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Relations Algérie-France : aucune «renonciation» à la défense du dossier mémoriel, selon le président algérien Abdelmadjid Tebboune
Relations Algérie-France : aucune «renonciation» à la défense du dossier mémoriel, selon le président algérien Abdelmadjid Tebboune
« Nous ne renoncerons jamais à notre mémoire mais il ne faut pas en faire un fonds de commerce », avait déjà déclaré le président algérien dès le 1er mars. REUTERS
A l’approche du 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie (5 juillet 1962), le président algérien Abdelmadjid Tebboune a réaffirmé que la défense du dossier de la mémoire nationale «ne saurait faire l’objet de renonciation ni de marchandage» dans le cadre des relations bilatérales entre l’Algérie et la France.
Le rapport remis le 20 janvier et commandé par Emmanuel Macron à l’historien français Benjamin Stora sur la réconciliation des mémoires entre la France et l’Algérie avait soulevé de vives critiques, aussi bien en Algérie qu’en France, notamment pour ne pas avoir préconisé des « excuses » de Paris pour les crimes de la période coloniale (1830-1962).
En même temps, Paris depuis le début de l’année, cherche a relancé sa relation bilatérale avec l’Algérie pour en faire un partenaire clé notamment dans les crises régionales en Libye et au Sahel. C’est pourquoi les déclarations du président algérien Abdelmadjid Tebboune sur le sujet des relations passées sont attendues avec intérêt.
« Nous ne renoncerons jamais à notre mémoire mais il ne faut pas en faire un fonds de commerce », avait déjà déclaré le président algérien dès le 1er mars. Dimanche dans un entretien télévisé, il a été un peu plus loin. Selon lui, la mémoire nationale « ne saurait faire l’objet de renonciation ni de marchandage » dans le cadre des relations bilatérales entre l’Algérie et la France.
Il a indiqué que l’ouverture des archives était « une partie intégrante de la mémoire nationale », précisant que la France devait restituer à l’Algérie celles concernant « la période ottomane » et « les insurrections populaires » durant la colonisation.
« Réconcilier les mémoires »
À l’approche du 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie (5 juillet 1962), le président français Emmanuel Macron a engagé ces derniers mois une série d’« actes symboliques » afin de « réconcilier les mémoires » entre Français et Algériens.
En juillet dernier, la France a remis à Alger 24 crânes de combattants nationalistes tués au début de la colonisation, qui étaient entreposés à Paris. En outre, Emmanuel Macron a récemment reconnu, « au nom de la France », que l’avocat et dirigeant nationaliste Ali Boumendjel avait été « torturé et assassiné » par l’armée française pendant la Bataille d’Alger en 1957. Un assassinat maquillé à l’époque en suicide. Enfin, il a décidé de faciliter l’accès aux archives classifiées de plus de cinquante ans, notamment celles sur la guerre d’Algérie.
« Nous n’avons actuellement aucun problème avec la France », a assuré, il y a quelques semaines Abdelmadjid Tebboune, qui a qualifié les relations bilatérales de « bonnes ». Toutefois, « nous ne privilégierons pas de bonnes relations au détriment de l’histoire et de la mémoire, mais les problèmes se règlent avec intelligence et dans le calme, et non avec des slogans », avait-il poursuivi tout en fustigeant « de puissants lobbys en France (…) qui perturbent ces relations », en faisant allusion aux anciens partisans de l’Algérie française.
En attendant, plusieurs dossiers sont sur la table entre les deux pays en plus des dossiers de la Libye et au Sahel. La partie algérienne a réclamé à Paris « davantage de souplesse et de flexibilité » dans le dossier de « la mobilité des personnes entre l’Algérie et la France », en référence à la question épineuse de l’octroi des visas. Pour l’année 2019, le nombre des visas octroyés par la France était en baisse de 7,5 % (272 054 contre 293 926 en 2018).
