• Parler de l’usage du napalm par la France durant la guerre d’indépendance, c’est revenir sur un déni d’État

    Parler de l’usage du napalm par la France

    durant la guerre d’indépendance, c’est revenir

    sur un déni d’État

    Parler de l’usage du napalm par la France durant la guerre d’indépendance, c’est revenir sur un déni d’État

     

    PAR RAPHAËLLE BRANCHE

    Parler de l’usage du napalm par la France durant la guerre d’indépendance, c’est revenir sur un déni d’État. À l’instar d’autres armes chimiques, ce produit a été utilisé en dépit des conventions de Genève dont Paris était signataire. S’il est difficile de dresser un bilan complet aujourd’hui, les témoignages sont là pour rappeler l’étendue de cette violence.

    Les autorités françaises le répèteront sans trembler : « Napalm rigoureusement proscrit et jamais employé opération militaire en Algérie ». Ce mensonge clairement affirmé par le ministre résidant Robert Lacoste en 1957 est répété sous la Ve République. Au quai d’Orsay, on assure ainsi que l’armée française « n’a jamais fait usage du napalm » et que « des instructions permanentes du haut commandement militaire français en Algérie interdisent l’emploi de ce produit ».

    Si la France ne peut reconnaître l’usage de cette essence gélifiée utilisée dans des bombes incendiaires, c’est que cette arme est proscrite par les conventions internationales dont le pays est signataire. Son usage viendrait en outre contredire la fiction de simples opérations de maintien de l’ordre menées dans l’Algérie française depuis novembre 1954.

    UN PAYS EN FLAMMES

    Ce que Paris, Genève ou New-York ignorent est pourtant devenu une évidence dans les montagnes algériennes où l’armée française lutte contre les maquisards de l’Armée de libération nationale (ALN). Les forêts qui dérobent ces combattants aux avions français sont particulièrement ciblées : largué par les airs, le napalm enflamme immédiatement la surface sur laquelle il se répand, ce qui le rend particulièrement redoutable dans les régions boisées.

    Des témoignages français confirment d’ailleurs ce que les indépendantistes dénoncent à mesure que l’Algérie s’enfonce dans la guerre. En 1959, Hubert Beuve-Méry, le directeur du journal Le Monde, acquiert ainsi la certitude de son usage après s’être entretenu avec le successeur de Robert Lacoste, Paul Delouvrier. Peu de temps auparavant, un caporal avait adressé une lettre au journal pour dévoiler la réalité cachée derrière une dépêche officielle parlant de « rebelles mis hors de combat avec l’aide de l’aviation » : « Ayant participé à l’encerclement et à la réduction de la ferme où [les « rebelles »] étaient retranchés, je puis vous indiquer qu’ils ont en réalité été brûlés vifs, avec une dizaine de civils dont deux femmes et une fillette d’une dizaine d’années, par trois bombes au napalm lancées par des appareils de l’aéronavale », non loin de Sétif, le 14 août 1959.

    Bas du formulaire

    Les pilotes savent parfaitement ce qu’ils larguent, et les militaires qui demandent leur appui au sol aussi. L’usage du napalm étant interdit, on opte pour un langage codé : « bidons spéciaux ». Dans le secteur de Bou Saada, au sud-est d’Alger, est ainsi consignée, fin septembre 1959, une « action de l’aviation en bombes de 250 livres et en bidons spéciaux sur un camp rebelle ». Les comptes-rendus d’opérations mentionnent aussi les effets de ces « bombing par bidons spéciaux » comme dans ce bilan d’une opération des 23 et 24 février 1959 qui indique : « Pertes rebelles : 6 cadavres dénombrés dont un sergent et un caporal. Débris humains découverts dans une zone traitée aux bidons spéciaux et correspondant à 5 rebelles repérés par un observateur ». Parfois, le camouflage cède, comme quand le 14e régiment de chasseurs parachutistes relate un affrontement entre plusieurs régiments d’élite et leurs ennemis début avril 1961. La « réduction du nid de résistance » ayant échoué face au « feu violent et précis des rebelles », l’intervention de l’aviation de chasse est demandée. Le journal de marche du régiment note que sont utilisées « des roquettes et des bombes au napalm contre les retranchements rebelles ».

