• Il y a 60 ans, la bataille d'Alger

    Il y a 60 ans, la bataille d'Alger

    Il y a 60 ans, la bataille d'Alger

    Le 7 janvier 1957, 6000 parachutistes envahissent la ville blanche pour mettre fin, par tous les moyens, aux attentats du FLN. Une très sale besogne.

    Il est dix heures du matin, ce 7 janvier 1957 quand le général Massu, en treillis léopard, gueule de travers des mauvais jours, rentre dans le vieux palais d'Alger où il a installé son état-major. L'arrêté que vient de lui remettre le préfet Serge Baret, sur ordre du ministre résidant en Algérie, Robert Lacoste, transfère au patron de la prestigieuse 10e division parachutiste l'ensemble des pouvoirs de police. Celle-ci étant incapable d'enrayer les attentats commis par le FLN (Front de libération nationale) à Alger, c'est à l'armée d'agir. Le lendemain, 6 000 parachutistes investissent la ville blanche. La bataille durera jusqu'au 8 octobre et s'achèvera par le démantèlement du FLN de la zone autonome d'Alger. Il s'agit d'une sale besogne que le pouvoir politique, déliquescent, se résout à remettre entre les mains des militaires, eux-mêmes peu désireux de se livrer à une opération de police.

    Pour gagner, les méthodes employées sont radicales. Le général Aussaresses racontera, comment, alors commandant, il pénètre mitraillette au poing dans les locaux de la police et rafle les fichiers de l'ensemble des Algériens susceptibles, de près ou de loin, d'aider le FLN. S'ensuivent les arrestations, la torture, souvent les exécutions. À lui seul, à la tête de son escadron de la mort, Paul Aussaresses avouera avoir tué de sa main 24 personnes. Quant à la torture, elle était, selon lui, « généralisée » à son arrivée à Alger.

    3000 disparus

    Le 28 mars, le général Jacques Pâris de Bollardière, l'un des soldats français les plus décorés, condamne publiquement ces méthodes. Il est relevé de ses fonctions et condamné à 60 jours de forteresse. En septembre, c'est au tour du secrétaire général de la préfecture d'Alger, Paul Teitgen, ancien résistant, de démissionner. La liste des disparus qu'il a réussi à tenir compte plus de 3 000 noms, chiffre que validera le général Aussaresses : « Oui, cela doit correspondre à peu près à la réalité. Teitgen avait en effet découvert qu'on le roulait dans la farine depuis longtemps. Je lui faisais signer des assignations à résidence, ce qui permettait d'enfermer les personnes arrêtées dans des camps. (…) En fait, on exécutait ces détenus, mais Teitgen ne s'en est rendu compte qu'après coup. »

    Comment en est-on arrivé là ? Conspué à Alger le 6 février de l'année précédente par les pieds-noirs – les Européens d'Algérie –, Guy Mollet, le président du Conseil change son fusil d'épaule. Il choisit de livrer la guerre au FLN qui, depuis deux ans, multiplie les attaques. Vote des pouvoirs spéciaux qui permettent, entre autres, les perquisitions de jour comme de nuit, l'envoi du contingent, les premières exécutions capitales de militants du FLN... Celui-ci réplique à coups de bombes posées dans les endroits fréquentés d'Alger. C'est pour faire cesser cet engrenage que le pouvoir décide d'utiliser l'armée. Après juin 1940, Diên Biên Phu et l'opération avortée de Suez, celle-ci a enfin gagné une bataille. Mais à quel prix ?

    SOURCE : http://www.lepoint.fr/histoire/il-y-a-60-ans-la-bataille-d-alger-07-01-2017-2095251_1615.php 

     
    1957 : la bataille d'Alger par LePoint

    Si la bataille d’Alger s’est soldée par une victoire militaire de l’armée de l’occupant, il est classique (y compris au sein de l’Armée française) de dire que la signification globale, autant au plan stratégique qu’au plan politique, de ce succès opérationnel et tactique, est celui d’un échec.

    Victoire militaire et tactique de l’Armée française à court terme, mais défaite morale, politique et stratégique à moyen terme.

    D’abord au plan politique (politico-moral-idéologique en réalité) : dans une partie croissante de l’opinion publique, la généralisation des méthodes de l’armée a progressivement conduit à son discrédit, ce qui a joué un rôle majeur. La victoire a été obtenue au prix de plusieurs milliers de disparitions de suspects, de tortures sans fins (gégène, pendaisons, noyades…), d’exécutions sommaires, de procès expéditifs devant des tribunaux militaires. Ces pratiques firent d’abord l’objet d’une commission d’enquête révélée par Le Monde à l’été 1957, puis percèrent peu à peu à une échelle plus médiatique.

    Rappelons que la guerre d’Algérie est le principal épisode de censure et de contrôle de l’information de l’après-guerre en France. La RTF est sous contrôle direct de la présidence de la République, contrôle qui censure tout ce qui diverge de la position officielle. La presse écrite en Algérie est aux mains de la bourgeoisie foncière, et les journaux français sont régulièrement saisis, interdits plus ou moins longtemps de publication, de nombreux journalistes sont arrêtés, etc. Certains journaux sont totalement interdits en Algérie. Cela n’empêche pourtant pas ce recours à la torture d’être dénoncé publiquement dans la presse et par des personnalités et militants politiques, comme Henri Alleg dont la parution de son livre La Question en 1958, malgré son interdiction quasi immédiate, aura une large diffusion clandestine, s’appuyant notamment sur une impression en Suisse, et suscitera une vaste prise de conscience. Sartre notamment (soutien fervent d’Alleg) qui avait longuement analysé, comme d’autres, le « système » d’exploitation et d’oppression à la fois économique, politique, idéologique et militaire du colonialisme, saluera ce livre majeur dans un article dénonçant son interdiction « La victoire d’Henri Alleg », en insistant en particulier sur la signification déshumanisante et raciste de la torture (fruit, notamment, de ses liens avec Fanon). La confiance d’une partie croissante de la population française dans son Armée et dans la politique gouvernementale, commence alors à s’effriter, et des campagnes politiques de soutien aux indépendantistes et de dénonciation du pouvoir colonial, notamment parmi les intellectuels (et l’on peut même dire que ce n’est qu’à ce moment que la gauche dans sa majorité passe à l’anticolonialisme) finiront par jouer suffisamment déterminant pour ébranler la volonté politique du pouvoir.

    Du côté de ceux qui luttent pour leur émancipation, retenons donc que la combinaison de la lutte de libération avec un vaste enracinement populaire (au-delà des techniques de guérilla et d’actions ciblées, au-delà du strictement militaire donc) et de campagnes médiatisées, a été une clé au plan politico-idéologique, même si elle a supposé de part et d’autres des bases matérielles (financement, réseaux, armement, etc. sans lesquelles rien n’aurait été possible), pour la conquête finale de l’indépendance. 

     

    « La parole enfin écoutée des "enfants de la Creuse", exilés malgré eux *** Qui sont les "enfants de la Creuse" ?D'un 7 janvier à l'autre: manipuler l'Histoire pour vendre une guerre civile »

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