Il s’était confié à France 3
dans un documentaire
sur les chibanis d'Algérie : Ahcene Allouche
est décédé
Monsieur Allouche, qui s'était confié à France 3 dans un documentaire sur les chibanis, est décédé. • © FTV / Karen Cassuto
Il s'était confié à France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur, dans le documentaire "chibanis, l'éternel tiraillement" diffusé le 28 septembre 2022. Ahcene Allouche est décédé presque un an plus tard.
À Marseille, ils font largement partie du paysage. Les chibanis, des "immigrés âgés, souvent maghrébins, venus travailler en France durant les Trente Glorieuses", d'après la définition du dictionnaire Le Robert, se sont confiés à une équipe de France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur durant l'été 2022.
Le documentaire de 24 minutes, intitulé "Chibanis, l'éternel tiraillement" a été diffusé le 28 septembre 2022, dans l'émission "Enquête de région", consacrée à la mémoire de l'indépendance algérienne. Il commençait par le témoignage de Monsieur Ahcene Allouche, dans son petit appartement du quartier de Belsunce, au sein d'un foyer Adoma.
"La France nous a fait du mal pendant la guerre. Mais après, la vie tourne. Maintenant on vit toujours en France, on aime la France encore."
Ahcene Allouche
"Chibanis, l'éternel tiraillement", France 3 Paca
Monsieur Allouche avait quitté sa Kabylie natale pour Marseille l'année de l'indépendance : en 1962. Veuf, une partie de sa famille vivait en Algérie.
Mort quatre jours avant ses 80 ans
Ahcene Allouche est décédé d'une crise cardiaque, à l'âge de 79 ans, dans la nuit de mercredi 2 à jeudi 3 août 2023 annonce sa famille. Il allait avoir 80 ans le lundi 7 août. Il est mort dans son sommeil, à Marseille. Son corps a été rapatrié en Algérie.
"Chibanis, l'éternel tiraillement" de Sonia
Boujamaa, Karen Cassuto et Alice Panouillot
Son visage et son message ont été immortalisés. Plus de 300 000 personnes ont regardé et 900 ont commenté, sur YouTube, ce documentaire qui rend hommage à une génération d'hommes en train de disparaître.
« L'Algérie serait plus belle sans les
bougnouls ». La fille d'un tortionnaire
témoigne des crimes de son père
Isabelle Vaha a 66 ans aujourd'hui. «J’ai longtemps eu l’impression que les crimes de mon père se voyaient sur moi», confie-t-elle.
En 132 ans de présence en Algérie, le colonisateur français a commis toutes les atrocités possibles ; imaginables et inimaginables. Exécutions sommaires, villages et hameaux brûlés, torture et déportation étaient le quotidien des Algériens. Ces violences inouïes se sont surtout accentuées pendant la guerre de libération. D'un côté, un peuple aux armements rudimentaires et de l'autre une puissance lourdement armée.
Sur ce plan, il n’y a pas photo, la France avait le dessus. Cependant, les Algériens ont montré une résistance qui a déconcerté l'armée française. Cette armée, pour garder ce pays africain sous sa coupe, a usé de tous les moyens, légaux et illégaux. Pendant cette guerre, la torture n'était pas une exception. Elle était la règle, selon les témoignages d'Algériens, mais aussi de Français qui ont participé à cette guerre. Plus de 61 ans après l'indépendance de l'Algérie, des témoignages continuent de confirmer les pratiques de l'armée française.
Isabelle Vaha est parmi les personnes qui ne veulent pas se taire devant les atrocités de cette guerre. Elle témoigne dans Le Parisien sur la torture commise par son propre père. Cette assistante sociale passionnée d’histoire est aujourd’hui retraitée. Et ce n'est qu'après quarante ans qu'elle a pu mettre les mots sur ce qu'elle a vécu et sur les actes commis par son père légionnaire pendant la guerre d'Algérie.
« Il y avait des cadavres, des corps mutilés, des scènes de tortures… Et mon père, qui posait l’air triomphant au milieu de toute cette horreur ».
Dans son témoignage, la retraitée souligne qu'elle n'avait que 8 ans lorsqu’elle découvre, par hasard, les exactions commises par son père. Elle raconte qu'en l’absence de ses parents, elle ouvre une boîte et y trouve des photos. La fillette tombe donc sur une série de clichés pris en Algérie. Des photos d’une violence inouïe. « Il y avait des cadavres, des corps mutilés, des scènes de tortures… Et mon père, qui posait l’air triomphant au milieu de toute cette horreur », indique Isabelle Vaha. C'est l'une de ces photos qui choque le plus la petite fillette. « On le voyait fier et satisfait, à côté de têtes coupées alignées sur un muret, sans doute celles de fellagas, des combattants partisans de l’Algérie indépendante, détaille Isabelle, dont les jambes s’agitent nerveusement à cette évocation. J’ai beaucoup pleuré. J’étais assommée, percutée par l’émotion. J’ai vite rangé la boîte en entendant mes parents rentrer. Je suis convaincue qu’ils se sont aperçus que j’avais fouillé, mais ils n’ont rien dit. Je suis restée avec mes questions, sans oser leur parler. Je n’avais pas les outils pour faire face », raconte encore la retraitée.
Isabelle Vaha a aussi écrit un livre :
LA PETITE FILLE DE MOSTAGANEM
LA PETITE FILLE DE MOSTAGANEM Isabelle Vaha LITTÉRATURE ROMANS, NOUVEAUX TÉMOIGNAGES MAGHREB, MONDE ARABE, MOYEN ORIENT EUROPE Algérie France Une petite photo déchiquetée : Oran 1959. Un légionnaire en uniforme pose à côté d'une fillette en bonnet blanc : Isabelle Vaha. Mars 2002, son histoire vient la rattraper : celle d'un père tortionnaire en Algérie, dont elle découvre, gamine, la réalité dans une boîte à chaussures : des photos de scènes de tortures auxquelles il a activement participé. Une vie réduite à un "misérable tas de secrets" pour reprendre l'expression de Malraux où, dans sa famille, les mots sont aussi tranchants que les lames : "L'Algérie serait si belle sans les arabes!"