• Saint-Brieuc *** Retour d’Algérie : « Comment je suis devenu pacifiste »

    Saint-Brieuc *** Retour d’Algérie : « Comment je suis devenu pacifiste »

    Rémy Cozic a livré son témoignage dans « Guerre d’Algérie, guerre d’indépendance » aux éditions L’Harmattan.

    http://www.lepenthievre.fr/2014/11/06/retour-d%E2%80%99algerie-%C2%AB-comment-je-suis-devenu-pacifiste-%C2%BB/

    Rémy Cozic est membre des « Anciens Appelés d’Algérie et leurs amis contre la guerre ».

    « Vous voulez savoir comment je suis devenu pacifiste ? » Rémy Cozic, 78 ans, ne tourne pas autour du pot. Originaire du centre Bretagne, il a connu tout jeune les affres de la Seconde Guerre mondiale, les violences de l’occupation mais aussi de la libération.

    Adolescent pendant la guerre d’Indochine, il a rencontré à l’âge de 18 ans le quartier-maître Henri Martin qui avait été condamné pour avoir dénoncé la torture. « Il ne serait pas sorti de prison sans les manifestations populaires qui ont pris fait et cause pour lui », se souvient-il. « C’est en allant voir une pièce de théâtre, accompagné d’un ancien résistant, que j’ai découvert son histoire. »

    Rémy Cozic a ensuite rejoint les jeunesses républicaines de France et lorsque la guerre d’Algérie a éclaté, le 1er novembre 1954, il militait clairement contre. « On nous disait : vous avez peur d’y aller… J’étais sursitaire parce que je passais mon diplôme d’instituteur. Mais j’ai été appelé aussitôt titularisé. »

    « J’ai eu une chance inouïe »

    Le jeune instituteur fait ses classes en 1960 dans une section d’artilleurs à la frontière algéro-marocaine. « C’était terrible pour le pacifiste que j’étais d’apprendre le maniement des armes, d’apprendre à tuer… On a été envoyés sur un piton pour surveiller un village regroupé. C’était sinistre mais j’ai eu une chance inouïe. À côté des saloperies qu’elle faisait, l’armée menait aussi des actions humanitaires. Là c’était la construction d’une école. L’instituteur est parti, je l’ai remplacé. »

    Rémy Cozic a publié son témoignage dans le livre « Guerre d’Algérie, guerre d’indépendance » aux éditions L’Harmattan : « Dans ce village quelques centaines de femmes, de vieillards et d’enfants vivotaient dans une misère et un dénuement inimaginables. Où étaient les hommes ? au maquis ? au Maroc voisin ? dans les fosses communes ? »

    Il décrit aussi l’ambiance dans sa section : « Le climat était lourd, délétère, la méfiance permanente entre les groupes qui la composaient : des Français métropolitains, des pieds-noirs, des Français de souche nord-africaine (que je plaignais beaucoup de devoir combattre leurs frères), des harkis… »

    Livré à lui-même pendant 11 mois

    Puis la section est partie, le laissant livré à lui-même pendant 11 mois. « Je refusais de porter une arme en présence des enfants. Un moment j’ai cru qu’on m’avait oublié mais bien vite on m’a rappelé à Oran. J’ai eu une demi-heure pour me préparer. J’ai alors connu une des plus fortes émotions de ma vie d’enseignant. Liani Rachid (13 ans), dont des anciens m’avaient rapporté que son père avait été tué pendant la guerre, l’élève le plus brillant de l’école, a fait se lever tous ses camarades et leur a fait réciter une série de prières. Puis me regardant fixement, dans une attitude proche du garde-à-vous, il me dit d’un ton solennel : « Monsieur, vous êtes un soldat français mais vous nous avez toujours défendus et vous avez été gentil avec nous. Nous demandons à Allah de vous protéger… »

    À Oran, Rémy Cozic a vu des innocents tomber sous les balles mais n’a jamais été directement confronté à la torture, érigée en système. Le général de Bollardière, le père d’Armelle Bothorel (maire de La Méaugon, vice-président de Saint-Brieuc Agglo), s’était opposé au général Massu sur ce terrain.

    Directeur d’école à Ploufragan

    Mars 1962, l’indépendance de l’Algérie est proclamée. La quille pour les appelés. Une humiliation pour les militaires de carrière. Rémy Cozic est devenu directeur d’école à Ploufragan, laissant de côté pour un temps son militantisme.

    Celui-ci a refait surface en 2002 au moment de percevoir sa retraite d’ancien combattant. « J’ai dit à ma femme que je ne voulais pas toucher d’argent pour une guerre de colonisation. Je distribuais ma pension à mes petits-enfants et à des œuvres caritatives. »

    Puis il a eu vent des « Anciens Appelés d’Algérie et leurs amis contre la guerre » qui partageaient ses convictions. « Certains ont vécu des choses horribles Le réalisateur Emmanuel Audrain a réuni tout ça dans un film. Plusieurs voyages ont été organisés pour rencontrer d’anciens maquisards du FLN et des associations en Algérie. C’est quelque chose de voir ces groupes qui se faisaient la guerre fraterniser maintenant, tandis que la réconciliation officielle tarde à venir. »

    « On n’attaque personne »

    Ils sont entre 350 et 400 anciens appelés à reverser l’intégralité de leur pension (environ 650€) au profit de villages algériens : accompagnement de femmes et de jeunes dans la création de micro-entreprises à Tizi Ouzou, plantations, irrigation et transport scolaire en Kabylie, etc. L’association intervient aussi dans le sud Maroc et en Palestine.

    « On ne s’est pas fait que des amis. Pourtant on n’attaque personne. Des gars ont participé à des choses difficiles sur ordre. On respecte toutes les opinions. Certains de nos membres sont aussi adhérents à la FNACA (Fédération Nationale des Anciens Combattants en Algérie, Maroc et Tunisie). Il n’y pas d’incompatibilité. Le conseiller général Jean Le Floch par exemple est aussi à l’UFAC (Union Française des Associations de Combattants et de Victimes de guerre). » 

    Conscient que des crimes épouvantables ont été perpétrés de part et d’autre, Rémy Cozic et ses amis ne jugent ni ne condamnent. Mais sans ambiguïté ils dénoncent la violence sous toutes ses formes et ont fait leur cette maxime : « En chacun de nous il y a un enfant qui pleure. »

    Documentaire : « Retour en Algérie » (2014) est un recueil de témoignages de ces anciens appelés devenus militants pour la paix. Emmanuel Audrain, le réalisateur, est aussi l’auteur du « Testament de Tibhirine » qui a influencé le film « Des hommes et des dieux ».

     

    Saint-Brieuc *** Retour d’Algérie : « Comment je suis devenu pacifiste »

    Rémy Cozic entouré des élèves auxquels il a fait classe pendant 17 mois.

     

    « NON AU 5 DECEMBRE : Sur la route des 8000 lieux et liens du 19 Mars 1962, aujourd’hui à Mesnac (Charente)Cluny (Saône-et-Loire) : L’écrivain-historien Jean-Pierre Gaildraud est venu une nouvelle fois à l’invitation du comité FNACA parler de la guerre d’Algérie »

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