Roger Gavoury lâchement assassiné par l'OAS
(Cité à l'Ordre de la Nation)
(Croix de la Valeur Millitaire avec Etoile d'Argent)
(Chevalier de la Légion d'Honneur)
(Mort pour la France)
Son nom défile sur le Mémorial National à Paris
Le 1er juin 2011.
L’État est resté silencieux à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’assassinat, le 31 mai 1961, de Roger Gavoury dans l’exercice de ses fonctions de commissaire central d’Alger !
Mais des articles ont été publiés dès hier dans L’Humanité ainsi que dans l’édition marignanaise de La Provence.
Il convient de signaler également un post émanant d’un témoin de la guerre d’Algérie, Jacques Cros.
La Marseillaise fait référence à l’événement en dernière page de chacune de ses éditions départementales de ce mercredi.
Le journal L’Union - L’Ardennais devrait y consacrer quelques lignes.
Le Site de la Ligue des Droits de l'Homme de Toulon.
Et bien sûr, l'Ancien d'Algérie ne manquera pas de réserver une place à ce 50e anniversaire.
Fils d'un cadre de la Compagnie des chemins de fer du Nord, Roger Gavoury est né le 7 avril 1911 à Mello (Oise). Il effectue sa scolarité à Senlis et ensuite ses études à Beauvais et à Lille.
Il entre dans la vie active en 1931 comme cadre dans des sociétés bancaires ou commerciales (notamment aux Docks Rémois) avant de se présenter en avril 1936, au concours pour les emplois de commissaire de police stagiaire dans les départements.
Roger Gavoury reçoit sa première affectation de commissaire de police le 21 novembre 1936 à Hazebrouck (Nord) : dans cette commune éprouvée par les bombardements aériens, il se signale par son dévouement lors des événements de mai-juin 1940.
Il est nommé successivement à Sarcelles, Sotteville-lès-Rouen, Rouen-Saint-Sever, Béthune, Mézières-Charleville et La Rochelle.
En mission temporaire au Maroc à compter du 9 août 1955, il est confirmé dans ses fonctions d'adjoint au chef de la sûreté régionale de Casablanca en février 1956. Il se voit confier la responsabilité du service central de la sécurité publique à Rabat en février 1957 et élabore la doctrine relative à l'organisation de la sûreté nationale marocaine.
Il est promu commissaire divisionnaire au lendemain de son installation, le 29 février 1960, dans les fonctions de commissaire central adjoint à Alger.
Il est admis au bénéfice de la croix de la Valeur militaire avec étoile d'argent le 21 avril 1961.
La citation souligne sa participation « très importante à la lutte contre la rébellion ». Elle rappelle qu'il a « payé courageusement de sa personne, au cours des événements de décembre 1960, en se portant constamment aux endroits où la violence des manifestations prenait la forme la plus dangereuse, afin de limiter les heurts entre les communautés ».
Elle se conclut en ces termes : « A suscité, en ces circonstances, l'admiration de son personnel, qu'il a galvanisé par son exemple. »
Dans un ouvrage intitulé « Commissaire de police en Algérie, 1952-1962 », publié en mars 2011 aux Éditions Riveneuve, Roger Le Doussal précise : «S'appuyant sur les CRS, il avait joué un rôle important lors des émeutes musulmanes du 11 décembre 1960 pour éviter que leur répression par des militaires ne tourne au carnage. »
Jugé puis exécuté par l'OAS
Prenant ses fonctions de commissaire central le 23 mai 1961, moins de six semaines après le plasticage de son appartement, Roger Gavoury s'adresse à ses collaborateurs en ces termes : « L'horizon commence à blanchir et bientôt, je l'espère, luira sur l'Algérie l'aube de la paix. Je voudrais, de toute mon âme, être le Central de la pacification, la vraie cette fois, celle des esprits. Je rêve d'une Alger où les hommes s'entr'aiment enfin, sans plus être séparés par des races, des religions ou des mers. »
Tué en service commandé, Roger Gavoury est nommé, à titre exceptionnel, contrôleur général de la sûreté nationale, par arrêté du ministre de l'intérieur du 2 juin 1961.
Le 3 juin 1961, le juge d'instruction d'Alger est saisi d'une note de la police judiciaire ainsi libellée : « Des constatations et des premiers éléments de l'enquête, il ressort que le crime a été commis en raison de l'attitude ferme manifestée par ce fonctionnaire, particulièrement pour maintenir l'ordre à Alger et réprimer les troubles provoqués par les organisations subversives activistes. On peut donc estimer que cet homicide est le fait d'une bande armée en relation avec les insurgés d'avril 1961. »
Le 4 juin 1961, un tract ronéotypé à en-tête « OAS-Sous Secteur Alger-Ouest » est distribué dans les boîtes aux lettres d'Alger précisant que l'Organisation armée secrète avait « jugé » le commissaire divisionnaire Gavoury notamment pour « crime de haute trahison » et « complicité avec le régime » ; il se conclut comme suit : « Un premier avertissement (14 avril dernier - bombe au plastic) n'ayant donné aucun résultat, il a été décidé de procéder à son exécution ».
