• "La présence de pieds-noirs dans l'Algérie indépendante est un fait historique largement ignoré"

     

    "La présence de pieds-noirs dans l'Algérie indépendante est un fait historique largement ignoré"

    En réponse à tous les nostalgériques extrémistes qui viennent m’insulter et même me menacer sur mon blog… sauf que je mets sans hésitation leurs nauséabonds commentaires à la poubelle en leur disant que si l’OAS n’avait pas existé les tragédies du 26 mars 1962 et du 5 juillet 1962 n’auraient pas existé non plus ainsi que les 2700 victimes de cette organisation criminelle et terroriste d’avant et d’après le 19 mars 1962. Et en complément je leur rappelle le livre de Pierre Daum qu’ils détestent « Ni valise, ni cercueil. Les pieds noirs restés en Algérie » ainsi qu’une vidéo pour terminer en beauté…

    "La présence de pieds-noirs dans l'Algérie indépendante est un fait historique largement ignoré"

    Michel Dandelot

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    "La présence de pieds-noirs dans l'Algérie indépendante est un fait historique largement ignoré"

    "La présence de pieds-noirs dans l'Algérie indépendante est un fait historique largement ignoré"

    Dans une passionnante enquête historique, « Ni valise, ni cercueil», publiée chez Actes sud, le journaliste Pierre Daum déconstruit le mythe d’un départ de tous les Européens d’Algérie en 1962. En retraçant les parcours des pieds noirs restés dans le pays après l’indépendance, il esquisse une histoire singulière de l’Algérie algérienne. 

    Vous avancez dans votre ouvrage, « Ni valise, ni cercueil. Les pieds noirs restés en Algérie », le chiffre de 200.000 pieds-noirs encore présents sur le sol algérien en 1963. Pourquoi le mythe d'un départ de tous les pieds-noirs en 1962 est-il si enraciné ? 

    Pierre Daum. J'ai établi ce chiffre de 200.000 pieds-noirs encore présents en Algérie en janvier 1963 en confrontant plusieurs sources d'archives. Je précise que le 5 juillet 1962, jour de la fête de l'indépendance, 400.000 pieds-noirs se trouvaient encore en Algérie. Je n'ai pas voulu mettre en avant ce chiffre, car la situation à cette date était encore très confuse et tendue : c'était encore une phase de départs.

    La présence de pieds-noirs dans l'Algérie indépendante est un fait historique largement ignoré depuis 59 ans. En fait, dès la fin de la guerre d'Algérie, les Français, soulagés, ont voulu tourner radicalement la page. D'où l'enfouissement brutal du passé colonial dans les mémoires. Mais surtout, depuis 59 ans, le discours médiatique sur les pieds-noirs est monopolisé par une poignée de responsables d'associations de rapatriés. Ceux-là ne sont pas du tout représentatifs de l'ensemble des pieds-noirs, car seuls les nostalgiques, héritiers des ultras de l'Algérie française, se sont véritablement organisés. Ils ne représentent pas la diversité des pieds-noirs, qui ne constituent pas du tout un groupe social et politique monolithique. Or ces responsables d'associations assènent depuis 59 ans le même discours : « Nous sommes tous partis en 1962, nous n'avions pas le choix, c'était la valise ou le cercueil ». Sous-entendu : « Nous étions tous des victimes pures et innocentes et ceux d'en face, c'est à dire le FLN, voire l'ensemble des Arabes étaient des assassins en puissance  dont la seule idée fixe était de massacrer les Français jusqu'au dernier ».

    Quels rôles tiennent, dans ce raisonnement, la fusillade de la rue d'Isly le 26 mars 1962 et le massacre d'Européens à Oran le 5 juillet 1962 ? En quoi ces évènements ont-ils été instrumentalisés, selon vous ? 

