant, les adultes chuchotent devant elle des propos qu'ils n'auraient jamais dû tenir devant une enfant. Elle ne pourrait pas se marier, elle ne pourrait pas avoir d'enfants ni mener une vie normale. Pour Dany qui enregistrait tout, ces paroles étaient des inepties. La petite fille se promettait le contraire."Je n'ai jamais douté de moi et de mon avenir" affirme-t-elle aujourd'hui.

    "La France, une patrie de manuel scolaire"

    L'avenir commence pour elle en juin 1962 , quand la famille quitte l'appartement de la rue Richelieu, au centre d'Alger, pour partir en métropole, en suivant le vent de l'histoire. "La France , une patrie de manuel scolaire", c'est ainsi que Danielle se représente le pays où elle va désormais vivre. Elle fait partie d'une famille juive installée sur le sol algérien depuis des siècles. Ils ne sont pas des "rapatriés", ils ne retournent pas dans une patrie dont ils ont pourtant la nationalité.

    A Toulon, Dany abandonne son diminutif et exige désormais qu'on l'appelle Danielle. Une identité toute neuve "entière et intègre" pour celle qui va se lancer dans une nouvelle vie avec avidité. L'adolescente, se passionne pour les livres. Dans son enfance, ils étaient une distraction. Ils sont à présent une nécessité. En 1969, le bac en poche, la jeune fille prend ses distances et fuit le périmètre familial. Elle entame d'abord des études de lettres à Marseille avant de les poursuivre à Paris, à la Sorbonne.

    Militante et des contradictions

    Danielle s'engage rapidement dans des activités militantes. Auprès des féministes et du MLAC (Mouvement pour la Liberté de l'Avortement et de la Contraception), mais aussi dans les luttes anti colonialistes, et anti impérialistes, qui imprègnent fortement les années 70. Ce n'est pas toujours facile, au plus fort de ces combats , d'avoir l'étiquette de "rapatriée", souvent assimilée à la droite extrême.

    Qui plus est, d'avoir été blessée par ceux-là mêmes dont elle défendait la cause. La jeune femme ressent alors un hiatus entre son histoire et l'Histoire. "Engagée dans la lutte à leurs côtés, je trouvais mon histoire déplacée. Leur dire qui j'étais, ce que j'avais vécu dans le fracas de cette période, m'aurait rendue suspecte", écrit-elle. Alors sans vraiment dissimuler ses origines, elle élague lorsqu'on l'interroge sur son handicap ou ment par omission.

    Plus tard, mariée et mère de famille, Danielle passe quelques temps à Houston, Texas. Là-bas, elle se sent légère, libérée de l'image qu'on se fait d'elle en France. En Amérique personne ne connait l'Algérie et son histoire. Pourtant, lorsque se pose la question de la transmission, l'auteur dit n'avoir qu'un regret, celui de ne pouvoir rien montrer de ses premières années à ses propres enfants. Pas de maison, pas d'école, aucun des lieux où elle a grandi. Si l'on soupçonne un brin de révolte chez cette femme sereine et souriante, c'est là qu'elle se niche.

    Désillusion

    Lorsque Danielle Michel-Chich entreprend son récit, elle se méprend sur l'identité de la jeune femme qui a posé la bombe au Milk Bar. Pendant des années elle a pensé que l'auteur de l'attentat était une autre militante du FNL, Djamila Bouhired. Cherchant à en savoir davantage sur la destinataire de sa lettre, elle découvre sur Internet la véritable identité de celle qu'elle appelle "Madame". Zohra Drif, personnage public de premier plan dans la vie algérienne, une apparatchik "glaciale, sans idéal et sans regret", loin de la jeune combattante qu'elle avait imaginée.

    Le peu de colère que j'ai, dit l'auteur, c'est pour ce qu'elle est devenue. "Vous n'êtes décidément, Madame, pas du tout celle que je voudrais! "s'exclame-t-elle dans son livre.

    Son récit, Danielle l'a voulu apaisé. Elle dit qu'on peut avoir souffert sans pour autant vouloir la vengeance. Le but ultime de cette lettre à Zohra D. est de poser la question morale du terrorisme, celle qui traverse l'œuvre de Camus : peut-on tuer pour une juste cause ?

    Les réactions au livre commencent à se manifester. La toile bruisse de propos, étonnés de la part des Algériens, violents de la part d'associations de rapatriés.

    La publication de ce récit a déjà permis à son auteur de renouer avec une amie de sa prime enfance, avant l'attentat. La fillette aurait dû se trouver au même endroit ce jour-là. Invitée à partager les derniers moments des vacances autour d'une glace, sa mère déclina. Il fallait préparer la rentrée. Anne-Marie n'a pas oublié la chaise vide dans la salle de classe, le lendemain du 30 septembre 1956. Danielle, elle, a perdu tout souvenir d'avant le Milk Bar.

