• Indépendance de l'Algérie : les 'gestes' de la France pour se repentir de son passé colonial

     

    Indépendance de l'Algérie : les 'gestes' de la France pour se repentir de son passé colonial

     

    Les dépouilles des 24 résistants ont été enterrées ce 5 juillet, lors d’une cérémonie d’hommage dans le "carré des Martyrs" au cimetière d'El Alia à Alger. - © Tous droits réservés.

     

    Alors que l’Algérie célèbrait ce 5 juillet l’anniversaire de son indépendance et que le président algérien Abdelmadjid Tebboune dit attendre des excuses de la France pour la colonisation de son pays, la question se pose : quels ont été les gestes de la France pour reconnaitre ses torts ? On sait combien cette page d’Histoire, la France a du mal à la lire…

    Car c’est la question mémorielle qui reste au cœur des relations conflictuelles entre la France et l'Algérie, où la perception est que la France ne fait pas assez pour se repentir de son passé colonial.

    Restitution des crânes de résistants 

    Le geste de Paris le plus récent est celui de la restitution à Alger, vendredi dernier, des crânes de 24 combattants de la Résistance populaire, "des héros qui ont affronté l'occupation française brutale, entre 1838 et 1865, et que l'ennemi sauvage a décapités en représailles avant de transférer leurs crânes outre-mer", a déclaré Abdelmadjid Tebboune. Les dépouilles ont été enterrées aujourd’hui même, lors d’une cérémonie d’hommage dans le "carré des Martyrs" au cimetière d'El Alia à Alger.

    Ces crânes étaient conservés depuis le XIXe siècle dans les collections du Muséum national d'Histoire naturelle de Paris. "Ce geste s'inscrit dans une démarche d'amitié et de lucidité sur toutes les blessures de notre histoire", a commenté vendredi l'Elysée.

    Alger veut aussi remettre sur la table le dossier des "disparus" pendant la guerre d'indépendance (1954-1962) --plus de 2.200 selon Alger -- et celui des essais nucléaires français dans le Sahara algérien qui "ont fait et continuent à faire des victimes".

    Le cas Maurice Audin, la France reconnait

     enfin la pratique de la torture

    Autre geste considéré comme ‘historique’, en 2018, Emmanuel Macron reconnait la responsabilité de l’Etat dans la mort de Maurice Audin, tué en 1957.

    Maurice Audin était un jeune mathématicien, membre du parti communiste algérien, fervent partisan de l’indépendance algérienne. Un intellectuel qui gravité dans le giron d’Albert Camus.

    En juin 1957, en pleine guerre d’Algérie, il est arrêté à son domicile par l’armée française. Et depuis, sa famille ne l’a plus jamais revu. Son corps n’a jamais été retrouvé. Il n’avait que 25 ans.

    L’armée française dira à son épouse Josette Audin qu’il s’est évadé. Mais on connaissait bien le sort qui était réservé aux opposants d’une Algérie française, qu’ils soient français ou algériens. Les archives et les témoignages l’ont rapidement révélé : les enlèvements, les interrogatoires, et surtout la torture était une pratique courante de l’armée française.

    Pendant plus de 60 ans, Josette Audin se bat pour établir la vérité et pour que la France reconnaisse officiellement l’emploi de la torture par son armée pendant la Guerre d’Algérie.

    Le refus de plusieurs législatures, avant la reconnaissance 

    Elle s’est adressée à tous les Présidents, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, et c’est finalement François Hollande, en 2014, qui fait un pas vers la vérité.

    Lors de la remise du prix de mathématique qui porte le nom de Maurice Audin, il annonce que le mathématicien ne s’est pas évadé, qu’il mort en détention. Sans préciser dans quelles circonstances… C’était un premier pas vers la vérité.

    En 2018 donc, Emmanuel Macron ne s’arrête pas au cas Audin. Pour la première fois, la France reconnaît officiellement que l’Etat français a failli en permettant le recours à la torture lors de la guerre d’Algérie.

    Avant son élection à la présidence en 2017, lors d'une visite à Alger, Emmanuel Macron avait qualifié la colonie de 'crime contre l'humanité', ce qui avait provoqué un tollé à droite. François Fillon, notamment, avait jugé ces propos " indignes d’un candidat à la présidence de la République "…

    Maurice Audin était un jeune mathématicien, membre du parti communiste algérien, fervent partisan de l’indépendance algérienne. Il a été torturé et tué en 1957 par l'armée française. - © - - AFP 

    Le sort des harkis

    Une première en 2018 : suite à une plainte déposée par le fils d'un harki, le Conseil d’État juge que les conditions de vie des familles de harkis dans les camps, où elles ont été accueillies en France après la guerre d’Algérie, étaient "indignes" et engageaient "la responsabilité de l’État ".