    « UNE ODEUR HORRIBLE »

    Mohamed Kaced était l’un de ces « rebelles » visés par des bombardements. La grotte où, blessé, il se cache est repérée par l’aviation : « Ils nous ont jeté du napalm ». Un de ses compagnons est atteint :

    Le soldat qui avait été brûlé, qu’allions-nous lui faire ? Si on le touchait, on allait être brûlés aussi. Qu’est-ce qu’il fallait faire alors ? Il fallait prendre de la terre et la lui jeter dessus ou prendre un chiffon et le couvrir. Il fallait faire comme ça et surtout éviter de se faire brûler aussi. Parce que les flammes peuvent très vite te toucher.

    Khadija Belguenbour a assisté, impuissante, au bombardement d’une infirmerie :

    Il y avait une montagne juste en face : ils ont utilisé le napalm. Il y avait un hôpital, enfin une infirmerie, où ils cachaient les blessés. Je les voyais, ils essayaient de s’évader… Une odeur horrible. Ils se roulaient par terre et leurs chairs restaient sur les pierres. Ils criaient. Ce cri, encore de temps en temps, il me revient aux oreilles.

    Plus tard, elle a elle-même reçu une goutte de napalm et en a gardé un trou dans la tête.

    Quand l’aviation approche, la terreur s’empare de ceux qui sont au sol. Si les mitraillages au sol sont redoutés, le napalm donne à la guerre ses couleurs infernales. Meriem Mokhtari l’évoque encore avec précision en 2020 :

    L’avion qui a lancé le napalm… Tu vois, la lave des volcans… Le feu arrive, en brasier… Dans la forêt, on voyait aussi les poules fuir avec leurs poussins… les chiens… les bêtes… Les chevaux galopaient, et haletants… Les civils, des femmes qui portaient leurs courses… les vieillards… Il y avait une femme qui a été happée par le napalm… elle a été grillée comme un aliment qu’on grille… elle a été carbonisée par le napalm… Après, dans la forêt, le napalm a provoqué un incendie… Alors les gens le combattaient avec de l’eau et de la terre… Il y en a qui ont pris des couvertures, pour protéger leur tente du feu. (…) Le napalm avait été jeté du haut d’une pente, alors le feu se propageait très vite… On n’avait nulle part où se cacher à l’abri du feu. Alors tu cours, jusqu’à ce que tu trouves un cours d’eau… et tu y restes.

    Le caporal Jean Forestier évoque aussi de « gigantesques gerbes rouges surmontées d’énormes champignons noirs » provoquées par le napalm. Un matin d’avril 1959, sa section est envoyée au rapport : « Vingt et un corps sont dénombrés, une dizaine d’autres sont retrouvés brûlés par le napalm ».

    LA GÉOGRAPHIE À LA RESCOUSSE

    Pour le CICR soucieux du respect des Conventions de Genève, c’est bien « l’usage de cette arme sur des objectifs non militaires » qui constitue une illégalité flagrante du droit international humanitaire par la France. Mais le CICR ne peut pas mener d’enquête approfondie sur ce sujet alors que Paris nie toujours être en guerre en Algérie. Le délégué suisse, chargé de plusieurs missions en Algérie sur le sort des prisonniers, affirme pourtant avoir « acquis la conviction […] que l’aviation utilisait, assez couramment, le napalm pour ses bombardements ». S’agissait-il d’un usage indiscriminé ?

    Après huit années de conflit en Indochine qui avaient déjà vu l’utilisation de cette arme, les autorités françaises n’ignoraient pas ses caractéristiques. Cependant, alors que le déni officiel de l’état de guerre ne permet pas d’argumenter sur la possibilité de limiter l’usage du napalm au combat contre un ennemi armé clairement reconnu, c’est la nature du relief algérien qui fournit régulièrement un argument à ceux qui en préconisent l’utilisation. Là où la nature de l’ennemi se dérobe, la géographie fournit la justification ultime à l’emploi de « ce produit pour lutter contre les bandes de hors-la-loi retranchés dans des régions rocailleuses et désertiques où l’intervention des armes classiques entraîne des pertes importantes ou des délais incompatibles avec la fluidité des rebelles ». C’est ce que défend le commandant en chef en Algérie au printemps 1956 auprès de son ministre, avançant par précaution une réserve qu’il sait indispensable : « En aucun cas l’utilisation de ce produit ne sera tolérée sur les mechtas, villages ou lieux d’habitation et [que] je m’en réserverais la décision d’emploi lorsque les autres armes utilisables se seront révélées inefficaces ».

