• La sale guerre d'Algérie

     

     

    Non vraiment je n'ai pas le profil

    d'ancien combattant

    Je sais le mot « torture » gêne certains anciens combattants fiers de leurs décorations… qui leur permettent de bomber le corse dans les défilés commémoratifs... Ils se comparent  aux combattants de la seconde guerre mondiale qui libéraient la France de l'envahisseur nazi. En Algérie c'était nous les envahisseurs... Nous ne défendions pas la France mais l'empire colonial issu du capitalisme.  Je les connais, je les ai fréquentés… Lorsque l’on m’a proposé la croix du combattant et que je l’ai refusée… ils étaient outrés… Ayant quitté l'Association d'anciens combattants dont je faisais partie après que l'on m'ait rapporté que j'avais été insulté, tellement courageux ils n'ont même pas émis ces insultes en ma présence... Pourquoi tu l’as refuse cette décoration ? Mais vous l’avez pourtant faite cette sale guerre… Certains d’entre vous ont dû voir de quelle façon honteuse s’est comportée l’armée française, surtout pour une cause profondément injuste… En fait, les véritables responsables sont les dirigeants politiques de tous bords qui avaient donné des pouvoirs spéciaux à l’armée… Et, en effet, ces pouvoirs elle en a, hélas, trop ignoblement abusés… Par dizaines, j’ai vu et lu des témoignages pour dire ce que fut la torture, les horreurs infligées aux victimes, "la honte" de certains de ceux qui l'ont pratiquée. Contre la torture, des mots terribles. Vous l'aurez compris j'ai choisi le général de Bollardière et j'ai critiqué le général Bigeard, vous savez celui qui a créé une atroce torture appelée "les crevettes Bigeard"

    Michel Dandelot

    La sale guerre d'Algérie

    " Ma déchirure "...

    Je pouvais être exempté de cette sale guerre : je l'ai faite... Ce point, je ne le discuterai pas ici. C'est de la torture qu'il s'agit. Oui, la torture a été systématiquement utilisée pour chercher le renseignement et "casser du fell", " démolir la structure politico-administrative fellouze... " - comme l'on disait. À peine dix ans après la Libération, les pires méthodes nazies devenaient en partie les nôtres. N'avoir rien dit, n'avoir rien fait, voilà la faute. Je suis complice. Ce qui reste : " le silence et la honte "… Voilà la déchirure, la mienne... S'ajoute à ces atrocités la mort des nôtres dans les accrochages, et parfois leur mutilation. Certains souvenirs, avec toute leur incandescence, sécrètent et tissent de la psychose. Vouloir oublier ? Le refoulement pathogène resurgit - fissure, clairvoyance et lucidité. La folie est souvent côtoyée...

    Un mot cependant, un mot sur la rectitude de certains supérieurs. Je me souviens du directeur de l'instruction combat (IC), à la base école des troupes aéroportées (BETAP) pendant l'été 1957. Je me souviens de ses mises en garde répétées contre la torture. Je me souviens du commandant en second du corps que j'ai rejoint en Algérie. Ils furent, en quelque sorte, ceux qui, dans la tourmente, veillèrent à l'éthique du soldat et savaient contraindre certains à des conduites plus droites. Il est à savoir aussi que le général de Gaulle, après le coup d'État du 15 mai 1958, ordonna à l'armée de cesser la barbarie. Mais l'on n'arrête pas les pratiques odieuses d'une guerre qui avait souvent les caractères d'une guerre civile, avec son surcroît de cruauté. Les pratiques acquises et transmises étaient encore ancrées trop fortement ; les attitudes et les comportements perdurèrent.

    Cependant, pourquoi avoir laissé seul et bien seul le contingent abandonné souvent à lui-même dans un grand désarroi ? Pourquoi l'avoir laissé partir en masse ? Il n'avait pas les moyens de refuser dans son ensemble. Il a été contraint au " maintien de l'ordre ", à participer aux opérations, à se battre contre l'Armée de libération nationale (ALN) et, au final, parfois contre l'Organisation de l'armée secrète (OAS). Il a su aussi mettre sous le boisseau la tentative de putsch d'avril 1961. (...) Je ne sais comment arrêter cette lettre si ce n'est en ayant une pensée pour toutes les victimes de cette guerre. Amitiés.

