• Roger MARTIN : L'honneur perdu du commandant K. " Ils l'ont poignardé et achevé au pistolet ces bâtards... "

     

     

    Puisque cet article a été mis en ligne

    sur un site de bâtards nostalgiques

    extrémistes de l’Algérie française

    et de l’OAS je le diffuse, avec plaisir

    à nouveau aujourd’hui, après l’avoir fait

    il y a plusieurs années… 

     

    Roger MARTIN : L'honneur perdu du commandant K. " Ils l'ont poignardé et achevé au pistolet ces bâtards... "

    Ici je suis à Evian, avec le sourire, là où furent signés les accords mettant fin à la sale guerre d'Algérie et la fin aussi de ces bâtards de l'OAS. Vive l'amitié entre les peuples français et algériens.

    Michel Dandelot 

    Roger MARTIN : L'honneur perdu du commandant K. " Ils l'ont poignardé et achevé au pistolet ces bâtards... "

     

     

    Roger MARTIN : L'honneur perdu

    du commandant K.

     

    Roger MARTIN : L'honneur perdu du commandant K.

    Plus de cinquante-quatre ans après

     Roger Martin s'en souvient encore 

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    " Ils l'ont poignardé et achevé

    au pistolet ces bâtards... "

    C'était le dimanche 24 juin 1962, à Aix-en-Provence. Il avait douze ans et lisait tranquillement dans sa chambre un roman de Jack London, qui reste l'un de ses auteurs favoris, Le Fils du loup. Soudain il entend des cris qui déchirent sa quiétude. Peu après il apprend de la bouche de son père, qui est bouleversé : Le commandant est mort. 

    Le commandant, c'était Joseph Kubasiak, vivant à quelques maison de là. Il venait d'être assassiné. Des coups de poignard et pour faire bonne mesure le coup de grâce avec un pistolet. 

    Cet épisode constitue l'une des nombreuses pages noires de la Guerre d'Algérie et de l'Histoire de France en général. Quoique proche dans le temps, cet événement est tombé dans les oubliettes par la plupart des Français, les événements d'Algérie restant un point noir dans les mémoires. Et les négationnistes, les nostalgiques ainsi que les apologues de l'Algérie Française ont détourné, détournent encore, la réalité des faits dans un but parfois difficile à comprendre, une posture que les hommes politiques avalisent sans vergogne et sans complexe. 

    Tout commence à Blida le 20 avril 1961. L'OAS veut imposer ses points de vue en divergence avec les appels du Général de Gaulle, lequel avait promis que l'Algérie resterait française puis devant la tournure prise par la guerre s'était résolu à accorder l'indépendance à ce département d'Afrique du Nord en mettant en place une politique d'autodétermination. Mais les généraux Challe, Salan, Zeller et Jouhaud organisent le 21 avril ce qui sera appelé le Putsch des généraux à Alger. Le commandant Hélie de Saint Marc est chargé d'assurer la sécurité de ce gouvernement séditieux. L'armée a pris le pouvoir mais certaines casernes font de la résistance. C'est le cas à Blida où officie par intérim le commandant Joseph K. 

    Les témoignages à ce moment divergent et ne sont retenus que ceux qui sont à mettre à l'opprobre du commandant K. traité par la suite de barbouze. Certains avancent qu'il aurait fait monter au mât de la caserne un drapeau rouge tandis que d'autres affirment qu'il s'agissait d'une bannière ornée de la Croix de Lorraine peinte à la main. Et celui qui obéissait, non pas aux ordres d'insurrection de ses supérieurs hiérarchiques, Challes, Hélie de Saint Marc et autres, a écouté les paroles du général de Gaulle qui avait stigmatisé un quarteron de généraux à la retraite : « un pouvoir insurrectionnel s'est établi en Algérie par un pronunciamiento militaire » en suppliant "Françaises, Français, aidez moi". Il demande à tous de s'opposer "par tous les moyens". Donc la donne est claire, Kubasiak n'a fait qu'obéir à de Gaulle. Or Kubasiak sera mis en retraite d'office puis assassiné chez lui à Aix-en-Provence dans le quartier du Clos Saint-Lazare. 

