• Lettre ouverte au Président Macron sur la « question algérienne »

     

    Lettre ouverte au Président Macron

    sur la « question algérienne »

     

     

    Lettre ouverte au Président Macron sur la « question algérienne »

    Pr Seddik LARKECHE

    Intellectuel franco-algérien, spécialiste du risque Algérie et des relations franco-algériennes, il est professeur des universités et enseigne l’épistémologie du risque.

     

    Le Président Macron reconnait la responsabilité de l'état français durant la colonisation en Algérie mais la limite à certains groupes ciblés (les harkis) et à quelques personnes (Maurice Audin, Ali Boumendjel), une contradiction flagrante s’impose, celle de sélectionner les victimes parmi les victimes, le contraire d’une mémoire juste qu'il semble vouloir ardemment défendre.

    Monsieur Le Président de la République,

    Je vous écris à nouveau après mes deux dernières correspondances, la première en 2017 à l’occasion de la sortie de mon ouvrage « Le poison français, lettre au Président de la République française » (1), la seconde en 2022 lors de la sortie de mes deux ouvrages « Du poison algérien au génie d’une nation, lettre au Président de la République algérienne » (2), « Réponses d’un franco-algérien au Président Macron et à Benjamin Stora » (3).

    Vous avez eu la courtoisie de me répondre et je tiens à vous en remercier. Je respecte la fonction que vous occupez et la personne que vous êtes, c’est pourquoi je suis contraint aussi de vous exprimer mes divergences profondes sur votre rapport à l’Algérie, moi qui suis fier d’être algérien et français.

    Votre dernière visite fin août 2022 en Algérie a suscité de nombreuses critiques dans les deux pays contrairement aux discours officiels. A mon niveau, je souhaiterai vous alerter à nouveau sur deux thèmes sensibles que vous avez abordées durant ce séjour comme les visas ou la question mémorielle.

    Sur la question des visas, votre volonté d’ouvrir les frontières françaises à une immigration sélective est une impasse car discriminante de facto et surtout vide l’Algérie de ses compétences que le pays finance au prix fort et dont la France récolte les fruits quasi gratuitement. Ces diplômés algériens que l’Algérie n’a pas su canaliser faute d’un projet véritable de développement. Cette orientation est perçue comme un outrage à tous les autres algériens qui sont cantonnés à ne pouvoir visiter décemment leurs familles, aux scientifiques qui ne peuvent plus collaborer correctement avec leurs homologues français, aux acteurs économiques qui ne peuvent nouer de véritables partenariats et aux citoyens algériens qui ne peuvent plus visiter la France.

    Sur la question mémorielle, vous avez confirmé durant ce voyage l’idée d’une Reconnaissance sans repentance avec la volonté de confronter les archives permettant à certains d’espérer disposer d’une longueur d’avance dans ce rapport de force inégale. Comme si les archives algériennes risquaient de révéler le « pot aux roses » d’éventuels collaborations coupables de certains hauts dignitaires du régime algérien lui permettant de maintenir une inertie mémorielle.

    Or, la réalité historique est connue et qualifiée sur le principal de cette tragédie coloniale, il suffit de relire le réputé mais colonialiste A. De Tocqueville :

    « Nous avons réduit les établissements charitables, laissé tomber les écoles, dispersé les séminaires. Autour de nous les lumières se sont éteintes, (…) nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu’elle n’était avant de nous connaître. » A. De Tocqueville, Rapport sur l’Algérie (1847).

    Mais aussi le talentueux sociologue Pierre Bourdieu :

    « La situation coloniale et la guerre ont soumis la société algérienne à une véritable déculturation. Les regroupements de la population, l’exode rural et les atrocités de la guerre ont précipité en l’aggravant le mouvement de désagrégation culturelle en même temps qu’ils l’ont étendu aux régions relativement épargnées jusque-là (…). Expérience catastrophique de chirurgie sociale, la guerre a fait table rase d’une civilisation dont on ne pourra plus parler qu’au passé » P. BOURDIEU (1958).

    Vous le savez, Monsieur Le Président, il ne faut pas se tromper, la question des archives est l’arbre qui cache la forêt car les archives françaises les plus compromettantes ont été nettoyées depuis longtemps par la France coloniale. Les autorités françaises de l’époque étaient trop ingénieuses pour laisser intact l’intégralité des traces de ses crimes de guerre et crimes contre l’humanité qu’elle a commise en Algérie.

