• Mai-juin 1958. Une République née dans les fourgons de l’armée

     

    Mai-juin 1958. Une République née

     dans les fourgons de l’armée

    Mai-juin 1958. Une République née   dans les fourgons de l’armée

    Le célébrissime « Je vous ai compris » au balcon du gouvernement général d’Alger, le 4 juin 1958. Rue des Archives/RDA

    Après le putsch d’Alger du 13 mai 1958, de Gaulle est rappelé en sauveur. Le 1er juin, il est investi. Dans la foulée, il soumet à référendum un projet de Constitution. Il se rend en Algérie et lance le fameux : « Je vous ai compris ! »

    Au printemps 1958, la France est entrée dans sa cinquième année de guerre coloniale, au prix de mille souffrances pour le peuple algérien, de bien des drames pour le peuple français. Dès les premiers jours, Mendès France a « justifié » l’action de son gouvernement, au mépris de toute réalité : « L’Algérie, c’est la France », il n’y a donc pas de guerre, mais des « événements ». Et pourtant, la guerre d’Algérie est bien là, répandant une odeur nauséabonde sur toute la société. Une crise de régime sans précédent secoue la France. Plus aucune majorité stable ne paraît possible.

    La lassitude et les désillusions aidant, une idée commence à faire son chemin : un homme providentiel ne peut-il, une fois de plus, venir sauver le pays ? Cet homme, c’est Charles de Gaulle. Les réseaux gaullistes, souvent hors de toute légalité, sont actifs. Début 1958, à la suite d’une énième crise de régime, ces réseaux vont reprendre du service.

    Le 13 mai, a lieu sur la place du Forum à Alger un rassemblement de protestation contre l’exécution, quelques jours plus tôt, de soldats français par le Front de libération nationale. Une foule chauffée à blanc exige une accentuation de la politique de force. Des étudiants excités débordent le service d’ordre et s’élancent à l’assaut des bâtiments du gouvernement général. Alors, c’est le coup de théâtre. En début de soirée, un comité de salut public, dirigé par le général Massu et comptant dans ses rangs des officiers, des militants d’extrême droite et des gaullistes, affirme devenir la seule autorité. Il demande – de quel droit ? – la constitution d’un gouvernement de salut public dirigé par de Gaulle. Le 15, toujours au Forum, c’est au tour d’un Salan exalté – et quelque peu poussé – de crier « Vive de Gaulle » !

    Le nom, qui courait dans bien des têtes, est enfin lâché au grand jour. Le « grand homme » qui, évidemment, était alors informé heure par heure de l’enchaînement des événements, affirme le 15 mai être prêt à « assumer les pouvoirs de la République ».

    Le scénario est bien huilé. Car, derrière cette façade démocratique, se dessine une opération bien plus inquiétante : les préparatifs, coordonnés par les milieux pro-Algérie française de l’armée et les réseaux gaullistes, d’un parachutage massif sur la métropole, d’une jonction avec des groupuscules violents – dirigés, à Marseille, par un certain Charles Pasqua –, afin de s’emparer du pouvoir et d’y imposer la solution de Gaulle. À titre d’intimidation, les parachutistes de Thomazo sont largués en Corse, le 24 mai. Pour la métropole, une échéance en forme d’ultimatum est fixée au 29 mai, au plus tard.

    Alors, le monde politique de cette fin de régime s’agite. La route Paris-Colombey est fort utilisée. Les missives se multiplient. Les « gloires » de la IVe République – Bidault, Pinay – commencent à se rallier.

    Et la gauche ? Le 28 mai, des centaines de milliers de manifestants sont descendus dans la rue pour défendre la République. Au premier rang, tous les dirigeants communistes, mais aussi des socialistes, Édouard Depreux, André Philip, d’autres anti-gaullistes, Mendès, Mitterrand… Quant au socialiste Guy Mollet, il pratique, comme à son habitude, un jeu d’équilibre, affirmant à qui veut l’entendre que la «menace bolchevique» est au moins aussi dangereuse que le complot. Le 30, Mollet et Auriol, naguère président de la IVe République, sont d’ailleurs à Colombey.

    Cette République est bien née

     de la menace d’un coup de force

    Mai 1958 s’achève. De Gaulle peut désormais se permettre de sauver les apparences démocratiques. Il se présente aux députés pour solliciter leur investiture. Seul le groupe communiste vote unanimement contre, le groupe socialiste se divisant (42 pour, 49 contre), la droite et le Mouvement républicain populaire (MRP) votant évidemment pour. Le cabinet de Gaulle (qui compte dans ses rangs l’inévitable Guy Mollet), dernier de la IVe République, est investi le 1er juin.

    Le premier voyage du général, comme il se doit, est réservé à l’Algérie. À Alger, il prononce son célébrissime : « Je vous ai compris ! » À Mostaganem, il lance le cri qui délivre : « Vive l’Algérie française ! » Les observateurs notent d’ailleurs qu’il ne le dit qu’une seule fois, sous cette forme radicale. Oui, de Gaulle, dès ce moment, cultive l’ambiguïté. Mais c’est bel et bien le mouvement Algérie française qui le porte. Encore quelques mois et il fera approuver par référendum son projet de Constitution, et il deviendra le premier président de la Ve République.