    Plus étonnant c'est ce qu'il adviendra par la suite. Ces putschistes et les assassins de Kubasiak seront traduits devant un tribunal militaire mais quelques mois ou quelques années après ils seront amnistiés, par les gouvernements successifs, dont celui de François Mitterrand. Pis, Helie Denoix de Saint Marc condamné à dix ans de réclusion, a été libéré au bout de cinq ans. "C'est un personnage emblématique des hauts et des bas de notre armée", a souligné le ministre de la défense, Gérard Longuet. Et il s'est vu décoré de la grand croix de la légion d'honneur par Nicolas Sarkozy le 28 novembre 2011. Quand aux participants à ce meurtre ils connurent des fortunes diverses, l'un d'entre eux devenant Monsieur Sécurité à Nice de 1996 à 2001. Et dans cette région PACA de nombreuses stèles sont érigées en l'honneur des fusillés, combattants pour que vive l'Algérie Française, sachant que des insurgés, des appelés pour la plupart qui obéissaient aux ordres sans chercher à comprendre, ne connaitront pas le sort clément de leur hiérarchie. Mais la maison de Kubiasak dans le Clos Saint-Lazare a été démolie. 

    Alors, continuer à propager des informations erronées, tendant à salir l'honneur d'une ou plusieurs personnes, informations relayées par des historiens ou pseudos historiens, par exemple Georges Fleury ancien des commandos Jaubert qui est cité dans ce document, qui écrivent de nombreux ouvrages en recueillant des témoignages pouvant prêter à discussion et à contestation, à des interprétations personnelles pas forcément conformes à la réalité. 

    Et Roger Martin ne pouvait pas humainement rester insensible à cette forme de propagande fasciste, puisque tout jeune il avait eu en main, en sortant de l'école, des tracts ou des brochures proclamant Algérie Française, signés Jeune Nation, mettant en avant les patriotes de l'OAS qui avaient pour noms : Jouhaud (et non Jouhaux comme écrit par erreur page 23, Jouhaux étant un ouvrier syndicaliste ayant obtenu le Prix Nobel de la Paix en 1951), Lagaillarde, Susini, Salan, Tixier-Vignancourt et Le Pen.

    Roger MARTIN : L'honneur perdu du commandant K. " Ils l'ont poignardé et achevé au pistolet ces bâtards... "

    Le 3 novembre 2013 Jean-François GAVOURY, président de l'ANPROMEVO (l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS) nous envoyait ce témoignage :

    Le jour du 2 novembre me paraît tout indiqué pour vous faire part de la publication d’un livre évoquant une victime de l’OAS au souvenir de laquelle notre association et moi-même sommes très attachés.

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    Lorsqu’a été dévoilé le projet d’une stèle marignanaise élevant des condamnés à mort de l’OAS au rang de martyrs et héros de l’Algérie française, l’une de mes premières démarches a consisté à entrer en relation avec la veuve et les descendants de cet officier loyaliste pour leur proposer de se joindre à d’éventuelles actions en justice.

    Toujours aussi présente et tenaillante quarante-trois ans après les faits, la peur les en a dissuadés. Il est vrai qu’ils avaient été les témoins de l’assassinat du commandant K. dans des circonstances d'une insondable cruauté et qu’ils avaient peut-être le pressentiment que l’un des auteurs verrait un jour cet acte barbare légitimé par une République oublieuse de ses principes : tel fut le cas le 30 avril 2007 avec la nomination du sergent déserteur B. dans l’ordre de la Légion d’honneur au titre des anciens combattants d’AFN, aux termes d’un décret du chef de l’État (N. S.) pris sur le rapport du Premier ministre (F. F.) et de la ministre de la défense (M. A-M.).

    Face à l’ignominie révisionniste consistant à donner valeur d’exemple à des crimes et attentats terroristes dirigés contre des serviteurs de la République par des singes assoiffés du sang de la vengeance, face au silence résigné d’une famille en proie à la douleur et au doute, l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS rappelle que le commandant K. n’a en rien failli en refusant de se rallier au putsch des généraux, que son acte de décès est revêtu à jamais de la mention "Mort pour la France", que le ruban accroché à la boutonnière de son bourreau est entaché pour toujours du rouge de la honte.

