• Lettre ouverte à Abdelmadjid Tebboune *** France : montée inquiétante du discours anti-algérien

     

    Lettre ouverte

    à Abdelmadjid Tebboune

     

    Dix penseurs de plusieurs pays viennent de s’adresser, à travers une lettre, au président algérien, Abdelmadjid Tebboune. Il s’agit d’une lettre ouverte au sujet des prisonniers politiques en général et du journaliste Ihsane El Kadi en particulier. 

    Parmi eux, figurent le penseur américain Noam Chomsky, la romancière française, prix Nobel de littérature Annie Ernaux, la romancière indienne et auteure engagée Arundhati Roy, et le cinéaste anglais Ken Loach, tous connus aussi pour leur engagement politique. Voici le texte intégral de la lettre : 

    « Monsieur le président,

    Plus qu’un pays, l’Algérie est une idée. Une idée entêtée de libération. Soixante ans après l’indépendance de l’Algérie, cette idée continue à irradier l’espoir dans le coeur de ceux qui se battent encore contre l’oppression. Elle est la preuve que la victoire sur l’injustice est possible y compris lorsque le face-à-face paraît désespéré et démesurément disproportionné.
    Aujourd’hui, ce grand pays se referme comme un piège redoutable sur les opposants politiques et les citoyens qui osent rêver d’un véritable Etat de droit.

    Le journaliste Ihsane El Kadi est en prison parce qu’il refuse de se soumettre aux pressions de ceux qui gouvernent le pays et qui voudraient faire de lui un journaliste de contrefaçon. Directeur de la web radio RadioM et du journal d’informations Maghreb Emergent, Ihsane El Kadi a été arrêté au coeur de la nuit le 24 décembre 2022 par six officiers militaires. Le lendemain, il a été amené par les services de sécurité pour assister à la perquisition et la fermeture des médias qu’il a créés. Ses collègues et amis assistèrent, en larmes, au spectacle du journaliste menotté, mené comme un criminel sur les lieux de son crime : une radio et un site d’informations indépendants. Au terme d’une instruction bâclée, entachée de violations de la procédure pénale et des droits de la défense, le 2 avril 2023, Ihsane El Kadi a été condamné à cinq années de prison dont trois fermes. Son procès en appel, qu’il attend dans la prison d’El Harrach à Alger, aura lieu le 4 juin 2023.

    A 64 ans, Ihsane El Kadi est un vétéran du journalisme indépendant en Algérie, exactement comme son père, Bachir El Kadi, a été un vétéran de la guerre de libération de son pays. Comprenez que l’obstination de ce journaliste pour l’indépendance dans sa profession est cimentée dans les contreforts de son éducation à la liberté, celle de l’histoire du combat de son peuple contre l’asservissement colonial.

    Ihsane El Kadi est accusé d’avoir trahi son pays mais, vu des horizons éloignés d’où nous regardons et nous intéressons à l’Algérie, il nous semble qu’il a, au contraire, chevillé l’amour de cette terre à son travail de journaliste indépendant.

    C’est pourquoi nous nous permettons de vous écrire aujourd’hui pour vous demander de faire tout ce qui est en votre pouvoir afin que cesse l’acharnement sécuritaire et judiciaire que subissent Ihsane El Kadi et tous les prisonniers d’opinion en Algérie.

    Monsieur le président Abdelmadjid Tebboune, quels que soient les désaccords et les antagonismes, l’Algérie est un idéal plus vaste que le cachot qu’elle est en train de devenir pour les journalistes critiques et les voix discordantes. Elle est la terre retrouvée des damnés de la terre.

    Il est en votre pouvoir de libérer Ihsane El Kadi ainsi que tous les journalistes emprisonnés et tous les détenus d’opinion. Usez de ce pouvoir, par fidélité au combat des Algériens pour la justice et la liberté.

    Signataires:
    Etienne Balibar, philosophe (France), Joyce Blau, universitaire, membre des réseaux de soutien au FLN pendant la guerre d’indépendance algérienne, Noam Chomsky, linguiste (Etats-Unis d’Amérique), Annie Ernaux, romancière, prix Nobel de littérature (France), Elias Khoury, romancier (Liban), Abdelatif Laabi, poète (Maroc), Ken Loach, cinéaste (Royaume-Uni), Achille Mbembe, historien et politiste (Cameroun), Arundhati Roy, romancière (Inde), Youssef Seddik, philosophe (Tunisie).