    Jacques Clément - Militaire en retraite - Anduze (Gard)

    BORDJ-MENAEL, 1959-1960

    J'ai séjourné en Algérie, du mois d'octobre 1959 au mois de novembre 1960, en Grande Kabylie, secteur de Bordj-Ménaël, quartier d'Issenville, donc en zone sensible. Affecté au 3e bataillon du 9e Rima, responsable du service d'action psychologique (5e bureau), je puis témoigner de l'usage systématique de la torture, notamment de l'électricité. Tout suspect, homme, femme, enfant, et les prisonniers de l'ALN étaient soumis à la "gégène". Pour ces derniers, ceux qui " parlaient " étaient intégrés dans les harkis ; ceux qui ne disaient rien étaient emmenés dans la montagne et lâchement assassinés. Je suis disponible pour toutes précisions supplémentaires.

    Louis Delmon - Vice-président, en 2001, du conseil général de la Dordogne - Sarlat.

    " Maintien de l'ordre "

    Sursitaire appelé pendant la guerre d'Algérie, j'y fis deux séjours : le premier, en tant que 2e classe, du 24 mai au 11 octobre 1955, dans la région d'Oran, fut assez calme ; le second, en tant que sous-lieutenant, du 23 novembre 1956 au 4 juin 1957, m'a fait participer avec ma section au sein du 1/50 R.A. au " maintien de l'ordre " dans le département de Tizi-Ouzou. À ma libération, en juin 1957, j'entrepris, avec l'aide du journal Liberté la dénonciation de cette sale guerre qui ne voulait pas dire son nom et qui traînait dans son sillage les viols (des femmes pendant la fouille des "douars" désertés par les hommes), la maltraitance des prisonniers, la non-assistance aux blessés qu'on laissait râler, sans soins, à même le sol dans des enclos gardés... Le 22 août 1958, j'ai été, suite à ces dénonciations, rayé, par décret, du cadre des officiers de réserve. Réintégré, sous Mitterrand, dans le grade de sous-lieutenant, à compter du 27 mai 1984 (en même temps que les officiers de l'OAS ! hélas !!!), c'est de tout coeur que je m'associe à l'appel à la condamnation officielle de la torture pratiquée au nom de la France pendant la guerre d'Algérie. Je forme le voeu que, dans cette condamnation d'actes inadmissibles effectués par des militaires français, les dirigeants civils (Guy Mollet, Lacoste...) et militaires (Bigeard...) qui encourageaient et laissaient faire la torture ne soient pas oubliés.

    Jean Vandeputte - Vias (Hérault)

    À Paris aussi...

    La torture était également pratiquée à Paris à l'égard des ressortissants algériens, membres du FLN ou non. Dans le 13e arrondissement, plusieurs cafés-hôtels étaient réquisitionnés par les supplétifs harkis, avec l'accord de la préfecture de police. Lors des rafles, des Algériens y étaient emmenés et torturés. Beaucoup y laissèrent leur vie. Nous avions créé un Comité pour la paix en Algérie, au sein duquel le pasteur Rognon, l'abbé de Méribelle, curé de la paroisse Sainte-Hypollyte (avenue de la Porte-de-Choisy, au coeur des usines Panhard, aujourd'hui disparues), Jean Ridoux, du Mouvement de la paix. J'ai le souvenir d'une visite impromptue que nous avions faite dans l'un de ces lieux de torture, boulevard de la Gare, et de ce que nous y avions constaté à notre plus grande honte.

    Jean Portejoie - Tarbes (Hautes-Pyrénées)

    Histoire commune

    Je suis algérienne et, pour la guerre de libération qui a été le combat de nos parents, je n'oublierai jamais. Je tente aujourd'hui de poursuivre la mémoire de notre histoire commune. Militante de l'association « Au nom de la mémoire », qui, depuis plusieurs années, a contribué à sortir du silence la manifestation du 17 octobre 1961, quelques décennies plus tard, la France et l'Algérie portent toujours douloureusement cette histoire. Toute initiative, et celle de reconnaître la torture en Algérie, me semble nécessaire aujourd'hui pour sortir du silence les haines et apaiser les plaies, tourner la page, mais ne pas oublier.

    Samia Messaoudi - Journaliste Beur-FM - Levallois-Perret (Hauts-de-Seine)

    Un autre regard ?

    En mémoire de mon père, militaire de carrière qui, après l'Indochine, fut envoyé en Algérie. Il dut quitter l'armée précipitamment, en demandant sa mise à la retraite anticipée du fait de menaces sur sa personne au moment du putsch d'Alger. Ces six années passées en Algérie l'avaient marqué profondément.