    Les harkis étaient les supplétifs de l’armée française durant la guerre. Ils ont lutté contre le Front de libération nationale (FLN) sous la responsabilité d’officiers français.

    L'État est condamné à indemniser le plaignant (15.000 euros) afin de réparer "des préjudices matériels et moraux".

    Alors qu’une Journée nationale d’hommage aux harkis est organisée le 25 septembre de chaque année, ces hommes et leurs familles attendent toujours de la France qu’elle reconnaisse solennellement "les massacres et l’abandon". Certains réclament une loi mémorielle et des réparations.

    Des rancunes qui renvoient à la guerre et à ses atrocités

    L’Algérie a été colonisée pendant 132 ans (1830-1962), cependant, c’est comme si tout ramènerait à la période de 1954 à 1962. Comme si elle résumait les cent trente ans qui précédaient. En France, cette période est présentée comme un tabou : la guerre a longtemps été occultée, la torture niée, même si personne n’ignorait sa pratique.

    Ce tabou explique probablement pourquoi, aujourd’hui encore, des rancunes réciproques, renvoient d’une manière récurrente à cette guerre, et à ses atrocités.

    Les fils de harkis se souviennent comment leurs pères ont été abandonnés par la France puis massacrés par les algériens, tandis que les pieds-noirs ou leurs enfants décrivent encore les jours de terreur du printemps 1962, notamment les tueries à Oran en juillet, au moment de l’indépendance.

    Les algériens racontent eux, la terreur infligée à leur communauté par l’OAS (l’Organisation de l’armée secrète), une organisation clandestine proche de l'extrême droite qui décrète que l'Algérie doit rester française.

    Sans oublier les massacres du 8 mai 1945 perpétrés par les forces de l'ordre françaises dans les villes de Sétif, Guelma et Kherrata, qualifiés de "crimes contre l'humanité". A ce jour, les chiffres ne sont pas les mêmes des deux côtés. Les Algériens parlent de 45 000 victimes. Les Français, eux, de 1 500 à 20 000 morts, dont 103 Européens.

    "Expliquez-nous": pourquoi l'Algérie

    demande-t-elle encore des excuses

     à la France ?

    D’abord la France de 2020 ne doit pas faire des excuses à l’Algérie mais reconnaître officiellement tous ses crimes d’Etat, de guerre et contre l’humanité. Elle doit les reconnaître non pas aux autorités algériennes qui arrêtent et condamnent en cascades des militants du Hirak.

    Des dizaines de militants et activistes du hirak ont été arrêtés, poursuivis ou condamnés pour leurs publications sur Facebook. Dans la période récente, plus de 500 personnes ayant pris part aux marches ont été arrêtées, selon le CNLD, et une centaine d’entre elles ont été présentées devant la justice. Selon les militants des droits de l’homme, la chasse aux hirakistes s’est accentuée depuis le mois de mars dernier. 

    Arrestations, condamnations à des peines de prison, contrôle judiciaire, procès en cascade… Les « sanctions » pleuvent sur les militants et activistes du hirak qui repeuplent à nouveau les prisons du pays, après la fermeture rapide de la parenthèse de janvier dernier, lorsque les autorités avaient décidé de remettre en liberté des dizaines de détenus d’opinion.
    Alors que les observateurs et les acteurs politiques s’attendaient à de nouvelles mesures d’apaisement pour enclencher un processus de règlement de la crise actuelle, c’est le contraire qui s’est produit.
    La poursuite en justice des « têtes d’affiche » du mouvement populaire prend, depuis le mois de mars dernier, des proportions alarmantes. On ne sait pour quel objectif le pouvoir est passé à la vitesse supérieure dans sa chasse aux hirakistes, avec une nouveauté cette fois-ci : l’engagement de poursuites pour des propos diffusés sur le réseau social Facebook. Le droit à l’expression devient désormais « un nouveau délit ».
    En effet, les craintes exprimées par les défenseurs des droits de l’homme après la présentation, en mars dernier, du projet de loi sur « la discrimination et le discours haineux » s’avèrent finalement justifiées.
    Depuis son entrée en vigueur, le texte a servi plutôt de prétexte pour fouiner dans l’espace bleu et les pages des activistes afin de déceler « la moindre preuve » nécessaire pour justifier leur arrestation et emprisonnement.
    Chaque semaine, ou presque, les défenseurs des droits de l’homme et le Comité national pour la libération des détenus d’opinion (CNLD) signalent des arrestations, des procès et des condamnations lourdes contre des acteurs, trop visibles, du hirak.
    « La pandémie est mise à profit par le pouvoir pour durcir la répression. Plus de 200 personnes ont été arrêtées à leur domicile pendant le confinement, journalistes, activistes connus ou anonymes, essentiellement pour délit d’opinion, pour leurs propos tenus sur les réseaux sociaux qui sont contraires à l’agenda du pouvoir », s’alarme Saïd Salhi, vice-président de la LADDH.