    Rien de bien glorieux, on le constate : cette République est bien née de la menace d’un coup de force. Les bottes des paras, plutôt que les urnes…

    L’humanité contre le « coup d’état »

    En mai 1958, Pierre Courtade, longtemps responsable de la rubrique Vie internationale du quotidien, signe en continu les principaux articles de dénonciation de la manœuvre en cours. Le 19, il titre « C’est la République qui est la France » : «M. de Gaulle voudrait donner à sa tentative de coup d’État les apparences de la légalité. Il demeure ainsi dans la tradition de tous les dictateurs qui ont accédé au pouvoir sous prétexte de sauver ce qu’ils allaient détruire. Mais la France ne veut pas d’aventure. Elle veut un avenir, ce qui n’est pas du tout la même chose. Elle sait qu’elle n’a d’avenir que dans la République. Même quand la République va mal, elle vaut mieux – elle vaut toujours mieux – que le régime du sabre.»

    Alain Ruscio 

    SOURCE : https://www.humanite.fr/mai-juin-1958-une-republique-nee-dans-les-fourgons-de-larmee-655829

    Mais en 2023 je lis de plus en plus d’articles

    avec ce titre :

    La V République est moribonde

     Vive la VIRépublique 

    Mai-juin 1958. Une République née   dans les fourgons de l’armée

    Toutes les impasses de la V République éclatent au grand jour dans l’actuelle crise politique dans laquelle la France est plongée depuis le début de l’année 2023, sur fond de réforme des retraites. Avec des élections indirectes ou des nominations (Sénat, Conseil Constitutionnel), des législatives sous influence, un pouvoir présidentiel quasi monarchique et un gouvernement qui peut passer une loi en force, la France de 2023 emprunte une pente autoritaire.

    Si Emmanuel Macron laisse à voir son goût prononcé pour la pratiques solitaire et autoritaire du pouvoir, sa politique et sa manière de gouverner contre les convenances et contre l’opinion sont rendues possibles par la Constitution de 1958, qui multiplie les régimes d’exception au nom de la stabilité de la Nation. Mais quelle stabilité peut-on avoir lorsque l’on gouverne seul contre tous ?

    Nous reviendrons sur tous les blocages inhérents aux institutions de la V République et sur le manque de réelle séparation des pouvoirs en France. Une séparation des pouvoirs trop souvent invoquée hypocritement pour faire prévaloir la Présidence sur le rôle de l’Assemblée nationale et sur les intérêts du peuple. Il sera aussi question de la façon même dont les élections se déroulent dans notre pays, comment celui-ci s’est écarté depuis plus de 60 ans des autres démocraties européennes, et enfin de dégager l’horizon grâce à un nouveau régime. La V République est moribonde. Vite, la VI République 

    La monarchie présidentielle, vestige

     de l’absolutisme 

    La monarchie absolue est une référence qui a toujours malheureusement compté dans notre pays depuis le règne de Louis XIV. Longtemps, la passion républicaine a écarté ce péril. Cependant, le passage à la V République en 1958 a marqué un certain retour à cette référence absolutiste, en confiant au Président de très grands pouvoirs, de même qu’au Gouvernement, qui depuis cette époque a le plus souvent été dirigé par le même parti que celui du chef d’État.

    Il existe beaucoup d’articles dans notre Constitution qui donnent un immense pouvoir au Président de la République. La Constitution du 4 octobre 1958 porte la possibilité de mettre en place un État autoritaire. Si cela n’a pas été le cas auparavant, la démocratie n’a pu continuer à exister que par la bonne volonté des représentants politiques des décennies passées. Après tout, beaucoup soulignent qu’une Constitution créée dans l’urgence pour permettre à un ancien chef militaire de conduire une Nation menacée par un coup d’État n’a rien de démocratique. L’article 16 résume à lui seul cette dérive autoritaire, même s’il n’a été activé qu’une seule fois.

    Il nous faut pour cela remonter à 1961, après le putsch d’Alger. Si les officiers responsables du soulèvement ont été arrêtés en quelques jours, Charles de Gaulle s’est vu confier à lui seul les pleins pouvoirs, en vertu de l’article 16, et ce, pour une durée de plus de 5 mois, entre le 23 avril et le 29 septembre. La révision constitutionnelle de 2008 a encadré et restreint l’article 16, en limitant sa durée initiale à 30 jours, suite à quoi le Conseil Constitutionnel doit statuer obligatoirement sur sa validité à plus long terme, si les conditions initiales (péril de la Nation) sont toujours d’actualité.

    Le problème, c’est que le Président de la République nomme seul 3 membres du même Conseil, dont son président. Ainsi, tant que les « 9 Sages » ne disent pas stop, les pleins pouvoirs peuvent perdurer.

    Parallèlement, le Président reste le Chef des armées et décide des interventions militaires à l’étranger. La réforme constitutionnelle de 2008 a augmenté ce dernier pouvoir, puisque désormais, le chef de l’État peut envoyer les troupes françaises partout dans le monde sans avoir à en référer à qui que ce soit pendant 4 mois. Il reste aussi le seul maître de l’arme atomique dans notre pays.