    Ensuite, je pense que cette action " de devoir de mémoire ", de regard sur notre histoire sur ce que fut cette guerre d'Algérie, devrait nous aider dans l'opinion publique à lever la chape de plomb qui pèse sur la conscience populaire. Cela doit aider à terminer cette page de cette "sale guerre" qui encombre encore les mémoires, contribue à nourrir le racisme anti Arabe, à freiner nos rapports aux autres à l'Algérie, aux Algériens qui continuent à être vus quoiqu'on en dise, de façon particulière.

    Enfin, c'est par rapport à l'Algérie d'aujourd'hui, au rapport de la France à ce pays, ou plutôt au manque de lisibilité, d'acte politique fort qui reconnaîtrait le besoin de développer tous azimuts nos relations avec l'Algérie. Reconnaître ces faits de torture, de guerre, c'est aussi reconnaître la légitimité du combat du peuple algérien pour son indépendance, sa dignité, sa souveraineté, sa liberté. J'ai séjourné, il y a peu de temps, près d'un mois en Algérie, que j'ai un peu parcourue. J'ai pu constater, au fil de mes rencontres, combien la France était présente dans les esprits et combien de noms de Français, de combattant pour la paix, étaient présents, tels Maurice Audin, l'aspirant Maillot, etc. Je souhaite contribuer au rapprochement, à un autre regard sur l'Algérie, notre histoire commune.  

    Michel Lagneau - Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne)

    Bain de sang

    Appelé du contingent, arrivé en Algérie en octobre 1956 jusqu'en octobre 1958, j'ai assisté, malgré moi, à une séance de torture avec d'autres jeunes appelés. Nous avons protesté contre ces méthodes barbares (supplice de l'eau, gégène, coups de pied et de poing, etc.). Ces images terrifiantes restent gravées dans ma mémoire. J'invite tous ceux qui ont participé à la guerre d'Algérie et qui ont vu ces exactions à dénoncer ce bain de sang. Il faut que la vérité éclate.

    Gilbert Freliger - Troyes (Aube)

    Que de barbaries !

    Que de barbaries et d'atrocités commises au nom d'une " civilisation " qui prétend être supérieure à une autre et s'acharne par tous les moyens - y compris les plus inhumains - à la dominer, l'écraser au profit de ses propres intérêts ! Appelé du contingent pour vingt-huit mois dans le Sud oranais, de 1959 à 1961, j'entends encore, une certaine nuit, les cris des "suspects" torturés dans le camp... Misérable guerre coloniale dont l'expérience ne fut sûrement pas étrangère à ma décision, au retour d'Algérie, de me former pour être prêtre, puis prêtre ouvrier, puis militant du Mouvement de la paix.

    Roland Claverie - Paris 19e

    Des deux rives

    Il faut que le gouvernement français mette tout en oeuvre pour dire clairement les crimes qu'a commis l'armée française pendant cette période. C'est un devoir de mémoire pour les générations algériennes et françaises qui ont vécu cela, mais aussi pour les jeunes Français et ceux d'origine algérienne qui doivent connaître la vérité. Cette reconnaissance de la pratique de la torture permettra un peu plus de réconcilier nos deux peuples et contribuera à une meilleure intégration des jeunes issus de l'immigration et à être fiers de leurs parents. Il faut dire haut et fort que ce qui est insupportable dans l'acte de torture, c'est qu'au-delà du sadisme pratiqué sur un être humain, la torture était utilisée comme acte politique, en l'occurrence pour maintenir les Algériens colonisés.

    Marie-José Athénoux et Didier Olmos - Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse)

    Conclusion avec cette vidéo

    Les appelés étaient deux millions, témoins et parfois complices : commémoration un jour de 2001 dans un cimetière, par les anciens combattants, des 25000 (30000) appelés tués. Témoignage de Serge FAUCHON, sergent, 1/43e régiment d'artillerie. Témoignage d'un autre ex appelé, Jean Pierre CREPIN, appelé dans "les commandos de chasse". Il relit ses lettres avant de parler de l'horreur et de sa culpabilité ressentie. Témoignage de Jean FAURE, sénateur UDF, sergent, régiment de chasseurs alpins, qui lit son carnet de souvenirs et montre ses photos. Un prêtre a recueilli des souffrances de part et d'autre : témoignage du père Henri PENINOU, aumônier militaire, 8E régiment de parachutistes coloniaux. Les appelés demandent une reconnaissance et sortent du silence. 

     

     

     

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