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TRIBUNE. Victimes des essais nucléaires : pour la France et l'Algérie, « le temps est venu d'agir vite »
TRIBUNE. Victimes des essais nucléaires : pour la France et l'Algérie, « le temps est venu d'agir vite »
Jean-Marie Collin
coporte-parole de ICAN France
Patrice Bouveret, Directeur de l’Observatoire des armements
Merzak Remki, Ex-Commissaire à l'énergie atomique
Alors que les deux gouvernementS doivent se réunir à Alger ce 9 et 10 octobre, Jean-Marie Collin d'ICAN France, Patrice Bouveret de l'Observatoire des armements et l'ex-commissaire à l'énergie atomique Merzak Remki soulignent l'urgence de reconnaître et indemniser les victimes des essais nucléaires français en Algérie.
Voici leur tribune. « Les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron ont relancé, le 27 août dernier, le partenariat entre la France et l’Algérie pour « appréhender l’avenir dans l’apaisement et le respect mutuel ». Cette volonté devrait se traduire par de nouvelles annonces avec la tenue du Comité intergouvernemental de haut niveau, à Alger ces 9 et 10 octobre, qui réunira les gouvernements des deux États. N’ayant pas été abordée lors de la rencontre entre les deux Présidents, ce nouveau rendez-vous doit marquer un tournant décisif pour résoudre la question des conséquences des essais nucléaires que la France a réalisés en Algérie et qui impactent jusqu’à aujourd’hui encore la population locale.
La France a réalisé entre 1960 et 1966, dans le sud algérien, sur les sites de Reggane et d’In Ekker, un total de 17 essais nucléaires atmosphériques et souterrains. Parmi les 13 essais nucléaires souterrains effectués à In-Ekker, deux incidents importants (Béryl et Améthyste) ont provoqué un très grand rejet de lave en dehors de la montagne, qui reste localement fortement contaminée. En plus des essais nucléaires, une quarantaine d’explosions ont également été réalisées à Reggane (Adrar) et à Tan Ataram (Tamanrasset), utilisant de faibles quantités de plutonium, mais ne provoquant pas de dégagement d’énergie nucléaire.
Force est de constater qu’à ce jour, la situation sanitaire et environnementale dans ces régions du Sahara demeure toujours autant préoccupante.
Suite à une importante mobilisation, la France a reconnu, avec la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, qu’ils n’avaient pas été « propres », tant ceux effectués en Algérie qu’ensuite en Polynésie. Il a ainsi été admis que des personnes (populations civiles, ouvriers, militaires, scientifiques…), présentes lors de ces essais dans le Sud Algérien, avaient été atteintes par des maladies radio-induites.
La loi française impose au demandeur de l’indemnisation de satisfaire à des critères très difficiles à remplir, pour faire reconnaître son statut de victime. Il doit notamment démontrer sa présence dans une zone géographique de retombées des essais, lors d’une période pendant laquelle elles ont eu lieu et souffrir d’une des 23 maladies listées par décret.
Malheureusement, depuis 2010, un seul ressortissant algérien a été indemnisé sur les 723 personnes reconnues comme victimes par le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN). Cette situation démontre un grave problème. Par ailleurs, cette loi n’a toujours pas été retranscrite en arabe (alors qu’elle est disponible depuis 2018 en langue polynésienne), restreignant aussi son accès à une large population.
Depuis 2010, un seul ressortissant algérien
a été indemnisé sur les 723 personnes
De plus, nous savons que les générations actuelles — et futures si aucune mesure de réhabilitation n’est mise en œuvre — continuent d’être impactées par les conséquences de ces essais. En effet, suite à nombreux témoignages et recherches (cf. notamment l’étude de ICAN France et de l’Observatoire des armements « Sous le sable, la radioactivité ! Les déchets des essais nucléaires français en Algérie : analyse au regard du traité sur l’interdiction des armes nucléaires », publiée par la Fondation Heinrich Böll, 2020), il est reconnu que la France a volontairement enterré divers déchets contaminés par la radioactivité sur les sites d’essais. À ces déchets, il doit être ajouté les matières radioactives (sables vitrifiés, roches contaminées) issues des explosions nucléaires atmosphériques présentes sur les sites de tirs « Gerboise » et sur une large partie d’un flanc de la montagne Taourirt Tan Afella à In Ekker.
