• Soyons clairs *** Un article de Jacques Cros

     

     

    Soyons clairs

    Un article de Jacques Cros

    Soyons clairs *** Un article de Jacques Cros

    J’ai lu l’article signé Sylvie Thénault publié dans l’édition du Monde du samedi 6 février. Naturellement je m’incline devant la compétence de l’historienne. Ceci étant je tiens à reprendre ce que je pense de ce que ressent l’appelé du contingent enrôlé pour la guerre d’Algérie de mars 1960 à avril 1962. Peut-être est-il nécessaire de préciser certains points.

    Je n’ai aucun contentieux avec les Algériens. J’en ai par contre avec les dirigeants de mon pays qui m’ont fait perdre vingt-six mois de ma jeunesse. Fort heureusement pour moi je n’ai pas été spécialement traumatisé par ce que j’ai vécu et le récit que j’en ai fait est plutôt dans le registre picaresque, une façon de me venger de ce que l’institution militaire m’a fait subir.

    Parce que c’est bien d’elle dont j’ai à me plaindre en même temps que de la cécité et la surdité de ceux qui nous gouvernaient. Je souscris donc à l’idée que la guerre mémorielle dans laquelle nous sommes engagés n’est pas un affrontement entre Algériens et Français mais entre les tenants de deux logiques contradictoires, celle du colonialisme et celle de l’amitié et de la paix entre les peuples.

    Pour moi il n’y a jamais eu de confusion à ce sujet. La guerre d’Algérie  pour laquelle j’avais été mobilisé avait pour objectif de perpétuer le colonialisme. Ces convictions étaient déjà ancrées dans mon esprit alors que j’étais sous les drapeaux. Je me suis efforcé de les défendre à la mesure des moyens qui étaient les miens, y compris en prenant quelquefois des risques, notamment lors du putsch d’avril 1961 ou le 19 mars 1962, jour d’entrée en vigueur du cessez-le-feu.

    Les circonstances ont fait que je n’ai pas eu à participer à des exactions ni même à en être témoin direct. J’ai par contre vu la misère ambiante des autochtones et le racisme qui n’épargnait guère les soldats du contingent.

    Mais je n’ai pas de repentance particulière à exprimer même si je n’ai pas dû être parfait dans les longs mois que j’ai endurés. Je suis en fait victime et non coupable et à titre personnel il serait juste qu’en matière d’excuses j’en reçoive et non que je n’en présente.

    Reste le jugement que l’on peut porter sur le rapport de Benjamin Stora. J’accepte l’idée qu’il y a des omissions et des insuffisances. La question de l’OAS par exemple est occultée. Celle des appelés du contingent mériterait un développement plus complet. Les conséquences de l’idéologie colonialiste dans le contexte de crise que nous subissons pourraient être traitées de manière plus déterminée. Le néo-colonialisme qui caractérise les relations mondiales actuelles pourrait être abordé. La finalité même du fonctionnement de notre société fondé sur la suprématie militaire devrait être dénoncée.

    Ceci étant je considère que ce rapport présente les dimensions injustes et violentes du colonialisme et de la guerre qui voulait le faire durer. Il y a une avancée qui mérite d’être exploitée. Cela est en rupture avec le black-out qui a accompagné les années qui ont suivi la fin de la guerre d’Algérie et l’accès des Algériens à leur indépendance. A nous de nous en saisir et ce quelles que soient les motivations de celui qui a commandé le travail de mémoire.

    Jacques CROS

    Sylvie Thénault : sur la guerre d’Algérie

    « parler de “réconciliation”

    n’a pas de sens »

    Soyons clairs *** Un article de Jacques Cros

    L’historienne fait part de ses divergences, dans une tribune au « Monde », avec les analyses de Benjamin Stora dans le rapport sur « les questions mémorielles » remis en janvier à Emmanuel Macron.

    La commande à Benjamin Stora du rapport sur « les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie » repose sur un présupposé : la « guerre d’Algérie » serait l’objet d’une « guerre des mémoires » qu’une « réconciliation » franco-algérienne devrait apaiser. Il y aurait donc une fracture dans l’approche de ce passé, opposant Français et Algériens.

    Ce n’est pas ce que raconte l’histoire de la guerre. En Algérie comme en France, les sociétés ont connu des clivages profonds, parfois violents, qui ont transcendé les appartenances nationales. Cette guerre n’a pas mis en présence des Français et des Algériens unis face à face, ni incapables de converger.

    Des « Européens », dans la taxonomie coloniale, ont lutté pour l’indépendance selon une conception de la nation algérienne ouverte à leur égard ; des Français ont dénoncé la torture en invoquant la République et ses valeurs quand d’autres défendaient l’œuvre coloniale ; des anticolonialistes français et des nationalistes algériens ont partagé un idéal révolutionnaire, internationaliste ; des indépendantistes se sont entre-tués. Aucune homogénéité, aucun unanimisme, donc ; cette guerre a mis les nations à l’épreuve. Rien n’est plus faux que de la penser en affrontement de deux blocs nationaux.

    Le politique pour champ de bataille

    Ce n’est pas non plus ainsi que les mémoires individuelles se sont construites. En France, les recherches démontrent la multiplicité des appréhensions de ce passé par les générations postérieures, les témoins disparaissant au fil du temps. Tout est possible : de la réappropriation la plus vive à l’indifférence totale, en passant par une vaste gamme complexe. La remémoration n’est pas toujours douloureuse, ni publique. Elle exprime souvent une demande d’histoire, à des fins de compréhension et non de revanche.

    (La suite réservée aux abonnés du quotidien Le Monde...)

     

     

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