    Des accusations standards 

    Les personnes arrêtées, durant ces derniers mois, sont toutes accusées des chefs d’inculpation standards : « incitation à attroupement », « atteinte à l’intérêt et l’unité nationale » et « offense »… La moindre critique émise sur les réseaux est considérée, selon les avocats, comme un délit, selon le nouveau moule des scrutateurs à temps plein du Net.
    Les militants, Hakim Addad, Fodil Boumala, Amira Bouraoui et l’ensemble des jeunes ayant fait l’objet d’arrestation durant ces dernières semaines ont tous été interrogés par les services de sécurité, puis par la justice, sur leurs publications sur Facebook.
    Hakim Addad a été, rappelons-le, placé sous contrôle judiciaire. De son côté, Fodil Boumala a été mis sous mandat de dépôt, avant d’être libéré le lendemain.
    Quant à Amira Bouraoui, elle a été jugée en comparution immédiate et condamnée à un an de prison ferme avec mandat de dépôt à l’audience. Environ une soixantaine de jeunes, selon le CNLD, ont été aussi placés en détention provisoire ou condamnés à une lourde peine pour toujours leur activisme sur… le Net.

    Plus de 500 personnes arrêtées vendredi 19 juin 

    Outre la traque du virtuel, la chasse du réel prend aussi de l’ampleur. Vendredi 19 juin, plus de 500 personnes ayant participé à des marches du hirak et rassemblements ont été arrêtées dans 23 wilayas.
    Craignant visiblement une reprise du mouvement, les autorités ont déployé une armada de policiers pour empêcher les actions initiées par des hirakistes. Le plus grand nombre d’arrestations a été enregistré à Tizi Ouzou (150 manifestants) et à Béjaïa (32 marcheurs). Certes, la plupart ont été relâchés sans poursuite.
    Mais une centaine de personnes sont maintenues en garde à vue et ont été présentées, dimanche et lundi, devant les tribunaux. Ces derniers n’ont pas hésité à recourir à la mesure exceptionnelle, devenue la règle, selon les avocats, de placement sous mandat de dépôt de nombreux manifestants, notamment à Bouira, Tlemcen et Annaba.
    Cette méthode, estime la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), « ne règle pas la crise politique actuelle ».
    L’organisation présidée par Me Nourreddine Benissad condamne, dans un communiqué, « vigoureusement cette répression qui constitue une atteinte caractérisée aux principes fondamentaux des droits de l’homme, dont le droit à la liberté d’expression et de rassemblement pacifique ».
    La LADDH, lit-on dans le même communiqué, « s’alarme d’une situation grave et dangereuse où l’on fait jouer à la justice un rôle qui n’est pas le sien ».
    « Une crise politique marquée par un déficit abyssal de confiance entre les citoyens et les autorités n’est pas soluble dans les commissariats, les tribunaux et les prisons », souligne la ligue, qui préconise « un dialogue sérieux sur les revendications citoyennes portées par le hirak ».
    Celui-ci, lit-on dans le même communiqué, doit être précédé par l’arrêt des atteintes aux libertés qui créent un surcroît de tension. « Ce dialogue est à même de faire sortir le pays de la dangereuse impasse où il est délibérément mis », note la LADDH. 

    SOURCE : https://www.elwatan.com/edition/actualite/linquietude-monte-23-06-2020 

     

    Alors "Expliquez-nous": pourquoi l'Algérie

    demande-t-elle encore des excuses

     à la France ?

    Abdelmadjid Tebboune, le nouveau président algérien, veut de nouvelles excuses de la part de la France et réclame également des gestes concrets.

    À l’occasion du 58eme anniversaire de l'indépendance, le 5 juillet, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a estimé que la France n’avait jusqu'à présent présenté que des "demi-excuses" et qu’elle "devait aller plus loin". Il parle des différentes déclarations d’Emmanuel Macron avant et depuis son élection. 

