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INAUGURATION OFFICIELLE DE LA PLAQUE COMMEMORATIVE EN HOMMAGE A MAÎTRE AMOKRANE OULD AOUDIA PAR LA VILLE DE PARIS
INAUGURATION OFFICIELLE
DE LA PLAQUE COMMEMORATIVE
EN HOMMAGE A MAÎTRE
AMOKRANE OULD AOUDIA
PAR LA VILLE DE PARIS
« Ici a vécu Me Amokrane Ould Aoudia
assassiné le 23 mai 1959 pour avoir été l’avocat de militants du FLN »
Mardi 23 novembre 2021, la mairie de Paris a procédé au dévoilement d’une plaque commémorative, au 42 avenue Mathurin Moreau Paris 19e, portant l’inscription : « Ici a vécu Me Amokrane Ould Aoudia assassiné le 23 mai 1959 pour avoir été l’avocat de militants du FLN »
Cette cérémonie fait suite au vote du Conseil de Paris, à l’unanimité, visant à rendre hommage à un avocat ayant dénoncé la torture pendant la guerre d’Algérie.
Etaient présents : Madame Laurence Patrice, adjointe à la Mairie de Paris, chargée de la mémoire et du monde Combattant, représentant Madame Anne Hidalgo, maire de Paris. Monsieur François Dagnaud, maire du 19e arrondissement et Monsieur Mahor Chiche, conseiller chargé de la mémoire et relations avec le monde Combattant. Madame Novela d’Amico, représentant le département protocole et communication à la mairie de Paris.
Le rôle éminent tenu par Madame Catherine Vieu-Charrier et tous les membres de son service dans la réalisation de cette plaque a été rappelé. Des remerciements ont été adressés aux conseillers municipaux, aux conseillers d’arrondissements, aux présidentes et aux présidents d’associations.
Le courage de Michel Reynaud, directeur des éditions Tirésias, a été longuement salué pour avoir édité, en 2015, un ouvrage qui rappellera aux générations futures ce que fut ce crime d’État, et qui furent les plus hauts responsables ayant conçu et ordonné l’assassinat le 23 mai 1959, en plein Paris, d’un avocat français.
INTERVENTION
DE JEAN-PHILIPPE ould aoudia
Le cousin
de amokrane ould aoudia
« Ma famille et moi remercions le Conseil de Paris qui a voté à l’unanimité l’apposition d’une plaque à la mémoire de notre parent maître Amokrane Ould Aoudia.
Le dimanche matin 24 mai 1959, le corps sans vie de maître Amokrane Ould Aoudia est retrouvé devant la porte de son étude d’avocat, inscrit au barreau de Paris, 10 rue Saint-Marc, dans le IIè arrondissement.
Pendant la guerre d’Algérie, le mensonge fut systématique.
Maurice Audin s’est évadé, Ali Boumendjel s’est suicidé, 3024 Algériens arrêtés pendant la Bataille d’Alger ont disparu. Trois morts à Paris le 17 octobre 1961.
Maître Ould Aoudia, lui, fut déclaré victime d’une crise cardiaque.
Il avait 35 ans. Il laissait une veuve enceinte d’un garçon. Papon, préfet de police de Paris, interdit la veillée funèbre sous le prétexte d’une « menace de trouble à l’ordre public ». Le fils de maître Ould Aoudia est là pour honorer la mémoire d’un père qu’il ne connaîtra jamais, dont il porte le nom et le prénom.
Mais, comme l’a dit Henri Alleg à ses tortionnaires : « Tout se sait un jour » :
On sait aujourd’hui que deux balles tirées en plein cœur, à bout portant, à l’aide d’un révolver muni d’un silencieux sont à l’origine de la mort.
On sait aujourd’hui que ce crime a été commis par trois commandos appartenant aux services secrets français, le SDECE, obéissant aux ordres de la hiérarchie civile et militaire.
Quel danger cet avocat faisait-il courir à la République pour qu’elle utilise les compétences d’hommes sur entraînés au crime de sang froid, en vue d’éliminer un homme seul, sans arme, par surprise, menacé de mort mais se sachant innocent.
Innocent, il l’était totalement !
En 1957, venu défendre des Algériens devant le Tribunal des forces armées de Constantine, il porte à la connaissance des magistrats militaires le fait que les aveux de ses clients ont été obtenus sous la torture pratiquée par les parachutistes.
Maurice Papon, préfet de Constantine et IGAME, signe un arrêté d’expulsion contre le défenseur. Papon, l’Algérie et les Algériens, en 1957, déjà, lui.
Le 8 septembre 1958, l’avocat dénonce avec un autre de ses confrères, dans une Lettre ouverte, l’usage de traitements inhumains et dégradants contre deux détenus algériens au commissariat d’Argenteuil et à la prison de Versailles.
Le 25 mai 1959, le lendemain de son assassinat, l’avocat devait assurer devant la 17è chambre correctionnelle du tribunal de Paris, la défense d’étudiants algériens inculpés de reconstitution de ligue dissoute : l’Union Générale des Étudiants Musulmans d’Algérie. Des prévenus avaient été torturés dans les caves de la DST, situées dans le très chic 8è arrondissement de la capitale, 11 rue des Saussaies, siège de la Gestapo sous l’Occupation nazie.
À Constantine en 1957, à Argenteuil puis à Versailles en 1958, des policiers soumettaient à la torture en 1959, à quelques mètres du siège de la Présidence de la République, des étudiants. L’un d’entre eux deviendra ministre dans l’Algérie indépendante. La veille de cette révélation, un avocat de la défense est liquidé.
