• LES REFLEXIONS QUE M’INSPIRE LA DECLARATION D’ALGER POUR UN PARTENARIAT RENOUVELE

     

    HEUREUX ANNIVERSAIRE

    BERNARD DESCHAMPS

    LES RéFLEXIONS QUE M’INSPIRE LA DECLARATION D’ALGER POUR UN PARTENARIAT RENOUVELE

     

    Ce fut un bonheur ! Des moments chargés d’émotion ! Mes enfants avaient bien fait les choses pour mes 90 ans. Dans la salle Camboulive, ajourée, lumineuse du Dépôt SNCF de Nîmes, les invité-es étaient accueilli-es autour des tables fleuries et devant un mur d'images rétrospectives, aux sons de la cornemuse, du banjo et de la derbouka dans la tradition algérienne de Kabylie. Tout au long de la soirée, Hacene, Karim et Zakaria par la grâce de la musique chaâbi et Françoise au chant et à la guitare sur des paroles de Georges Brassens, nous ont fait rêver.

    LES RéFLEXIONS QUE M’INSPIRE LA DECLARATION D’ALGER POUR UN PARTENARIAT RENOUVELE

     

    Qui est Bernard Deschamps ? 

    Militant communiste, il a occupé plusieurs responsabilités politiques dans le Gard et au plan national (Comité Central du PCF et Bureau national de l'Association nationale des Elus communistes et républicains) Après plusieurs décennies de mandats électoraux, Bernard Deschamps se consacre désormais à l'étude de l'Algérie.

    Résumé

    Bernard Deschamps a été dans sa longue vie : instituteur, conseiller général, député, président de l’Association El Djazaïr. Il a écrit plusieurs ouvrages : « Les Gardois contre la guerre d'Algérie » « Le Temps des cerises » « Le Fichier Z : essai d'histoire du FLN algérien dans le Gard (1954-1962) » «Chroniques algériennes » «El Djazaïr : rencontres algériennes » « Révolution : l'Algérie, Abdelaziz Bouteflika, le Hirak ».

    LES REFLEXIONS QUE M’INSPIRE LA DECLARATION D’ALGER POUR UN PARTENARIAT RENOUVELE

    A 90 ans Bernard Deschamps gère toujours son blog consacré en grande partie aux relations entre l’Algérie et la France.

     

    LES RéFLEXIONS QUE M’INSPIRE

    LA DéCLARATION D’ALGER

    POUR UN PARTENARIAT

    RENOUVELé

     

    LES RéFLEXIONS QUE M’INSPIRE LA DECLARATION D’ALGER POUR UN PARTENARIAT RENOUVELE

    Après des mois de relations tumultueuses entre Paris et Alger, les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron ont adopté le  27 août une déclaration qui affirme vouloir « inscrire leurs relations dans une dynamique de progression irréversible », sur la base « d »une confiance mutuelle et d’un dialogue renouvelé ». 

    Les mots sont forts. De nombreux facteurs incitent en effet à une « relation privilégiée » : l’appartenance à « un même espace géographique méditerranéen », une certaine complémentarité économique, la présence en France d’une importante diaspora algérienne parmi laquelle de nombreux binationaux. Je n’ai pas dit, une histoire commune, j’y reviendrai. 

    Les deux présidents y ont également intérêt. Emmanuel Macron, bien que cela ne soit pas évoqué dans la déclaration, parce que la France a besoin du gaz algérien pour compenser la perte du gaz russe qui représente 20 % de notre consommation. Des négociations sont en cours entre ENGIE et la SONATRACH. Le président Tebboune, en raison d’un certain isolement au plan international du fait de son élection, certes conforme à la Constitution de la République algérienne, mais élu par seulement  5 millions voix sur 24 millions  d’électeurs inscrits et  44 millions d’habitants. 

    Pour que cette relation devienne « irréversible », il faudrait que l’ancienne puissance coloniale condamne sans réserve l’asservissement, la déculturation, le vol des terres, le pillage des ressources, les regroupements de population, la torture, les crimes de la colonisation. Ce qui est encore loin d’être le cas, en dépit de quelques « petits pas ». La création annoncée d’une « commission conjointe d’historiens français et algériens », qui était une des préconisations du Rapport Stora, peut-elle y contribuer ? Comme l’a déclaré l’écrivain Amin Kahn, selon  le journal EL Watan du 29 août: « C’est une fausse bonne idée ». L’histoire de la colonisation et de la guerre de libération qui a fait l’objet de très nombreux travaux en Algérie, en France et dans d’autres pays, est largement connue. Cette commission n’y ajoutera pas grand-chose d’essentiel, sauf à accoucher d’une « histoire commune » qui gommerait les différences d’approches inconciliables entre colonisés et colonisateurs. Ce qui, au vue de nombreuses déclarations en France, parait être l’objectif poursuivi, au bénéfice de l’ancien colonisateur. 