    Ouvrir les archives restantes au grand jour en invitant les historiens algériens et français peut être malgré tout bienvenue mais à plusieurs conditions : la première, l’élargir aux autres spécialistes étrangers et les acteurs qui disposent d’une expertise du sujet soit en tant qu’acteur et/ou victimes ayant vécu les évènements soit en tant qu’observateur de ce thème qui par nature est transversal. Sinon, le risque fort d’avoir une commission archive mixte composée de « copains » des deux côtés de la méditerranée ne pouvant chercher ce qu’il reste d’une manière efficiente est fort probable. Ce « copinage » nous renverra inéluctablement à la case départ avec ce constat tragique, l’impossibilité de reconnaître la pleine responsabilité française durant cette barbarie coloniale. Le sujet est trop grave pour le limiter à quelques historiens souvent fortement politisés.

    Sur cette reconnaissance de responsabilité que vous admettez mais que vous limitez à certains groupes ciblés (les harkis) et à quelques personnes (Maurice Audin, Ali Boumendjel), une contradiction flagrante s’impose, celle de sélectionner les victimes parmi les victimes où l’Etat français est responsable, le contraire d’une mémoire juste que vous semblez vouloir ardemment défendre. Précisément dans votre dernier interview, paru dans le journal Le Point du 12 janvier 2023, vous affirmez :

    « Je n’ai pas à demander pardon ce n’est pas le sujet, le mot romprait tous les liens. Je ne demande pas pardon à l’Algérie et j’explique pourquoi. Le seul pardon collectif que j’ai demandé, c’est aux harkis. Parce qu’une parole avait été donnée par la république qu’elle avait trahie plusieurs fois. Celle de les protéger, de les accueillir. Là oui. J’ai demandé pardon, aussi à la famille de Maurice Audin et aux petits enfants d’Ali Boumendjel car, à travers ces destins singuliers, une responsabilité, de certains gouvernements, d’un système et, à travers eux, de la France était manifeste. Une faute chaque fois spécifique et indiscutable. Pour le reste, c’est un chemin ». 

    Votre pourquoi est intenable pour les français et algériens épris de justice, que dites-vous à ces centaines de milliers de victimes algériennes et à leurs descendants qui ont été massacrés, violés, déplacés, clochardisés durant cette colonisation française. Peut-on les oublier, nier et continuer à les exclure du statut de victime pour ne pas daigner leur demander pardon. Cette obstination française, terre des droits de l’homme est intenable et ne peut qu’avoir des effets pervers sur le vivre ensemble.

    Pour illustrer la contradiction de vos explications espérant dédouaner la responsabilité française de ses massacres en Algérie, je vous donnerai un seul exemple relaté par une historienne française, Claire Mauss Copeaux. Elle confirme dans son ouvrage (4) que l’armée française en 1956 a massacré près d’un tiers de la population du village de Beni Oudjehane (Wilaya de Jijel). Ce Massacre commis le 11 mai 1956, par une unité de l'armée française, le 4e bataillon de chasseurs à pied (4e BCP), au cours de la guerre d'Algérie, a ainsi massacré 79 villageois tous des civils parmi les 300 habitants.

    La responsabilité de l’armée française et donc de l’Etat français sur ce massacre est indiscutable, c’est pourquoi votre démonstration pour ne pas demander pardon aux autres victimes et encore moins réparer ne peut perdurer. Vos explications, permettez-moi Mr Le Président s’écroulent par la contradiction qu’elles portent, celle de traiter d’une manière discriminante les victimes. Certains et pas d’autres sont éligibles aux statuts de victimes parmi les victimes où l’état français est responsable. D’autres véritables victimes sont exclues du pardon sur des critères incompréhensibles alors que les crimes subis sont avérés d’une rare violence, indiscutables et de la pleine responsabilité de l’Etat français.

    Vous le savez, la colonisation française en Algérie était fondée sur le poison du racisme. Si nous opérons aujourd’hui une nouvelle discrimination sur les personnes éligibles aux statuts de victimes parmi les victimes incontestables dont la responsabilité incombe à l’Etat français, c’est le chemin tragique vers une impossible réconciliation pour une mémoire juste.

    La question qui me hante aujourd’hui : « Comment pouvez-vous en tant que Président de la République française ayant l’objectif de réconcilier les mémoires, ne pas demander pardon à ces populations victimes alors que vous l’accorder d’une manière discrétionnaire à certains, sinon à fracturer les mémoires alors que votre objectif affiché est inverse ».

    Des milliers d’autres exemples peuvent être présentés, ce n’est pas l’objet de cet article mais je suis convaincu que la commission d’historiens que vous souhaitez mettre en place avec le Président Tebboune ne pourra faire le déni des massacres et crimes contre l’humanité commis par la France en Algérie.