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S’il y a un problème franco-français (d’après certains) il y aurait aussi un problème algéro-algérien : L’homme le plus puissant d’Algérie ne serait pas le président Abdelmejid Tebboune qui serait un président sous tutelle ? et sur un autre plan n’oublions pas les marches du hirac qui ont reprises !!!
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Les généraux algériens relancent
la guerre des mémoires avec la France
Le chef d’état-major Saïd Chengriha, en invoquant, au mépris de la réalité historique, les « millions de martyrs » tombés face à la France, ferme la porte à la réconciliation mémorielle.
Le général Chengriha, le 19 décembre 2019 à Alger (Fateh Guidoum, AP)
L’homme le plus puissant d’Algérie n’est pas le président Abdelmejid Tebboune, bien mal élu en décembre 2019, dans un scrutin marqué par une abstention historique de 60%. Le véritable « homme fort » du pays demeure son chef d’état-major en tant que dirigeant de fait des « décideurs » militaires qui, sous une forme ou sous une autre, accaparent le pouvoir depuis des décennies. En ce même mois de décembre 2019 où Tebboune accède à la Mouradia, l’équivalent algérien de l’Elysée, Chengriha succède à la tête des armées algériennes à Ahmed Gaïd Salah, décédé « des suites d’un arrêt cardiaque à son domicile », selon le communiqué officiel. Gaïd Salah avait contraint le président Bouteflika à la démission en avril 2019, dans l’espoir d’apaiser la contestation pacifiste du Hirak, avant de pousser la candidature Tebboune pour en finir une fois pour toutes avec la protestation populaire.
UN PRESIDENT SOUS TUTELLE
La discrétion ostensible de Chengriha tranche avec les interventions brutales et les discours volontiers menaçants de Gaïd Salah, à qui les « décideurs » ont reproché d’avoir exposé inutilement l’institution militaire. Le nouveau chef d’état-major se veut avant tout le garant d’une réconciliation interne à la clique dirigeante, avec l’acquittement en janvier dernier des anciens chefs des renseignements militaires, les généraux Mediene et Tartag, condamnés à 15 ans de prison après la démission de Bouteflika. Mais Chengriha n’hésite pas à brider le président Tebboune qui, après avoir annoncé un remaniement gouvernemental, le 19 février, ne parvient à changer ni le Premier ministre, ni les titulaires des portefeuilles régaliens. Le chef d’état-major n’est pas non plus favorable à un authentique travail de mémoire sur la « guerre de libération » anti-coloniale, qui remettrait en cause la propagande officielle, fondamentale pour la légitimation des généraux algériens.
L’Armée nationale populaire (ANP) se pose en effet en héritière de l’Armée de libération nationale (ALN), le bras armé du Front de libération nationale (FLN) depuis le début, en 1954, de l’insurrection anti-française. Cette ANP émane pourtant d’une seule partie de l’ALN, « l’armée des frontières », qui fit mouvement à partir du Maroc et de la Tunisie, lors de l’indépendance de 1962, pour étouffer la résistance intérieure des maquis de l’ALN. Une telle militarisation du régime algérien renversa la hiérarchie traditionnelle des pouvoirs en faisant du FLN, parti unique jusqu’en 1989, le bras civil de l’ANP. C’est pourquoi l’exigence d’un gouvernement pleinement civil, enfin émancipé de la tutelle militaire, est au coeur des revendications du Hirak, dont les manifestations ont repris depuis plus d’un mois. C’est également pourquoi Chengriha s’efforce de caricaturer la contestation populaire en « complot de l’étranger », dont la France serait l’inspiratrice. Il a beau être le premier chef d’état-major sans aucun passé anti-colonial, il choisit ainsi de relancer la guerre des mémoires pour conforter un statu quo aussi favorable aux généraux algériens.