    La phrase de la Déclaration : « Les deux parties estiment le moment venu de favoriser une lecture objective et de vérité d’un pan de leur histoire commune, tenant compte de l’ensemble de ses étapes afin d’appréhender l’avenir dans l’apaisement et le respect mutuel », pétrie de beaux sentiments, résonne à mes oreilles comme un attrape C. 

    Pour le dire autrement et de façon policée, l’historien Olivier Le Cour Grandmaison écrit dans Médiapart : « Histoire commune […] Travestissement de l’histoire destiné à faire croire que les parties en présence, la France et l’Algérie, furent libres et égales, et que d’un commun accord, elles ont ainsi décidé de cheminer ensemble. De 1830 à 1962, rien n’est plus faux et l’énormité du mensonge ne laisse pas d’étonner. » 

    Décidemment, le propos d’Emmanuel Macron le 15 février 2017 à Alger, qualifiant la colonisation de « crime contre l’humanité », qu’il avait d’ailleurs contredit dès le lendemain, a depuis lors été jeté aux oubliettes. On n’est plus dans le « En même temps… », mais dans le « A droite toute … » 

    L’ensemble de la Déclaration est jalonnée de formules générales louables sur l’amitié,  la coopération dans divers domaines, le plus souvent sans engagements précis, chiffrés et datés, sauf sur deux points : au sujet des visas et sur un aspect qui a peu retenu l’attention des commentateurs, au sujet de la coopération militaire. 

    Après une période de réduction drastique, le nombre de visas à des Algérien-nes qui souhaitent se rendre en France, sera augmenté de 8 000, mais ce sera pour appliquer la politique macronienne « d’immigration choisie ». Souvenons-nous que la libre circulation était un des engagements des Accords d’Evian du 18 mars 1962. 

    La principale innovation introduite par la Déclaration d’Alger concerne le rôle dévolu à l’armée algérienne. On a en mémoire les pressions exercées par les Etats occidentaux et notamment par la France afin d’obtenir une participation des forces armées algériennes aux expéditions militaires occidentales. En vain, jusqu’alors, en application du principe constitutionnel de non intervention hors des frontières de l’Algérie. Or,  la Constitution révisée en décembre 2020  à l’initiative du président Tebboune, précise désormais (Article 31) : « L’Algérie peut, dans le cadre du respect des principes et objectifs des Nations Unies, de l’Union africaine et de la Ligue des Etats arabes, participer au maintien de la paix ». 

    La Déclaration des deux présidents insiste sur « l’exacerbation des tensions régionales et internationales » et se prononce pour « une démarche étroitement concertée pour faire face aux nouveaux défis ». Elle exprime le souhait de « jouer un rôle central dans la promotion d’un partenariat entre l’Europe et l’Afrique » Enfin, « Pour les questions de défense et de sécurité, les chefs d’Etat réuniront leurs responsables des deux pays sur le modèle de la réunion de Zéralda du 26 août 2022 ». Cette réunion de Zéralda des responsables militaires des deux pays en présence des deux chefs d’Etat, est une première depuis l’Indépendance de l’Algérie en 1962. 

    A l’évidence, avec cette Déclaration, les relations militaires entre la France et l’Algérie sont entrées dans une phase nouvelle qui risque d’entraîner l’Algérie dans des conflits dont elle n’aura pas la maîtrise et au service des intérêts  de l’impérialisme occidental. 

    Le peuple algérien l’acceptera-t-il ? 

    Outre ceux consacrés à l’histoire, à la mémoire, à la question des visas, aux relations militaires, trois chapitres traitent : du Partenariat économique et de la transition écologique ;  de La coopération éducative, culturelle et sportive ; de La jeunesse. Ces chapitres abondent en déclarations d’intention : pour la protection de la Méditerranée, la coopération entre les Instituts Pasteur de France et d’Algérie ; entre le CNRS et la DGRSDT ; pour la création cinématographique ; les résidences d’artistes et la traduction d’ouvrages « entre le français et l’arabe »…Une phrase de la Déclaration éclaire ces bonnes intentions : « Cette relance DEVRAIT (souligné par moi B.D.) se traduire par l’accroissement de l’investissement, la préservation et la création d’emplois sur leurs territoires respectifs… » On notera  « DEVRAIT ». La richesse des nuances de la langue française pour faire avaler des couleuvres… 

    La création annoncée d’un « Haut conseil de Coopération au niveau des chefs d’Etats, pour  approfondir […] concevoir […] des réponses adaptées aux questions bilatérales », n’est dès lors qu’un paravent pour camoufler une orientation qui, non seulement ne pose pas les bases d’une refondation des relations dans l’intérêt des peuples de nos deux pays, mais accentue le déséquilibre au profit du lobby militaro-industriel français. 

