• Le 26 mars 1962, deux faits marquants : début du procès des assassins de Roger Gavoury commissaire central d’Alger et la fusillade de la rue d’Isly à Alger

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    Il y a eu cinquante-six ans, le 26 mars 1962, débutait à Paris le procès des tueurs de Roger Gavoury, premier des fonctionnaires de l’État à tomber sous les coups de l’Organisation armée secrète au cours de la nuit du 31 mai au 1er juin 1961. Grâce aux Éditions Tirésias - Michel Reynaud (http://www.editionstiresias.com/index.php), son fils a pu rendre compte tant des circonstances de cet assassinat que de la procédure engagée contre les auteurs et complices de ce crime commis par l’OAS, parmi tant d’autres, dans la facilité, la lâcheté, la honte.

    En souvenir de ce 26 mars 1962, nous publions ci-après le début du chapitre que Jean-François Gavoury consacre au procès de Dovecar, Piegts et consorts en seconde partie du livre de Jean-Philippe Ould Aoudia intitulé "La bataille de Marignane" et préfacé par l’ancien ministre Pierre Joxe (http://www.editionstiresias.com/pages/catalogue-3.html).

    « Sept participants à l’assassinat de mon père sont appelés à comparaître à partir du lundi 26 mars 1962 devant le tribunal militaire spécial de Paris.

    « Trois autres sont alors en fuite, notamment leur véritable chef, l’ex-lieutenant Degueldre, déserteur du 4ème régiment d’infanterie de la légion, qui sera arrêté le 7 avril 1962.

    « La présence de ces sept accusés à l’audience est incertaine : ils invoquent le probable empêchement de leurs défenseurs, retenus à Alger par des difficultés de transport. Le président de la juridiction a la faculté de passer outre, et les accusés défaillants peuvent être jugés en leur absence.

    « Parmi les sept, outre Claude Piegts, déjà condamné à sept ans de détention criminelle pour avoir voulu rançonner un supposé trafiquant d’armes du FLN à Nice, trois anciens légionnaires : Albert Dovecar (dit Bobby), d’origine yougoslave mais de nationalité autrichienne, auteur du plan de l’agression ; Herbert Petri, alias Hans Hase, allemand ou autrichien, et Claude Tenne, alias Marc Tenard, français, responsable des coups portés contre mon père.

    « Les trois autres sont Jacques Malmassari et Paul Frapolli ainsi que Louis Zani.

    « Il importe ici de souligner que l’une des particularités de ce procès réside dans le fait qu’il se déroule dans l’enceinte d’un tribunal militaire. Les justiciables de cette juridiction d’exception en contesteront, du reste, le fondement et la légitimité. Pourtant, les défenseurs des tueurs appartenant à l’OAS auront la faculté d’y faire citer les témoins de leur choix, y compris d’anciens militaires rendus à la vie civile.

    « La famille de leur victime sera privée de cette possibilité. »

    En complément, cf. : http://w ww.ina.fr/video/PHD94014363

     

     

        (à partir de 11'14'' et jusqu’à  13'00''  : correspondance de Frédéric POTTECHER au tribunal militaire sur le jugement des sept accusés du crime du commissaire central d'Alger Mr. Roger GAVOURY poignardé le 31 mai 1961 alors qu'il enquêtait sur le démantèlement de réseaux OAS. "Lamentables discussions de procédures". Les avocats de la défense ont fait valoir des délais trop courts et demandent le renvoi de l'affaire. Le tribunal passe outre. Trois des accusés, TENARD, PETRI et DOVECAR, tous trois déserteurs de l'armée, se sont présentés en uniforme avec leurs décorations … »)

    Cf. par ailleurs : http://www.ina.fr/video/CAF96027582

     

     

    Le 26 mars 1962, deux faits marquants : début du procès des assassins de Roger Gavoury commissaire central d’Alger et la fusillade de la rue d’Isly à Alger

     

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    La fusillade rue d'Isly à Alger 

     

    Le 18 mars 1962, des accords sont signés à Evian par le gouvernement français et le gouvernement provisoire de la République Algérienne (GPRA). Ces accords qui allaient pouvoir mettre fin à la guerre d’Algérie stipulaient, dans leur Article 1, que le cessez-le-feu serait proclamé le 19 mars 1962 à midi sur le terrain par les Etats-majors de l’Armée française et de l’Armée de Libération Nationale Algérienne.

    Le même 18 mars, l’OAS présente publiquement les accords d’Evian  de façon tronquée.

