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Lettre ouverte d’Henri POUILLOT au président Emmanuel MACRON
Lettre ouverte d’Henri POUILLOT
au président Emmanuel MACRON
Né en 1938 en Sologne (Loiret) - Ingénieur Retraité
Appelé, pendant la Guerre d’Algérie
Affecté de juin 1961 à mars 1962 à la Villa Susini à Alger
Témoin de la torture
Militant des Droits de l’Homme, antiraciste et anticolonialiste.Henri POUILLOT
Trappes le 21 Avril 2021
Courriel henri.pouillot@orange.fr
Site : http://www.henri-pouillot.fr
Monsieur Emmanuel MACRON
Président de la République,
Palais de l'Elysée, 55 Rue du Faubourg Saint- Honoré
75008 Paris 8ème
Monsieur le Président,
Le 26 mars 2021, 2 événements graves, hautement symboliques, se sont déroulés, mettant en cause les valeurs de la République. Vous avez beaucoup communiqué sur la nécessité de respecter les valeurs de la République et même, vous avez trouvé indispensable de faire voter une loi inique dite contre le « séparatisme ».
Rappel, le 26 mars 1962, une semaine après la mise en place du cessez-le-feu en Algérie, une manifestation initiée par l’OAS était organisée à Alger dans le quartier européen de l’époque (Rue d’Isly en particulier) pour contester ce cessez-le-feu. Un commando de l’OAS installé sur les toits a tiré sur les militaires du 4ème RTA (dans les archives du SHAT, en 2001, j’ai pu consulter le plan indiquant la position de ces tireurs voir sur mon site : http://www.henri-pouillot.fr/spip.php?article270&lang=fr). Il était évident qu’il y aurait une riposte. Elle fit près de 50 morts. Mais la responsabilité en incombe à l’OAS, qui, avec cette provocation espérait rallier tous les pieds-noirs à sa cause pour remettre en cause le cessez-le-feu.
Je vous adresse cette lettre ce 21 Avril, 60ème anniversaire du putsch des généraux qui ont tenté un coup d’état pour renverser la République, en liaison avec l’OAS que vous venez donc d’honorer : sacré geste symbolique pour « valoriser » les valeurs de la République.
1er évènement contestable :
Devant le Mémorial du Quai Branly à Paris, ce 26 mars 2021, votre secrétaire d’état aux anciens combattants Geneviève Darrieussecq, assistait à la commémoration de ce 26 mars 1962 dont l’OAS a une terrible responsabilité, et ce, en compagnie des nostalgiques de l’Algérie Française et dont certains revendiquent leurs exploits au sein de cette organisation terroriste. A cette occasion, elle déposait une gerbe en votre nom !!!
Et, à cette occasion, on voit Madame Geneviève Darrieussecq discuter de façon très cordiale, avec les responsables de ces associations nostalgiques de l’OAS (certains continuent de revendiquer avec fierté leur participation active en son sein), et de l’Algérie Française.On peut donc raisonnablement penser qu’elle répond à la lettre envoyée le 10 mars (2 semaines plus tôt) au Président de la République par les « Français rapatriés d’Algérie et leurs amis » lui demandant de condamner le rapport de Benjamin Stora. Et compte tenu de la cordialité démontrée sur cette photo immortalisant l’évènement on peut vraisemblablement en conclure un avis officiel de votre part assez favorable.
2ème évènement contestable :
A Béziers, le Maire, Robert Ménard, élu du rassemblement national prononçait, le même jour, un discours devant cette stèle en « honorant » ces 4 personnages : 4 tueurs condamnés à mort et exécutés pour les crimes qu’ils avaient commis au nom de l’OAS.
Bastien-Thiry, en particulier, s’est distingué pour avoir tenté 2 attentats contre le Président de la République : le Général De GAULLE. Ce geste est donc tout un symbole !!!
Personnellement, je reste donc très sensible à l’action de l’OAS puisqu’entre juin 1961 et mars 1962, j’étais à Alger avec l’habit militaire des appelés du contingent. J’ai échappé miraculeusement à 2 attentats de l’OAS dans cette période. Depuis, en 2007 puis en 2008, les nostalgiques de l’OAS et de l’Algérie Française qui manifestaient sur la tombe de Roger Degueldre à Versailles m’ont crevé à chaque fois les 4 pneus de ma voiture. Puis, j’ai eu droit à 2 menaces de mort, l’une par une lettre anonyme parvenue à mon domicile, l’autre via mon site internet (et pour cette dernière l’adresse « IP » de l’auteur est connue). J’ai déposé à chaque fois une plainte : elles sont restées sans suite.
On constate donc, que le même jour, un représentant du Gouvernement et un représentant du Rassemblement National cautionnent, honorent, une organisation terroriste qui a tenté, de remettre en cause notre République et ses valeurs en organisant le putsch d’avril 1961 puis en ayant tenté d’assassiner un ministre André Malraux puis le Président de la République. C’est un « merveilleux » exemple, un symbole de connivence.
Monsieur le Président de la République, vous qui proposez une loi sensée défendre la République (en particulier avec votre loi antidémocratique contre le « séparatisme) et ses valeurs, vous qui prétendez être le meilleur rempart contre l’extrême droite, vous faites une terrible démonstration de votre ambivalence.
En 2017, j’avais voté pour vous, en espérant m’opposer ainsi au risque de la venue du fascisme, je suis en doute aujourd’hui de cette efficacité compte tenu de ces gages.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, mes respectueuses salutations.
Henri POUILLOT
Ancien Combattant, militant antiraciste, anticolonialiste
P.s. : je rendrai publique cette lettre sur mon site et sur les réseaux sociaux
« « L’état d’urgence démocratique »Décès d'Annie Steiner, militante engagée de la cause algérienne »
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Commentaires
Je ne fais certes pas de l'opposition à la loi contre le séparatisme mon cheval de bataillle. il reste que le pouvoir utilise le courant raciste, xénophobe et islamophobe qui imprègne l'opinion publique afin de se consolider. Il en appelle ainsi au soutien des laïques et globalement ça fonctionne. En même temps il continue son opération qui consiste à se présenter comme un rempart contre Marine Le Pen tout en se livrant à des maneouvres comme celle du 26 mars 2021 au Quai de Branly.De ce point de vue l'analyse d'Henri contenue dans sa lettre me paraît précieuse.
Bien sûr on peut considérer que l'allusion à Ménard devant la stèle de la honte à Béziers vient comme un cheveu dans la soupe. Il reste à dénoncer le fait que les majorités successives se sont révélées incapables de faire respecter une décision de justice. C'est quand même révélateur de la confusion qui continue à régner à l'instar du maintien des deux journées de recueillement à la mémoire des victimes des combats d'Afrique du Nord !