    Bernard DESCHAMPS 

    5 septembre 2022 

     

    SOURCE : LES REFLEXIONS QUE M’INSPIRE LA DECLARATION D’ALGER POUR UN PARTENARIAT RENOUVELE - ww.bernard-deschamps.net 

      

    SOUVENIRS

     

    C’ETAIT LE TEMPS

     

     DU HIRAC 

    Sur la place Maurice-Audin à Alger

    en 2019

     

     ONE, TWO, THREE, VIVA L’ALGERIE ! 

     Par Bernard Deschamps qui était parmi

     les manifestants franco-algériens

     malgré ses 87 ans 

     

    Bernard Deschamps, ses 87 ans et sa canne (Bravo)

     

    Ce 18 mars, pour la commémoration des Accords d’Evian, nous avions projeté à Nîmes le film de René Vautier, Peuple en marche, réalisé en 1963. Ce vendredi 22 mars, noyé dans la foule immense – 1 million de personnes ? – qui occupait toutes les rues du centre d’Alger, j’avais l'impression de vivre ces heures glorieuses de l’histoire du peuple algérien. Autour de moi, pour les manifestant/es c’était aussi la référence. Je revivais, pour ma part, les heures fiévreuses de mai et juin 1968 en France. Plusieurs de mes interlocuteurs algériens m’ont d’ailleurs fait remarquer que la situation du Président Abdelaziz Bouteflika n’est pas sans similitude avec celle à laquelle fut confronté le Général de Gaulle. L’un a été le libérateur de la France, l’autre un des acteurs de premier plan de l’Indépendance de l’Algérie et l’artisan de la Réconciliation nationale et de la paix retrouvée après la décennie noire. Et l’un et l’autre, nationalistes, seront confrontés à un mouvement populaire d’une ampleur et d’une puissance irrésistibles. Le Général de Gaulle quittera le pouvoir le lendemain du référendum du 27 avril 1969 qui l’avait mis en minorité. 

    En 1968, nous manifestions en France en scandant « Dix ans ça suffit» (1958-1968).  Aujourd’hui, dans toutes les villes et villages d’Algérie, monte l’exigence « Vingt ans ça suffit » (1999-2019), « Yetnahaw Ga3 », « Système dégage », car les Algériens jugent ce système corrompu. Il en est ainsi  dans tous les pays qui vivent – comme la France – sous le règne de l’argent roi et du profit financier maximum. Cela porte un nom : le capitalisme. Les calicots imprimés, les pancartes écrites à la main, lancent des proclamations vengeresses qui, et cela est très algérien, s’accompagnent chez la plupart de celles et de ceux qui se prononcent contre la prolongation du 4e mandat du président Bouteflika, d’une certaine affection pour l’homme. « Qu’il se repose enfin », disent-ils… 

    Une atmosphère de victoire s’est emparée des rues d’Alger. Sur les immeubles haussmanniens fleurissent les drapeaux algériens et les habitants aux balcons saluent la foule qui défile, dense, à leurs pieds. Il est impossible de se frayer un passage, non seulement sur l’avenue, mais également sur les trottoirs. Le quotidien  gouvernemental  El Moudjahid, écrit le lendemain en première page : « La mobilisation au rendez-vous dans une ambiance festive et conviviale ». Des jeunes, de très nombreux jeunes, jeunes gens et jeunes filles voilées et non voilées, bras dessus-bras dessous, enveloppés dans les couleurs nationales qui dansent, sautent, chantent et soufflent dans des vuvuzela. Cette démonstration politique se déroule dans une ambiance de stade de foot un jour de Coupe d’Afrique : « One, two, three, viva l’Algérie ». Certains le regrettent mais cela confère à ces marches une combativité et une liesse née de la joie partagée du combat commun. Regardez les photos que j’ai prises. Des groupes de jeunes ont escaladé la corniche qui surplombe la plaque à la mémoire de Maurice Audin. Tout un symbole. Tandis que d’autres grimpent au sommet d’un lampadaire pour y accrocher un drapeau. Tous se réclament des chuhâda de la Révolution. Chaleur et fraternité. Les jeunes qui m’entourent me donnent le titre honorifique de hadj, me tiennent le bras dans les bousculades ou m’aident  à franchir un obstacle. Tous les observateurs ont noté l’absence de violence et la retenue des forces de sécurité qui, à l’évidence, ont reçu des ordres en ce sens. 