    SOURCE : https://laquotidienne.ma/article/international/lettre-ouvrte-abdelmajid-tebboune

    Pierre Audin avait lui aussi, de son vivant, évoqué ce problème :

     

    Ce serait bien d’envoyer aussi

    une lettre ouverte à Emmanuel Macron 

    concernant un autre problème

    France : montée inquiétante

    du discours anti-algérien

     

    La France est-elle de plus en plus hostile à des relations avec les Algériens ? Depuis l’Hexagone en tout cas, on observe un sentiment négatif à l’égard des Algériens.

    La France compte sur son territoire environ deux millions d’Algériens (si l’on compte les immigrés et la deuxième génération). Pourtant le pays semble de plus en plus gêné par les « privilèges » dont bénéficie la population algérienne.

    Les discours politiques de cet ordre se multiplient de plus en plus depuis le début de l’année et laissent croire que les Algériens sont devenus persona non grata.

    Les Algériens ne peuvent plus voir la France

    comme un pays d’immigration 

    On pensait que la France et l’Algérie avaient opté pour une paix diplomatique et un renforcement des liens. La visite d’Emmanuel Macron à Alger durant l’été 2022 avait mis fin à la crise de l’automne 2021 et marqué un renforcement de l’amitié avec la mise en place de multiples partenariats dans l’éducation, l’économie et surtout sur la question de la mémoire franco-algérienne.

    L’invitation du président Abdelmadjid Tebboune à Paris en juin semblait clôturer cette querelle politique entre les deux pays. D’un point de vue purement diplomatique, on pourrait croire à un calme plat.

    Pourtant en France, l’Algérie n’a pas bonne presse. Que ce soit pour les membres de la diaspora basée sur le territoire français comme pour les postulants à un séjour plus ou moins long en France. Les Algériens ne sont clairement pas attendus en France.

    Certes le gouvernement français a rétabli officiellement les quotas de visas pour les Algériens à leur niveau habituel après les avoir réduits de 50 % en 2021. Mais leur obtention reste un défi majeur. En Algérie, l’obtention d’un simple rendez-vous de visa est difficile sans certitude d’obtenir le précieux sésame.

    Une note de l’ex-ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, pour le Think Tank Fondapol semble confirmer cette théorie. Dans cette analyse, le diplomate estime que les Algériens ont assez profité de facilités migratoires en France.

    Xavier Driencourt appelle à revisiter promptement les avantages accordés aux immigrés algériens en France, héritage du traité franco-algérien de 1968.

    « Il apparaît donc qu’aucune politique migratoire cohérente ne soit possible sans la dénonciation de l’accord franco-algérien » , selon L’ex-ambassadeur qui évoque même une France »défavorisée" par le maintien de l’accord.

    Il s’étonne notamment de l’obtention d’un certificat de résidence administrative pour tout visa de plus de trois mois ou encore de la facilitation du regroupement familial. Des points pourtant fondamentaux de la politique migratoire entre la France et l’Algérie.

    L’ex-ambassadeur qui a passé 7 ans en Algérie estime qu’une relation équilibrée entre les deux pays dépend de la fin de ces accords. Un traité qui d’après lui n’est plus adapté à la réalité politique. Pour le diplomate, la France doit prendre le risque d’une grave crise diplomatique avec l’Algérie pour stopper ces conditions de flux migratoire.

    Un discours qui fait écho à des positions prônées par les partis de droite et d’extrême-droite en France qui appellent à chaque scrutin à mettre un terme à ce fameux accord.

    Ici par exemple, on voit Marion Maréchal Le Pen féliciter la démarche de l’ex-ambassadeur à Alger.


    Les frontières politiques semblent devenir troubles lorsqu’il est question des Algériens. Xavier Driencourt n’a d’ailleurs pas hésité à réitérer ses propos dans le média Boulevard Voltaire, qui se présente comme réactionnaire à la limite de l’extrême-droite.

    Les Algériens, désignés comme

    des fraudeurs sociaux en puissance 

    Priver les Algériens des « privilèges » de la France semble être devenu une rengaine politique. Gabriel Attal, le ministre de l’Action et des Comptes publics, a annoncé mardi qu’un contrôle des retraités installés à l’étranger, dont la majorité est d’origine algérienne, serait déployé. Cette mesure entre dans le plan du gouvernement de vérification du bien-fondé du versement de retraites françaises à l’étranger. Ce plan vise les retraités de plus de 85 ans. Le but essentiel est de vérifier qu’ils sont toujours vivants.

    D’après les chiffres de la Caisse d’assurance vieillesse (CNAV), plus de 360.000 retraités français sont installés en Algérie. La France verse environ 1 million de pensions à l’étranger. Les Algériens représentent donc une part importante de ce plan d’action. En cas de découverte de "fraude", les pensions ne seront plus versées aux retraités.

