• "Ici on noie les Algériens" : la photo mémoire du massacre du 17 octobre 1961

     

    "Ici on noie les Algériens" : la photo mémoire

    du massacre du 17 octobre 1961 

     

     

    La photo du graffiti "Ici on noie les Algériens", prise sur les quais de la Seine quelques semaines après le massacre du 17 octobre 1961 a failli n'être jamais publiée. Pourtant aujourd'hui elle est devenue un symbole. Et la mémoire de la répression en France pendant la guerre d'Algérie. 

    17 octobre 1961, en pleine guerre d’Algérie le Front de Libération National appelle les Algériens à manifester pacifiquement à Paris pour demander l’indépendance de l’Algérie et l’arrêt du couvre-feu qui les vise. La répression ordonnée par Maurice Papon est sanglante. Plusieurs dizaines d'Algériens, peut-être plus de 200, sont tués, certains sont jetés dans la Seine, c’est ce massacre qui est dénoncé trois semaines plus tard par le graffiti sur les quais de Seine.

    Quand on a appris ce qui s’était passé le 17 octobre, on s’est dit qu’il fallait faire quelque chose, qu’il fallait réagir, marquer le coup.  On a marché le long des quais pour trouver un espace suffisamment large  pour mettre cette inscription qui est quand même assez longue et on est arrivés ici devant l’institut. Et le pont Saint-Michel, c’est quand même de là qu’ils ont jeté les gars.      
    Jean-Michel Mension, l'un des auteurs du graffiti

    Après la manifestation du 17 octobre 1961• Crédits : AFP

     

    Au petit matin, deux photographes du journal communiste l’Avant-Garde, le découvrent par hasard.

    On passe sur les quais de la Seine, tous les deux en voiture et on voit cette inscription : “Ici on noie les Algériens”. Deux flics, un à chaque bout, gardaient l’inscription parce qu’ils voulaient la détruire. Alors on passe au ralenti, on revient sur nos pas, je saute pratiquement en marche et je fais deux photos pas plus. J’ai pas eu le temps d’en faire plus, les flics arrivent les bras en l’air, voulant nous arrêter, je saute dans la bagnole et Claude [Angeli] pied au plancher, on s’en va tous les deux.       
    Jean Texier, photographe

    En quelques heures ce graffiti est effacé par les autorités. La seule trace de son existence est la photo prise par Jean Texier et Claude Angeli. Ils proposent le jour même leur photographie à L’Humanité mais pendant la guerre d’Algérie, le journal est saisi à 27 reprises et fait l’objet de 150 poursuites pour ses positions anticolonialistes. Ne pouvant assumer financièrement une saisie supplémentaire,
    L’Humanité ne publie pas la photo tout de suite.

    Saisie au journal L'humanité durant la guerre d'Algérie• Crédits : AFP

     

    La photographie est publiée bizarrement 24 ans après dans le journal L’Humanité puis en Une de L’Humanité en 1986. Dans les années 1980 on est passé de l’histoire à la mémoire, on est passés à la mémoire militante de la dénonciation. Donc, cette photographie qui ne montre pas les massacres mais qui montre la dénonciation des massacres avec ce slogan très efficace “Ici on noie les Algériens”, est devenu petit à petit le symbole de la sanglante répression du 17 octobre 1961.      
    Vincent Lemire, historien

    C’est le slogan qui fait la force de cette photographie. Il aurait été imaginé par le dramaturge Arthur Adamov, alors actif dans un comité de soutien pour la paix en Algérie .

    On est chez des militants qui sont aussi des artistes qui réfléchissent longuement des heures ou des jours durant au slogan qu’il vont tracer avant de l’écrire donc il faut que ça frappe. Il faut s’imaginer que ces militants qui, au début du mois de novembre, partent dans la nuit pour tracer ce slogan, ces slogans en fait, parce qu’on sait par des témoignages qu’il y en a eu plusieurs, prennent un risque majeur. Et la photographie c’est la même chose on est dans le cadre d’une photographie militante et de gens qui prennent des risques pour que cette photographie, pour que ce slogan arrivent jusqu’à nous.      
    Vincent Lemire, historien

    Le massacre du 17 octobre 1961 a longtemps été occulté par les autorités, jusqu’à ce que François Hollande reconnaisse la tragédie.

    Aujourd'hui, il est très important, 50 ans après, de revenir sur ce qu'il s'est passé. Sans pour autant avoir à exercer une repentance, ce n'est pas de cela dont il s'agit, mais tout simplement rappeler ce qui s'est produit ici, c'est-à-dire plusieurs dizaines de morts dans des conditions tragiques.      
    François Hollande, 2011

    Merci d'arrêter la vidéo après le sujet concerné

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    Samedi 24 Août 2019 à 09:36

    Le 17 octobre 1961 j'étais "sous les drapeaux". Je me trouvais alors cantonné à Bou-Ktoub au bord du chott ech Chergui. Je n'ai pas eu connaissance du crime qui a eu lieu ce jour-là à Paris. Je l'ai appris bien plus tard, je ne saurais préciser en quelle année. 

    Rappelons que si Maurice Papon était préfet de police à cette époque il avait pour supérieur Roger Frey, alors Ministre de l'Intérieur et que celui-ci a joué un rôle décisif dans ces assassinats.

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