    "Lettre à Zohra D."De Danielle Michel- Chich (Flammarion, 2012)

     Par Lise Tiano

    Pour compléter mes deux articles précédents, un retour en arrière jusqu'au 1er avril 2012

    Zohra Drif : Pourquoi j’ai posé la bombe au Milk Bar d’Alger le 30 septembre 1956

     

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    http://www.dna-algerie.com/interieure/zohra-drif-pourquoi-j-ai-pose-la-bombe-au-milk-bar-d-alger-le-30-septembre-1956

    Alger, dimanche 30 mars 1956. Il est 18h35. Une forte explosion secoue le Milk Bar, une brasserie très fréquentée de la capitale. Bilan : trois morts, des femmes, et une douzaine de blessés. La bombe est déposée quelques minutes plutôt par une jeune militante du FLN (Front de libération nationale), Zohra Drif. Etudiante en droit à la faculté d’Alger, Zohra Drif, 22 ans, a été recrutée par Yacef Saadi, chef de la zone automne d’Alger.


    Dans un livre paru récemment en France, « Lettre ouverte à Zohra D. », la journaliste et écrivaine Danielle Michel-Chich interpelle Zohra Drif sur cet attentat dont elle est une de victimes. Ce dimanche 30 mars 1956, Danielle, âgée de 5 ans, avait perdu sa grand-mère alors qu’elle même fut amputée.

     Lettre à Zohra D.

    Dans sa lettre à Zohra D., la journaliste écrit à l’adresse de Zohra Drif : « Vous avez posé la bombe sous notre table au Milk Bar, des témoins l’ont raconté. Mais vous nous avez vues, ma grand-mère et moi. Vous saviez que nous étions innocentes. Comment, lorsque l’on croise le regard de ses victimes, peut-on encore réagir ? […] Vous n’avez pas jeté une bombe sur Jacques Soustelle (Gouverneur général de l’Algérie, NDLR) ou sur le général Massu. Vous vous en êtes prise à des innocents. Finalement, vous avez été très en avance sur votre temps : vous avez inauguré le terrorisme aveugle ».

    0lettre%20a%20zohra%20dAujourd’hui sénatrice du tiers présidentiel, Zohra Drif, 78 ans, revient sur cet événement dans un entretien accordé au journaliste Malik Ait Aoudia, de l’hebdomadaire français Marianne (24 au 30 mars 2012).

    Bien qu’elle ne réponde pas directement à l’interpellation de Danielle Michel-Chich, Zohra Drif livre ses explications. Extraits

    Pourquoi l’attentat ?

    « Cela faisait des mois que des ultras de l’Algérie française posaient des bombes dans les quartiers algériens. Ces bombes, qui ont fait des centaines de morts, étaient posées avec la complicité de la police pour terroriser le peuple algérien qui soutenait le FLN. Cette campagne de bombes a culminé le 10 août 1956 avec l’attentat de la rue de Thèbes, au centre de la Casbah. Une bombe déposée à 1 heure du matin, pendant le couvre-feu, a fait un carnage, plusieurs maisons se sont effondrées sur leurs habitants, on a compté plusieurs dizaines de cadavres et des centaines de blessés. Bien évidement, la police coloniale n’a rien fait. En dehors d’Alger, l’armée française détruisait des villages, s’en prenait aux populations civiles sur lesquelles elle a lâché des tapis de bombes, elle déportait des centaines de milliers de personnes qui étaient parquées dans ces camps. L’armée française menait une guerre totale contre le peuple algérien. L’objectif clair était de terroriser le peuple algérien pour lui faire perdre confiance dans la capacité du FLN à se battre et à le protéger. »

    Pourquoi déposer une bombe au Milk Bar ?

    « Oui. Tel était l’objectif de l’action décidée par la direction du FLN, celle de porter dorénavant la guerre au sein des populations civiles européennes qui, il ne faut pas l’oublier, était partie prenante dans cette guerre, en exigeant de protéger son statut par n’importe quel moyen. Je l’ai fait d’autant plus librement que je partageais totalement la lecture politique de ma direction. »

    Etait-elle consciente qu’elle s’en prenait

     à des innocents ?

    « Ce n’est pas à moi qu’il faut demander des comptes pour cette bombe, c’est aux pouvoirs français qui ont asservi le peuple algérien depuis 1830 en utilisant les méthodes les plus barbares. De quoi étaient coupables les millions d’Algériens morts depuis 1830 ? De quoi étaient coupables les villageois « napalmés » ? De quoi étaient coupables les victimes de la guerre totale menée dans le bled avec les moyens de la quatrième armée du monde et le soutien de l’Otan ? Je ne suis pas née pour tuer, je n’ai pris aucun plaisir personnel à poser cette bombe, mais nous étions en état de guerre, une guerre qui nous a été imposée depuis  1830. Comme l’a déclarée le grand Larbi Ben M’hidi au général Bigeard après son arrestation et avant son assassinat : « Nous aurions volontiers tronqués nos couffins contre les avions et les tanks de l’armée française. »

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    L'attentat du Milk Bar d'Alger le 30 septembre 1956

    Zohra Drif éprouvait-elle de la haine ?