    La question de fond aujourd’hui est de savoir si la France acceptera l’idée de responsabilité des tragédies qu’elle a opérées en Algérie de 1830 à 1962.

    Monsieur Le Président, vous connaissez l’ignominie française en Algérie, traduite par des massacres de civils qui se sont étalés sur près de cent-trente années, des enfumades lors de la conquête, aux massacres successifs de villages entiers. Entre 600 et 800 villages ont été détruits au napalm durant cette tragédie coloniale. L’utilisation par la France des gaz sarin et vx était courante en Algérie avec une torture à grande échelle et une clochardisation massive de la population indigène. 

    La violence était inouïe à l’encontre des indigènes algériens, la torture à grande échelle et les exécutions sommaires étaient très proches des pratiques nazies. Tous ces actes criminels successifs à l’encontre des populations civiles algériennes étaient des violations caractérisées des droits de la personne et constituent aujourd’hui des crimes contre l’humanité incontestables et imprescriptibles.

    La France sait qu’elle a perdu son âme en Algérie en impliquant son armée dans les plus sales besognes. Ces militaires devaient terroriser pour que ces indigènes ne puissent à jamais relever la tête. Plus ils massacraient, plus ils avaient de chance de gravir les échelons. Le poison racisme est le socle fondateur de tout colonialisme. Sous couvert d’une mission civilisatrice, le colonisateur s’octroie par la force et en bonne conscience le droit de massacrer, torturer et spolier les territoires des colonisés. Bien sûr que durant cette colonisation, quelques effets positifs ont été opérés mais ils étaient accessoires au regard de la souffrance qu’a subi dans sa grande majorité le peuple algérien. La colonisation française de l’Algérie a reposé sur l’exploitation de tout un peuple, les algériens, considérés comme des êtres inférieurs de par leur appartenance à la religion musulmane.

    Cette question de la responsabilité est d’abord d’ordre juridique et politique. La responsabilité de la France coloniale en Algérie est incontestable et ne peut rester lettre morte. Ses nombreux crimes dont des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ne peuvent plus être niés, c’est pourquoi la réparation politique et financière des préjudices subis, environnementaux et humains est inéluctable et le reste ne sera que superflu, manigance et tentative de manipulation politique.

    La France sait qu’elle ne pourra y échapper et devra comme les autres nations civilisées avec leurs anciennes colonies (Italie, Allemagne, Australie) se comporter d’une manière responsable.

    Sur la nature de cette réparation, la France devra suivre le chemin parcouru par les grandes nations démocratiques comme l’Italie qui, en 2008, a indemnisé la Lybie à hauteur de 3.4 milliards d’euros pour l’avoir colonisé de 1911 à 1942, mais aussi : l’Angleterre avec le Kenya, les Etats-Unis et le Canada avec les amérindiens ou encore l’Australie avec les aborigènes. L’Allemagne a accepté, depuis 2015, le principe de responsabilité et de réparation de ses crimes coloniaux avec les Namibiens mais butte sur le montant de l’indemnisation. Avec le risque pour l’Allemagne d’une action en justice devant la Cour Pénale Internationale du gouvernement Namibien, avec l’assistance d’un groupe d’avocats britanniques et la demande de 30 milliards de dollars de réparations pour le génocide des Ovahéréro et des Nama.

    La France elle-même s’est faite indemnisée de l’occupation allemande durant la première et seconde guerre mondiale à hauteurs de plusieurs milliards d’euros d’aujourd’hui permettant de tourner définitivement leur histoire tragique. Au même titre, l’Algérie indépendante doit pouvoir être réparée des crimes contre l’humanité et dommages qu’elle a subi de 1830 à 1962.

    Il faut noter également que la France elle-même a reconnu sa responsabilité dans d’autres circonstances (1995, sur la déportation des juifs) et récemment à l’égard des conditions de vie et d’accueil des rapatriés d'Algérie après les accords d'Évian de 1962. D’une manière juste, une loi a été récemment promulguée le 23 février 2022 et publiée au journal officiel du 25 février 2022. Cette loi ouvre droit à réparation à une partie des harkis et à leurs familles et une commission nationale de reconnaissance et de réparation est créée. Selon le gouvernement,

    50000 personnes pourraient bénéficier de cette indemnisation, pour un montant d'environ 310 millions d’euros sur six ans.