LA SURENCHèRE DES VICTIMES
Le 17 mars, Chengriha ouvre avec emphase un séminaire intitulé « Mémoire et unité nationale »: « Les positions du peuple algérien sont comme les montagnes, immuables et inébranlables, puisqu’elles s’inspirent de notre doctrine nationale et de notre glorieuse révolution de libération, scellée par le sang de millions de chouhada » (martyrs). L’exaltation de la lutte anti-française comme seule et unique « révolution » est une constante du discours officiel, ne serait-ce que pour disqualifier toute forme de contestation radicale. L’invocation de « millions » de martyrs est plus troublante dans un pays où, jusque là, était plutôt avancé le chiffre d’un million, voire d’un million et demi de morts (les historiens français considèrent quant à eux que le nombre d’Algériens tués de 1954 à 1962 est de l’ordre du quart de million, dont environ un cinquième par le FLN). Une telle inflation victimaire a été encouragée par la polémique entre la France et la Turquie sur le génocide arménien, le président Erdogan ayant révélé que, selon Tebboune, « la France a massacré plus de cinq millions d’Algériens » en 132 ans d’occupation.
Le discours du 17 mars de Chengriha est d’autant plus combatif qu’il appelle à « préserver le citoyen des dérives alternatives influencées par différents canaux médiatiques ». Là aussi, c’est la France qui est dénoncée pour l’écho qu’elle accorderait aux revendications et aux manifestations du Hirak. Le chef d’état-major balaie les gestes déjà accomplis par Emmanuel Macron en vue d’une réconciliation des mémoires entre la France et l’Algérie, qu’il s’agisse du rapport de l’historien Benjamin Stora, de l’ouverture relative des archives publiques ou de la reconnaissance de la responsabilité de l’armée dans la mort d’Ali Boumendjel. Tebboune, malgré les échanges directs qu’il a eus avec son homologue français à ce sujet, est contraint de s’aligner, le 22 mars, par la voix d’Abdelmajid Chikhi, son « conseiller pour la mémoire nationale », directeur des archives: le rapport Stora ne serait qu’un « rapport franco-français » et « officiellement, c’est comme si ce rapport n’existait pas ». Un tel verrouillage au sommet indigne les historiens algériens qui, le 25 mars, demandent publiquement à Tebboune un accès enfin libéré aux archives nationales.
Il est malheureusement à craindre que les généraux algériens continuent de promouvoir leur propagande d’auto-justification, au détriment d’un regard apaisé sur l’histoire partagée entre leur pays et la France.
Les marches du Hirak en Algérie marquées par des dizaines d’interpellations
Hirak : 110éme vendredi à Alger
Comme chaque vendredi depuis la reprise du mouvement de contestation, le 22 février, les protestataires ont lancé des slogans hostiles au pouvoir et à l’armée, le pilier du régime.
Ils ne désarment pas. Les marches du mouvement prodémocratie du Hirak en Algérie ont été marquées vendredi 26 mars par des dizaines d’arrestations à travers tout le pays, selon des organisations de défense des droits humains.
La Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) a fait état de « dizaines d’interpellations dans plusieurs wilayas [préfectures] à Alger, Blida, Tiaret et Relizane ». La plupart des personnes arrêtées ont été relâchées en fin de journée, a-t-elle précisé.
« La LADDH, tout en exprimant sa pleine solidarité avec le mouvement Hirak, dénonce cette répression et réitère son appel à l’arrêt de la répression et de la diabolisation du Hirak, et rappelle le respect des libertés publiques et des droits humains », a affirmé le vice-président de la Ligue, Saïd Salhi.
A Alger, le militant hirakiste Mohamed Tadjadit, un ex-détenu, et trois étudiants ont été arrêtés à la fin de la manifestation hebdomadaire qui a rassemblé des milliers de personnes dans le centre de la capitale, a annoncé le Comité national de libération des détenus (CNLD), une association de soutien aux prisonniers d’opinion.