    Qu’il me soit permis de saluer le travail accompli par Roger Martin avec cet ouvrage engagé, documenté, à la construction originale et efficace, et inspiré surtout d'un épisode traumatisant de la vie de l'auteur.

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    J’en recommande chaleureusement la lecture, qui permet d’entrer dans l’univers militant d’un écrivain particulièrement courageux et déterminé dans son combat contre l’extrême droite (cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_Martin_%28%C3%A9crivain%29)

    Jean-François Gavoury

    Président de l’Association nationale

    pour la protection de la mémoire

    des victimes de l’OAS (ANPROMEVO)

     

    "Ils l'ont poignardé et achevé au pistolet ces bâtards"

     

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    L'honneur perdu du commandant K.

    Aix-en-Provence 1962. Alors que la Guerre d'Algérie vient de se terminer, le commandant Joseph K. est sauvagement assassiné. Lors du putsch d'Alger d'avril 1961, il n'a pas cédé aux généraux félons, contribuant ainsi à l'échec du coup d'État d'extrême droite qui se préparait... Lui a-t-on fait payer ? Une histoire vraie, racontée par Roger Martin, spécialiste de l'extrême droite...

    Description

    Résumé

    Un roman inspiré d'un épisode de la vie de l'auteur. En 1962, R. Martin a 12 ans lorsque son voisin, le commandant J. Kubasiak, est sauvagement assassiné par l'OAS - un acte motivé par la vengeance. Au moment du putsch d'Alger, en avril 1961, il refusa d'obéir à ses supérieurs, contribuant ainsi à l'échec du coup d'Etat.

    Quatrième de couverture

    Les romans de la colère Quand un auteur se met en colère, il en fait un roman.

    Aix-en-Provence, 1962. Alors que la Guerre d'Algérie vient de se terminer, le commandant Joseph K. est sauvagement assassiné. Lors du Putsch d'Alger en avril 1961, en poste à Blida, il n'a pas cédé aux généraux félons, contribuant ainsi à l'échec du coup d'État de l'extrême droite. Celle-ci ne le lui pardonnera pas... Les puissants sont ingrats, ses assassins seront vite amnistiés, sa mémoire systématiquement salie. Roger Martin revient sur cette tragédie à laquelle, enfant, il a été involontairement mêlé, pour restaurer l'honneur d'un soldat tombé, victime de sa loyauté.

    « Vaucluse, 2013. Cinquante et un ans déjà. J'en ai soixante-trois. Mais, de plus en plus fréquemment et toujours plus insistants, malgré le temps passé, me reviennent, lancinants, mes souvenirs de l'assassinat du commandant K. C'est même devenu une obsession... »

    Roger Martin

    Roger MARTIN : L'honneur perdu du commandant K. " Ils l'ont poignardé et achevé au pistolet ces bâtards... "

    Il ne s’est “rien” passé le 24 juin 1962 

    Lors du putsch du 21 avril 1961, le colonel commandant la base aérienne BA140 de Blida fut interpellé par des hommes de troupe sur sa position personnelle par rapport au putsch ; comme il tardait à répondre, ils le “destituèrent”. Compte tenu de l’indisponibilité du colonel, le commandant Joseph Kubasiak aurait pris le commandement de la base. Les parachutistes du 1er REP de Hélie Denoix de Saint Marc tentèrent de s’emparer de la base, dont les avions Noratlas leur auraient permis d’envoyer des unités vers la France. Ils en furent empêchés par les appelés du contingent ...(1) 

    Une fois les troubles apaisés et le commandement légitime ayant retrouvé sa place, le commandant Kubasiak fut mis aux arrêts de rigueur ; il purgea une peine de prison d’un mois pour prise illégale de commandement, puis il fut mis en retraite anticipée.

    De retour en France, il s’installa à Aix-en-Provence et, le 24 juin 1962, alors qu’il était dans son jardin avec son beau-père, un commando de l’OAS, commandé par Gilles Buscia, vint les assassiner tous les deux, devant sa femme, tandis que ses enfants étaient enfermés dans leur chambre.

    Cinquante ans plus tard, Jacques Lambour, qui était à la base de Blida en avril 1961, nous adresse ce texte d’hommage.

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     La base BA140 de Blida.