    Le 19 mars les suppléments hebdomadaires des journaux algériens « La Dépêche quotidienne » et « Le Journal d’Alger » se font largement l’écho de l’OAS et annoncent « l’abandon complet de la minorité européenne livrée aux tueurs du F.L.N. »

    Le 19 mars, alors que le général Ailleret proclame le cessez-le-feu, une émission pirate de l’OAS diffuse une déclaration du général Raoul Salan – chef de l’OAS – qui condamne le cessez-le-feu et donne l’ordre de « commencer immédiatement les opérations de harcèlement dans les villes, contre les forces ennemies », c'est-à-dire l’armée, le contingent, les CRS, les gendarmes, les policiers, etc.

      Le 20 mars :

    A  Oran l’OAS règne et multiplie – depuis des jours déjà – fusillades, ratonnades et hold-up sous les ordres de Jouhaud et de ses adjoints.

    Une édition spéciale OAS est tirée à « l’Echo d’Oran » et diffusée à plusieurs dizaines de millions d’exemplaires Des commandos OAS, en uniforme, parcourent la ville et un affrontement avec l’armée fait 10 morts et 16 blessés.

    A Alger Un commando « Delta » de l’OAS assassine, dans la cellule du commissariat de police d’Hussein-Dey où ils sont détenus, 4 algériens arrêtés, tandis que d’autres ultras lâchés en ville « ratonnent » dans les quartiers européens qu’ils veulent interdire complètement aux Algériens.

    - Un détachement OAS tire au mortier sur l’un des endroits des plus populeux d’Alger, la place du gouvernement au bas de la Casbah. Bilan : 24 morts et 60 blessés, tous algériens.

    Le 22 mars à Oran l’OAS s’empare de tout l’argent liquide de la Banque d’Algérie située Bd Galliéni – Butin : 2 milliards 200 millions de francs de l’époque !

      Nuit du 22 au 23 mars, Alger

    Les commandos « Z » de l’OAS s’installent à Bab-el-Oued. Au matin, une patrouille d’appelés du contingent tombe dans leur embuscade : bilan, 3 morts et 3 blessés graves.

    Les gendarmes mobiles bouclent le quartier. L’OAS tire des balcons, des terrasses, transformant les rues en terrain de guérilla. Malgré l’appui de l’aviation, l’OAS tire à la mitrailleuse sur les gendarmes. Bilan : 15 morts, 70 blessés.

    Bab-el-Oued est alors bouclée, coupée d’Alger et fouillée durement de fond en comble.

    Briser le blocus de Bab-el- oued telle est sa dernière chance, estime l’OAS, pour réussir à Alger, et faire oublier aux « pieds noirs » l’échec de la bataille de Bab-el-Oued et l’arrestation de Jouhaud à Oran par le général Katz. et désarmer l’armée en lui opposant une masse de civils désarmés, pour  recréer au centre d’Alger une zone insurrectionnelle.

    - Le Préfet de police d’Alger, Vitalis Cros, interdit la manifestation, fait diffuser toutes les demi-heures un communiqué, tandis que des voitures haut-parleurs militaires sillonnent la ville pendant toute la matinée, répétant inlassablement – tout au long des rues – la « mise en garde officielle » qui avertit que « les forces du maintien de l’ordre les dispenseront (les manifestations), LE CAS ECHEANT, AVEC LA FERMETE NECESSAIRE ».

      Le 26 mars à Alger

    Un cortège de 3000 à 4000 européens, descendus du plateau des Glières (au centre d’Alger), se dirige vers Bab-el-Oued pour « affirmer leur solidarité avec le quartier martyr ».

    Parmi les forces militaires prévues pour maintenir l’ordre, figurent la 6e compagnie, la 5e compagnie et une compagnie mixte du 4e Régiment de Tirailleurs Algériens. Dès leur arrivée à Alger, quelques jours plutôt, ces 3 compagnies ont été engagées à Bab-el-Oued où elles ont essuyé le feu des commandos OAS les mitraillant du haut des balcons et des terrasses.

    La 6e Compagnie du 4e RTA est postée rue d’Isly et à la rampe Bugeaud. La rue d’Isly est confiée au Sous-lieutenant Kabyle Ouchène Daoud qui commandera le barrage, secondé d’un sergent-chef et de  23  tirailleurs

    Les tirailleurs sont tendus ; quelques instants auparavant, une vingtaine de jeunes gens – brandissant un drapeau OAS – les ont insultés, injuriés.

