• « Qu’un sang impur abreuve nos sillons ... »

    " Qu'un sang impur "

     

    « Qu’un sang impur ... »

     

    Notre hymne national, La Marseillaise, semble bien accepté par l’ensemble de la communauté française. Aucun parti ne se l’est approprié et on a pu voir et entendre les parlementaires, unanimes, l’entonner lors du congrès réuni à Versailles.

    Il existe deux interprétations de la fin du refrain — “qu’un sang impur abreuve nos sillons”. L’explication qui paraît aujourd’hui encore la plus répandue considère que le sang impur désigne celui de nos ennemis. Cependant, compte tenu du sens attaché au 18e siècle au mot sang, il semble que ce soit là un contre-sens et que l’expression sang impur désignait alors tous ceux qui n’étaient pas de noble extraction. Mais comment les élèves de première année à l’école primaire d’aujourd’hui peuvent-ils comprendre cette analyse lors de l’étude de notre hymne national qui est obligatoire depuis 2005 ?

    Quelle que soit la signification attribuée à cet extrait, il reste que son énoncé provoque un malaise chez certains et un redoublement des claquements de pieds d’autres participants. Ce slogan guerrier ne semble pas à sa place dans un texte qui mériterait sans doute un "lifting".

    Écrit et composé par le capitaine Claude Rouget de L’Isle, ce chant patriotique apparaît à la fin du 18ème siècle en période de révolution, afin de motiver les troupes d’Alsace alors que la France vient de déclarer la guerre à l’Autriche.

    Il est officiellement hymne national depuis le 14 février 1879, bien qu’utilisé comme tel des dizaines d’années avant cette date.

    Il a été nommé ainsi par les Parisiens, en voyant défiler les troupes marseillaises aux Tuileries tout en chantant ce morceau qu’ils avaient adopté pour leurs parades.

    Des demandes de révision à son sujet existent depuis plus d’un siècle, pointant du doigt la dureté de ses paroles qui transmettent un message guerrier.

    A l'école comme ailleurs, en finir

    avec le sang impur qui abreuve les sillons 

    Il y a quelques jours, à Calais, plusieurs centaines de manifestants descendaient dans la rue contre la présence des migrants dans leur ville, une manifestation – paraît-il – apolitique, même si la présidente du mouvement organisateur, « Calaisiens en colère » avait rencontré Marine Le Pen peu de temps auparavant. Contre l’immigration, les symboles nationaux étaient de sortie, drapeaux tricolores et Marseillaise braillée devant la sous-préfecture, le sang impur abreuvant les sillons prenant pour l’occasion une couleur toute particulière. Si, assurément, pour les manifestants de Calais, ces paroles font sens, il n’est pas interdit de s’interroger sur la signification qu’elles peuvent avoir – ou pourraient avoir -  pour des enfants de 6 ans, l’âge de leur apprentissage obligatoire…

    La Marseillaise jusqu’à l’overdose 

    La Marseillaise n’a jamais été absente des programmes scolaires, même s’il fut un temps, jusque dans les années 80, où elle savait se faire discrète ; la société ne s’en portait d’ailleurs pas plus mal. Alors que son grand retour dans les programmes officiels portait la marque de Chevènement (ministre de l’Education nationale de 1984 à 1986), tous ses successeurs ont fait preuve d’une imagination débridée pour assurer à l’hymne national une visibilité accrue, la gauche n’ayant rien à envier à la droite en ce domaine, comme par exemple lorsque le député socialiste Vallini (aujourd’hui ministre) suggérait en 2005 de faire chanter chaque matin la Marseillaise aux enfants des écoles. Si, pour l’instant, le rêve des politiciens ne s’est pas pleinement concrétisé, la Marseillaise occupe une place de choix tout spécialement à l’école élémentaire, dans le cadre des programmes d’EMC du cycle 2 (CP, CE 1, CE 2), rubrique « se sentir membre d’une collectivité », puis à nouveau dans le cycle 3 (CM 1, CM 2, 6e) et enfin, pour les élèves qui n’auraient pas tout compris, en cycle 4 (5e, 4e, 3e), dans l’inépuisable fourre-tout sur « les valeurs de la république ». En 2012, en faisant adopter sa loi d’orientation, le ministre de l’éducation Vincent Peillon s’était fait lyrique : « Nous devons aimer notre patrie […] Apprendre notre hymne national me semble une chose évidente. »

    « Notre patrie … notre hymne », des évidences ? Des évidences pourtant si peu incontestables que le législateur s’est senti obligé d’user de menaces et de coercition en instituant (en 2003) l’impensable délit d’ « outrage aux symboles nationaux », passible de six mois de prison et de 7500 euros d’amende, la république réputée laïque ressuscitant ainsi le crime de blasphème qui protégeait autrefois la religion d’état.