    PAGE DÉCHIRÉE, MESSAGE QUI S’ENVOLE AU LOIN

    En ce cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie, foison de témoignages, d’articles, d’ouvrages et documents en tous genres sont mis à disposition du public, des journalistes et des historiens. Après un demi-siècle d’opaque brouillard, l’iceberg apparaît enfin en pleine lumière. Comme tout un chacun, je me réjouis de ce progrès, pourtant je réalise combien la libération de la parole peut aussi provoquer des silences. Tel appelé qui du temps de notre jeunesse avait esquissé un témoignage sur la corvée de bois clôt son propos aujourd’hui en déclarant que la guerre d’Algérie n’est pas sa tasse de thé. Un autre avec qui je pouvais échanger malgré nos divergences sur ce sujet me claque la porte au nez. Moins traumatisant, le dernier en date, qui prêt à témoigner un jour se rétracte le lendemain. La crainte d’être parfois incompris et jugé enfonce encore plus profond la partie immergée de l’iceberg.

    En parallèle, dans un tout autre registre, je note l’occultation d’un fait historique, est-ce le seul, devenu peut être trop gênant. Je veux parler d’une date qui me tient particulièrement à cœur, le 24 juin 1962 (il y a tout juste cinquante ans) la barbare mise à mort du commandant Kubasiak.

    Vers 2010, je découvrais sur la toile que seuls ses assassins parlaient de ce courageux commandant, mais il a fallu le témoignage d’Alain Amsellem pour qu’enfin je me décide d’écrire à mon tour. Pensant alors que d’autres témoignages suivraient. Souvent je vais à la pêche aux renseignements sur Google, mais comme sœur Anne qui ne voit rien venir, je ne vois que ce poignard qui rougeoie et la campagne aixoise qui verdoie.

    Pour ceux qui me tanceraient de citer mes sources je vous renvoie au conte de « Barbe bleue » et à cette autre citation de Gilles Buscia : « En se voyant perdu le commandant Kubaziak se mit à hurler, attirant aussitôt dans le couloir plusieurs membres de sa famille, qui en tentant de s’interposer, empêchèrent le légionnaire de le poignarder avec précision... J’estimai qu’il fallait en finir et j’ouvris le feu sur l’officier qui s’écroula. Je lui tirai alors le coup de grâce, afin de m’assurer de la bonne exécution de ma mission... […]. Je regardai mes hommes les uns après les autres... tous semblaient parfaitement détendus et cependant que l’un des légionnaires essuyait son poignard tâché de sang avec un chiffon sorti d’un sac de plage, les autres semblaient admirer la campagne aixoise, fort belle en cette saison. » (2).

    Dernièrement sur le site « Algérie politique, histoire de l’OAS » je découvre qu’à la date du 24 juin 1962 il ne s’est rien passé. Ce silence questionne : un simple oubli, tout comme une occultation choisie, dénote le peu d’importance attaché à cet événement. Le rôle joué par le commandant Kubasiak à Blida lors du putsch d’Alger serait donc anecdotique, mais alors pourquoi l’avoir liquidé si c’était pour des broutilles ? Cette dernière considération me porte à croire que ce silence correspondrait à la gêne bien compréhensible d’évoquer ce fait d’arme peu glorieux, le mot est faible, pour leurs auteurs. Car même du point de vue d’une logique de guerre juste (que bien sûr je réfute) la liquidation de ce pauvre homme à la retraite rentre plus dans le cadre d’une vengeance gratuite, inutile et dévalorisante que dans celui d’une douteuse stratégie.

    Pour en terminer avec « L’histoire de l’OAS », je ne reproche pas l’esprit partisan de cette étude, mais le silence en ce qui concerne la date du 24 juin 1962. Je ne peux accepter que Joseph Kubasiak soit iniquement condamné une troisième fois.

    La première condamnation stupéfiante et peu connue, lui a été infligée par l’Armée ! Avec la bienveillante indifférence de Pierre Messmer, ministre des armées, voire son aval ? A ce propos on relira le témoignage d’Alain Amsellem.

    La seconde étant ce poignard rougi de son sang.