    Le Sous-lieutenant Daoud laisse passer un homme et le porte-drapeau qui l’accompagne. Ce dernier, à peine franchi le barrage, appelle la foule : « Tous à Bab-el-Oued !!!» - Trois cents personnes se précipitent, bousculent les tirailleurs qui se trouvent pris à revers. C’est l’hystérie, l’échauffourée éclate, des crachats pleuvent sur les tirailleurs.

    14h45, une rafale de FM claque

    Deux fusils-mitrailleurs OAS se mettent à tirer en feux croisés à partir des étages supérieurs de l’immeuble du 64 de la rue d’Isly, de celui de la « Warner Bros » au coin de la rue d’Isly et de l’Avenue Pasteur. Un autre FM, placé sur un balcon de la rue Alfred Lelluch prend en enfilade la rue de Chanzy.

    Quatorze emplacements de tirs de l’OAS seront dénombrés avec précision après la manifestation dont – outre les FM – 4 de PM.

    Des grenades explosent également au milieu de la foule. Or, aucun tirailleur du 4e RTA n’en est muni.

    De nouvelles fusillades éclatent au Forum et au carrefour de l’Agha où des tireurs de l’OAS prennent les gendarmes pour cibles.

    Après la fusillade, l’OAS proclame que ce sont les fellaghas de la Willaya 4 qui ont ouvert le feu sur une foule désarmée et pacifique, et qu’ils ont même achevé les blessés !

      UN TRAGIQUE BILAN

    Le bilan des morts et des blessés, pour les seuls engagements évoqués ci-dessus, est de 56 morts et 149 blessés. Auxquels il faudrait ajouter toutes les autres victimes d’attentats OAS et de ratonnades à cette même période.

    La fusillade de la rue d’Isly eut, elle aussi, un lourd bilan : 41 morts et 130 à 200 blessés selon les sources consultées. Mais combien, parmi ces victimes, sont tombées sous les balles criminelles de l’OAS ?

    Certaines ont bien été tuées par les militaires en état de légitime défense. Cependant, le recensement détaillé des munitions utilisées tant par les tirailleurs algériens que par les sous-officiers européens prouvent que si ces soldats aguerris aux combats dans les djebels avaient tiré toutes les balles de fusils et de PM sur la foule compacte des manifestants, ce ne sont pas 41 morts qui auraient été à déplorer, mais plusieurs centaines !

    Quoiqu’il en soit, cette fusillade tragique résulte bien de la volonté criminelle de l’OAS de tout mettre en œuvre pour empêcher la mise en place du cessez-le-feu et précipiter la population européenne dans un cycle de meurtres, de ratonnades.

    Cet affrontement a creusé d’avantage encore le fossé qui sépare Européens et Algériens. Mais les derniers assauts forcenés de l’OAS ne pourront rien changer à la dynamique de paix amorcée à Evian.

      LA PORTE OUVERTE A LA PAIX

    En cela, le cessez-le-feu du 19 mars 1962 est bien l’événement déterminant, marquant, fondamental qui ouvrit la porte et permit d’aboutir enfin à la paix.

    Les victimes de la fusillade de la rue d’Isly ne sont pas « Mortes pour la France », mais tombées pour soutenir l’OAS qui les a manipulées, on ne saurait les confondre avec celles  tombées sous les coups de l’OAS…tel Camille blanc (maire d’Evian), les martyrs assassinés par la police de Papon au métro Charonne, le commissaire Gavoury, les 6 inspecteurs des centres sociaux éducatifs (créés à l’initiative de Germaine Tillon), Max Marchand, Marcel Basset, Robert Eynard, Mouloud Ferraoun, Salah Ould Aoudia, Ali Hianounstein et tant d’autres.

    Aussi, les noms des victimes de la rue d’Isly – tombées pour soutenir l’OAS – n’auraient jamais dû avoir leur place au Mémorial National du Quai Branly à Paris, qui doit demeurer le lieu d’hommage aux militaires français « Morts pour la France » durant la guerre d’Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc.

    « Encore un attentat terroriste hier !!! Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? "La France comme l'Amérique en guerre perpétuelle"Lettre au président de la République de M. Jean-Philippe Ould Aoudia, Président de l’Association des Amis de Max Marchand et Mouloud Feraoun et de leurs compagnons »

  • Commentaires

    1
    Mardi 27 Mars 2018 à 20:25

    Une période noire de notre histoire, comme chaque fois que l'extrême-droite se manifeste. Et n'oublions pas que le ventre de la bête immonde peut enfanter de nouveaux crimes...Les évènements de Montpellier sont là pour nous le rappeler....

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