    Pierre Daum. Dans le discours de ces représentants autoproclamés des rapatriés, trois événements historiques sont sans cesse invoqués et instrumentalisés: la fusillade de la rue de Isly le 26 mars 1962, le massacre d'Européens à Oran le 5 juillet 1962 et enfin les enlèvements et assassinats d'environ 3000 Européens et Juifs.

    Dans la construction de ce discours sur « la valise ou le cercueil », le massacre de la rue d'Isly a un statut un peu particulier, puisque c'est l'armée française, et non des Algériens, qui sont en cause. L'armée, dans ce discours victimaire, est accusée non seulement de ne pas avoir protégé les Européens, mais aussi de s'être en quelque sorte retournée contre eux.

    Le massacre du 5 juillet à Oran est l'évènement le plus instrumentalisé. En effet, ce jour-là, une foule algérienne complètement incontrôlée s'est lancée pendant quelques heures à une chasse à l'Européen. Mais l'étude précise de ces évènements révèle que ces agissements étaient circonscrits à la ville d'Oran. Ils s'expliquent par les massacres quotidiens d'Algériens perpétrés par l'OAS pendant les six mois qui avaient précédé.  L'OAS, soutenue par la population oranaise, a semé la terreur, tuant en moyenne cinq personnes par jour. Ce que les gens qui instrumentalisent cette journée oublient systématiquement de rappeler. D'autre part, ce n'est qu'une partie de la foule qui a plongé dans une hystérie meurtrière, alors que la plupart des Algériens sont rentrés chez eux. D'autres encore, et parmi eux des soldats et officiers de l'ALN, se sont organisés pour sauver les vies de dizaines d'Européens. Même ce fait-là est présenté dans les mémoires de certains pieds-noirs comme une exception miraculeuse. Dans certains récits, des Européens qui ont eu la vie sauve vont même jusqu'à oublier qu'ils ont été sauvés par des Algériens. L'instrumentalisation des événements du 5 juillet 1962 à Oran est typique: on part d'un fait très localisé, où seule une partie des Algériens s'est trouvée impliquée, pour l'extrapoler et mettre ainsi en accusation toute la population algérienne.

    Au fond, vous suggérez, dans ce livre, l'idée selon laquelle de nombreux Européens ne se voyaient pas vivre dans une société non ségrégationniste, à égalité de droits avec les Algériens, sentiment qui les aurait poussé au départ... 

    Pierre Daum. Je ne veux surtout pas substituer un discours monolithique, caricatural et faux à un autre. Je ne prétends pas que les pieds-noirs sont tous partis par racisme. Par ailleurs, mon livre ne porte pas sur les 800.000  partis en 1962. Mon objectif n'était pas du tout de travailler sur les raisons de leurs départs. Cependant la déconstruction du discours sur "la valise ou le cercueil" crée un vide qui me conduit à dégager des pistes de recherche. Je propose de remplacer cette thèse monolithique par un éventail de raisons possibles à l'exode de 1962. Dans cet éventail, il y a en effet la peur de mourir. Il faut questionner cette peur, forcément subjective. Et il y a aussi cette question du racisme, sur laquelle il faudrait enfin travailler de façon sérieuse. L'entreprise coloniale est structurellement raciste. La France de 1789, celle-là même qui affirma l'égalité entre tous les hommes, s'est appropriée d'autres pays, dont les habitants ont été tenus hors des lois de la République et se sont vus dénier cette égalité. Le France coloniale, pour résoudre une telle contradiction, s'est appuyé sur la thèse de la hiérarchie des "races". C'est le principe de "l'indigène", tenu pour inférieur. Le racisme est consubstantiel à l'entreprise coloniale. C'est indéniable. Certains de mes témoins m'ont avoué avec beaucoup d'honnêteté avoir tété le racisme dans le sein de leur mère. Ils avaient reçu en héritage, dès l'enfance, ce mépris, cette condescendance vis à vis des Algériens. Pour rester dans la nouvelle Algérie, celle où enfin les lois étaient les mêmes pour tous, ils ont dû procéder à une véritable reconversion morale.