    La troisième, l’oubli, serait comme le chantait si bien Jean Ferrat, que ce sang sèche vite en entrant dans l’histoire Et même pire, de l’essuyer avec un vulgaire chiffon et de balancer le tout aux poubelles de l’histoire. Circuler il n’y a plus rien à voir.

    C’est ce contre quoi je m’insurge, en aucun cas l’amnistie ne saurait signifier amnésie, vous aurez beau frotter, la clé du cabinet de Barbe bleue sera toujours tachée de sang.

    Le 24 juin 2012

    Jacques Lambour

     

    Pour la paix en Algérie – 1960-1961 : Témoignage d’Alain Amsellem

    Roger MARTIN : L'honneur perdu du commandant K. " Ils l'ont poignardé et achevé au pistolet ces bâtards... "

    Un débat agitait en 1960 les jeunes Français en âge d’aller au service militaire : fallait-il partir faire la « sale guerre » ? Comment, pourquoi être soldat de la France coloniale si l’on croyait juste le combat des Algériens pour leur indépendance ?
    L’histoire, en tout cas, a tranché : ce sont les soldats français du contingent qui ont fait échouer le soulèvement des généraux en 1961 et ainsi hâté la fin de la guerre.

    Aujourd’hui l’Afrique

    Appelé du contingent de la classe 60/4 j'ai effectué mon service militaire dans l'armée de l'air; en effet, au cours de ma scolarité professionnelle à l'école d'Electricité de France de Gurcy-le-Châtel, les élèves avaient obligation de suivre les cours de préparation militaire dispensés par la gendarmerie locale, ce qui avait pour avantage de pouvoir choisir l'arme dans laquelle nous souhaitions servir.

    En ces temps de "pacification en Algérie", je pensais plus sage de choisir l'armée de l'air pour, d'une part éviter les risques personnels et d'autre part, ne pas avoir à participer à des opérations contre la population algérienne dont le combat pour son indépendance me semblait totalement justifié.

    Contrairement à bien d'autres jeunes de mon âge, j'ai eu la chance de ne pas partir directement en Algérie, j'ai suivi les cours d'instruction militaire en Allemagne sur la base aérienne de Bremgarten où , sur huit compagnies, quatre devaient accomplir le service national en Algérie dès la fin des "classes", les quatre autres étant affectées en France.

    Parti de Paris le 17 novembre 1960, je savais dès le lendemain que la compagnie dans laquelle j'étais affecté devait rejoindre le sol algérien au mois de janvier 1961, une fois l'instruction de base terminée.

    Ayant passé et réussi un test pour effectuer une instruction complémentaire de télétypiste à Toulouse, mon départ pour l'Algérie a été retardé au 1er juin 1961, je n'ai donc pas été le témoin visuel de tout ce qui va suivre puisque lors du putsch d'Alger, le 21 avril, j'étais encore dans la ville rose; toutefois, les événements qui s'étaient produits sur la base de Blida où j'ai été affecté et où j'ai passé dix-huit mois, étaient fortement présents dans l'esprit de tous les soldats du contingent pour qu'ils me soient relatés en détail par mes camarades d'Unité ou de chambrée.

    Si l'armée est surnommée à juste titre "la Grande Muette", cela était tout à fait vrai à l'époque des opérations de maintien de l'ordre vis-à-vis de l'extérieur mais aussi vis-à-vis de l'intérieur; les soldats du contingent étaient laissés dans l'ignorance totale du déroulement de l'Histoire et la lecture de nombreux journaux leur était interdite; ainsi, lors de mon débarquement sur le sol algérien j'ignorais tout, ou presque, de ce qui s'y était passé pendant et après le putsch et je n'avais aucune connaissance des affrontements qui avaient opposé la quasi totalité des militaires du contingent et certains militaires de carrière de la base aérienne de Blida aux militaires favorables aux agissements des généraux factieux

    Dès mon arrivée à Blida j'ai très vite compris que les aviateurs du contingent n'étaient pas en odeur de sainteté au sein de la population des pieds-noirs dont les commerçants refusaient, par exemple, de nous servir nous obligeant à faire nos emplettes dans les magasins tenus par des Algériens de souche. Pratiquement jusqu'au mois de juillet 1962, au moment de la grande débâcle des pieds noirs, les aviateurs du contingent ont été continuellement consignés sur la base aérienne pour éviter qu'ils soient victimes d'attentats.

