• Paris-Province de Jean-Claude Guillebaud : n’aidons pas les assassins

    http://www.sudouest.fr/2014/09/28/n-aidons-pas-les-assassins-1685811-4585.php 

    Horreur, dégoût, effroi, compassion, inquiétude… On aurait du mal à énumérer les sentiments qui nous ont habités après la décapitation abjecte d'Hervé Gourdel. À tous ces mots, j'ai pourtant envie d'ajouter le vers célèbre du poète Hölderlin : « Quand croît le péril, croît aussi ce qui sauve. » De fait, il n'est pas impossible que ce meurtre fasse naître, chez nous, une cohésion nationale restaurée. Une prise de conscience a bien eu lieu : face à la barbarie, la solidarité s'impose. Elle ne sera utile qu'à une condition : il faut éviter d'aider les assassins ou de faire - ingénument - leur jeu.

    Trois questions nous sont directement posées. En commettant et en médiatisant de telles sauvageries, les terroristes visent d'abord - par définition - à terroriser. Via Internet et les réseaux sociaux, ils répandent des images répugnantes afin d'engendrer la peur. Sachant cela, on a du mal à comprendre la docilité avec laquelle certains médias diffusent et rediffusent ces infamies. Jeudi soir, par exemple, pendant plus de deux heures, BFM a gardé en fond d'écran l'image de l'otage à genoux avec les quatre assassins dans son dos. Quiconque souhaitait suivre, notamment, la prétendue « émission spéciale » de Ruth Elkrief, avait sous le nez, en permanence, cette image composée à dessein. BFM faisait bien preuve d'imbécillité.

    "Il n'est pas impossible que ce meurtre fasse naître, chez nous, une cohésion nationale restaurée"  

    Souvenons-nous de la phrase attribuée à Lénine : « Les capitalistes seront assez cupides pour nous vendre la corde qui servira à les pendre. » Transposée, cela donne : les télévisions gouvernées par la course au public ne pourront pas résister à l'envie de diffuser les images que nous fabriquons pour générer la peur. On saura gré aux chaînes du service public de ne pas être entrées dans ce jeu-là. Demandons-nous même pourquoi, dans ces cas précis, on ne choisit pas de bloquer les sites qui diffusent ces clips de l'horreur. Il paraît qu'on en a, techniquement, les moyens. Alors ?

    La deuxième remarque est liée à la première. Les terroristes cherchent à nous convaincre qu'ils nous menacent pour de bon. Ce n'est pas faux, mais cela doit être relativisé. Le danger terroriste est plus psychologique que « militaire » au sens stratégique du terme. Certes, des attentats sont imaginables et possiblement meurtriers. Aucune comparaison, pourtant, avec les menaces qu'ont dû - et su - affronter nos sociétés occidentales. Je pense aux bombardements de Londres en 1941 ou aux attentats liés à la guerre d'Algérie.

    Il nous faut donc entendre ce que nous disent des experts comme Gilles Kepel, Olivier Roy ou d'autres : évitons de surréagir. Chaque fois que nous manquons de mesure ou de sang-froid ; chaque fois qu'un média ou un politique en rajoute dans la description grandiloquente du péril, on fait exactement ce qu'attendaient les criminels. On les aide. On entre dans leur jeu. On sert leur dessein. La surréaction donne l'image d'une société affolée, fragile, vulnérable.

    Troisième remarque. La stratégie terroriste ne consiste pas seulement à faire peur. Elle vise à fragiliser une société en y attisant les divisions, les haines entrecroisées, les rancunes communautaristes. Visant l'Europe, les assassins veulent introduire une faille entre les citoyens musulmans et les autres. Ils tentent de dresser les communautés les unes contre les autres, en espérant un surcroît de violence. Ainsi l'islamophobie fait-elle, elle aussi, le jeu des barbus. Faire planer je ne sais quel soupçon sur nos concitoyens français de confession musulmane, c'est servir sur un plateau la désunion, voire la haine sur laquelle tablent les égorgeurs.

    Heureusement, la preuve vient d'être faite que même d'une horreur peut sortir un bien : depuis trois jours, les Français rassemblés se montrent décidément plus intelligents que les sauvages.

     

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