« Le militant et poète Mohamed Tajadit arrêté à la fin de la manifestation (…) dans la rue Didouche Mourad à Alger-centre, et embarqué dans une Toyota blanche, aucune nouvelle de lui », a tweeté le journaliste indépendant Khaled Drareni.
Par ailleurs, les forces de l’ordre ont dispersé, en faisant usage de spray de gaz liquide, les manifestants à Oran (nord-ouest) ainsi que dans la ville voisine de Mostaganem dès le début du défilé, a précisé un journaliste local sous couvert de l’anonymat.
Des marches ont également eu lieu à Tizi Ouzou, Bouira et Béjaïa, villes de Kabylie (nord-est), ainsi qu’à Constantine et Annaba (est), selon des images diffusées sur les réseaux sociaux. Les rassemblements sont en principe interdits en raison de la pandémie de Covid-19.
« La Caserne contre le Peuple »
Comme chaque vendredi depuis la reprise du Hirak, le 22 février, les protestataires – dont le nombre est difficile à évaluer en l’absence de chiffres officiels – ont lancé des slogans hostiles au pouvoir et à l’armée, le pilier du régime.
Ils ont fustigé la décision du président, Abdelmadjid Tebboune, d’organiser des élections législatives anticipées le 12 juin pour tenter de répondre à la grave crise politique et socio-économique qui ébranle le pays le plus peuplé du Maghreb.
Illustration des difficultés quotidiennes des Algériens : une bouteille d’huile vide tenue par une canne à pêche, brandie par un hirakiste, en écho à la pénurie d’huile de table et la cherté de la sardine, deux produits alimentaires de base.
« Pas d’élections avec la Bande [au pouvoir] », a scandé le cortège dans les rues d’Alger. « L’Algérie est le seul pays au monde à vouloir organiser des élections sans peuple », a déploré un manifestant, Aziz Boucheban. « La Caserne, à travers sa façade civile, convoque le corps électoral officiel, et le Peuple répond avec le vrai corps électoral dans la rue », a résumé ce commerçant de 33 ans.
Recours à un 3e scrutin depuis la fin de 2019
Face à la contestation populaire qui persiste, malgré des divisions, le régime apparaît déterminé à appliquer sa « feuille de route », à savoir le recours à un 3e scrutin depuis la fin de 2019, en restant sourd aux aspirations du Hirak et en alternant gestes d’apaisement et répression. La présidentielle de décembre 2019 et le référendum constitutionnel de novembre 2020 ont été sanctionnés par des taux d’abstention record.
Né en février 2019 du rejet massif d’un 5e mandat du président Abdelaziz Bouteflika, impotent et reclus, le Hirak réclame un changement radical du « système » politique en place depuis l’indépendance du pays, en 1962, synonyme à ses yeux de corruption, de népotisme et d’autoritarisme.
« Le peuple algérien a décidé qu’il veut une gouvernance civile et non militaire », a affirmé Kamel, un fonctionnaire de 59 ans. « Nous patientons depuis 1962 et c’est comme si nous n’avions pas vécu l’indépendance. C’est maintenant notre indépendance si Dieu le veut », a-t-il ajouté.
Le mouvement populaire inédit en Algérie est pacifique, pluriel – des laïcs aux islamistes – et sans véritable leadership ni structure politique à ce jour. Ce qui lui vaut des critiques pour son manque d’unité et de propositions politiques.
« Je vais répondre à un individu du nom de Michel Lécuyer habitant le même département que moi, la Saône-et-Loire, il parle comme la droite, l’extrême droite ou l’UNC...Relations franco-algériennes : Jean Castex attendu à Alger les 10 et 11 avril 2021 »
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Commentaires
On est toujours dans la confusion volontairement entretenue entre la légitimité de la guerre d'indépendance et la corruption qui caractérise aujourd'hui les dirigeants de la société algérienne. Effectivement, mais c'est l'affaire des Algériens, quand l'armée est au pouvoir, fusse de manière occulte, on ne peut qu'être inquiet pour la démocratie !