    Parmi ceux qui sont restés, vous identifiez plusieurs vagues de départ ultérieures. Lesquelles ? 

    Pierre Daum. Je parle moins de « vagues » que d'un filet continu de départs. Toutefois, on peut distinguer deux phases. D'abord les dix premières années de l'Algérie algérienne. Alors qu'ils étaient 200 000 en janvier 1963, il ne restait plus, au début des années 1970, que 50 000 pieds-noirs. Cette réduction forte de la présence des pieds-noirs est moins due aux évènements politiques qu'au changement brutal des conditions de vie. Avant 1962, l'Algérie était artificiellement maintenue dans la famille des pays développés. Mais en vérité, en 132 ans de colonisation, la France n'a jamais permis à ces départements d'Algérie de participer au mouvement de développement économique que connaissait l'Europe. En 1962, le tissu industriel de l'Algérie aurait pu tenir tout entier dans le quartier des Batignolles à Paris. En outre, la France n'avait jamais formé de cadres, de techniciens, de médecins algériens. Les Algériens qualifiés, ayant suivi des études, étaient très marginaux. Avec l'exode de 1962, brutalement, l'Algérie est apparue pour ce qu'elle était en réalité : un pays sous-développé. Or pour ces 200 000 pieds noirs restés dans le pays après la proclamation de l'indépendance, ce choix impliquait de vivre dans un pays sous-développé, à égalité politique, sociale et économique avec l'ensemble de la population. Pour des Français qui jusque-là avaient eu le droit, contrairement à la majorité des Algériens arabo-berbères, de jouir des bienfaits du développement économique, le choix de rester était synonyme de dégradation brutale des conditions de vie. Par la suite, dans une seconde phase, les départs n'eurent rien de spécifique aux pieds-noirs, qui s'inscrivirent dans le mouvement d'émigration algérienne vers la France. Un mouvement commencé dès les années 30, qui ne s'est pas du tout tari après 1962.

    Et pendant la décennie noire ? 

    Pierre Daum. Devenus des Algériens comme les autres, les Algériens d'origine européenne subirent les terribles violences du début des années 90 dans les mêmes conditions que l'ensemble de leurs compatriotes. Nombreux furent, parmi eux, les militants de la démocratie à prendre le chemin de l'exil, au même titre que des dizaines de milliers de démocrates, d'intellectuels algériens. Il est vrai, cependant, que certains ont pu s'inquiéter de devenir des cibles particulières des appels au meurtre d'islamistes, du fait de leurs noms français.

    Parmi les Algériens d'origine européenne recensés dans votre livre se trouvent de nombreux progressistes qui se sont engagés en faveur de l'indépendance. Cet engagement a-t-il facilité, par la suite, leur vie en Algérie? 

    Pierre Daum. Je tiens à préciser les conditions d'élaboration de cette liste, qui donne en fait une image inexacte de la réalité. Ma démarche est celle d'un journaliste et non celle d'un historien. J'ai établi cette liste de fil en aiguille, au hasard de mes rencontres, guidé par mes interlocuteurs ou par des documents d'archives. Mais le hasard obéit à certaines règles. Les pieds-noirs restés en Algérie ont eu tendance à mener leur vie chacun de leur côté, sans se fréquenter entre eux ni se mettre en réseau, à l'exception des communistes du PCA, qui appartenaient à une structure. Du coup, lorsque je rencontrais un communiste, il me citait ses camarades. C'est pour cette raison que les anciens militants du PCA son surreprésentés dans ma liste.