    La question qui s’impose, pourquoi la reconnaissance et la réparation à l’égard des harkis n’est-elle pas appliquée aux indigènes algériens qui ont été massacrés par dizaines de milliers par la puissance coloniale française et où la responsabilité de l’Etat français est totale sans équivoque.

    Ce traitement différencié à l’égard des victimes algériennes où la France tente de se disculper de ses responsabilités relatives à des crimes de guerre et contre l’humanité en Algérie est la principale contradiction de la position française sur cette question mémorielle.

    La France rejette depuis toujours l’idée de crimes contre l’humanité en Algérie alors qu’elle sait qu’elle a commis en Algérie des actes criminels et barbares certaines fois de grande ampleur à l’encontre de nombreuses populations civiles. Cet état de faits confirme les nombreux crimes contre l’humanité en Algérie où on a programmé le massacre de populations cibles pour qu’elles soient délibérément excluent de la communauté nationale.

    Sur cette question, Vous aviez eu le courage d’affirmer en 2017, les crimes contre l’humanité commis par la France en Algérie avec la nécessité de présenter des excuses pour ensuite reculer dans vos positions pour affirmer que vos propos avaient été sortis de leurs contextes.

    Votre ambassadeur de France en Algérie durant la période 2017-2020, Xavier Driencourt, est même allez jusqu’à travestir vos propos dans son dernier ouvrage en écrivant de « crime contre l’humain » pour ne pas assumer la formulation crimes contre l’humanité. Cet ex ambassadeur, diplomate chevronné révèle actuellement sa véritable nature en stigmatisant l’Algérie d’une manière indécente en affirmant dans différentes tribunes que l’Algérie s’effondre et que les algériens en responsabilités sont souvent des manipulateurs, assoiffés par le rapport de force, les intérêts personnels et qu’il faut réagir pour inverser le rapport de force au risque d’une faillite de la France. La dérive insultante à l’égard de l’Algérie de cet ex ambassadeur que vous avez nommé prouve deux choses : la première, le poison français à l’égard de l’Algérie est toujours aussi omniprésent de surcroît émanent d’un diplomate expérimenté en contradiction avec vos discours d’apaisement et de rapprochement. La deuxième, comment l’Algérie a-t-elle pu valider la présence sur son territoire à deux reprises ce type de personnage qui tente de l’humilier d’une manière grossière prouvant le malaise profond. Il est urgent d’agir.

    Les algériens savent ce qu’ils ont subis dans leurs chairs et leurs âmes c’est pourquoi ils sont très sereins face à cette question, patients, convaincus que le tribunal de l’histoire leur donnera principalement raison.

    Nous ne pouvons plus nous détourner de l’enjeu principal relatif à la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat français et par voie de conséquence la réparation des crimes commis en Algérie. La facture de la reconnaissance intégrale de toutes les victimes et de la réparation des préjudices subis est le prix à payer pour l’apaisement définitif des mémoires.

    La réparation est évaluée par les experts à près de 100 milliards d’euros et la France le sait et c’est peut-être le principal obstacle à une véritable réconciliation alors qu’elle constitue la solution juste pour sortir de ce démon colonial.

    Cette réparation doit commencer par le nettoyage des sites nucléaires utilisés par la France en Algérie mais aussi les sites chimiques comme B2 Namous et l’indemnisation des populations victimes. Le simple cout de nettoyage des sites nucléaires et chimiques peut être évalué à ce jour à près de 2 milliards d’euros. Pour les victimes algériennes, la loi Morin est inefficiente pour ces populations, c’est pourquoi elle doit être revue en profondeur. La commission d’experts mise en place sous la gouvernance de l’ex Président Hollande est restée lettre morte comme si la pollution du sol à grande échelle par la France en Algérie avec des déchets hautement radio-actifs n’était pas une priorité.

    Cette question de la réparation place à nouveau au cœur de cette problématique mémorielle, l’enjeu des responsabilités qui sont principalement françaises comme le confirment Tocqueville, Bourdieu et tous les autres analystes non politisés du fait colonial français en Algérie.

    Et ce ne sont pas les conseillers politiques Stora, Kepel, Daoud, Sansal et les autres dans leurs stratégies coupables de neutralisation de la revendication d’une mémoire digne des chouada qui arriveront à étouffer les revendications légitimes de reconnaissance des responsabilités et de réparation des crimes de cette tragédie coloniale française en Algérie. Le caractère imprescriptible des crimes français en Algérie continuera à hanter et à exploser sous différentes formes dans la mémoire collective française où le poison du racisme continuera à progresser parce-que nous n’avons pas eu le courage de nous asseoir au seuil de notre histoire commune tragique. Les propos insultants de Xavier Driencourt à l’égard de l’Algérie constituent la plus triste illustration des enjeux actuels.