L’Algérie, de son côté, a engagé une autre étape dans le cadre du processus de prise en charge au niveau national de cette question, en créant le 31 mai 2021, l’Agence nationale de réhabilitation des anciens sites d’essais et d’explosions nucléaires français dans le Sud algérien.
Mais si les deux États ont bien conscience de l’existence de cet « héritage radioactif » depuis de nombreuses années, nous observons malheureusement une absence de progrès tangibles dans l’avancement de cet important dossier.
Le temps est venu d’agir vite, en pleine coopération et sans tabou, comme l’ont souligné les présidents Tebboune et Macron.
La cinquième session du Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN), qui va se réunir ces 9 et 10 octobre, sera-t-elle l’occasion d’annonces concrètes ? En effet, ce comité, lancée en 2013, comporte depuis le début un volet lié aux essais nucléaires, mais la lenteur est une nouvelle fois à souligner. La première réunion le 3 février 2016 du groupe de travail mixte sur l’indemnisation des victimes algériennes des essais nucléaires français, n’a affiché comme seule perspective que « de créer un dialogue spécifique dans les meilleurs délais ».
Il doit ainsi être dressé, lors de ce CIHN, un plan d’action, rendu public, comportant notamment pour la France, un accès facilité aux Algériens à la loi Morin et la remise aux autorités algériennes de toutes les archives sur les conséquences des essais et sur les déchets enfouis sur place. L’Algérie peut matérialiser sa volonté d’action via son ministère de la santé en établissant un registre des cancers pour les habitants du sud algérien et via son Agence de réhabilitation en lançant officiellement des études pour assainir les zones radioactives.
Le temps est venu d’agir vite
Il reste à l’Algérie, qui a été parmi les premiers pays à avoir signé en 2017 le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), à entamer son processus de ratification du Traité. Cela lui permettra de disposer d’une coopération internationale pour la remise en état de l’environnement des zones contaminées.
Les parlementaires des deux pays ont aussi un rôle à jouer en établissant un groupe de travail mixte pour suivre au plus près du terrain et des populations le calendrier et les travaux réalisés. Les ONG, universitaires, journalistes et acteurs locaux doivent aussi être associés à ce plan global d’action, pour permettre sa mise en œuvre au bénéfice des populations impactées. »
La liste des signataires
1. Jean-Marie Collin, coporte-parole de ICAN France
2. Patrice Bouveret, Directeur de l’Observatoire des armements
3. Merzak Remki, Ex-Commissaire à l'énergie atomique
Mais, hélas, ce n'est pas à l'ordre du jour de la visite Elisabeth Borne et presque tout son gouvernement à partir d'aujourd'hui en Algérie.
Dialogue France-Algérie : Élisabeth Borne se rend dans le pays avec presque tout son gouvernement
La Première ministre, Élisabeth Borne, emmène presque tout son gouvernement à Alger ce dimanche pour concrétiser la relance du dialogue bilatéral.© UGO AMEZ/SIPA
Onze ministres de plein exercice, quatre ministres délégués et une secrétaire d’État côté français. C’est du jamais-vu pour un Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN), le cinquième depuis 2012 entre Paris et Alger. La délégation comprendra également l’ambassadeur de France pour la Méditerranée, Karim Amellal, un proche d’Emmanuel Macron et de l’historien Benjamin Stora, qui avait préparé la visite présidentielle de la fin août.