    L’usage restreint et maîtrisé que propose le commandant en chef a-t-il convaincu les responsables politiques ? La persistance des mensonges officiels jusqu’à la fin de la guerre, tout comme le camouflage lexical témoigne a minima, d’une délimitation floue dans son usage. La lutte contre les maquisards réfugiés dans les grottes a bien donné lieu à des recherches et à des expérimentations. Au printemps 1955 déjà, les premiers résultats concluaient à un usage efficace de certains produits chimiques, à condition de s’en tenir aux grottes et non aux terrains découverts qui exposaient trop les soldats français. Des archives régimentaires témoignent de ces tests comme, parmi d’autres, celles du 94e régiment d’Infanterie : à l’été 1956, des expérimentations techniques ont lieu, visant à « rendre l’utilisation de grottes impossible pour les rebelles par procédés chimiques ». Le napalm a certainement fait l’objet de pareils essais. Aumônier de la 25e division parachutiste engagée dans le Constantinois, le père Henri Péninou a témoigné avoir vu « quelques essais d’utilisation du napalm », encore approximatifs au début de la guerre :

    Oui, moi en tout cas j’ai le souvenir… passant comme ça et larguant, larguant des bombes de napalm. Il nous était demandé, à nous, de faire très attention, quand on était en opération. Mais j’avais l’impression que c’était expérimental. Après, ça ne m’étonnerait pas que les choses se soient poursuivies et aient pris une extension… […] Le relief du terrain était un relief très, très dangereux, très favorable pour les caches des fellaghas, aussi bien pour eux-mêmes en tant que personnes que pour le matériel ou le ravitaillement. Alors… dangereux aussi pour les unités d’intervention, quand on ratissait.

    À l’automne 1957, le commandant d’un régiment de chasseurs alpins expose encore à ses supérieurs l’intérêt de cette arme. À l’occasion d’un compte-rendu d’opération dans le massif du Kouriet, en Kabylie, il décrit le bouclage d’un village puis son mitraillage par l’aviation, qui n’a pas empêché un accrochage violent :

    Les pertes que nous avons subies ont été l’œuvre de quelques rebelles seulement, remarquables tireurs et embusqués dans un terrain extrêmement mauvais et dangereux. Ces rebelles tenaient une position remarquable et ne pouvaient être délogés qu’à bout de munitions. La preuve a été malheureusement à nouveau faite que dans un terrain pareil, pour abattre un rebelle, on risque de perdre dix hommes.

    Et il insiste :

    Lorsque le terrain est particulièrement mauvais et que l’on risque des pertes hors de proportion avec les résultats que l’on pourrait obtenir, il est certainement plus avantageux de faire matraquer la bande rebelle par l’aviation, des B26 par exemple, et l’emploi du napalm dans ce terrain rocheux où le rebelle peut s’embusquer remarquablement semble seul efficace.

    Dans les années suivantes, la justification par le relief allait pouvoir se combiner avec le développement de la pratique des zones interdites. Dans ces espaces officiellement interdits à tout civil, l’armée française pouvait affirmer n’avoir que des ennemis. De fait, le caractère discriminé de l’emploi du napalm était possible, du moins en théorie. C’est pourquoi, avec l’approfondissement systématique de la guerre, et en particulier le « plan Challe » à partir de 1959, le napalm a pu être utilisé à un stade qui n’avait plus rien d’expérimental. En dépit des incertitudes évidentes sur la précision des bombardements et l’identité des personnes visées, puisque les zones interdites étaient en fait loin d’être vides de civils, le napalm a été considéré comme une arme efficace jusqu’à la fin du conflit. Les autorités politiques ont laissé faire. Conscientes des conséquences politiques et diplomatiques d’un tel aveu, elles ont toutefois continué à préférer le déni global.

    Après 1962, les forêts calcinées et pétrifiées des massifs montagneux algériens ont porté, pendant des années, le témoignage de cette violence. Quant aux corps réduits à des blocs charbonneux par ces produits incendiaires, leurs images hantent toujours celles et ceux qui les ont vus.

     

    RAPHAËLLE BRANCHE

    Professeure d’histoire contemporaine à l’Université de Paris Nanterre.