    « Jamais. Nous n’avons pas été élevés dans la culture de la haine. Le FLN a dès le 1er novembre 1954 déclaré que nous faisons la guerre au colonialisme et non au peuple français. Des Français nous ont soutenus avec beaucoup de courage parce qu’ils estimaient être de leur droit de rester fidèles aux idéaux qui ont fondé la République française. »

    Pour compléter mes deux articles précédents, un retour en arrière jusqu'au 1er avril 2012

    Zohra Drif : 56 ans après l'attentat du Milk Bar, elle continue de justifier son acte

     

    Zohra Drif était étudiante à Alger lorsqu'elle a posé une bombe au Milk Bar. Huit personnes y ont perdu la vie. Aujourd'hui sénatrice en Algérie, cet ancienne du FLN continue de justifier son acte : « La forme de colonisation était la plus barbare qui soit. On ne se bat pas alors contre le peuple français. On se bat contre des forces qui ont décidé de faire sortir de l'histoire tout un peuple. »

     
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    A la rencontre de Danielle Michel-Chich, auteur... par Marianne2fr

    Attentat du Milk Bar : rien, Zohra Drif, ne regrette rien

    La rencontre entre Zohra Drif, la poseuse de bombes du Milk Bar, et Danielle Michel-Chich, une de ses victimes, était attendue. Mais la confrontation n’a pas tenu ses promesses, Zohra Drif se contentant d’expliquer que c’est l’Etat français qu’elle visait…

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    Zohra Drif aux côtés de Bernard-Henri Lévy, Nicolas Domenach

     et Maurice Szafran.

     

    A peine entrée sur scène, Zohra Drif s’attire déjà les foudres du public : « Vous êtes une criminelle de guerre ! Vous avez tué des enfants ! ». Face à ces accusations, elle reste de marbre, sans doute habituée. Pour ne pas trahir sa pensée, l’ancienne militante pour l’indépendance choisit de lire son texte comme un discours bien rôdé. La salle plonge alors dans le silence, dans l’attente d’excuses qui ne viendront jamais : « Nous avons pris les armes pour combattre un système. Ce genre de système ne vous laisse d’autre choix que de mourir pour vivre dans votre pays. »

    Zohra Drif est née en 1938 dans une Algérie alors considérée comme française. Pendant ses études, elle découvre les grands philosophes qui l’amènent à s’interroger sur la condition de son propre pays. Convaincue que « les Algériens méritent plus qu’un simple statut de sujet », elle s’engage dans la lutte pour l’indépendance et rejoint le « Réseau des bombes », en cheville avec le Front de Libération Nationale (FLN). Pour une cause qu’elle considère encore aujourd’hui comme juste, elle va jusqu’à poser une bombe dans un bar fréquenté par les pieds-Noirs. Pourtant Zohra Drif persiste et signe. Et même minimise : « J’ai posé une petite bombinette » !

    La salle reste sous le choc de cette déclaration. Bernard-Henri Lévy, qui débattait avec elle ne manque pas de l’interpeller : « La cause pour laquelle vous vous êtes battue est une cause juste. Mais il arrive que des causes justes soient défendues par des actes injustes ». Zohra Drif ne se décontenance pas, elle décrit alors les exactions qu’elle a vu de ses propres yeux, des horreurs qui justifieraient son acte : « Nous étions en guerre, et non dans des confrontations personnelles, c’était une tourmente qui a dépassé nos deux pays. »

     

    Confrontée aux questions de la salle, Zohra Drif demeure d’une froideur déconcertante. Sans doute se protège-t-elle derrière des réponses qu’elle assène depuis des années. Car comment pourrait-elle renier cet acte ? Ce serait renier le système auquel elle adhère depuis sa jeunesse. Et même lorsque Danielle Michel-Chich, une de ses victimes de l’attentat du Milk Bar, l’interroge sur la légitimité de son geste, Zohra Drif se contente de répondre : « Ce n’est pas à moi qu’il faut vous adresser, c’est à l’Etat français qui est venu asservir mon pays. » A la sortie de la conférence, les deux femmes se sont croisées. Zohra Drif a détourné la tête pour ne pas avoir à croiser son regard…

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    (Danielle Michel-Chich l'interpelle depuis la salle)



    Interview de Zohra Drif, sénatrice algérienne... par Marianne2fr 
     

     

    « Si dans mon article précédent je dénonçais le fait que l’on rappelait le terrorisme FLN en occultant le terrorisme de l’OAS eh bien une autre occultation : Charly Hebdo n’a pas été conviéYasmine Marzouk : du haut de ses 21 ans elle a tenu le discours le plus poignant de la cérémonie d'hommage aux victimes d'attentats »

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