    Quel hymne pour quelle communauté ? 

    De fait, la Marseillaise souffre d’une tare indélébile qui lui fait confondre deux registres inconciliables par nature : celui des croyances personnelles, d’ordre privé, sur lesquelles aucune instance politique ne devrait avoir autorité et celui des règles communes que tout individu vivant en société peut être amené à respecter. Alors que les secondes sont légitimes, le fait d’imposer par la contrainte, sans discussion, une sorte de dogme irrationnel – l’identité nationale – ne l’est plus. L’altruisme, la coopération, l’aide apportée aux plus faibles, le respect du travail des autres sont autant de valeurs, d’habitudes, dont la pratique régulière pendant toute la scolarité dispense d’avoir à recourir aux fétiches nationaux pour former des citoyens. Et plutôt que de se référer à une très hypothétique et très imaginaire « communauté de peuple », c’est à la construction d’une communauté d’élèves que doivent œuvrer les éducateurs, avec la garantie que cette dernière est potentiellement plus riche d’avenir que l’autre. De façon d’ailleurs très significative, le renforcement de la place des symboles nationaux à l’école, l’injonction patriotique qui cible cette dernière - tout spécialement depuis les attentats de janvier - accompagnent, dans toute la société bien davantage qu’à l’école, un incontestable délitement du lien social, une perte des repères collectifs, imputables, pour une bonne part, aux dérèglements d’un système économique et d’une organisation politique qui s’avèrent incapables de faire face  à l’évolution du monde. Il est alors tellement plus facile de se rassurer en faisant chanter la Marseillaise aux enfants des écoles.

    Une pétition contre un tabou 

    Dans la bouche d’enfants, l’hymne national est d’ailleurs d’autant plus indécent qu’il est bâti sur des paroles dont la brutalité, l’extrême violence devraient en toute logique le maintenir à l’écart des lieux d’éducation. Le débat sur les paroles de la Marseillaise n’est pas nouveau mais toutes les tentatives visant à les humaniser quelque peu ont été repoussées avec indignation tant le sujet, en France, est tabou. Tranchant singulièrement avec ceux de ses collègues qui, sans état d’âme, préparent leurs élèves aux cérémonies patriotiques, une institutrice de Bretagne avait, il y a quelques mois, dans la foulée des attentats de janvier, lancé une pétition sur ce thème (une pétition toujours ouverte, qui attend les signatures) :

    « Liberté, égalité, fraternité […] Peut-on réellement se réclamer de ces valeurs et chanter sans état d'âme des paroles qui distinguent sang pur et sang impur, qui distillent la peur et la haine des ennemis, ces féroces soldats, ces barbares qui viennent jusque dans nos bras égorger nos fils, nos compagnes ? […] Finissons-en avec la haine de l'autre, de l'étranger ! A la tyrannie sanglante, opposons l'état de droit et la justice pour tous ! Face à la tentation du repli identitaire, ayons le courage de pousser la porte de ce voisin qui ne nous ressemble pas et construisons ensemble une démocratie saine et généreuse. La France se veut porte-parole des droits de l'Homme. Elle ne peut plus se permettre cette incohérence entre ce noble dessein et cet hymne national au goût de sang. »

    SOURCE :  https://blogs.mediapart.fr/b-girard/blog/111115/lecole-comme-ailleurs-en-finir-avec-le-sang-impur-qui-abreuve-les-sillons 

    Pour terminer, parmi les nombreuses marseillaises écrites avec des paroles différentes nous en avons choisies deux :

     La Marseillaise de Graeme Allwright

     

    Chant républicain, nouvelle Marseillaise par nouvelle-marseillaise

     

    « Hissez haut le drapeau de la paix !"Paris : après les attentats " de Benjamin Stora »

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