    Source :  https://orientxxi.info/magazine/quand-l-armee-francaise-pacifiait-au-napalm,5638

     Armes chimiques : les gaz lacrymogènes utilisés par le régime Macron interdits par la convention de Genève

     

    Parler de l’usage du napalm par la France durant la guerre d’indépendance, c’est revenir sur un déni d’État

    Par Henri POUILLOT 24 avril 2018

    J’ai adressé cette lettre ouverte à E. Macron :

    Quelle Honte, Monsieur le Président

    Objet : Quelle honte ces « frappes » en Syrie

    Monsieur le Président

    Témoin de la Guerre de Libération de l’Algérie, comme appelé (de juin 1961 à mars 1962), affecté à la Villa Susini, j’ai eu l’occasion de constater de très nombreuses exactions commises dans cette période par l’Armée Française (en particulier la torture), des crimes contre l’Humanité, des crimes de guerre commis au nom de la France. Depuis j’ai eu l’occasion de recueillir d’autres témoignages, de constater concrètement d’autres types de crimes.

    Bien évidemment, je ne peux soutenir ou « excuser » l’utilisation d’armes chimiques, comme cela semble s’être produit en Syrie il y a quelques jours. 

    Mais je suis scandalisé par votre décision d’avoir décidé de ces frappes pour 2 raisons :
      Que la France (par votre décision) décide sans mandat de l’ONU une telle action, c’est « légitimer », demain, qu’un autre pays, en concertation ou non avec un autre état décide et s’arroge ainsi, lui aussi, d’en « punir » l’auteur, parce qu’il estime qu’un forfait a été commis.
      Mais peut-être plus grave encore, c’est que la France se permet de donner des leçons de droits de l’homme dans ce domaine. En effet, vous semblez « oublier » que, pendant la Guerre de Libération de l’Algérie, le gaz (Vx et Sarin) a été utilisé (références des témoignages concrets publiés sur mon site personnel : 
    http://henri-pouillot.fr/spip.php?article375). L’Armée a aussi utilisé le napalm : entre 600 et 800 villages détruits. En novembre 2004, j’ai eu l’occasion de visiter les ruines du village de Zaatcha, près de Constantine, du moins ce qu’il en reste : c’était un village de 800 habitants (hommes, femmes, enfants…) qui ont été brulés vivants. Il est possible de voir sur mon site : http://henri-pouillot.fr/spip.php?article381 les images que j’en ai ramenées. C’est terrifiant, et le musée souvenir, ainsi constitué, en montre l’horreur. Ce sont donc 600 à 800 Oradour-sur-Glane dont la France porte la responsabilité.

    La France a donc commis des crimes de Guerre, qu’elle n’a toujours pas reconnus, ni condamnés.

    Quel étonnement quand on entend votre ministre Jean-Yves Le DRIAN s’exprimant le 16 avril 2018 à la tribune du Sénat pour expliquer la justification de votre décision en déclarant : « La France est à la pointe du combat contre les armes chimiques depuis la bataille d’Ypres de 1915 ». Comment doit-on interpréter une telle affirmation, une telle falsification de l’histoire ? Un odieux mensonge ? Pire : Une imposture ?

    Quelle crédibilité la France peut-elle avoir après cette intervention en Syrie ? Donner de telles leçons de droits de l’homme quand elle conserve une telle responsabilité ? C’est insensé.

    Pourtant, le 5 mai 2017, devant la rédaction de Médiapart, vous aviez déclaré : « De fait, je prendrai des actes forts sur cette période de notre histoire… ». Cela va faire presqu’un an, mais le silence, dans ce domaine, reste assourdissant.

    Au second tour de la présidentielle, j’avais voté pour vous, aujourd’hui, je me sens totalement trahi. J’ai honte, en tant que Français, que le Président de mon pays, dans de telles conditions, puisse prendre une telle décision.

    Veuillez agréer, Monsieur le Président, mes salutations indignées.

    Henri POUILLOT

    Utilisation du Gaz sarin pendant la Guerre d’Algérie

    Cet usage est très peu connu. Un article du journal "Le Bien Public" du 8 septembre 2013 publie un témoignage terrible, repris dans "ledauphine.com", sous la signature de Alexandre OLLIVIERI.

    Article mis en ligne le 10 septembre 2013

    par Henri POUILLOT 

     

    Parler de l’usage du napalm par la France durant la guerre d’indépendance, c’est revenir sur un déni d’État

     

    Le retraité Auguste Cuzin, d’Arandon entend reparler du gaz sarin lors de l’attentat du métro de Tokio en 1995, puis récemment avec les évènements en Syrie. De vieux souvenirs datant de 1959 surgissent alors.

    Le gaz sarin. Ce nom fait frémir la communauté internationale depuis plusieurs semaines. Depuis que Barack Obama, le président américain, envisage une intervention en Syrie, persuadé que le régime totalitaire de Bachar el-Assad en a fait l’usage contre sa population civile.

    Lorsqu’il entend parler du puissant neurotoxique aux informations, Auguste Cuzin, retraité vivant à Arandon, voit resurgir de vieux souvenirs. Ceux d’une autre époque, où il a expérimenté ce gaz de combat sur ordre de sa hiérarchie. Il était alors sergent dans l’armée française. En pleine guerre d’Algérie.

     

    Parler de l’usage du napalm par la France durant la guerre d’indépendance, c’est revenir sur un déni d’État

    Auguste Cusin, en 1959, lors de tests au gaz sarin.

    "J’étais chef de pièce dans l’artillerie, de février 1958 à avril 1960, en Algérie, détaille Auguste Cuzin. Durant le deuxième semestre de l’année 1959, j’ai été appelé à la base secrète de Beni-Ounif". Là-bas, dans le nord du Sahara, à quelques kilomètres de Colomb-Béchar, il va réaliser des tirs d’expérimentation avec des obus chargés de gaz sarin.

    "Chaque matin, les officiers nous donnaient l’ordre de tirer à 6 ou 8 kilomètres, au canon, durant deux heures. Nous avons expérimenté le gaz sarin". La cible ? Des caisses, disposées dans le désert, dans lesquelles étaient emprisonnés des animaux. "Uniquement des petits animaux, se souvient l’ancien soldat. Des rats, des lapins…" Chaque obus contenait un demi-litre de gaz, qui se répandait dès l’impact au sol. "Nous allions dans le désert 48 heures plus tard, équipés de masques à gaz, pour aider les techniciens à ramasser les animaux morts, qu’ils emmenaient au laboratoire pour des analyses." Aucun tir sur l’homme, selon les historiens. Dans quel but ? Des tirs sur l’homme ont-ils existé ? Auguste Cuzin n’en sait pas plus. Benjamin Stora, éminent historien, spécialiste de l’Algérie, juge "probable" l’idée d’expérimentations au gaz sarin durant le conflit algérien. Frédéric Médard, auteur d’une thèse sur la présence militaire française en Algérie, croit lui aussi à ce témoignage. "La base de Béni-Ounif servait de centre d’essais et était surnommée ’le site des armes spéciales’. Mais ces tests ont été réalisés en marge des opérations de maintien de l’ordre en Algérie. À ma connaissance, aucun humain n’a été victime du gaz sarin durant ce conflit."

    Pour l’historien, l’armée française cherchait avant tout à développer des modes de combat à opposer aux forces du Pacte de Varsovie. "La menace soviétique était très présente à l’époque, rappelle Frédéric Médard (1). Il s’agissait avant tout de contrer la tactique russe, qui s’appuyait beaucoup sur les gaz".

    Appliquant scrupuleusement les ordres, Auguste Cuzin a poursuivi le rituel des exercices de tir durant un mois. Lui et ses camarades ont été confrontés de très près à ce gaz hautement mortel. "Un jour, un collègue incommodé par la chaleur a soulevé furtivement son masque pour cracher. Quelques secondes après, sa peau commençait à le brûler. Il a fallu lui administrer une piqûre d’atropine de toute urgence. Il a survécu."

    L’ancien sergent se souvient aussi avec précision des centaines de mouches mortes qui reposaient sur les caisses contenant les obus. "On n’a pas été mis en condition pour manipuler ce gaz. On secouait les obus, sans se rendre compte du danger. Ce n’était vraiment pas notre heure…"

    (1) “Technique et logistique en guerre d’Algérie”, ouvrage de Frédéric Médard, 2002.

    P.S. :

    Comme pour les essais nucléaires de Reggane, la France a "testé" ces armes horribles, sans s’inquiéter des victimes civiles qui ont pu être touchées simplement parce qu’elles se sont trouvées au mauvais moment, au mauvais endroit. Après l’utilisation de cet "agent orange" (la dioxine) au Vietnam, le napalm pour détruire (des Oradour sur Glane à la Française) entre 600 et 800 villages algériens, la France est vraiment mal placée pour donner des leçons sur les armes interdites par d’autres pays.

     

     

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  • Commentaires

    2
    Yvon
    Jeudi 26 Mai 2022 à 09:58

    54 Militaires ou 45 militaires Français sont brulés vifs ??

    << J'ai appris par hasard a une soirée loto. Mon voisin de table qui était la-bas,ce jour-là m'avait raconté cette histoire, en jouant au Loto: Car étant chasseur à pied, il croyait que j'y étais et que j'avais échappé aux flammes. L'aviation avait  bombardé des bidons de napalm, le djebel Chélia "

     

      «  Dans un livre de Jean Pierre Vittori de 1977     chez Stock             « Nous les appelés du contingent »   celui-ci raconte à la page 98,   ( Copie )       « L’accident peut devenir encore plus tragique ; »             « Comme celui survenu dans le massif de l’Aurés le 1er  Août 1959. Ce jour-là, cinquante-quatre militaires du 18ème  chasseurs périssent dans un incendie » Voici la version officielle de l’accident-  « Onze heures du matin- plusieurs unités ratissent le terrain d’une région boisée qui borde le massif des Aurés. C’est l’opération classique, presque quotidienne. Le soleil est étouffant, brûlant. Les hommes avancent, éteignant de petits foyers d’incendie, provoqués par la chaleur. Pas de souffle de vent, et le feu ne risque pas de prendre des proportions importantes. Le ratissage se poursuit. Soudain, c’est la catastrophe     ; Subitement, le vent du sud se lève. Le feu s’étend. Les flammes commencent à dévorer les broussailles. Aussitôt les unités se replient toutes. Sauf une qui se trouve soudain presque encerclée par les flammes. Les hommes se précipitent dans une trouée qui reste ouverte. Trop tard. Le cercle de feu se referme brusquement sur cinquante-quatre d’entre eux »  

     

              Le journal Libération du 5 Août 1959 pose les questions suivantes -  «  Ne peut-on pas plutôt se demander si cet incendie n’a pas été plutôt provoque par une opération déclenchée par le F.L.N, ou  encore comme le bruit commence maintenant à en courir dans les milieux bien informés, s’il n’était pas la conséquence d’un bombardement au napalm qui aurait été mal dirigé ? »  -  Allez savoir ?.  

     

       Dans le du livre de Michel Sabourdy 1954-1962       Chronique d’une drôle d’époque, page 325      il est écrit              -  Ce n’est que 45 militaires qui sont brûlés (Copie )        « Bref, Challe emploie des moyens encore jamais vus, ………….. l’opération (jumelles) n’est pas encore terminée . »             « 31 militaires ont été tués dans la semaine du 3 au 9 août, bilan qui vient s’ajouter aux 45 morts brûlés dans un incendie de forêt au cours d’une opération, le 1er août, à 11 heures 30 dans les Aurés »

     

      • Yvon
        Jeudi 26 Mai 2022 à 10:27

        Suite << Chevalier de la Légion d'Honneur, Croix de la Valeur militaire avec Palme - Le 1er aout 1959 lors d’une opération sur le Mont Chelia, le 2 ° escadron du 18° RCC aux ordres du Lieutenant de Roffignac et la harka n°16 sont surpris par un violent incendie rabattant de foret dû à un retour de Sirocco. Le Lieutenant essaie désespérément d’aller chercher du secours. Il est gravement brulé. Le 2° peloton perd en plus 29 hommes dans la fournaise, la harka 17 , plus 6 prisonniers. Terrible bilan 54 morts - Citation : du Lieutenant de Roffignac - « Jeune officier de Cavalerie au courage hors pair. Pendant dix mois d’opérations n’a cessé d’apporter à l’exécution de ses missions le meilleur de lui même. Animé d’un idéal patriotique sans égal, a donné les marques des plus hautes vertus - « Surpris avec son escadron au cours d’une opération, par un incendie de forêt le 1er aout 1959, dans le massif du CHELIA (Aurès), ayant son poste radio accidenté, fit face ai danger et traversa les flammes pour chercher du secours - « Est mort des suites de ses blessures, ayant donné à tous l’exemple éclatant de volonté héroïque et d’esprit de sacrifice » - Saint-Cyr Promotion "du Maréchal Franchet d'Esperey" (1955-1957)

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