31 mai 1961: l'OAS tue !
(Un article de Jacques CROS)
Le 31 mai 1961, il y a donc cinquante ans jour pour jour, était assassiné par l’OAS, Roger Gavoury, commissaire central à Alger. C’est sans doute le premier fonctionnaire exécuté par cette organisation fasciste qui s’est créée après l’échec du putsch des généraux félons en avril 1961.
C’est Roger Degueldre, lieutenant déserteur de la Légion Etrangère, chef des commandos Delta, une manière d’escadrons de la mort, qui organisera le crime perpétré contre un serviteur de la République. Il sera arrêté, jugé, condamné à mort et fusillé le 6 juillet 1962 au Fort d’Ivry.
Au Cimetière Neuf de Béziers la stèle érigée à la gloire des tueurs de l’OAS porte son nom avec celui de Bastien-Thiry qui dirigea le 22 août 1962 l’attentat du Petit-Clamart contre le général de Gaulle, président de la République. Bastien-Thiry a été fusillé le 11 mars 1963.Cette stèle porte encore les noms d’Albert Dovecar et de Claude Piegts tous deux fusillés le 7 juin 1962 pour leur participation à l’assassinat du commissaire central d’Alger.
Jean-François Gavoury, le fils de Roger Gavoury, qui avait 10 ans à la mort de son père, est le président de l’ANPROMEVO (Association Nationale pour la Protection de la Mémoire des Victimes de l’OAS). Il vient d’envoyer un courrier à Raymond Couderc, sénateur maire de Béziers pour lui demander, en opposition à un ralliement complaisant aux nostalgiques du colonialisme, de rendre un hommage solennel à ce « fonctionnaire d’élite » cité à l’ordre de la nation le 10 juin 1961.
Il ajoute : « Un tel hommage de votre part sera un premier geste de justice mémorielle adressé aux familles des milliers de victimes de l’OAS : des civils, des élus, des militaires, officiers généraux, officiers ou sous-officiers de carrière et appelés du contingent, des magistrats, des membres des forces de l’ordre, des enseignants, des fonctionnaires, des entrepreneurs, des avocats, des médecins, des employés, des ouvriers, des syndicalistes. »
Nous ne pouvons qu’apporter notre soutien à la démarche de Jean-François Gavoury.
Les obsèques de Roger Gavoury dans la cour de l’Ecole de Police à Hussein-Dey le 3 juin 1961
Jacques Cros
(Un article de l'Humanité)
Il y a cinquante ans, le commissaire d’Alger était le premier fonctionnaire victime de l’organisation. Un événement marqueur.
À quoi servent les commémorations ? À l’heure où, un peu partout en France, l’activisme des nostalgiques de l’Algérie française – et plus largement de la colonisation – retrouve du souffle, les cinquante ans de l’assassinat de Roger Gavoury prennent un relief particulier dans la construction de l’histoire collective. Le 31 mai 1961, le commissaire central d’Alger était le premier fonctionnaire tué par l’OAS. Roger Gavoury est assassiné à coups de poignard dans son studio, alors qu’il dirigeait l’enquête sur les attentats au plastic et sur les complices civils du « quarteron » de généraux à l’origine du putsch d’avril 1961.
Dès le 3 juin, la police judiciaire avertit : « Le crime a été commis en raison de l’attitude ferme manifestée par ce fonctionnaire, pour maintenir l’ordre à Alger et réprimer les troubles provoqués par les organisations subversives activistes. On peut donc estimer que cet homicide est le fait d’une bande armée en relation avec les insurgés d’avril 1961. » Le lendemain, l’OAS distribue un tract dans les boîtes aux lettres afin de justifier son meurtre : le commissaire Gavoury a été « jugé » pour « crime de haute trahison » et « complicité avec le régime ». Ancien commissaire des renseignements généraux en Algérie, Roger Le Doussal considère que Roger Gavoury avait permis d’éviter que la répression des « émeutes musulmanes (…) par des militaires ne tourne au carnage ».
De son côté, l’historienne Anne-Marie Duranton-Crabol, spécialiste de l’extrême droite, note que cet assassinat constitue un « événement marqueur » dans l’histoire naissante de l’OAS ; « le meurtre servait d’avertissement pour tous ceux qui tenteraient de contrer le mouvement clandestin ». Traduits devant un tribunal militaire, ses assassins ont été condamnés à mort et trois d’entre eux ont été exécutés. Jean-François Gavoury, son fils, s’oppose depuis de longues années en justice à l’Adimad, association de combat pour l’Algérie française, à l’origine de l’érection de la stèle de Marignane qui honore notamment les assassins du commissaire.
Merci infiniment :
- à Michel Dandelot pour son article ;
- à Jacques Cros pour son commentaire.
Merci pour la fidélité et la sincérité de leur amitié.
Je ne manquerai pas de réagir à cet anniversaire dans les vingt-quatre heures à venir, une fois "absorbée" l'annonce de la disparition si brutale, si soudaine, si injuste de M. Pierre Audin : place pour lui à la mémoire autant qu'à l'histoire, et puisse l'une se concilier exceptionnellement avec l'autre !