Pendant les 132 ans de colonisation de l’Algérie les autochtones étaient considérés comme des citoyens de seconde zone, 61 ans après la fin de la guerre d’indépendance on parle toujours de citoyens de seconde zone dans les banlieues en France.
Pendant 61 ans tous les présidents de la République n’ont rien fait pour que le mot « égalité » existe aussi dans les banlieues françaises et c’est pourtant là le fonds des problèmes.
Michel Dandelot
À la marche blanche pour Nahel :
« Les violences policières sont quotidiennes
dans les quartiers »
Au moins 6 000 ont participé à la marche blanche à Nanterre, le 29 juin 2023. © AFP
Plus de 6 000 personnes ont pris part à la marche blanche organisée en hommage à l’adolescent tué mardi par un policier et pour demander la fin de l’impunité policière. Des tensions ont émaillé le parcours du cortège.
« La police est raciste et tue nos enfants », proclame une pancarte brandie au milieu de la foule, qui s’agglutine peu à peu autour du camion de tête, au départ de la marche blanche organisée en hommage à Nahel, dans le quartier Picasso, à Nanterre.
La mère de l’adolescent, cheveux blonds et poing levé, monte sur la plateforme sous les bravos. Sur son tee-shirt blanc, « Justice pour Nahel », ainsi que la date où l’adolescent a été tué par un policier à l’occasion d’un contrôle routier, mardi 27 juin.
Claudia, une mère de famille parisienne, pense à ses deux garçons et ne décolère pas. « C’est extrêmement important pour moi d’être là parce qu’ un jeune a été tué alors que le policier n’était même pas menacé. Même si le jeune avait fait une bêtise, il méritait peut-être d’être sanctionné mais pas d’être tué. Perdre son fils dans ces conditions, c’est abominable. »
Femmes, jeunes, vieux barbus en chemise à fleurs, militants de gauche, habitants de Nanterre ou pas… Plus de 6 000 personnes ont pris part à la manifestation. Une foule hétéroclite s’avance lentement vers le rond-point jouxtant la préfecture et la place des Droits de l’homme. Les slogans « Police assassin » ou « Tout le monde déteste la police » sont repris en chœur.
« C’est un moyen sain d’exprimer sa colère
et sa frustration »
Deux jeunes mamans poussent leurs poussettes, sur lesquelles elles ont apposé des pancartes « Repose en paix Nahel ». « Je suis ici pour soutenir la famille mais aussi parce que c’est un exutoire. C’est un moyen sain d’exprimer sa colère et sa frustration », témoigne un jeune homme aux ongles bleus.
« Quand on marche pour Nahel », lance Assa Traoré, « on marche pour tous », lui répondent les manifestants. « Aujourd’hui, on va changer les choses », lance la jeune femme, devenue égérie de la lutte contre les violences policières depuis la mort de son frère, Adama, en juillet 2016.
La colère des habitants du quartier où habitait la victime est encore plus forte. Une mère évoque le traumatisme de son fils, scolarisé dans la classe de Nahel. « Il faut qu’ils arrêtent de tuer nos enfants. Le policier aurait pu tirer sur le pneu », estime-t-elle. « C’était un fils unique, qui aidait bien sa maman », lance sa voisine, une vieille femme noire aux cheveux blancs. Elle déplore la présence de la police dont elle estime qu’elle génère de la violence et s’inquiète pour la suite.
« Ce n’est pas un cas unique, cela se passe partout »
Sans surprise, la dimension discriminatoire est soulignée par de nombreux manifestants. « Fondamentalement, cela dit que nous sommes un pays raciste. Ce sont toujours les mêmes populations qui sont visées. Les fils de Zemmour et de Morano, quand ils font des accidents de la route, la police ne leur tire pas dessus. Ici, la police a carte blanche. Il y a vraiment une stratégie d’intimidation, la volonté de soumettre », analyse Rita.
Cette réalité, la cinquantenaire, militante à FI, l’a découverte lors de la mobilisation des gilets jaunes. « C’est à ce moment que j’ai compris que ces violences policières sont quotidiennes dans les quartiers », explique-t-elle.
« Sous le choc », Waffa, assistante sociale et habitante de longue date de Nanterre, estime que « le combat ne s’arrête pas à Nanterre et à ce cas précis. On en a ras le bol de la violence, mais pas que. Nous sommes mis de côté, stigmatisés. Nos quartiers sont à l’abandon. On n’a pas d’infrastructures, pas de police de proximité pour lutter contre l’insécurité au quotidien, et quand elle vient, elle tue. »
Pour de nombreuses personnes rassemblées en soutien à la mère de Nahel, il faut aller au-delà de ce drame. Hadib et Corallia arborent une pancarte, « Marseille présent pour Nahel ». Installés depuis un an dans la capitale, les deux Marseillais insistent : « Ce n’est pas un cas unique, cela se passe partout. On espère que ça sera la dernière, mais on n’est pas vraiment optimistes. »
Nahim, qui a grandi dans un quartier populaire de la périphérie de Nantes, avoue être lui aussi habitué aux abus de la police. « Malheureusement, les choses ne changent pas, déplore le gestionnaire de patrimoine de 26 ans. Ce que l’on souhaite, c’est une vraie réforme de la police. Il faut changer l’IGPN pour avoir un vrai contrôle indépendant et puis modifier les règles. Nous ne sommes pas stupides. On a bien vu que les morts se sont multipliés depuis la réforme de 2017. » Mais lui non plus n’est pas optimiste. « J’ai peur que rien ne change et que le mouvement de réaction conforte le pouvoir qui va arguer qu’il y a des violences pour ne rien faire. »
En arrivant devant la préfecture des Hauts-de-Seine, la tension monte d’un cran. Quelques policiers sortis sur une terrasse de l’immense bâtiment de béton se font huer. Une partie des manifestants s’agglutine devant les grilles du bâtiment officiel.
Le son des premiers tirs de grenades lacrymogènes claque aussitôt. Certains manifestants refluent dans les rues adjacentes, les incidents commencent. En fin d’après-midi, la ville a des allures de camp retranché : des vitrines cassées, des feux allumés un peu partout, des petits groupes courent ici et là dans la brume des lacrymogènes.