    Il est urgent de franchir enfin un pallier, celui de substituer le concept de Reconnaissance sans Repentance par Reconnaissance et Réparation. Les algériens n’ont pas besoin d’argent mais simplement besoin d’une dignité retrouvée et d’être considérés enfin comme les principales victimes de cette tragédie coloniale et aujourd’hui comme des égaux.

    Les français ne sont également pas responsables des décisions politiques de l’Etat français colonial qui ordonnait de massacrer en grande masse. C’est ce même Etat français qui doit assumer aujourd’hui les dégâts opérés avec une classe politique qui ne peut plus se dédouaner. Tout le reste n’est que roublardise, balourdise et manipulation politique.

    Au nom de la mémoire de ses chouada, l’Algérie doit aussi de son côté se ressaisir, elle qui n’a pu et su produire son rapport sur cette question mémorielle. L’Algérie doit désormais exiger une reconnaissance intégrale des responsabilités françaises durant la tragédie coloniale y compris par une loi criminalisant le fait colonial, une demande officielle de réparation des victimes algériennes et la prise en charge totale du nettoyage des sols pollués lors des essais nucléaires et chimiques. Ces demandes ne seront efficientes que si l’Algérie se donne les moyens de porter sa véritable histoire loin de toutes instrumentalisations politiques y compris à l’encontre de l’ex puissance coloniale. Mais aussi en impulsant un grand projet pour les prochaines années portées par une grande majorité de la population où le socle premier sera la richesse du capital humain algérien intégrant aussi sa diaspora couplée d’un renforcement notable des libertés individuelles.

    Aujourd’hui, la question n’est plus historique ou politique mais philosophique, comment peut-on cohabiter, se respecter avec une mémoire édulcorée et fracturée car l’autre, l’algérien, l’ex colonisé, l’ex bougnoule est toujours un peu indigène dans le regard de l’ex puissance coloniale.

    La condescendance de certains experts historiens ou journalistes complices devenus pour certains vos conseillers freinent les avancées indispensables dans l’apaisement des mémoires. Ils ont l’indécence de proposer de lâcher des miettes par petits pas pour tenter de préserver l’essentiel, le déni d’une responsabilité principale de la barbarie coloniale française en Algérie.

    Cette voie est sans issue car l’enjeu principal pour une véritable réconciliation juste est désormais la pleine reconnaissance et la réparation intégrale des préjudices subis, humains et environnementaux.

    Pour conclure, Monsieur Le Président, je pense que vous êtes sincère dans la démarche de réconciliation mais que vous vous trompez sur la méthode qui fait émerger des contradictions profondes. La question qui s’impose, que restera-t-il de votre politique sur l’Algérie et tous ces discours à la fin de votre second mandat. Je ne le sais pas mais je suis convaincu que vous pouvez marquer l’histoire si vous passez un palier celui de la reconnaissance et de la réparation pour toutes les victimes.

    Dans le contraire, la politique des petits pas sera me semble-t’il inefficiente dans l’objectif de mémoire juste et on risquera de ne retenir de vos deux mandatures sur l’Algérie que les contradictions et les points négatifs en l’occurrence l’absence exclusif de pardon aux seules victimes algériennes.

    Je suis bien-sûr toujours à votre disposition pour en discuter si vous le souhaitez et je vous prie de croire, Monsieur Le Président de la République, à l’expression de ma plus haute considération.

    Pr Seddik LARKECHE

    Intellectuel franco-algérien, spécialiste du risque Algérie et des relations franco-algériennes, il est professeur des universités et enseigne l’épistémologie du risque.

    1.  Le Poison Français, lettre au Président de la république, préface R. Dumas, Editions ENA, Paris, Décembre 2017.

    2. Du poison algérien au génie d’une nation, lettre au Président de la République algérienne, préface de Louisa Ighilahriz, Editions ENA, Paris, Décembre 2021.

    3.  Réponses d’un franco algérien au Président Macron et à Benjamin Stora, Editions Ena, Décembre 2021.

    4.  La source : mémoires d’un massacre : Oudjehane, 11 Mai 1956, de Claire Mauss-Copeaux. Editions Payot 2013.

    SOURCE : Lettre ouverte au Président Macron sur la «question algérienne» | Le Club (mediapart.fr)

    « "Un homme sans titre" de Xavier Le Clerc : un père en ombre et lumièreMarina Vlady : « Le choc de Charonne » »

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :