A Gaza, des bombardements
et des souffrances sans précédent
Dans la nuit de vendredi à samedi, l’offensive d’Israël a redoublé dans la bande de Gaza plongée dans le noir. Crédit: AFP.
Communications coupées et destructions d’une ampleur inouïe : l'enclave palestinienne plongée dans le noir a vécu au rythme des explosions et des incendies incessants déclenchés par les raids nocturnes israéliens. Les ONG indiquent avoir perdu tout contact sur place, tandis que les familles d'otages détenus par le Hamas s'inquiètent pour leurs proches.
Dans la nuit qui a suivi le vote, vendredi, d’une résolution – non contraignante – de l’Assemblée générale des Nations Unies, à l’initiative de la Jordanie (120 pour, 14 contre, 45 abstentions), réclamant une trêve immédiate, l’offensive d’Israël a redoublé dans la bande de Gaza, tandis que se dérouleraient de nombreux combats au sol à Beeit Hanoun et Bureij, selon le Hamas. L’armée israélienne a expliqué avoir visé des infrastructures souterraines à but terroriste. Le chef présumé des attaques du 7 octobre, selon Israël, Asem Abu Rakaba, responsable des opérations aériennes du Hamas, aurait été abattu dans la nuit de vendredi à samedi par un raid israélien. De son côté, le mouvement islamiste fait état de « centaines d’immeubles et de maisons entièrement détruits et des milliers d’autres endommagés ».
Vendredi soir, le porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari, a annoncé que ses forces s’apprêtaient à étendre l’offensive terrestre sur la bande de Gaza, laissant redouter le déclenchement d’une vaste opération de combats au sol, au-delà des « incursions » menées ces derniers jours. Samedi matin, il a déclaré que « les troupes israéliennes sont toujours sur le terrain et continuent la guerre », assurant qu’elles n’auraient subi « aucune perte » durant la nuit.
De leur côté, les parents des 229 otages détenus par le Hamas vivent dans l’angoisse, après cette nuit de bombardements : « Les familles sont inquiètes du sort de leurs proches et attendent une explication. Chaque minute qui passe semble une éternité. Nous demandons au ministre de la défense Yoav Gallant et aux membres du cabinet de guerre de nous rencontrer », ont-ils indiqué. De son côté, l’armée israélienne a prévenu que la nuit prochaine à Gaza pourrait être aussi destructrice que la précédente.
Les ONG sans nouvelles
Les communications et Internet ont été coupés sur tout le territoire de l’enclave palestinienne. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), des ONG comme Amnesty International et Médecins sans frontières ou encore l’organisation humanitaire du Croissant-Rouge palestinien n’ont plus de contact avec la bande de Gaza. Les bombardements « par air, mer et terre » sont « les plus violents depuis le début de la guerre », selon la communication du Hamas, qui a rétorqué par des salves de roquettes sur Israël. « Sans un changement fondamental, la population de Gaza va subir une avalanche sans précédent de souffrance humaine », a alerté le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, alors que de nombreux civils palestiniens sont toujours présents dans les zones ciblées par Israël. Certains habitants n’ont jamais quitté leur foyer, d’autres sont revenus dans le nord après avoir constaté que les frappes aériennes continuaient de pleuvoir sur les villes du sud.
La situation humanitaire sur place est désastreuse : en six jours, 74 camions d’aide sont parvenus, depuis l’Égypte voisine, dans la bande de Gaza, soumise à « un siège complet » qui prive ses 2,4 millions d’habitants d’eau, de nourriture et d’électricité, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA). À titre de comparaison, 500 camions journaliers entraient, avant le conflit, à Gaza, déjà soumis à un blocus israélien depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas en 2007.
Les hôpitaux au cœur du conflit
Autre sujet d’inquiétude, le sort des hôpitaux palestiniens et de leurs personnels et patients, qui sont l’un des enjeux de l’offensive en cours, laissant craindre qu’ils soient pris pour cibles. D’après l’AFP, les bombardements les plus violents de la nuit se seraient concentrés aux abords de l’hôpital Al-Shifa, à Gaza, et d’un autre situé plus au nord, à Jabaliya. Selon Daniel Hagari, porte-parole de l’armée israélienne, le Hamas mènerait « la guerre depuis les hôpitaux » de la bande de Gaza. « Il y a du carburant dans les hôpitaux et le Hamas l’utilise pour son infrastructure terroriste, a-t-il ajouté. Les hôpitaux sont utilisés comme centres de commandement et comme caches. » Il a répété que la population de Gaza serait utilisée comme « bouclier humain ». « Les allégations du porte-parole de l’armée de l’ennemi sont dénuées de tout fondement », a répondu dans un communiqué un dirigeant du Hamas, Ezzat al-Risheq.
Voilà trois semaines qu’Israël a fermé toutes les voies de ravitaillement menant à la bande de Gaza, ne laissant que quelques convois entrer à partir de l’Égypte, au sud. Mais le carburant, qui manque cruellement au fonctionnement des stations de dessalinisation et aux générateurs des hôpitaux, est toujours formellement interdit par le gouvernement de Benyamin Netanyahou.
L’appel d’Emmanuel Macron ignoré
La voix du président français, Emmanuel Macron, semble pour l’heure totalement ignorée. Il a appelé vendredi à une « trêve humanitaire » dans la guerre entre Israël et le Hamas pour « organiser la protection » des populations civiles dans la bande de Gaza, à l’issue d’un sommet européen à Bruxelles. « Nous reconnaissons totalement le droit et la volonté légitime de lutter contre le terrorisme. Nous sommes prêts à y apporter notre aide. Mais nous considérons que le blocus complet, le bombardement indifférencié et plus encore la perspective d’une opération massive terrestre ne sont pas de nature à protéger comme il se doit les populations civiles. (…) Une trêve humanitaire est aujourd’hui utile pour pouvoir protéger ceux qui sont sur le terrain, qui ont subi des bombardements », a déclaré le chef de l’État lors d’une conférence de presse.
Les partis de gauche ont condamné l’intensification des bombardements sur Gaza. « Le gouvernement israélien ne peut pas bombarder aveuglément les civils », a déclaré le premier secrétaire du PS, Olivier Faure en réclamant un cessez-le-feu. Pour son homologue des Verts, Marine Tondelier, la « stratégie d’Israël (est) que l’on ait peu et bientôt plus d’images de ce qu’il se passe sur place », a-t-elle dénoncé. Selon le fondateur de LFI, Jean-Luc Mélenchon, « un massacre de masse est en cours à Gaza. (…) Ce moment de l’histoire est la honte à jamais pour les criminels qui le commettent, pour ceux qui les soutiennent inconditionnellement, pour ceux qui laissent faire et pour ceux qui ont peur de protester ». Quant au secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, il a laissé éclater sa « colère face à l’intensification des bombardements sur Gaza et le massacre de masse qui s’opère sur les hommes, femmes, enfants. Colère aussi face à l’inaction coupable et le silence complice de la France et de l’Union européenne qui laisse ce massacre se perpétrer ».
L’interdiction de la manifestation prévue à Paris, ce samedi, à 14h30, par un collectif d’organisations en solidarité avec la Palestine, a été confirmée par le tribunal administratif, en raison de « risques de troubles à l’ordre public », arguent les magistrats.
Plus de 40 morts la nuit dernière, selon le Hamas
Selon le bilan quotidien dressé par le ministère de la Santé du Hamas, 7 703 personnes, dont plus de 3 000 enfants, auraient été tuées dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre avec Israël. Parmi ces victimes, 42 personnes auraient succombé dans les bombardements de la nuit dernière. Et environ 19 000 personnes ont été blessées depuis le déclenchement des frappes israéliennes, le 7 octobre, en représailles aux attaques sans précédent du mouvement islamiste palestinien du Hamas sur son territoire.
Un sondage publié vendredi révèle par ailleurs que la moitié des Israéliens sont favorables à un report de l’offensive terrestre à Gaza, tandis qu’un peu plus d’un quart d’entre eux pensent que l’armée israélienne devrait lancer l’offensive immédiatement. À la question de savoir si l’armée devait immédiatement passer à une offensive terrestre de grande envergure, 29 % des Israéliens ont répondu par l’affirmative, tandis que 49 % ont déclaré qu’il valait mieux attendre, 22 % se disant indécis.
SOURCE : A Gaza, des bombardements et des souffrances sans précédent (humanite.fr)