Les poussières de sable du Sahara étaient porteuses
de Césium-137, résidu d’anciens essais nucléaires
français
Quand la neige et le ciel du Haut-Doubs se parent des couleurs sahariennes. • © Pierre Barbey - ACRO
Quand un nuage de sable jaune orangé nous rappelle le passé. Du sable ramassé dans le massif du Jura a été analysé par un laboratoire près de Rouen en Normandie. On y retrouve des traces des essais nucléaires français au Sahara au début des années 60.
Pierre Barbey est spécialiste de la radioprotection à l’Université de Caen, il est aussi conseiller scientifique bénévole du laboratoire ACRO, l’association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest.
Le 6 février, lorsque le phénomène de nuages de sable du Sahara traverse la France, il est aux premières loges dans le massif du Jura dans le secteur de Chapelle des Bois (Doubs). “Ce jour-là, c'était très étrange, nous avons chaussé les raquettes tôt le matin, la neige était blanche, au fil de la balade tout a changé, ça a duré toute la journée. J’étais avec des amis qui étaient inquiets en voyant ces poussières ocres recouvrir le sol", raconte-t-il.
6 février 2021 - la neige et le ciel deviennent orange dans le massif du Jura, la tempête de sable du Sahara déverse de fines particules. • © Pierre Barbey - ACRO
Le scientifique pense très vite que ces poussières peuvent provenir du Sahara. Sur sa voiture, avec un kleenex, il prélève un échantillon. “Je me rappelle très bien qu’il y a 30 ans au moment de la création de l’ACRO (née après la catastrophe de Tchernobyl), nous avions déjà analysé du sable en provenance du Sahara. On y avait vu des traces de Césium-137. 30 ans après, je ne savais pas si on en aurait encore des traces, à une si lointaine distance du Sahara” ajoute le scientifique.
La voiture sur laquelle un échantillon de sable a été prélevé pour y chercher des traces de Césium-137, un élément radioactif issu des essais nucléaires. • © Pierre Barbey - ACRO
Que racontent les poussières prélevées dans le massif
du Jura ?
L’échantillon prélevé dans le Haut-Doubs a été analysé par le laboratoire de l’ACRO, les fines particules de sable ont parlé. “Le résultat de l’analyse est sans appel, du césium-137 est clairement identifié. “Il s’agit d’un radioélément artificiel qui n’est donc pas présent naturellement dans le sable et qui est un produit issu de la fission nucléaire mise en jeu lors d’une explosion nucléaire” explique l’ACRO.
Des traces de césium-137 sans danger pour notre santé
Selon l’ACRO, il est retombé 80 000 Bq au km2 de césium-137. Rien de dangereux pour notre santé, rassurez-vous. Le nuage a déversé ses anciennes traces de césium-137 partout où il est passé en France, note Pierre Barbey. Et pas uniquement sur les beaux paysages d’hiver du Jura.
Le nuage de sable venu du Sahara a changé la lumière du ciel, 6 février 2021, Besançon (Doubs). • © Ludovic Laude - maxPPP
Le scientifique explique que le césium-137 a une période de vie de 30 ans. Tous les 30 ans, il perd la moitié de sa teneur radioactive. “Au bout de 7 cycles de 30 ans, on considère qu’il ne reste que 1% de substances radioactives”.
Dans cette étude réalisée par l’ACRO, “il n’était pas question de dire qu’il y a une mise en danger de la population, mais de rappeler ce qu’a fait la France et d’autres pays” en terme d’essais nucléaires. Au Sahara, dans le Sud algérien, "la population vit avec ces traces de césium-137 au quotidien, certains terrains sont toujours fortement contaminés, cela donne une idée de la contamination de l’époque” rappelle Pierre Barbey.
Dans les années 60, la France a multiplié
les essais nucléaires au Sahara
Près de Reggane dans le Sud algérien la France réalise un premier essai nucléaire le 13 février 1960. La Gerboise bleue, nom de code de la bombe atomique explose à 7 heures du matin heures locales, sa puissance est de 70 kilotonnes, une explosion trois ou quatre fois plus puissante que celle des bombes d’ Hiroshima en août 1945.
L’Algérie est alors encore un département français. 17 essais nucléaires aériens et souterrains vont se dérouler en Algérie entre 1960 et 1966.
La France choisit ensuite la Polynésie pour continuer à faire ses essais nucléaires. Le 29 Janvier 1996, le Président Jacques Chirac annonce la fin définitive des essais nuclaires français lors d'une allocution télévisée.
60 ans après les tirs nucléaires en Algérie, ces traces d’essais nucléaires nous reviennent comme un boomerang
“L’épisode du 6 février constitue une pollution certes très faible, mais elle s’ajoutera aux dépôts précédents, essais nucléaires des années 60 et retombées de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl” le 26 avril 1986, rappelle le laboratoire Acro.
Derrière le nuage de sable du Sahara qui a traversé le ciel début février, et fait le bonheur des réseaux sociaux avec ses images aux tons incroyablement orangés, l’histoire est un peu moins belle. Un souvenir “radioactif” que beaucoup d’entre nous ne soupçonnaient pas.
Archives - 1960 - La gerboise bleue
Les conséquences des essais nucléaires réalisés par la France dans le désert algérien, au début des années 60, sont toujours aussi néfastes sur la santé des citoyens du Sud. C’est ce que révèle une étude menée récemment en France, suite à la tempête de sable qui a touché, début février, une bonne partie de l’Hexagone.
Les analyses effectuées sur la poussière du sable algérien par l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO) a révélé la présence de traces de Césium-137, a rapporté, ce samedi 27 février, le journal français Le Parisien.
« Il s’agit d’un radioélément artificiel qui n’est pas présent naturellement dans le sable et qui est un produit issu de la fission nucléaire mise en jeu lors d’une explosion nucléaire », précise l’ACRO. Cette dernière a relié la présence de cette substance aux essais nucléaires français menés de 1960 à 1966 en Algérie, précise le quotidien français.
Cette matière contenue dans le sable qui a envahi l’air français, le 6 février, à cause du vent provenant du Sud, n’est pas aussi dangereuse sur la santé de la population française, rassure-t-on. En revanche, elle constitue une menace permanente pour les populations du Sud algérien.
« Les risques sont pour les gens sédentaires ou nomades de la région du Sahara. Eux, ils ont cet environnement, qui est constamment pollué depuis longtemps. Nous, ce n’est qu’un passage », a alerté Pierre Barbey, un spécialiste de la radioprotection à l’Université de Caen, et conseiller scientifique bénévole du laboratoire ACRO, cité par Le Parisien.
C’est dire que les retombées désastreuses des essais nucléaires menés par l’armée française sur le sol algérien, et qui ont fait plusieurs victimes à l’époque, sont toujours d’actualité. Ce dossier sensible constitue d’ailleurs l’un des principaux contentieux mémoriels entre Alger et Paris.