    Cette disgrâce ne m'a plus étonné lorsque mes camarades, acteurs des événements, m'en eurent fait le récit.

    Lors du putsch d'Alger, les parachutistes casernés à Blida ont voulu envahir la base aérienne, mais les hommes de troupe du contingent ont eu une prompte réaction ; toutes les portes de la base ont été fermées et la masse des appelés a fait barrage pour empêcher leur entrée sur ce territoire stratégique; les parachutistes sont restés à l'extérieur des grilles.

    Des négociations ont eu lieu entre les protagonistes et les aviateurs ont proposé d'installer des remorques de camions en quinconce sur les pistes d'envol pour interdire tout décollage et tout atterrissage, ce qui fut fait.

    Tous les moyens de communications étant aux mains des putschistes et, le gouvernement ne recevant que des informations déformées, les militaires de la base de Blida décidèrent d'envoyer un émissaire auprès des autorités; un avion fut affrété et, juste avant son décollage, tous les chauffeurs de camions allèrent dégager la piste pour permettre son envol puis, ils remirent rapidement en place toutes les remorques.

    Le pilote vola au ras de flots pour traverser la Méditerranée afin de ne pas être repéré par les radars; la mission fut réussie et le gouvernement reçut, enfin, des informations fiables sur la situation dans la région d'Alger et de Blida.

    Dans le même temps, le colonel commandant la base était interpellé par le contingent sur la place d'armes de la base, là où chaque jour se faisait le lever des couleurs; il fut sommé de se prononcer sur sa position personnelle vis à vis des factieux et, comme il tardait à répondre, il fut mis en prison instantanément par les hommes de troupe.

    Compte tenu de l'indisponibilité du colonel, le commandant Joseph KUBASIAK qui dirigeait l'Unité volante où j'avais été affecté, l'AAMR, composée de deux avions assurant le fret pour le sud du pays, d'une escadrille d'avions de chasse, de quatre hélicoptères et d'avions de reconnaissance équipés pour la photographie aérienne, prit le commandement de la base.

    Une fois tous les troubles apaisés et le commandement légitime ayant retrouvé sa place, le commandant KUBASIAK, fut mis aux arrêts de rigueur [alors qu' il n’avait fait qu' obéir aux ordres du gouvernement légal].

    Il purgea une peine de prison d'un mois pour prise illégale de commandement puis il fut mis en retraite anticipée.

    De retour en France, il s'installa à Aix-en-Provence et, le 24 juin 1962, alors qu'il était dans son jardin avec son beau-père, un commando de l'OAS vint les assassiner tous les deux. [Aujourd’hui l’Afrique a raconté l’assassinat dans un précédent numéro].
    Profondément choqués par cet attentat, les hommes de son ancienne Unité, hommes de troupe, sous-officiers et officiers on voulu lui rendre hommage; une délégation de l'AAMR, comportant des appelés du contingent a assisté à ses obsèques.

    Notes

    (1) D’après les témoignages d’Alain Amsellem, de Jacques Lambour, ainsi que http://mpoknews.fr/France/Politique....

    (2) Gilles Buscia, Au nom de l’OAS : Requiem pour une cause perdue, éd Alain Lefeuvre, page 103.

    « Racisme dans la police : ceux qui le dénoncent ont " des carrières ralenties, des sanctions disciplinaires "Le racisme ? une question des victimes ou celles des auteurs ? »

  • Commentaires

    1
    Lundi 8 Juin 2020 à 17:49

    Eh bien 'Les Vétustes" ainsi qu'on devrait désigner les tenants de l'idéologie colonialiste et ex militants de l'OAS aujourd'hui rassemblés dans des organisations de nostalgériques s'en prennent à un blog que je considère comme précieux pour la diversité des informations qu'il présente pour la paix et pour l'amitié entre les peuples.

    Ces "Vétustes" sont la partie la plus visible de la masse des racistes et xénophobes qui s'est développée par ces temps de crise socio-économique. Ces idées nauséabondes imprègnent les diverses strates de notre société et une organisation comme la FNACA est traversée elle aussi aujourd'hui par ce courant.

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