    C’est à ce titre qu’il préside également les conseils de défense et de sécurité nationale. Créés en 1906 dans une situation de guerre probable contre l’Allemagne, ces conseils ne sont devenus institutionnels qu’en 1958, grâce à la Constitution de la Ve République. Le décret de décembre 2009, en pleine ère Sarkozy et « crise du H1N1 », a élargi la quantité de domaines concernés par ce type de conseil, qui peuvent désormais porter sur la sécurité intérieure et sanitaire.

    Dans le domaine judiciaire, le Président de la République peut aussi se servir de la grâce, véritable héritage monarchique, pour sauver éventuellement l’un des ses conseillers ou ministres qui seraient condamnés par la justice. Rien ne l’en empêche. Mais d’après l’excellent article de Vie Publique d’où ces informations sont tirées, le pouvoir exécutif a surtout été renforcé au XXIe siècle par la tenue des législatives deux mois après l’élection présidentielle, ce qui constitue par ailleurs un cas unique au monde. Effectivement, dans d’autres pays où plusieurs scrutins majeurs ont lieu la même année, les législatives ont lieu en parallèle des présidentielles, afin qu’il n’y ait pas d’influence possible. Et ce, qu’il y ait scrutin proportionnel ou majoritaire à deux tours.

    Les législatives en majoritaire à deux tours, le pire scrutin possible ? 

    En Angleterre, aux États-Unis, et dans le monde anglo-saxon au sens large, le scrutin pour les législatives se fait au scrutin majoritaire à un tour, mais dans le cadre d’un système politique à deux partis majeurs. Ainsi, dans cette situation, il est inutile d’organiser un deuxième tour afin de départager ces deux forces hégémoniques.

    Ailleurs en Europe, les législatives se font à la proportionnelle, souvent avec un seuil de 3 à 5 % pour éliminer les partis les plus petits. La représentativité réelle des partis et mouvements politiques s’avère ainsi nettement plus grande et oblige à des coalitions, des compromis fréquents. À l’inverse, le dialogue politique en France n’est pas prévu par les institutions de la V République. Le scénario privilégié est celui d’une famille politique qui a seule la majorité, mais encore plus un parti qui détient plus de 50 % des sièges et n’a même pas de comptes à rendre à d’autres formations de sa propre couleur.

    Le Gouvernement, proposé par le Président, doit être approuvé par l’Assemblée. Mais la tenue des législatives après l’élection présidentielle revient à donner une prime au Président élu : cela s’appelle le fait majoritaire. Celui-ci renvoie à l’existence d’une majorité parlementaire stable, cohérente et soutenant, or cas de grave trahison des promesses électorales comme sous F. Hollande, le gouvernement durant toute la durée du mandat du Président de la République. En accord avec le gouvernement, cette majorité ne présenterait dès lors aucun risque pour celui-ci grâce à une loyauté sans faille, qui mène les députés à être qualifiés de « godillots » et le Parlement de « chambre d’enregistrement ».

    Le Gouvernement, pas le biais du Premier Ministre, peut décider d’appliquer le 49.3 et même le 47-1, son équivalent au Sénat, que nous avons découvert en mars 2023. Comme Gouvernement et Présidence sont souvent du même bord, à l’exception des rares cohabitations (1986-88 , 93-95 et 1997-2002), beaucoup de citoyens pensent que le 49.3 est un pouvoir présidentiel. Il n’en reste pas moins que 49.3 et 47-1 sont des outils légaux antidémocratiques, ce qui pose déjà en soi un problème majeur.

    Pour en revenir au mode de scrutin des législatives et de l’élection présidentielle, nous avons dans notre pays une quantité beaucoup plus élevée de partis que dans les autres nations européennes. Des dizaines de formations dont aucune n’est « triée » par un quelconque seuil, une quelconque exigence de résultats significatifs au soir du 1er tour.

    Ainsi la prime à l’unité est immense, la division mortifère. N’importe quel parti, personnalité qui parvient à se présenter a le pouvoir d’enlever les quelques centaines ou milliers de voix à une candidature du même espace politique, de la même famille idéologique.

    Pour parvenir à revenir dans le champ des démocraties européennes, et à montrer une fois encore que l’héritage des Lumières est toujours bien là en France, nous devons d’abord faire en sorte d’élire les bonnes personnes. Dans la poursuite de cet objectif, il convient de comprendre les règles de la Ve République pour mieux pouvoir l’envoyer dans les poubelles de l’Histoire, et passer enfin à ce VI volet tant désiré en 2023.

    Par Victor Gueretti 

    « « L’Autre 8 Mai 1945 » : à quand la reconnaissance claire des crimes de cette répression massive ? Les Effrontés ambitionnent d’être « le caillou dans la chaussure » de Louis Aliot »

  • Commentaires

    1
    Mercredi 30 Mai 2018 à 07:31
    Sur le sujet on peut lire ce que j'ai fait l'été de 1958, lien http://cessenon.centerblog.net/623373-NON-A-DE-GAULLE
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