    En vérité, ces communistes ont été des gens admirables. Il était pour ainsi dire inconcevable, lorsqu'on était pied-noir dans les années 50, d'embrasser la cause de l'indépendance. Il y avait une différence radicale de vision du monde entre les Français de métropole et les Français d'Algérie. Ces pieds-noirs communistes étaient mus par une incroyable force intellectuelle pour s'extirper des mentalités colonialistes en vigueur à l'époque. Après l'indépendance, ils n'en ont pas du tout été récompensés. Et même, ils ont subi les pires brimades de la part des dirigeants de la nouvelle Algérie. Dès novembre 1962, Ben Bella, qui ne considérait pourtant pas les communistes comme des ennemis, les a exhortés à se fondre dans le FLN, appelé à devenir un parti unique. D'où l'interdiction du PCA dès le 29 novembre 1962.

    L'un des témoins de mon livre, Fernand Gallinari, affirme en outre qu'au sein même du PCA, les pieds noirs ont été tenus fraternellement, mais fermement à l'écart, le peuple n'étant pas jugé "assez mûr" pour accepter des Algériens d'origine européenne dans l'organigramme du parti. Ce point doit encore être discuté, par exemple avec des militants comme William Sportisse, qui, je crois, ne partage pas ce point de vue. Les pieds-noirs qui s'étaient engagés dans la guerre de libération ont aussi ressenti comme une brimade les démarches administratives qui leurs étaient imposées pour obtenir la nationalité algérienne. Le nouveau code de la nationalité proposait pour cela deux voies. La première était prévue par les accords d'Evian : tout pied-noir souhaitant opter pour la nationalité algérienne pouvait le faire par une simple déclaration en mairie. La seconde voie permettait à toutes les personnes du monde entier ayant participé à la guerre de libération d'obtenir la nationalité algérienne. Naturellement, il fallait prouver cet engagement et constituer un dossier, examiné par l'administration. Ce qui a provoqué quelques grincements chez ces pieds-noirs communistes qui avaient risqué leur vie pour l'indépendance et se retrouvaient face à des fonctionnaires pointilleux au moment de prouver leur engagement dans la guerre de libération.

    Parmi les figures évoquées dans ce livre se trouve Georges Acampora, décédé le 11 février 2012. Qui était-il ? 

    Pierre Daum. Georges Acampora était issu de cette immigration espagnole très pauvre qui constituait le petit peuple de Bab-el-Oued, majoritairement engagé au Pari communiste dans les années trente. Avec la guerre, cette population a basculé dans le camp de l'Algérie française. Heureusement, à plusieurs exceptions près, dont la famille de Georges Acampora, dit "Jojo". Il est entré très jeune au PCA, c'était un compagnon de Fernand Yveton. Il a participé à la préparation d'attentats visant l'armée française, ce qui lui a valu d'être condamné à mort. Sa peine a finalement été commuée en prison à vie. Il a passé deux longues années en prison, d'abord à Barberousse, à Alger, où sa femme, Juliette, essuyait à chaque visite les insultes destinées à l'épouse du « rouge allié aux fellaghas ».  Il a été libéré après les accords d'Evian. En 1962, il est retourné dans son modeste appartement de Bab-el-Oued, à deux pas de la Place des trois horloges. Après l'indépendance, Georges a réintégré les sapeurs-pompiers, où il a mené une brillante carrière. La famille Acampora a toujours joui d'une profonde estime en Algérie. Il était l'un des membres reconnus de l'Association des anciens condamnés à mort. Les Algériens lui témoignaient une grande affection. Dans les années 90, alors que Bab-el-Oued était devenu l'un des fiefs du Front islamique du salut et qu'aucun démocrate n'osait plus mettre les pieds dans ce quartier, le couple Acampora n'a jamais été inquiété.

    Au travers de ces parcours de pieds-noirs retracés dans votre livre se dessine une certaine histoire de l'Algérie indépendante. En quoi leur regard sur ces cinquante ans écoulés est-il singulier ? 

    Pierre Daum. Ces pieds noirs devenus des Algériens d'origine européenne incarnent l'utopie d'une Algérie laïque, démocratique, pluriculturelle. Cette utopie n'a encore jamais été réalisée mais elle continue d'exister, dans l'esprit de nombreux Algériens, comme une extraordinaire force de transformation potentielle.


     

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