Il y a deux semaines, le lundi 12 septembre, suite à un accord américano-russe, signé par John Kerry et Sergueï Lavrov dans la nuit du 9 au 10 septembre, un second cessez-le-feu entrait en vigueur en Syrie, coïncidant avec le début des fêtes de l'Aïd-el-Kébir. Le premier, annoncée en février 2016, avait échoué.
Approuvé par le régime syrien, le texte prévoyait une trêve nationale à compter de lundi dernier et, si elle se maintenait durant sept jours, la mise en place de cordons humanitaires et d'actions coordonnées contre les groupes islamistes présents en Syrie (l'Etat islamique et le Front Fatah Al-Cham, ex-Front Al-Nosra).
Une trêve qui ne tient qu'à un fil
Parrainée par les Américains et les Russes, la trêve ne tient toutefois qu'à un fil. Ce samedi, des frappes de la coalition internationale menée par les Etats-Unis en Syrie, croyant viser Daesh, ont fait par erreur 90 morts dans les rangs de l'armée syrienne dans l'Est et les premiers raids depuis une semaine à Alep risquent de rallumer le principal front du conflit, alors que l'aide humanitaire de l'ONU reste toujours bloquée à la frontière turque.
La relance du processus de paix semble bien fragile, dans un pays rendu exsangue par plus de cinq ans d'une guerre brutale, véritable imbroglio politico-militaire d'une violence inouïe.
Plus de 300 000 morts
La guerre en Syrie a fait plus de 300 000 morts depuis 2011.© Photo ARchives AFP
Selon les chiffres publiés le 13 septembre dernier par l'Observatoire syrien des droits de l'homme, basé à Londres, le bilan de la guerre en Syrie avait franchi la semaine dernière la barrière symbolique des 300 000 morts.
Jusqu'au 12 septembre, le nombre de morts a atteint 301 781 dont 86 692 civils parmi lesquels 15 099 enfants, a affirmé l'ONG dans son nouveau bilan, près de 9 000 personnes ayant été tuées en plus d'un mois.
Selon ce même bilan, 52 359 combattants rebelles et combattants des Forces démocratiques syriennes, une alliance arabo-kurde ont été tués, ainsi que 52 031 djihadistes dont des étrangers. Les forces du régime ont perdu 107 054 hommes dont 59 006 soldats. Enfin, 3 645 victimes n'ont pas été identifiées. Le décompte n'inclut pas les milliers de disparus dont on ignore le sort : rebelles jetés dans les prisons du régime et membres des forces loyalistes de Bachar el-Assad, capturés par les opposants et les groupes djihadistes, dont l'EI.
En février 2016, un rapport du Centre syrien pour la recherche politique, une ONG travaillant pour l'ONU, chiffrait, quant à lui, à 470 000 le nombre de victimes syriennes depuis le début de la guerre, indiquant que près de 11,5% de la population syrienne avait été tuée ou blessée dans le conflit. Outre les violences directes, selon cette ONG, le manque d'accès aux services de santé, de nourriture ou d'eau potable aurait causé la mort de 70 000 personnes. Un rapport de l'ONU a établi en août dernier que l'armée syrienne avait mené au moins deux attaques chimiques en Syrie et que Daesh avait utilisé du gaz moutarde.
Plus de 50% de la population déplacée
C'est la plus grande population de réfugiés pour un seul conflit en une génération. HCR, juillet 2015
En cinq ans, plus de la moitié des Syriens ont fui les combats et les exactions des différentes parties qui se battent. Selon le Haut commissariat de l'Onu pour les réfugiés (HCR), on compte plus de 12 millions de Syriens déplacés, essentiellement à l'intérieur du pays (7,3 millions).
Arrivée de réfugiés syriens à Hendaye (64), le 25 avril 2016.© Photo Bertrand Lapegue
Selon l'organisme international, 4,7 millions d'entre eux ont quitté leur pays, pour chercher refuge à l'étranger, surtout dans les pays limitrophes. La Turquie, principale terre d'asile pour ces migrants, en accueille près de 2,8 millions, le Liban, quelque 1,5 millions. La Jordanie, l'Irak, et l'Egypte sont d'autres terres d'accueil pour les exilés politiques syriens, de plus en plus nombreux à vouloir se rendre en Europe, au péril de leur vie.
Plus de 10 000 Syriens protégés par la France
en 5 ans
Selon le rapport des chiffres de l'asile en France pour l'année 2015, publié en février 2016 par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) depuis 2011, plus de 10 000 Syriens ont obtenu le statut de réfugié ou bénéficié de la protection subsidiaire en France. Un chiffre dérisoire au regard de l'ampleur de la crise migratoire : plus de 1 million de demandes d'asile ont été enregistrées en Allemagne pour la seule année 2015.
13 millions de Syriens en état d'urgence humanitaire
La situation des Syriens qui continuent de vivre dans leur pays est dramatique. Plus de 600.000 personnes, dans les dix-huit localités assiégées, comme Alep, la grande ville rebelle martyre du nord du pays où 250 000 civils affamés sont bloqués, doivent faire face aux perpétuelles pénuries de nourriture et de produits de première nécessité, ainsi qu'à la menace constante des bombardements.
Extrême précarité
Ailleurs dans le pays, les autres habitants survivent, dans une situation d'extrême précarité. Au total, ce sont treize millions de Syriens, dont six millions d'enfants, qui ont besoin d'une aide humanitaire, dans un pays où les structures de santé et les écoles sont anéanties.
Selon la Croix Rouge et l'Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 50% de hôpitaux ont été détruits ou sont endommagés par le combats. La moitié des médecins ont quitté le pays, et l'espérance de vie en Syrie a chuté de 70 ans en 2010, à 55 ans en 2015.
Des enfants syriens essaient d'aller à l'école, dans la Ghouta orientale, principale région rebelle dans la province de Damas, octobre 2015.© Photo ARchives AFP
Une étude conduite par les Nations Unies, estime par ailleurs que 20% des établissements scolaires syriens sont endommagés ou détruits (de la crèche à l'université), 18% des écoles étant par ailleurs occupées par des déplacés et dans l'incapacité d'exercer leur mission éducative.
Plus de 1 000 milliards d'euros de pertes économiques
Le coût du conflit est énorme. Si nous n'agissons pas dès maintenant, cela affectera non seulement la génération suivante, mais la génération d'après. Tim Pikington, directeur général de World Vision UK
L'économie de la Syrie est exsangue, ses recettes fiscales s'effondrent et le pays s'enfonce dans la récession. Selon un rapport préparé par World Vision, une ONG humanitaire internationale, et la société de conseil Frontier Economic, rendu public en mars 2016, la Syrie perd plus de 4 milliards d'euros chaque mois du conflit.
A Alep, le quartier de Bani Zeid repris aux rebelles par les forces pro-régimes, est détruit. 28 juillet 2016.© Photo ARchives AFP
Dommages sur les habitations, les secteurs de la santé, de l'éducation, de l'eau et des sanitaires, pertes directes ou indirectes dans les secteurs pétroliers et gaziers de l'ordre de 52 milliards d'euros, exportations en chute de 90% depuis 2011... Les experts estiment que les pertes économiques du pays pourraient dépasser 1 000 milliards d'euros en cinq ans, si le conflit continue.
Même s'il se termine cette année, il est probable, selon eux, que le ralentissement économique atteigne 625 milliards d'euros. Aussi, alertent-ils la communauté internationale sur la nécessité de préparer des programmes de reconstruction en Syrie, afin d'éviter que ne se reproduisent les scénarios d'échec de l'Afghanistan et l'Irak.