• L’affaire Audin dans l’actualité *** Un témoignage de Jacques CROS

     

    L’affaire Audin dans l’actualité

    Un témoignage de Jacques CROS 

    L’affaire Audin dans l’actualité *** Un témoignage de Jacques CROS

    Elle remonte au temps de la bataille d’Alger. Le 11 juin 1957 Maurice Audin, jeune mathématicien, assistant à la faculté est arrêté chez lui par les paras et disparait au cours de l’interrogatoire qu’il subit. La version officielle, à laquelle personne n’a jamais accordé de crédit, est qu’il s’est évadé et qu’on ne sait pas ce qu’il est devenu.

    On a deux hypothèses vraisemblables. Soit il est mort sous la torture, soit il a été exécuté. C’était ainsi que fonctionnait la « justice » militaire à cette époque. Ce n’est pas le seul prisonnier à avoir ainsi été tué, il y en a eu certainement des milliers qui ont connu ce sort.

    Maurice Audin était membre du parti communiste algérien et engagé pour l’indépendance de son pays, une situation un peu singulière pour un Européen d’Algérie. Il était marié et père de trois enfants.

    Macron vient de rencontrer la veuve de Maurice Audin pour, 61 ans après, établir la vérité sur cette affaire douloureuse. Diverses personnalités, historiens, mathématiciens notamment, avaient sans relâche demandé que toute la lumière soit faite sur cette affaire. C’est d’une certaine manière l’aboutissement de leur démarche.

    L’assassinat de Maurice Audin renvoie à la question des pouvoirs spéciaux votés le 12 mars 1956 par l’Assemblée Nationale. Au terme de ce vote la police et la justice sont confiées à l’armée. On sait que les militaires ne prennent pas de gants en la matière, toutes les exactions commises pendant la guerre d’Algérie en témoignent.

    Mon opinion est qu’il serait opportun de porter un regard lucide sur ce vote des pouvoirs spéciaux par les députés communistes. Il faudrait reconnaitre honnêtement que ce fut une faute qui fit que la guerre a duré six ans de plus avec son cortège de souffrances, qu’elle a permis le Coup d’Etat de 1958, le putsch d’avril 1961, l’émergence de l’OAS… bref que ce n’était pas la réponse au problème auquel nous étions confrontés.

    Il fallait analyser ce qu’est le colonialisme, forme exacerbée de l’exploitation capitaliste. La question renvoie à ce qui se passe actuellement. Ne commet-on pas une erreur de même nature aujourd’hui en refusant de porter jugement sur l’UE ? N’entretient-on pas encore des illusions sur la possibilité d’infléchir le capitalisme pour en atténuer les effets ? N’est-on pas paralysés par la recherche d’unité avec des partenaires qui refusent une rupture avec un système qui fait dans tous les domaines la preuve de sa nocivité ?

    Ce qui se passe avec le retour dans l’actualité de l’affaire Audin, dont nous espérons qu’elle aboutira à la condamnation de la politique que la France a menée en Algérie et dans l’ensemble de ses colonies, incite à poser ces questions.

    Personnellement je n’ai perdu que de longs mois de ma vie, vingt-six pour être précis, dans la guerre d’Algérie. D’autres appelés du contingent ont perdu beaucoup plus. Avant qu’ils ne disparaissent il faudrait qu’on reconnaisse enfin le gâchis de leur jeunesse pour une cause qui n’avait rien de juste.

    Jacques Cros 

    « Guerre d’Algérie. « Jamais je n’aurais imaginé ce qui nous attendait »Une «fraternité sans borne» pour un voyage exceptionnel en Algérie »

  • Commentaires

    2
    Samedi 15 Septembre 2018 à 07:59

    Il est clair que la responsabilité n'est pas du même ordre de grandeur entre ceux qui ont apporté l'intensification de la guerre en réponse à la revendication d'indépendance et ceux qui ont cédé aux sirènes de l'unité et finalement voté les pouvoirs spéciaux comme l'ont fait les députés communistes.

    On peut estimer que l'idée que le colonialisme était la forme exacerbée de l'exploitation capitaliste n'était pas acquise. Traînait dans les consciences ce qu'avait véhiculé l'Ecole de la République (l'autre aussi d'ailleurs !) à savoir que nous apportions la civilisation aux peuples à qui elle faisait défaut.

    C'était un temps, mais depuis de l'eau a coulé sous les ponts et on peut porter aujourd'hui; à la lumière de l'enchaînement des événements, un jugement lucide sur cette faute. Ce serait d'autant plus utile que cela est en lien avec l'actualité.

    En 1956 le PCF avait un nombre impressionnant de députés, élus grâce aux accords électoraux avec la SFIO. Cette donnée pesait sur l'analyse de ce qui se passait réellement en Algérie. On notera les divergences avec le PCA confronté aux réalités du terrain.

    Il me semble qu'aujourd'hui le PCF pourrait effectivement faire une autocritique de sa position de l'époque. L'enseignement de l'histoire de cette période y amène et ce serait profitable face à la situation que nous vivons présentement.

    Pour ce qui est des insoumis de la trempe d'Alban Liechti on n'avait aucune chance de voir rallier la masse des appelés du contingent dans leur démarche. Mais ce n'est pas cela que je demande, simplement reconnaître l''erreur d'appréciation commise en accordant la confiance au gouvernement de Guy Mollet sur la question algérienne.

    1
    Samedi 15 Septembre 2018 à 00:10

    D'accord avec J.Cros sur la nécessaire autocritique du PC. qui s'est "réfugié" derrière ses réfractaires (ex Alban Liechti) ou ses martyrs comme  H.Alleg et M. Audin pour faire oublier son incohérence au début de la guerre.


    Mais celle des socialistes est également nécessaire et n'a jamais été faite par ceux qui sont restés dans le PS

    Un PS qui n'a jamais déclaré officiellement qu'il regrettait l'attitude du ministre Mitterrand vis à vis des algériens condamnés à mort ou la politique de Mollet et Lacoste.

    C'est le moment de le faire en résonance à la démarche de Macron.

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