Objectif du CIHN 2022 : mettre en pratique la feuille de route née de la déclaration d’Alger qu’Emmanuel Macron avait signée avec son homologue avant que ce dernier, apparemment ravi, fasse escorter l’Airbus présidentiel de retour vers Paris par quatre Sukhoi Su-30 jusqu’aux portes de l’espace aérien algérien. Un honneur rare qui traduisait bien les espoirs de part et d’autre dans ce « nouvel élan » de la relation franco-algérienne.
Flux migratoire
D’où la difficulté de la mission d’Élisabeth Borne dimanche et lundi à Alger. Car il faut entrer dans le dur afin de concrétiser les ambitions. Si certains des points font partie de la coopération classique, à l’image des partenariats recherchés dans le domaine économique – ce sera l’objet d’un forum d’affaires avec des PME-ETI emmenées sur place par Business France –, d’autres dossiers sont plus compliqués.
À commencer par les flux migratoires : Gérald Darmanin refuse d’assouplir le volume de visas pour les Algériens tant que le gouvernement d’Alger refuse de reprendre ses ressortissants faisant l’objet d’une mesure d’expulsion du territoire français. Jusqu’à l’été dernier, on arguait à Alger de l’obligation d’un test Covid négatif pour les expulsés et, comme ces derniers s’y refusaient, le processus était paralysé. « Nos préoccupations sur la réadmission des étrangers en situation irrégulière font encore l’objet de discussions avec Alger, et elles n’ont pas encore abouti au moment où on se parle », confiait-on à Matignon en milieu de semaine.
Devoir de mémoire
Autre dossier sensible, celui du Sahel. Il en sera débattu avec la cheffe du Quai d’Orsay, Catherine Colonna, et son alter ego, mais son volet militaire et renseignement fera l’objet d’une visite à part du ministre des Armées, Sébastien Lecornu.
Sur les enjeux de mémoire qui empoisonnent la relation depuis si longtemps, les deux présidents s’étaient accordés sur la mise en place d’une commission mixte d’historiens chargée d’étudier en commun l’époque de la colonisation française de l’Algérie. À Paris, selon nos informations, la composition de l’équipe française est déjà prête. Elle devrait être parrainée par Benjamin Stora et pilotée par le chercheur Tramor Quemeneur, un spécialiste de la guerre d’Algérie qui a travaillé à ses débuts sur les déserteurs de l’armée française.
Création cinématographique
À Paris, on était très impatient de connaître ses partenaires algériens pour discuter de l’ouverture des archives algériennes, par exemple sur les nationaux des deux camps disparus pendant la guerre ou sur l’histoire du FLN et de ses luttes fratricides contre les mouvements dissidents. Il ne serait pas impossible que les noms des historiens algériens soient dévoilés à la dernière minute au cours de cette visite, ou tout du moins celui du chef de l’équipe, car ce projet d’une commission mixte est d’abord le souhait du président algérien, rappelle-t‑on à Paris.
Dans le secteur de la culture, les choses pourraient avancer plus rapidement. Au sixième point de la déclaration d’Alger figurait « le développement conjoint de filières cinématographiques à travers la mise en place d’espaces de création contemporaine communs, de studios et de formation aux métiers du cinéma ». L’un des premiers exemples de cette coopération pourrait se vérifier dans le film que le réalisateur juif pied-noir Alexandre Arcady tourne actuellement, nous confie son entourage. Le Petit Blond de la Casbah, adapté de l’autobiographie du metteur en scène du Grand Pardon et du Coup de sirocco, devrait voir certaines de ses scènes filmées à Alger dès le début du mois de novembre.
« 17 ministres français en Algérie : Jusqu'où ira la France pour le gaz algérien ?Elisabeth Borne en Algérie pour donner une "impulsion nouvelle" au rapprochement franco-algérien »
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Commentaires
Il y a plusieurs problèmes à régler : 1- l'indemnisation des victimes, qu'elles soient françaises ou algériennes ; 2- La réhabilitation des sites sur lesquels les essais ont eu lieu ; 3-En finir avec les armes nucléaires et signer au plus tôt le TIAN