    Cette mesure a déjà été expérimentée de manière inédite en Algérie. Depuis septembre ce sont 300 dossiers de retraités algériens sur 1 000 étudiés qui ont été déclarés comme non-conformes aux obligations françaises, d’après Gabriel Attal. L’expérimentation va donc se transformer en système régulier pour débusquer chaque pensionnaire algérien.

    En Algérie, les retraités contrôlés peuvent parfois présenter un certificat d’existence ou se rendre dans une banque ou au Consulat pour prouver qu’ils sont toujours en vie.

    Des personnes âgées de plus de 85 ans, si elles sont isolées, n’ont pas toujours les moyens de se soumettre à leur contrôle. Ce plan vise clairement à réduire la part d’anciens travailleurs immigrés, même si le problème de la fraude se pose réellement, mais cibler les retraités algériens dans ce contexte de montée en puissance du discours anti-algérien en France ne semble pas judicieux.

    Même s’ils ont consacré leur vie à cotiser en France, un simple oubli ou une non-présentation à un rendez-vous de contrôle pourrait les priver de leurs droits sociaux.

    La multiplication de mesures politiques, de discours et de gestes politiques anti-algériens inquiète. On se souvient qu’en 2022, c’est le député d’extrême-droite José Gonzales, qui avait été nommé vice-président du groupe parlementaire d’amitié France-Algérie.

    C’est le même député qui en tant que doyen de l’Assemblée nationale avait fait un discours inaugural dédié à la nostalgie de l’Algérie française et à l’OAS. Ce genre de situation ubuesque devient une normalité en France alors qu’elle a récemment mis en place avec l’Algérie un comité mixte d’historiens des deux pays pour étudier ensemble leur passé de manière apaisée.

    La somme de ces gestes ou discours symboliques laisse à penser que les Algériens risquent encore d’être pris en étau entre les crises diplomatiques et les jeux politiques français. Pour les Algériens qui se tournent naturellement vers la France pour étudier ou travailler, ils devraient sans doute se préparer à des difficultés migratoires croissantes.

    SOURCE : France : montée inquiétante du discours anti-algérien (tsa-algerie.com) 

     

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  • Commentaires

    1
    Lambour Jacques
    Samedi 3 Juin 2023 à 16:56

    J'ai travaillé en Algérie un trimestre en 1963 puis cinq ans de 1966 à1971 dans une petite école de rattrapage scolaire. En contrat de travail droit commun, je touchais alors le salaire algérien (un salaire sans commune mesure avec celui des coopérants). Mais de cela je ne saurait me plaindre, car ces années passées en Algérie ont été d'une telle richesse qu'il serait extrêmement, réducteur voire avilissant de les monnayer. Pourtant un droit est un droit, les choses doivent être claires, les Algériens ne me doivent rien, j'ai été payé en temps et en heure à cette époque. Puis j'ai fait valoir mon droit à ma part de retraite "salaire algérien". Si cette part (environ 100€ trimestre, car fluctuante suivant le change) m'était retirée je ne mourrais pas de faim. Mais pour les raisons évoquées précédemment j'en réactive la prétention, car l’administration algérienne depuis quelques années (j'ai 85 ans) me demande régulièrement un "certificat de vie".

    Donc je dois me présenter de visu à la Mairie pour obtenir ce papier signé du Maire. Oui, la première fois cela m'a un peu vexé, je l'ai perçu comme un manque de confiance. Impression vite dissipée, les administrations qu'elles soient algériennes ou françaises n'ont pas à faire dans les sentiments mais dans une justice la plus impartiale possible. De plus comment imaginer que je puisse être le fraudeur en la matière, car pour frauder "il faudrait que je ne soit pas vivant". Comment un mort peut-il frauder, cela ne peut être qu'un ayant droit peu scrupuleux ou pire un trafic organisé. Alors que cesse cette infamante épitaphe sur ma tombe et que vive encore le certificat de vie.

    J'espère que mes lecteurs comprendront pourquoi cette phrase "Les Algériens désignés comme fraudeurs sociaux en puissance" m'aura hérissé le poil. Même si sur le plan financier il n'y a aucune comparaison possible, au niveau du droit et donc de son application contrôlée, il ne saurait y avoir de différence entre un retraité ex-colonisateur et un retraité ex-colonisé. D’où qu'elle vienne, une quelconque différentiation peut-être perçue, à juste titre, comme une forme de racisme.

    Bien évidement il me semble que si je serais dans l'incapacité physique de me présenter à la mairie d'autres recours doivent-être possibles, si non il faudra se battre âprement sur ce terrain. Se battre sur ce terrain, là encore, au nord comme au sud de la Méditerranée.

     

     

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