    A Alger en 2017, Emmanuel Macron avait parlé de la colonisation comme d’un “crime contre l’Humanité”. C’étaient des paroles fortes, mais il n’avait pas prononcé le mot d’“excuse”. Quelques mois avant, dans une interview au Point, il avait parlé des éléments de "barbarie de la colonisation" et avait évoqué la torture pratiquée par l’armée française pendant la guerre d’Algérie. Il avait aussi parlé des éléments de civilisation, de l'émergence d’un Etat et d’une classe moyenne, de la création de richesse. Bref, c’était le "en même temps": la colonisation française "en même temps" barbare et civilisatrice. 

    Le président algérien voudrait donc des paroles plus claires. Des excuses en bonne et due forme: pour les 132 ans d’occupation, pour les terribles massacres de Sétif le 8 mai 1945. Les Algériens veulent aussi des excuses et des explications sur les disparus de la guerre entre 1954 et 1962. Ils parlent de 2200 disparus. Il voudrait enfin des excuses pour les essais nucléaires français dans le sud algérien dans les années 50. 

    Attaquer la France... pour essayer de rassembler?

    L'Algérie réclame aussi des gestes. La France en a fait un premier, en rendant à l’Algérie 24 crânes conservés à Paris depuis près de 200 ans. C’est une histoire incroyable qui a eu un énorme retentissement ce week-end.

    Ce sont les têtes des premiers résistants à l’invasion française dans les années 1830-1840 : ces chefs de tribu se sont opposés à l’arrivée des premiers colons. À l’époque, ils avaient été arrêtés, fusillés puis décapités. Et les têtes de ces chefs rebelles avaient été envoyées à Paris comme des "trophées de guerre". Depuis, elles étaient dans les caves du Musée de l’Homme au Trocadéro, à Paris. 

    Finalement, ces crânes ont été rendus aux Algériens et ont reçu ce week-end un accueil incroyable. Tous les bateaux du port d’Alger ont fait hurler leurs sirènes. Un défilé aérien a survolé la cérémonie. Les honneurs militaires ont été rendus aux 24 cercueils: le président algérien s’est longtemps incliné devant leurs passages, avant leur inhumation dimanche au cimetière des martyrs. 

    Les Algériens voudraient aussi récupérer un canon qui gardait le port d’Alger depuis le 15ème siècle. Il avait même détruit une partie de la flotte de Charles Quint en 1541. Lorsque les Français ont pris Alger en 1830, ils ont confisqué le canon et l’ont ramené à Brest. Il y est toujours érigé comme une colonne avec un coq à son sommet.

    Les Algériens voudraient aussi récupérer des documents de l’Etat civil d’avant la colonisation et que les derniers militaires français avaient emporté en quittant le pays. Des archives qui font partie de l’histoire algérienne et dorment quelque part à Paris. Tous ces dossiers restent hyper sensibles.

    "Président cocaïne"

    Presque 60 ans après l'indépendance, on a l’impression que rien n’est réglé les deux côtés de la Méditerranée. En France, on a un problème avec l’enseignement de l’histoire de cette période. Emmanuel Macron estime que l’on a "écrasé" les questions et que l’on n'a pas travaillé sur la "mémoire". Il aimerait bien être celui qui règle le problème, comme Chirac avait su reconnaître les responsabilités françaises dans la déportation des Juifs. 

    Et côté algérien, s’en prendre à la France, c’est le meilleur moyen de rassembler, surtout en période de contestation. En effe: ce président, Abdelmadjid Tebboune, n’est élu que depuis 6 mois, mais il est déjà très impopulaire.

    Il fait face aux manifestations de la jeunesse presque tous les vendredis. Les jeunes qui l’appellent le "président cocaïne". Parce que son fils est accusé d’avoir importé 700 kilos de cocaïne. Emprisonné, il a été finalement acquitté et relâché juste après l'élection de son père. 

    Bref, tout ça pour dire que ceux qui demandent aujourd’hui des excuses à la France, ne sont pas des enfants de chœur, ni des démocrates. Ce sont les représentants d’un régime militaire, autoritaire, et corrompu en place depuis 58 ans et premier responsable de la misère du pays. Ce n’est pas à ce régime que la France doit des excuses. C’est plutôt au peuple algérien et c’est aussi pour nous qu’il faudrait mieux connaître cette histoire. 

    Nicolas Poincaré  

    SOURCE : https://rmc.bfmtv.com/emission/expliquez-nous-pourquoi-l-algerie-demande-encore-des-excuses-a-la-france-1943676.html 

     
     

     

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