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Le temps de la collusion
Le temps de la collusion
Les 89 députés du RN ne sont pas arrivés comme un coup de tonnerre dans un ciel serein.
Il aura fallu des conditions de vie insupportables faites à des millions de premiers de corvée pour lesquels la fin du mois arrive le 15. S'y ajoute, en prime, le mépris des puissants. Mais aussi de vieilles rancoeurs encore vivaces parmi les nostalgiques des guerres coloniales, de l'Algérie française et de l'OAS. Et il aura fallu des conditions politiques favorables.
Il y a bien des mois, j'écrivais sur ce blog que la France est un des pays de l'Union européenne dans lequel l'extrême droite est à un des niveaux d'influence les plus élevés et les plus constants de l'Union européenne. J'ajoutais que de nombreux conseils des ministres, présidés par Emmanuel Macron, avaient pour ordre du jour des thèmes directement issus du magasin des horreurs de la raciste extrême droite, avec des reprises dans la plupart des médias pendant des semaines. Enfin, j'alertais en constatant que la gauche aussi cherchait à disputer le terrain à l'extrême droite, comme François Hollande avec la déchéance de nationalité.
Pour toute réaction, je n'ai rencontré qu'un encéphalogramme plat.
Ce qui s'est produit au cours de la séquence électorale qui s'achève n'est qu'une étape d'un long processus vers une accession au pouvoir. Cette étape est marquée par la révélation de ce qui jusqu'ici apparaissait impossible : une collusion étalée au grand jour entre la force à laquelle il avait reçu le mandat de faire barrage et le président des riches et de la retraite à 65 ans.
Que d'efforts déployés pour rendre présentable l'ignoble…! L'épisode Zemmour y contribua mais plus fondamentalement, la stratégie du capital et de son fondé de pouvoir, pour mettre à l'abri leur domination, a consisté à dédiaboliser l'extrême droite raciste, xénophobe et antisémite pour pouvoir mieux diaboliser une gauche redevenue de transformation sociale.
Le deuxième tour des élections législatives fut le terrain d'une première expérimentation, avec les 89 députés du RN qui ne sont donc pas tombés du ciel. Ils ont bénéficié du tremplin qu'a représenté, dans chaque circonscription, le score canon réalisé par leur cheffe, au deuxième tour de l'élection présidentielle et du laisser-passer offert aux candidats du RN par la macronie pour faire barrage aux candidats... de la Nupes !
J'enrage encore qu'à 400 000 voix près, leur cheffe ait évité la sortie de route dès le premier tour.
Depuis, chaque jour qui passe montre que cette collusion est devenue une façon de gouverner. Cette dernière est pilotée par un Emmanuel Macron affaibli qui voit dans la société deux blocs, les populistes de LFI et du RN, hors du champ de la République, et tous les autres, les républicains, idéalisés pour la circonstance en oubliant, entre autres, que la République a produit les guerres coloniales, les discriminations à l'encontre des femmes et des Français d'origine étrangère, les crimes dans les rues de Paris. N'a-t-elle pas jeté à la Seine des Algériens qui revendiquaient l'indépendance de leur nation ? N'a-t-elle pas tué à Charonne, des hommes et des femmes qui manifestaient pacifiquement ? N'a-t-elle pas mutilé tant de Gilets jaunes ?
Ce faisant, un double cadeau est offert à l'extrême droite : associée à LFI dans la même exclusion, cela contribue à la dédiaboliser et en la qualifiant de "populiste" elle se voit attribuer, aux yeux des populations qu'elle vise, le statut de championne de la défense du peuple.
Tant et si bien que l'anathème présidentiel se ramène dans la vie réelle à une volonté farouche de détruire la Nupes en stigmatisant une de ses composantes.
Ce que cette Nouvelle union populaire sociale et écologiste propose de changer d'urgence, c'est précisément ce qui conduit trop des plus faibles d'entre nous à succomber aux sirènes de l'extrême droite.
Permettre à la Nupes de déployer toutes ses potentialités transformatrices unitaires est à la fois nécessaire pour tarir la source qui alimente le RN et pour offrir une perspective d'espoir à toute la société.
Attention, au temps de la collusion peut succéder celui de la participation ! N'est-ce pas l'objectif assigné à terme au processus de décomposition/recomposition des forces politiques ?
Il y a peu encore, il apparaissait invraisemblable.
SOURCE : Le temps de la collusion. | Le Club (mediapart.fr)
« France-Algérie : la réconciliation impossible ?Défilé militaire du 14 juillet : l’indécence continue ! »
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