• « On ne sort pas indemne de 132 ans de colonialisme »

    « On ne sort pas indemne de 132 ans de colonialisme »

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    Le premier livre de cette journaliste de 32 ans d’origine algérienne, diplômée en Littérature et Communication politique, née en Seine-Saint-Denis et qui a poussé dans un quartier populaire du Val d’Oise, n’a rien d’historique ou de scientifique. Il raconte des instantanés de vie, des histoires qu’elle a fait remonter à la surface et dont les héros ordinaires appartiennent, entre autres, à son entourage. En acceptant de lui confier leur mémoire et leurs souvenirs de jeunesse, ces anonymes ressuscitent une période belle et bien historique, elle, pour l’Algérie et la France : « Les événements ». Une guerre parfois fratricide qui ne disait pas son nom.

    « La liberté est une mariée dont la dot est le sang » écrit Nadia Henni-Moulaï après la série de noms, réceptacles de ses remerciements qui inaugure son récit. Ses témoins, principalement issus de villages ruraux de Kabylie ne le savent que trop bien. Qu’ils fussent jeunes mariés, adolescents ou enfants entre 1954 et 1962, tous sont encore hantés par les horreurs de la guerre. Houria, la petite fille alors âgée de 8 ans qui reste marquée à vie par ce fellaga égorgé, « son cadavre qui la fixait du regard », exhibé sur la place du village avec 20 autres corps pour décourager les nouveaux soutiens au FLN (Front de Libération Nationale).

    Sans pathos, avec un style sobre mais spontané qui en fait un ouvrage populaire accessible à tous, Nadia Henni-Moulaï nous restitue le plus fidèlement possible ces tranches de vies, la plupart brisées par les affres d’un conflit meurtrier. Un frère, un voisin, une fille : tous les personnages, à quelques exceptions près, ont perdu ou vu périr un proche sous leurs yeux.

    « On ne sort pas indemne de 132 ans de colonialisme »

    Pour Fatma et Rachida, ce sera leur chien qui sera victime de la guerre. Les fillettes doivent pendre de leurs propres mains leur fidèle compagnon pour éviter les représailles du FLN. Les aboiements du berger allemand permettent aux troupes françaises de repérer les maquisards qui rentrent au village se ravitailler pendant la nuit. Et puis il y a Zohra, élevant seule ses 3 enfants pendant que son homme, combattant du FLN, croupit en prison. Elle salit ses cheveux volontairement, porte des haillons et noircit ses joues au charbon pour avoir l’air miséreux, sale et repoussant. Stratégie qui s’avère payante pour éviter viol ou agression sexuelle dont sont parfois victimes les villageoises.

    Avec des descriptions de la vie quotidienne et des anecdotes comme celles du chien pendu, Portraits croisés nous fait pénétrer dans l’intimité de la guerre d’Algérie, au cœur de chaumières kabyles où s’organisait la résistance. Du rôle déterminant des femmes (parfois de toutes jeunes filles) qui assuraient la logistique à la peur de la trahison d’un voisin, parfois même d’un membre de la famille devenu harki, le livre permet de revivre, aux côtés de ces témoins, cette période douloureuse. Et si le contingent français représentait une menace pour la population, c’était bien les harkis, « ces indigènes » qui avaient choisi de se battre pour la France, qui les terrorisaient le plus.  Avec leurs indications, eux qui connaissaient parfaitement les montagnes et ses habitants, les arrestations et les représailles étaient facilitées pour les troupes venues de métropole.

     « Tous sont marqués. Une des personnes interviewées, encore maintenant, ne supporte pas les bruits d’hélicoptères. Elle flippe chaque fois qu’elle en entend un. Malgré tout, ils ont dépassé cette période car tous ont témoigné sans haine »  analyse Nadia, elle-même fille de militant FLN aujourd’hui décédé, et dont la transmission de la mémoire, (à ces deux jeunes enfants notamment à qui elle dédie le livre), est l’une des raisons qui l’ont incitée à écrire. « Et puis moi qui suis née en France, je porte aussi cette espèce de complexe du colonisé, comme tous les personnages du récit. Quand j’étais jeune et qu’on me disait que je faisais française, j’étais flattée sans savoir pourquoi. Avec le recul, j’ai compris. Je sais aussi « On ne sort pas indemne de 132 ans de colonialisme »qu’au temps de la colonie, plus on faisait « français », européen, et plus on était « beau »… C’était la norme à l’époque. On ne sort pas indemne de 132 ans de colonialisme, et même 50 ans après l’Indépendance, il reste des stigmates et des tabous. La preuve avec les débats houleux autour des bienfaits supposés de la colonisation… Car les routes et les hôpitaux construits et laissés par les Français l’étaient pour les colons et pas pour les indigènes. »

    Libérer la parole, transmettre des témoignages aux générations futures et apporter son regard sur ce pan de l’Histoire de ces deux pays, telle fut la démarche de Nadia Henni-Moulaï qui ne redoute aucune attaque voire procès d’intention : « Je suis légitime pour écrire sur ce thème ou sur les actions et l’attitude de la France pendant la guerre d’Algérie. Car si je suis Algérienne, je suis toute autant Française. J’ai le droit de critiquer mon pays sur la façon dont il s’est comporté dans ses colonies… »

    Sandrine Dionys

    « Hélène Duc actrice et Juste parmi les Nations est décédée à 97 ans. Pendant la guerre d’Algérie elle a soutenu le peuple algérien pour son indépendanceLa Ligue des Droits de l'Homme de Toulon communique : Guerre d’Algérie : la justice française étend l’accès aux pensions d’invalidité »

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