    En haut de l’avenue Didouche Mourad, une place a été rebaptisée « Place du 22 février 2019 » en référence à la première manifestation. Une banderole proclame : « NOUS SOMMES NI KABYLE, NI CHAOUI. NI ARABE, NI BENI MZAB, NI TOUAREG. NOUS SOMMES UNE ALGERIE UNIE. UNIE POUR LA NOUVELLE REPUBLIQUE ». Et l’hymne national est repris en choeur avec ferveur : fashadou, fashadou, fashadou (Témoignez !, Témoignez !, Témoignez !). « Les Algériens se réapproprient leur emblème national, » écrit El Watan (opposition) le 23 mars. Ce qui confirme le profond patriotisme des Algériens. Ceux qui à l’extérieur seraient tentés de profiter de cette situation pour faire subir à l’Algérie le sort de l’Irak, de la  Libye ou de la Syrie, verraient se dresser contre eux un peuple uni par-delà ses différences et disposant d’une armée bien entraînée, bien équipée, avec des cadres expérimentés. 

    Une nouvelle république ? Le quotidien gouvernemental El Moudjahid lui-même écrit : « Ces manifestations correspondent à une profonde aspiration populaire au changement démocratique. » Quel changement ? Les revendications concernent les institutions. Les revendications sociales sont, semble-t-il, absentes. Je n’ai pas vu de pancartes exigeant des emplois, l’augmentation des salaires, des pensions, des retraites…Mais les groupes de réflexion se multiplient et ces revendications peuvent émerger. Les groupes industriels et financiers – pro et anti-Bouteflika - sont également à l’offensive pour tenter d’orienter le mouvement dans le sens de leurs intérêts. La presse favorable au pouvoir et celle d’opposition font état de diverses initiatives de regroupements de partis politiques (ceux-ci sont rejetés par les manifestants comme en France parmi les Gilets jaunes ) et d’associations :  Nabni, un regroupement déjà ancien de jeunes entrepreneurs  et des nouvelles : « Plateforme pour le changement en Algérie », « Rassemblement pour une nouvelle république » ; « Comité d’initiative et de vigilance citoyenne », qui tous s’inscrivent dans une démarche économique néo-libérale. C’est aussi la démarche de Yacine Teguia, le Secrétaire Général du MDS, ex-communiste, proche du Parti de gauche de J.L. Mélenchon sur deux pages d’El Watan week-end du 22 mars. Le collectif Nabni, qui est le plus souvent mis en valeur par la presse déclare : «  Il nous faut nous préparer à retrousser les manches, relancer l’économie sur de nouvelles bases et accepter le prix à payer et les efforts à faire à court terme avant que la situation s’améliore. » Ce que le PADS (communiste) traduit par la remise en cause du code du travail et la privatisation de ce qui reste du secteur nationalisé y compris SOFREGAZ et (ndlr) l’important complexe sidérurgique d’El Hadjar dans lequel, sur décision du Président Bouteflika, l ‘Etat algérien a repris ces dernières années la majorité. 

    « La marche du clap de fin » titrait Liberté, DZ, le quotidien du milliardaire Issad Rebrab,  la veille de la manifestation de vendredi. Le Soir, DZ : « L’après Bouteflika a déjà commencé ». Liberté, DZ : « Le crépuscule de Bouteflika »…Son mandat expire le 28 avril. Les manifestants refusent sa prorogation ainsi que la transition qu’il propose. Ils exigent le changement tout de suite avec des opinions diverses sur le moyen pour y parvenir ainsi que sur les futures institutions et sur le  contenu de la politique économique et sociale à mettre en œuvre. Mais c’est leur affaire. Gardons-nous d’intervenir, ils n’ont que faire et nul besoin de nos conseils. 

    Bernard DESCHAMPS 

    24 mars 2019 

    Mon blog : www.bernard-deschamps.net

    ONE, TWO, THREE, VIVA L’ALGERIE !    Par Bernard Deschamps qui était parmi  les manifestants franco-algériens malgré ses 87 ans

     

    « Saluts hitlérien, « sieg heil ! », un cortège néo-nazi défile en pleine rue à Besançon (Doubs)Commission d’historiens franco-algériens : la mémoire au service de la politique ? »

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