Sept de ses confrères ont reçu les mêmes menaces de mort que lui.
Il ne s’agit pas d’une coïncidence. Le pouvoir de l’époque voulait imposer par la terreur le silence sur des crimes commis au cœur de la France, en se mettant hors-la-loi.
Parce que, au regard de la loi, la torture constitue un crime, en France et dans le monde. Or, non seulement ces atteintes au droit sont restées impunies, mais les plus connus des tortionnaires, ceux que dénonçaient Henri Alleg ou Pierre Vidal-Naquet, ont tous bénéficié de promotion dans l’Ordre de la Légion d’honneur, jusqu’à tout récemment encore.
Au-delà d’un hommage à un avocat respectable, cette plaque dit aussi le Droit. Parce que un avocat a le devoir et le droit inscrits dans la loi, de dénoncer les traitements inhumains et dégradants dont ses clients sont les victimes. Cette plaque est rappel au respect de la loi qui protège un avocat.
D’ailleurs, à ceux qui osaient justifier cet assassinat pour son rôle de défenseur de prévenus soupçonnés d’appartenir au FLN, maître Robert Badinter, futur ministre de la Justice et Président du Conseil constitutionnel, l’avait clairement rappelé en écrivant lors de la commission de ce crime d’État :
Tenter de frapper les défenseurs, après avoir attenté aux droits de la défense…c’est encore détourner la Justice de ses voies, l’utiliser à une mauvaise besogne.
Mais, comme ils l’ont écrit : « L’avocat n’a pas à constater la position de son client du bout des lèvres et en tremblant de peur. Il doit la prendre à son compte et la soutenir ou s’en aller ».
Tous l’ont soutenue jusqu’à cet instant et d’abord Maître Ould Aoudia qui l’a payé de sa vie.
Souvenons-nous en, et que le courage est parfois la première vertu que la défense requiert.
Deux oncles de maître Ould Aoudia, de nationalité française comme toute notre famille, ont été décorés de la Croix de guerre pour avoir défendu la France contre le nazisme.
Un autre de ses oncles, mon père, de nationalité française comme toute notre famille, a été assassiné par l’OAS le 15 mars 1962 à Alger, et reconnu avec cinq autres de ses collègues, dirigeants des Centres sociaux éducatifs : victimes de leur engagement pour les valeurs de la République.
Cher Amokrane,
Tu as eu le courage, au péril de ta vie, de dénoncer dès 1957, ce qui ne sera officiellement reconnu et condamné que 61 ans plus tard, par le Chef de l’État lui-même, le 14 septembre 2018 : l’usage généralisé de la torture en Algérie et en France.
Cher cousin, tu as dit la vérité, rien que la vérité, toute la vérité.
Tu as eu le courage, au péril de ta vie, de dire la vérité en toute légalité, avec les seules armes qu’autorise le Droit, dans le cadre de ta mission d’avocat devant les cours et les tribunaux français.
Tu resteras un exemple pour ton fils, bien sûr, pour nous ta famille, mais aussi pour celles et ceux qui restent attachés indéfectiblement au respect de la personne humaine en France et partout dans le monde.
Maître Amokrane Ould Aoudia, cher parent, aujourd’hui, Paris, capitale de la France, te rend hommage et t’adresse un suprême et douloureux adieu.
Repose en paix ».
Jean-Philippe Ould Aoudia
Amokrane Ould Aoudia faisait partie du collectif des avocats du FLN qui a participé activement à l'indépendance de l'Algérie. Non seulement, il défendait les détenus, mais il s'est transformé en juge du système colonial, et condamnait devant les tribunaux, les tortures subies par les militants.
- Après la reconnaissance officielle, mardi 2 mars, par Emmanuel Macron de l’assassinat d’Ali Boumendjel, un sentiment de soulagement à la hauteur du temps écoulé : soixante-quatre ans après ce crime, le chef de l’Etat a admis la responsabilité de l’armée française dans la mort de l’avocat nationaliste algérien, « torturé puis assassiné », le 23 mars 1957, par les militaires en pleine bataille d’Alger.
Le Collectif des avocats du FLN a su aussi mobiliser des avocats qui n’étaient pas algériens :
Gisèle Halimi, c’est l’historien Benjamin Stora qui avait le premier soumis à Emmanuel Macron l’idée de faire entrer Gisèle Halimi au Panthéon, parmi une vingtaine de préconisations « pour réconcilier les mémoires » entre la France et l’Algérie. Mais pour le moment le projet est abandonné en raison de l’opposition des Harkis et de la droite. Mais l’exécutif a tranché : elle aura finalement droit à un hommage national aux Invalides en 2022, « en accord avec la famille » selon les mots du président de la République. Mais pas au Panthéon.
- Michelle Beauvillard,
- Paul Bouaziz,
- Albert Smadja,
- Jacques Vergès.
Sept d’entre eux ont payé de leur vie leur engagement pour la libération de l'Algérie.
- Ali Boumendjel,
- Pierre Popie,
- Pierre Garrigues,
- Thuveny Auguste,
- Amokrane Ould Aoudia,
- Ait Ahcène Mohamed.
« Je viens de recevoir ce message : Hommage (plaque) au Général de Bollardière (torture en Algérie) 10 décembre 2021 - Saint-Junien (Haute-Vienne)Exilés morts dans la Manche : le naufrage de la France »
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Commentaires
Oui, je me doutais que Amokrane Ould Aoudia était un parent de notre ami Jean-Philippe.
Cette affaire d'exécution me conforte dans ma conviction qu'il y a un lien dans les conceptions et les pratiques entre l'armée coloniale et l'OAS.